Pays enclavé d’Asie du Sud-Est, sans accès à la mer, le Laos fut longtemps le pays du monde avec le moins d’infrastructures de transport. Mais, depuis décembre 2021, la ligne de chemin de fer de la Laos-China Railway traverse le nord du pays sur 414 km entre la frontière chinoise et la capitale Vientiane, non loin de la frontière avec la Thaïlande. Construite par les Chinois, elle fait peser sur le pays une dette difficilement soutenable, mais constitue néanmoins une véritable révolution !
Sur le quai, à chaque nouveau départ, le même rituel. On prend la pause devant la voiture, des compagnons de voyage immortalisent cet instant historique : le tout premier trajet en train. Certains ont une petite appréhension au moment d’embarquer à bord de leur voiture. Des hôtesses, masquées et portant des lunettes de protection, donnent les consignes avec fermeté. Les hésitants s’engouffrent finalement dans la voiture, pressés par d’autres voyageurs plus sûrs d’eux. L’automotrice à la livrée rouge, blanche et bleu – les couleurs du drapeau laotien – peut accueillir jusqu’à 720 passagers. Elle vient de Boten, dans le nord du pays, à la frontière chinoise, et se dirige vers Vientiane, la capitale.
Le Laos découvre le train. A l’intérieur, l’émerveillement est toujours d’actualité. Ici, la plupart des voyageurs ne sont pas blasés, ils ne vivent pas leur trajet plongé dans leur téléphone portable ou dans les bras de Morphée. Si les téléphones portables sont sortis, c’est pour se prendre en photo confortablement installé à sa place ou pour filmer le paysage qui se déroule sous les yeux. La vitesse est grisante. 160 km/h en vitesse de pointe (le réseau permet également aux trains de fret de rouler jusqu’à 120 km/h). Si on est loin de la grande vitesse ferroviaire, ces performances représentent un bond immense pour le pays. Jamais un transport terrestre n’était allé aussi vite au Laos.
Les trains circulant sur la ligne Vientiane – Boten offrent aux voyageurs trois catégories de prix. Voiture de 1ʳᵉ et 2ᵉ classe pour les automotrices et classe normale pour les trains ordinaires, plus lents. Les prix sont élevés. Par exemple, pour un aller entre Vientiane et Luang Prabang, la 1ʳᵉ classe coûte 383 000 Kip (près de 21 euros), la 2e classe 242 000 kip (13 euros) et la place dans un train ordinaire 172 000 kip (9,40 euros). Des sommes que la plupart des Laotiens ne peuvent pas payer. Aujourd’hui, le train reste réservé aux classes moyennes supérieures et aux touristes. Mais l’arrivée du train a bouleversé le paysage du nord du pays et imprime de sa présence la rétine du paysan qui cultive sa terre comme celle du commerçant qui attend un chargement venu de Chine.