Avec un père mineur en Meurthe-et-Moselle, Jean-Michel Piernetz était destiné à suivre l’exemple paternel. Mais il en a été autrement car l’adolescent, attiré par le chemin de fer, a choisi d’intégrer la SNCF. Il y fera un beau parcours tout en exploitant un train touristique.
Dans le village de Mancieulles en Meurthe-et-Moselle, l’avenir de Jean-Michel Piernetz était tout tracé : il était destiné comme la majorité des jeunes de 14 ans à travailler dans la mine de fer de Saint-Pierremont dans les Vosges voisines. Seulement voilà, son père, qui est mineur, aime beaucoup voyager en train et lui rapporte, au retour de chacune de ses sorties, le magazine La Vie du Rail. Il n’en faut pas plus au gamin pour rêver d’évasion et de voyages au long cours… Rien d’étonnant donc à ce qu’il veuille s’orienter vers le chemin de fer, dont une ligne passe à proximité du nid familial.
A la surprise générale, le petit Lorrain écarte la mine pour choisir la SNCF. Le 1er septembre 1964, il est accepté comme élève d’Exploitation en gare de Mancieulles et de Briey où, trois années plus tard, il passe avec succès l’examen de facteur enregistrant et obtient son premier poste fixe sur ses terres. Il en tire alors une grande satisfaction personnelle. « Nous avions une formation très pointue de tous les métiers de l’Exploitation : la voie unique, la double voie, la circulation des trains, la sécurité, la taxe des colis et des wagons, la comptabilité et les réclamations. La formation d’élève était très valorisante », raconte-t-il.
Une feuille de route bien remplie
Sa première affectation est à Bouligny dans la Meuse et ce, jusqu’au service militaire qu’il effectue dans la musique principale du 151 RI de Metz. Au sortir de l’armée en 1970, il réintègre la SNCF en gare d’Hussigny, où il sera nommé facteur enregistrant de 1re classe dès l’année suivante. A 21 ans, le jeune cheminot aventureux et volontaire devient intérimaire et accepte « toutes les affectations qu’on me proposait », dit-il.
« Cette façon de travailler, pas toujours facile, était très formatrice avec de nom- breux mouvements à différents horaires, de jour comme de nuit. J’ai travaillé dans les gares de la circonscription d’Exploitation de Longwy jusqu’à La- mouilly, à la limite de la Meuse et des Ardennes. » Après Bouligny, il continue d’évoluer au sein de l’entreprise : intérimaire de 3e classe à Joudreville, intérimaire de 2e classe le 1er juin 1973 à Hayange, puis, lors d’un stage de deux ans, il s’aguerrit en occupant successivement des postes à responsabilités. « J’ai été agent de circulation à Longuyon, chef de gare à Pagny-sur-Moselle et à Morhange, responsable de formation et chef de poste de commandement du triage à Woippy, et aussi adjoint d’assistant en établissement à Longwy et chef de service sur les quais de Thionville », énumère l’ancien cheminot.
Au terme de ces deux années, il accède à la maî- trise en réussissant l’examen de contrôleur technique Inspection Mouvement en 1975 à Metz. Il devient alors chef de gare de 1re classe à Béning-lès-Saint- Avold en 1978. C’est en 1980 que les portes de la gare de Metz lui sont ouvertes. Il sera inspecteur de 2e classe adjoint au poste de commandement, puis de 1re classe (1981) et chef de gare principal hors classe (1986) à Metz-Lignes avant de devenir le chef du PC de la gare messine en 1989. « En 1992, j’ai participé à la fusion des PC de Metz et de Nancy, puis j’ai été muté à Clermont-Ferrand comme chef de PC. »
En 1999, il intègre la direction du Fret à Paris, où il accède au grade de cadre supé- rieur en 2005 pour atteindre une retraite bien méritée en 2006. « Mes postes les plus satisfaisants ont été sans aucun doute sur les quais à Thionville où pas- saient les trains allemands, belges, luxembourgeois et autres. Cela m’a per- mis de travailler avec les administra- tions étrangères. Puis, mon poste de commandement à Metz lorsque nous avons été affectés plus d’une dizaine d’années (en discontinuité) par la crise sidérurgique et ses mouvements sociaux très durs : les voies étaient bloquées par des minerais et du charbon déversés par les grévistes », se souvient-il. « Je citerais aussi la direction du Fret à Paris avec ses grands projets qui m’ont permis de voyager dans toute la France ou presque et de représenter la SNCF à l’étranger. »
L’aventure des trains touristiques avec l’autorail X 2403
Dans les années 1970, Jean-Michel ajoute un plus à sa passion du chemin de fer en devenant correspondant de presse pour La Vie du Rail. Un beau jour, le journal lui propose de tenir son stand lors d’une exposition de modélisme à Metz, organisée par l’As- sociation lorraine d’exploitation et de modélisme ferroviaire (ALEMF). Celle-ci exploite alors une petite ligne entre Étival et Senones dans les Vosges. Jean-Michel est invité à la visiter. Là, il a le coup de foudre et adhère illico à l’association.
A l’époque, il profite sou- vent d’une villégiature en Occitanie. Dans les pages de La Vie du Rail, il découvre un projet de sauvetage de la locomotive à vapeur 141 R 1126, une machine exposée à Narbonne au bord de la RN9. L’association éponyme qui la possède souhaite la faire rouler sur une petite ligne à voie unique reliant Narbonne à Bize dans le Minervois, mais la SNCF s’y oppose. Jean-Michel décide d’intervenir et propose de faire rouler un autorail à la place. Il s’en va prospecter dans les Ardennes et trouve au dépôt de Mohon, un autorail Picasso X 3800 réformé. Le cheminot devient le président de l’association jusqu’en 1999, année de sa mutation à Paris à la direction du Fret. Mais entre- temps, il a été contacté par les Chemins de fer de la Haute Auvergne (CFHA), basés à Riom-ès-Montagnes dans le Cantal. L’association souhaite faire rouler un train touristique sur la ligne reliant Bort-les-Orgues à Neus- sargues, une ligne que la SNCF vient de fermer. Ce train est devenu depuis le fameux Gentiane Express.
Depuis, l’autorail mythique X 2403 a renforcé le parc de l’association auvergnate. « Notre train est le dernier de ce type autorisé à circuler sur toutes les lignes du réseau ferré national », se réjouit Jean-Michel Piernetz. « C’est ainsi que l’on peut faire des voyages circulaires à l’exemple d’un Bergerac – La Rochelle – Les Sables-d’Olonne-sur- Mer – Tours et retour. » Il a assuré la présidence des CFHA jusqu’en 2021 (Tristan Brohan, qu’il a lui-même formé, lui a succédé). Aujourd’hui, il est un président d’honneur comblé, in- vesti tout de même comme de l’asso- ciation qui vient de fêter ses trente ans d’existence. Le parcours professionnel de cet homme, muni “seulement” d’un certificat d’études primaire en poche, fait figure d’exemple. Mais un tel par- cours relève d’une époque aujourd’hui révolue…