6,93 

UGS : HR08 Catégories : ,

Description

Historail
trimestriel
n° 8
janvier 2009
Hygiène et santé des cheminots
Historail
Historail
(N° 8)
janvier
2009
9,90
trimestriel
F:
OSSIER
Hygiène et santé des cheminots
Petite histoire des gares
de Paris-Montparnasse en images
Promenade sous les halles
de gare à travers la carte postale
De l’embarcadère
du Champ-de-Mars à la gare électrique de Bois-Colombes
Les 40ans
Les 40ans
de l’Ajecta
OSSIER
Hygiène et santé des cheminots
Le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare
Petite histoire des gares
de Paris-Montparnasse en images
Promenade sous les halles
De l’embarcadère
du Champ-de-Mars à la gare électrique de Bois-Colombes
Vous pouvez commander par téléphone au 01 49 70 12 57
ou par Internet : www.laviedurail.com
Réf. : 120 714
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Réf. : 120 772
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Réf. : 120 892
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Réf. : 120 806
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Réf. : 120 963
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Réf. : 120 899
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Réf. : 120 745
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Réf. : 120 790
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Réf. : 120 839
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Réf. : 120 848
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Réf. : 120 817
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Mémoires ferroviaires en images
Réf. : 120 895
26

DÉPÔTS ET TENDERS de locomotives des
compagnies françaises
L’autonomie limitée des locomotives à vapeur obligea les compagnies ferroviaires à les
entourer de dépôts. Ils permettaient le ravitaillement en eau, charbon et sable. Le tender,
quant à lui, était l’élément indispensable au fonctionnement de la locomotive à vapeur, il
permettait d’emporter de 5 000 à 38 000 litres d’eau et de 1 000 à 9 000 kilos de charbon.
Format : 165 mm x 235 mm. 128 pages.
Réf. : 120 983
26

Réf. : 120 771
26

Janvier 2009
Historail
Editorial
Chaque nouvelle année est propice à la mise en lumière de dates anniversaires.
Ce numéro d’
Historail
en offre deux : les 120 ans du Grand Hôtel Terminus
de Saint-Lazare ouvert en 1889 et les 40 ans de la nouvelle gare
de Maine-Montparnasse inaugurée en 1969 ; trois même si nous prenons
en compte les presque 130 ans (à une année près) de l’embarcadère du
Champ-de-Mars livré en 1878.
La recherche de ces rendez-vous avec l’histoire est un petit jeu auquel
je me prête volontiers, trouvant là un agréable subterfuge pour revisiter
périodiquement notre histoire ferroviaire. J’ai ainsi relevé pour les décennies
en 9 bien d’autres événements. Lourds de conséquences pour les uns telles la
réduction à six du nombre des grandes compagnies en 1859, l’adoption du
plan Freycinet en 1879 ou encore la constitution du réseau de l’Ouest-Etat en
1909 ; plus anecdotiques pour les autres, comme les premiers essais
d’éclairage des voitures par dynamo en 1899 ou, plus proche de nous,
l’inauguration du nouveau siège de la SNCF en 1999.
En fait, la liste peut s’avérer très courte ou très longue en fonction
des préoccupations et de la sensibilité de chacun. La municipalité de Vincennes
pourrait, par exemple, envisager de commémorer en septembre prochain
les 150 ans de l’arrivée du chemin de fer dans ses murs sans susciter
un quelconque intérêt à l’autre bout du département…
Comme quoi les sujets ne manquent pas. Je n’en dirai pas autant des auteurs.
Avis aux amateurs !
Bruno Carrière
I
Un exercice annuel:
les dates anniversaires
I
4-
Historail
Janvier 2009
Sur cette photo extraite d’un ouvrage publié par Larousse vers 1900
(Paris-Atlas
de Fernand Bournon), la gare du Champ-de-Mars vit
ses dernières heures avant sa fermeture définitive en juin 1894. A gauche, séparé du BV par une courette arborée, le buffet.
Coll. P. Tullin
Transférée vers 1897 à Bois-Colombes, impasse des Carbonnets, pour abriter des ateliers de la Compagnie de l’Ouest, l’ancienne gare du
Champ-de-Mars est partiellement réactivée (aile gauche) entre 1924 et 1936 pour servir de «gare électrique» aux rames Standard omnibus
expédiées depuis Paris – Saint-Lazare , la desserte des au-delà étant assurée par les trains vapeur directs Saint-Lazare – Bois-Colombes.
Janvier 2009
Historail
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Vincent Lalu
SECRETAIRE GÉNÉRAL
François Cormier
RÉDACTEUR EN CHEF
Bruno Carrière
DIRECTION ARTISTIQUE
AMARENA
CHEF D’ÉDITION
François Champenois
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Pascale Cancalon
RÉDACTRICE GRAPHISTE
Marie-Laure Le Fessant
ONT COLLABORÉ
Georges Ribeill (conseiller
éditorial), Frédéric Course,
Pierre Thomas, Bernard Toupance,
Pierre Tullin, Joanne Vajda.
PUBLICITÉ
Kiraouane Belhadri
VENTE AU NUMÉRO
Françoise Bézannier
SERVICE DES VENTES RÉSEAU
Victoria Irizar
ATTACHÉE DE PRESSE
Nathalie Leclerc (Cassiopée)
INFORMATIQUE & PRODUCTION
Robin Loison
Informatique: Ali Dahmani
Prépresse: Vincent Fournier,
Kouadio Kouassi, Simon Raby
IMPRESSION
Aubin imprimeur, Ligugé (86)
Imprimé en France
Historail
est une publication
des Éditions La Vie du Rail,
Société anonyme au capital
de 2 043 200 euros.
PRÉSIDENT DU CONSEIL
D’ADMINISTRATION
Vincent Lalu
PRÉSIDENT D’HONNEUR
Pierre Lubek
PRINCIPAUX ACTIONNAIRES
SNCF,
Le Monde, Ouest-France
France Rail, VLA.
Durée de la société: 99 ans
RCS Paris B334 130 127
Numéro de commission paritaire:
Siège: 11, rue de Milan
75440 Paris Cedex 09
Tél.: 01 49 70 12 00
Fax: 01 48 74 37 98
Le titre
Historail
a été retenu
avec l’autorisation du musée
du chemin de fer HistoRail
de Saint-Léonard-de-Noblat
Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
(N° 8)
janvier
2009
9,90
trimestriel

OSSIER
Hygiène et santé des cheminots

Le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare

Petite histoire des gares
de Paris-Montparnasse en images

Promenade sous les halles
de gare à travers la carte postale

De l’embarcadère
du Champ-de-Mars à la gare électrique de Bois-Colombes
Les 40ans
de l’Ajecta
Les 40ans
de l’Ajecta
Sommaire
Services
– LeGrandHôtelTerminusSaint-Lazare
Gare
– Petite histoire des gares de Paris-Montparnasse
en images
Dossier
Hygiène et santé des cheminots
La lutte contre l’alcoolisme dans les chemins de fer.
Une ambition louable mais pas toujours soutenue
Les «empêcheurs de boire en rond».
De la Société antialcoolique à la Santé de la Famille
Vives controverses sur une prétendue «maladie
spéciale des mécaniciens et chauffeurs» (1857-1861)
Témoignage. Une visite «d’incorporation»
à la SNCF après-guerre
1947, l’Hygiaphone terrasse les «corpuscules
de Pflügge»
Architecture
– Promenade sous les halles de gare à travers
la carte postale
Curiosité
– De l’embarcadère du Champ-de-Mars à la gare
électrique de Bois-Colombes
Mémoire
– Il y a 40ans naissait l’Ajecta
Courrier
– A propos de la SE-CFTA
Livres
En couverture: De retour de Troyes, la 141 TB 407 de l’Ajecta fait son entrée à Paris-Est
en cette soirée du 6octobre 2007. (Photo: Sylvain Lucas)
6-
Historail
Janvier 2009
Un secret bien gardé
La construction de l’hôtel Terminus
s’inscrit dans un projet plus vaste qui
vise à agrandir la gare Saint-Lazare et
à dégager ses abords. Les négocia-
tions menées à cet effet avec les pou-
voirs publics par la Compagnie de
l’Ouest sont mentionnées dans son
rapport aux actionnaires en date du
31 mars 1885. Ce rapport fait état du
concours apporté par la Ville de Paris
aux importantes opérations de voirie,
notamment l’élargissement à 30m
de la rue Saint-Lazare entre les rues
de Rome et d’Amsterdam et l’amé-
nagement d’une rue intérieure de
18m de largeur, parallèle à la rue
Saint-Lazare, destinée à mettre en
communication la cour de banlieue,
à l’angle de la rue de Rome, et celle
des grandes lignes, à l’angle de la rue
d’Amsterdam. Mais d’allusion à un
hôtel, aucune.
Les premières indiscrétions ont com-
mencé à filtrer un an plus tôt, lorsque
Le Figaro
révèle dans son édition du
19 juin 1884 qu’il croit savoir que la
Compagnie de l’Ouest entend faire
construire devant la gare Saint-Lazare
«un édifice monumental qui, vrai-
semblablement, sera un hôtel»
. Et de
préciser:
«Une société anglaise au-
rait, dit-on, déjà fait des propositions
pour l’édification et l’aménagement
de cet hôtel dont les proportions, le
luxe et le confort dépasseront tout ce
qui s’est fait jusqu’à ce jour.»
Les pouvoirs publics eux-mêmes sem-
blent avoir ignoré longtemps les in-
tentions de la Compagnie de l’Ouest.
Personne n’a saisi l’ambiguïté des
plans que la compagnie fournissait,
sur lesquels un rectangle hachuré por-
tant la mention
«constructions parti-
culières»
figurait entre les cours de
Le Grand Hôtel
Terminus Saint-Lazare
Quinze mois ont suffi à la construction de l’hôtel
Terminus Saint-Lazare, inauguré le 7 mai 1889, au
lendemain même de l’ouverture de la 4
Exposition
universelle de Paris. Etablissement de luxe édifié à
l’initiative de la Compagnie des chemins de fer de
l’Ouest, il est donné en location à la future Société
du Louvre, qui en fit un des hauts lieux de la vie
mondaine parisienne. La passerelle (aujourd’hui
condamnée) jetée entre le premier étage de l’actuel
hôtel Concorde Saint-Lazare et la salle des pas
perdus de la gare Saint-Lazare rappelle les rapports
étroits qui liaient les deux bâtiments.
Services
Photorail
Janvier 2009
Historail
Rome et du Havre, à l’emplacement
du futur hôtel, ce qui pouvait laisser
croire qu’il s’agissait de constructions
existantes à démolir. Selon l’ingénieur
civil Georges Petit, tout le monde a
été dupe de cette représentation gra-
phique. Il l’écrit ouvertement en
1886:
«Voyez les journaux illustrés,
qui, tous, en 1885, d’après les docu-
ments obligeamment fournis par la
Compagnie de l’Ouest, ont donné en
grandes gravures les dessins des “tra-
vaux de la nouvelle gare Saint-Lazare”,
tous, sans exception, ont supposé
complètement enlevé ce déplorable
pâté de constructions particulières;
tous […] ont supposé une belle
grande place sillonnée de voitures, en-
combrée de piétons.»
En fait, l’équivoque subsiste bien
après.
L’Encyclopédie d’architecture
publie encore en 1888 une perspec-
tive de la gare Saint-Lazare devant
laquelle l’hôtel n’apparaît toujours
pas! D’autres publications cherchent
une justification à cette confusion.
Construction moderne
explique ainsi
en septembre 1887 que la Compa-
gnie de l’Ouest ne fait que reprendre
un ancien projet d’hôtel abandonné
à la demande de la Ville de Paris, par-
tisane d’une vaste place de dégage-
ment devant la gare, dessein auquel la
municipalité aurait finalement renoncé
face à l’indemnité réclamée par la
compagnie…
En vérité, il semble bien que la Ville
de Paris n’ait pas saisi toute la portée
du traité signé le 12 janvier 1885 avec
la compagnie pour le dégagement
des abords et accès de la gare Saint-
Lazare. Elle y a vu l’occasion de mener
à bien une opération qu’elle étudiait
depuis 1878, sans se douter un ins-
tant que derrière le terme
«avant-
corps»
évoqué par le document se
dissimulait le futur hôtel. Le plus fâ-
cheux dans cette affaire est que la
compagnie avait besoin de son
concours en vue de l’expropriation
des constructions à démolir. D’ailleurs,
forte de cette expérience, la ville ten-
tera par la suite de s’opposer, sans
succès, à des opérations similaires,
telle la construction d’un hôtel à la
gare d’Orsay en 1897.
Une idée en gestation
depuis 1882
Un article paru dans
Le Gil Blas
28janvier 1888 sous la plume de Paul
Royer explique que c’est à Edward
Blount, président du conseil d’admi-
nistration de la Compagnie de l’Ouest,
que serait revenu
«l’honneur d’avoir
conçu, dès 1882, la pensée de doter
Paris d’un véritable hôtel de gare
comme en possèdent plusieurs autres
Photorail
Chromo-
lithographie
du nouvel hôtel
Terminus
Saint-Lazare.
Cernée de
«constructions
particulières»,
l’ancienne gare
Saint-Lazare (au
fond) avant sa
transformation
dans les années
1880.
Services
[ le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare ]
capitales».
Le projet semble effecti-
vement avoir été longuement mûri,
comme le confirme une lettre du fils
de l’ingénieur-architecte Emile Lavez-
zari (initialement chargé de la concep-
tion de l’hôtel Terminus) parue dans
Génie civil
du samedi 7 juillet 1888:
«L’administration de la Compagnie
des chemins de fer de l’Ouest, dési-
rant créer dans Paris un hôtel terminus
analogue à ceux qui existent chez nos
voisins, envoyait, en 1881, M.Lavez-
zari en Angleterre. Là, il put se livrer
sur place à une série d’études com-
paratives et rapporter en France de
nombreux documents qui lui permi-
rent de préparer utilement l’élabora-
tion d’un travail aussi complexe. De-
puis cette époque jusqu’en 1886,
différents projets furent étudiés; ce
n’est qu’en 1887, alors que les for-
malités relatives à l’expropriation des
locataires des immeubles appartenant
à la Compagnie de l’Ouest furent ter-
minées, que le projet fut arrêté d’ac-
cord avec l’ingénieur des Grands Ma-
gasins du Louvre, qui devaient être
8-
Historail
Janvier 2009
Démolition
de l’ancienne
façade de la
gare Saint-
Lazare en 1888.
En avant de la
nouvelle façade
en construction,
le terre-plein sur
lequel s’élèvera
l’hôtel Terminus.
L’Illustration/Photorail
Coll. VB Ouest/Photorail
Janvier 2009
Historail
plus tard les locataires de l’hôtel.»
Les actionnaires de la Compagnie de
l’Ouest ne prennent connaissance du
projet qu’à l’occasion de l’assemblée
générale du 31 mars 1888. Le rap-
port d’activité distribué ce jour-là re-
vient sur l’achat des terrains néces-
saires à l’extension de la gare,
opération préparée de longue date
qui lui a permis notamment
«d’ac-
quérir, par une série de traités amia-
bles, la totalité de l’îlot en façade sur
la rue Saint-Lazare»
sans recourir au
procédé coûteux de l’expropriation.
Ce qui n’est pas tout à fait exact. En
effet, si la compagnie s’est bien rendu
acquéreur des immeubles en ques-
tion, il lui a fallu néanmoins indemni-
ser les locataires contraints de quitter
les lieux, d’où sa demande transmise
au préfet de la Seine en janvier 1887
visant la réunion d’un jury d’expro-
priation. Quoi qu’il en soit, revenant
sur cet épisode le 29 mars 1889, elle
ne cachera pas sa satisfaction:
«On
peut apprécier le succès de l’opéra-
tion en comparant le prix moyen de
1500francs, auquel nous revient le
mètre de terrain acquis de la sorte, en
bordure de la rue Saint-Lazare, avec
le prix moyen de 3500francs par mè-
tre qui ressort de l’expropriation pour-
suivie rue d’Amsterdam par les soins
de la Ville de Paris.»
Le 31 mars 1888, toujours, la com-
pagnie révèle qu’après avoir prélevé
les surfaces nécessaires à l’élargisse-
ment de la rue Saint-Lazare et l’ex-
tension des dépendances de la gare, il
lui était resté un terrain de 3200m
surface qu’il était urgent d’aménager
de la façon la plus favorable:
«Pour
cela, nous avons entrepris l’édification
de vastes constructions à usage de
boutiques sur le pourtour du rez-de-
chaussée, et d’hôtel terminus pour le
surplus. Mais nous n’avons engagé la
dépense qu’après nous être assurés,
dans les meilleures conditions de ga-
rantie, un revenu très convenable, en
donnant à loyer ces constructions,
pour une durée de 25 ans, à la so-
ciété Hériot et Cie, qui exploite l’hôtel
et les Grands Magasins du Louvre.»
La première pierre du bâtiment est po-
sée le 26 janvier 1888. A peine com-
mencé, le chantier attire tous les re-
gards. C’est ainsi que, dès le mois de
juin, le congrès annuel des Architectes
français s’ouvre avec une visite des
chantiers de la gare et de l’hôtel. Cette
visite est conduite par Juste Lisch en
personne. Le 8 avril 1889, le président
de la République, Sadi Carnot, se rend
à son tour sur les lieux, accompagné
du ministre des Travaux publics, Yves
Guyot. Le président se penche sur les
installations de la gare, puis parcourt
les salons inachevés de l’hôtel, tou-
jours guidé par Juste Lisch.
«Ce n’était
pas une inauguration officielle, mais
une simple visite de ces travaux gi-
gantesques auxquels M.Carnot s’in-
téressait à la fois comme ingénieur et
comme chef de l’Etat»
, précise la re-
vue
L’Architecture
. Reste que, selon le
journal
Le Temps
, cette
«simple vi-
site»
s’achève à la manière d’une
inauguration, avec distribution de ré-
compenses et discours…
Quelques protestations
d’ordre esthétique
Les travaux de dégagement de la gare
Saint-Lazare ne préoccupent pas outre
mesure l’opinion publique. C’est du
moins ce qui ressort de l’enquête lan-
cée au préalable. La construction de
l’hôtel proprement dite ne fait l’objet
d’aucune observation. Par la suite, des
protestations s’élèveront, mais pour
des raisons purement esthétiques. La
seule opposition immédiate est celle
des maîtres d’hôtel, opposés au fait
qu’une compagnie de chemin de fer
Photorail
Musée Carnavalet, Cabinet des Estampes/Photorail
Bordé par la
cour du Havre et
le corps central
de la gare Saint-
Lazare, l’hôtel
Terminus au
début du siècle
dernier. On
discerne bien
les arcades du
rez-de-chaussée
occupées
par différents
commerces.
Vue reprenant
les diverses
composantes
des emprises
ferroviaires du
quartier : l’hôtel,
la gare, les
halles, le pont
de l’Europe.
Services
[ le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare ]
10-
Historail
Janvier 2009
Cinq étages,
500 chambres
et salons.
La coupe révèle
bien l’escalier
à double volée,
l’«un des plus
riches motifs
d’ornementation»
des lieux.
En arrière du hall
salon, la pièce
servant de
réceptacle à la
passerelle de
communication
avec la gare.
Coll. Joanne Vajda
Le Génie Civil/Photorail
Janvier 2009
Historail
puisse s’instituer exploitant hôtelier.
Selon la pétition qu’ils lancent, le futur
hôtel risque de porter une atteinte
grave à l’industrie hôtelière. Mais leur
mécontentement ne rencontre pas un
très vif écho.
Revenons sur les protestations d’or-
dre esthétique. Par son emplacement,
l’hôtel forme obstacle à la perception
de la façade principale de la gare. Ceci
est plutôt surprenant à une époque
où les gares sont conçues comme des
monuments à la gloire de l’industrie
dans la ville, qu’il est impensable de
cacher. En 1886, Georges Petit
s’étonne qu’
«une des plus belles fa-
çades de gare de chemin de fer»
soit
ainsi occultée. La lettre adressée au
conseil municipal de Paris par Charles
Garnier, président de la Société des
amis des monuments parisiens et ar-
chitecte de l’Opéra, va dans le même
sens. Garnier explique que la
«partie
centrale, si bien composée, ne pour-
rait plus se voir»
et ajoute que
«si les
convenances artistiques amènent
chaque jour au dégagement des
abords des anciens monuments, on
ne comprend pas qu’un nouvel édi-
fice soit au contraire déjà masqué dès
sa construction»
La presse est divisée. Si la majorité
des publications, telle
L’Illustration
se réjouissent à l’idée que Paris puisse
avoir enfin un hôtel terminus comme
d’autres grandes villes anglaises, al-
lemandes et même françaises, cer-
taines se montrent plus critiques dans
un sens ou dans l’autre.
Le Figaro
7décembre 1887 publie ainsi un pa-
pier d’Arthur Heulhard qui se veut
catégorique:
«J’ai entendu des per-
sonnes, au courant de la situation,
exprimer des réserves, des craintes
même sur l’effet architectural que
produira le bâtiment du Terminus-
Hôtel, placé comme en vedette, de-
vant la gare. C’est justement sur
cette construction détachée que
comptent l’ingénieur et l’architecte
pour relever la masse des construc-
tions d’un air d’élégance et de légè-
reté.»
A l’inverse,
Le Temps
(4 janvier
1889) estime que l’hôtel produit un
effet disgracieux.
La presse architecturale est aussi ré-
servée, à l’exemple de l’
Encyclopédie
Architecte de la gare
Saint-Lazare, Juste
Lisch est aussi consi-
déré comme celui de
l’hôtel. Or deux articles
publiés par
Le Génie
civil
et
La Nature
1888 évoquent le rôle
important joué par
l’architecte Emile
Lavezzari dans la
conception du projet.
Ceci est confirmé par la
nécrologie que publie
La Construction
moderne
1887, à la mort de ce
dernier. Ces écrits nous
apprennent que Lavez-
zari avait été envoyé
dès 1881 en Angleterre
par la Compagnie de
l’Ouest pour étudier les
hôtels de gare. De fait,
ses observations sem-
blent bien avoir servi
pour la conception du
Terminus. Il s’en serait
suivi un projet, arrêté
en 1887 en accord avec
la Société du Louvre, et
la décision, reçue au
mois de juin 1887, de
lui en confier officielle-
ment la réalisation. Et
ce n’est qu’à la suite de
son décès, survenu en
juillet 1887, que Juste
Lisch aurait été pres-
senti. Ce que confirme
Le Soir
dans son édi-
tion du 20 septembre
1888, en informant ses
lecteurs que les travaux
de l’hôtel sont exécutés
sous la direction de
Lisch et de Vireau,
architectes de la
Compagnie de l’Ouest,
sur les indications de
MM.Honoré et Stadler,
ingénieur et architecte
des Magasins du
Louvre
». On peut donc
s’interroger sur la
contribution respective
de Lavezzari et de
Lisch. Ainsi, lors de la
présentation du chan-
tier, à l’occasion du
congrès des Architectes
de 1888, le second ex-
prime son mécontente-
ment concernant l’em-
placement de l’hôtel et
explique qu’il s’agit
n’aurait pu modifier.
Emile Lavezzari (?-
1887) fait partie des
sept rédacteurs archi-
tectes-ingénieurs de la
Revue générale de
l’architecture et des
travaux publics
dirigée
par César Daly. Sa spé-
cialité est l’architecture
hospitalière balnéaire
(Berck-sur-Mer).
Juste Lisch (1828-1910)
travaille pour l’Assis-
tance publique et la
Compagnie de l’Ouest.
Il construit plusieurs
gares parisiennes
(Champ-de-Mars, Saint-
Lazare, Invalides, Bois-
de-Boulogne et Javel).
Un autre architecte,
Henri Pacon (1882-
aussi les gares de
Chartres et du Havre et
dont le nom est lié à la
décoration des paque-
bots, procédera à des
transformations de
l’hôtel Terminus. Celles-
ci seront engagées en
1934-1935, à l’initiative
de Raoul Dautry, alors
directeur du réseau
des Chemins de fer
de l’Ouest-Etat.
Deux architectes pour un hôtel
D’aucuns s’étonnent que l’«une des plus belles
façades de gare» soit ainsi occultée.
Services
[ le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare ]
12-
Historail
Janvier 2009
Une dépendance de la gare
Premier hôtel terminus parisien, le bâtiment occupe une
parcelle rectangulaire d’environ 40m x 95m. Construc-
tion de cinq étages isolée sur ses quatre faces, sa spécificité
consiste en sa relation particulière avec la gare, assurée
par une passerelle qui relie la salle des pas perdus au pre-
mier étage. La remise en cause temporaire du permis de
construire pour non-respect de la réglementation urbaine
donne l’occasion à Juste Lisch de défendre l’unité archi-
tecturale de l’ensemble hôtel-gare. «
La construction de
l’hôtel Terminus
, écrit-il,
est une dépendance directe de
la gare St-Lazare, […] ce bâtiment forme un ensemble
avec les différents services de la gare; […] il est indispen-
sable que son architecture se raccorde parfaitement avec
les constructions existantes; […] par conséquent, l’hôtel ne
peut être considéré comme une maison particulière, mais
bien comme une partie essentielle de la gare Saint-
Lazare.
» Ce qui n’empêche pas le recours à des éléments
empruntés aux immeubles de rapport haussmanniens, élé-
ments qui facilitent son intégration dans le paysage ur-
bain parisien. Cette appartenance à une même entité est
renforcée par la présence d’un buffet donnant sur la rue
intérieure et qui, bien que dépendant de l’hôtel, est atte-
nant à la gare.
Galeries et boutiques
Les arcades qui abritent des galeries ouvertes au public le
long des façades latérales assurent la liaison avec la ville.
Elles valorisent l’accès aux commerces qui entourent le
rez-de-chaussée: une succursale du Crédit lyonnais, un
magasin d’articles de voyage, un bureau de tabac, mais
aussi un bar à vin, un café et un restaurant indépendants
de ceux réservés aux clients de l’hôtel. Mais celui qui attire
le plus de monde est un négoce de vins et comestibles,
véritable bonheur pour la population parisienne
», cité
par de nombreux guides et publicités.
L’hôtel Terminus se singularise aussi par l’absence de cour
destinée aux voitures. Une particularité liée aux observa-
tions d’Emile Lavezzari: en Angleterre, aucun établisse-
ment du genre ne possède un tel espace. «
La cour,
pour-
suit-il,
est remplacée par un hall très grand, très décoré,
où les piétons sont seuls admis; c’est ainsi une sorte de
parloir, de salle des pas perdus, en relation immédiate avec
les différents services.
» L’endroit n’est pas sans rappeler
le hall-salon du château de Ferrières, propriété de James de
Rothschild, similitude qui pourrait s’expliquer par les rela-
tions qu’entretenaient probablement le baron et l’archi-
tecte. Il permet d’accéder au restaurant et à la table d’hôte,
espaces aménagés de part et d’autre et couverts d’une ver-
rière grâce à laquelle l’éclairage artificiel s’accompagne
d’un éclairage zénithal. Cette disposition autour d’un hall-
salon représente une nouveauté dans l’architecture des
grands hôtels parisiens, même si elle s’inspire fortement
de celle des hôtels de gare anglais. Autre originalité pour
l’époque, le choix de laisser visibles les procédés nouveaux
de construction faisant appel à l’utilisation du fer et de la
fonte (colonnes, arcs, traverses) souligne le rapport entre
l’hôtel et la gare. Alliés aux ornements classiques à base
de mosaïques et stucs peints, colonnes en fonte et arcs mé-
talliques marquent également la double référence au pa-
lais et à l’architecture industrielle.
Voir et être vu
Si, extérieurement, les accès à l’hôtel ont été traités dif-
féremment, priorité ayant été donnée à l’entrée côté rue
Saint-Lazare, soulignée par une travée en saillie et une
marquise, au détriment de l’entrée côté salle des pas per-
dus, intérieurement, l’architecte leur a accordé autant
d’importance. L’accueil par la rue Saint-Lazare est traité
Négoce de vins
et comestibles
en 1914. Le
plus réputé
des commerces
de l’hôtel : un
«véritable
bonheur pour
la population
parisienne».
Faire-part
d’invitation à
un banquet.
A l’exemple
de nombreux
autres
établissements
de la capitale,
l’hôtel
Terminus
était aussi
le siège de
divertissements
(concerts, bals)
très goûtés.
BHVP Actualités Série 77
Coll. Debuisson
Janvier 2009
Historail
de manière classique: elle offre aussitôt à la vue le hall-sa-
lon, dont la position centrale permet à la fois de tout voir
et d’être vu. Le voyageur arrivé depuis la gare par la pas-
serelle fait une apparition plus spectaculaire: la vue plon-
geante sur le hall-salon dont jouit le nouvel arrivé depuis
le premier étage lui donne un ascendant sur les hôtes déjà
là. Un escalier à double volée, nommé aussi quelquefois
«grand perron», l’«
un des plus riches motifs d’orne-
mentation
» des lieux, contribue à la mise en scène, le pa-
lier intermédiaire permettant en outre de marquer un
moment d’arrêt dans la descente afin d’accentuer la théâ-
tralité du mouvement.
Le hall-salon est surplombé par deux niveaux de loggias,
discrets postes d’observation. Obtenus par le percement
des parois des galeries menant aux chambres, ces «
balcons
étagés […] où des groupes isolés jouissent du spectacle
commun
» sont très goûtés. «
Ces loges sont une mer-
veille, spécifie la plaquette distribuée lors de l’ouverture de
l’hôtel. C’est le salon privé mis à la disposition du voya-
geur qui a quelque ami à recevoir.
Les transformations entreprises à partir de 1934 par Henri
Pacon dans le cadre plus large d’un réaménagement de la
gare Saint-Lazare décidé par Raoul Dautry consistent es-
sentiellement en la création d’espaces «à thèmes». Se-
lon Gérard Monnier, son biographe, les travaux se sont
déroulés en deux étapes. La première a porté sur le dé-
placement du restaurant et l’aménagement d’un bar et
d’un auditorium pour l’écoute des émissions radiopho-
niques, ces deux derniers prenant la place de l’escalier
d’honneur menant à la passerelle. La deuxième phase s’est
focalisée sur l’installation d’un «bar-dégustation pour huî-
tres et crustacés», le déplacement du Grand Café et la
construction, sous la verrière de l’ancienne salle de res-
taurant, d’un grill-room: «La Rôtisserie normande». Les
nouvelles installations sont inaugurées le 8 octobre 1935.
La vitrine des Grands Magasins
du Louvre
En 1890, à la veille de l’aménagement de chambres sup-
plémentaires à hauteur des entresols, l’hôtel peut rece-
voir 350 personnes. En fait, les chiffres varient. Diffusé par
l’hôtel après 1900, un guide,
Paris en huit jours
, fait même
état de 510 chambres et 20 salons ou salles communes!
Les chambres communiquent entre elles, ce qui permet
une flexibilité de l’espace et une adaptation aux souhaits
de la clientèle. Leur mobilier provient des Grands Magasins
du Louvre, dont elles sont autant de vitrines. Est-il besoin
de rappeler que ces derniers appartiennent à la même so-
ciété qui gère l’hôtel? Un lien relayé par les publicités de
chacune des deux parties, qui ne manquent pas de célé-
brer leurs mérites réciproques. Le guide offert par l’hôtel
ne conseille-t-il pas innocemment aux voyageurs de «
ré-
server une matinée pour visiter les Grands Magasins du
Louvre, une des curiosités de Paris
»?
Nous savons peu de choses sur l’agencement des cham-
bres. Voici ce qu’en dit la plaquette publiée lors de l’inau-
guration: «
L’espace est précieux, il est restreint, mais c’est
une petite merveille de délicatesse et de soin. Le luxe des
tapis et des tentures nous montre que tout provient ici
de la meilleure source, car les Grands Magasins du Lou-
vre, qui ont fourni tout l’ameublement, ont prodigué ces
étoffes et ces meubles d’une qualité hors ligne dont ils
ont le monopole bien connu: sièges en moquette spé-
ciale, d’une finesse et d’un coloris ravissants; rideaux du
plus beau damas de soie de Lyon, etc. Sur la cheminée,
une pendule électrique que l’horloger Garnier fait battre
sur l’heure de la gare; à côté de la glace, un téléphone,
oui, un téléphone dans chaque chambre, ceci dépasse tout
ce que nous avions jamais pu voir ailleurs. […] On va vous
servir sans entrer dans la chambre. Dans l’épaisseur du
mur, à côté de la porte, il y a une boîte à surprises. Le do-
mestique y place vos lettres, vos chaussures, l’eau chaude
demandée, que sais-je? ces objets demandés qu’on veut se
procurer sans ouvrir sa porte.
Dans
L’Innocente à Paris
(1925), Paul Morand décrit les
bronzes de la cheminée, qui proviennent de chez Barbe-
dienne. La référence à ce bronzier qui utilise les nouveaux
procédés mécaniques qui font du zinc argenté ou doré
un substitut des matières rares renvoie à la question de
la diminution des prix qui rend l’opulence accessible. Ce-
pendant, le décor des chambres est réduit au minimum
comparé à celui des espaces communs, et, somme toute, la
banalité règne ici, afin que chacun puisse s’approprier l’es-
pace. L’arrangement des intérieurs pouvait changer en
fonction de l’exigence des clients. Après leur départ, note
Paul Morand, le valet de chambre «
s’appliquait métho-
diquement à imposer aux pièces une nouvelle façade de
banalité. On pourrait y installer d’autres clients. Ce serait
pour eux comme si personne n’y avait jamais vécu
Converture
de menu du
Grand-Café
Restaurant
rappelant la
relation entre
l’hôtel et
les Grands
Magasins
du Louvre.
BHVP Actualités Série 77
Services
[ le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare ]
d’architecture
publiée en 1888-
1889:
«Nous donnons aujourd’hui
une vue du pavillon ouest de la gare
Saint-Lazare. On y voit accusé avec
netteté le parti auquel a dû se rési-
gner l’architecte en donnant toute
l’importance aux pavillons symé-
triques s’élevant sur les cours de ban-
lieue et des grandes lignes. Nous di-
sons se résigner, car il est certain que
ce n’est qu’à regret que, se soumet-
tant aux exigences d’un programme
tout nouveau, M.Lisch a dû dissimu-
ler la partie centrale de son monu-
ment en lui opposant cet immense
hôtel terminus.»
Un lieu de rencontres
et de détente
L’hôtel Terminus Saint-Lazare ouvre le
7 mai 1889, le lendemain de l’inau-
guration de l’Exposition universelle.
Quinze mois à peine ont suffi pour
mener à bien sa construction!
Fin 1887, avant même la pose de la
première pierre,
Le Figaro
précisait que
l’hôtel se voulait
«exclusivement ré-
servé aux voyageurs»
et qu’il n’avait
«aucune intention de lutter avec les
établissements où se font des ban-
quets et des noces»
. Mais ce type
d’activité augmentant considérable-
ment les recettes, il a été fait en sorte
de l’adapter à ces exigences. Rendez-
vous mondains s’y succèdent bientôt.
Le hall-salon, pièce centrale de l’hô-
tel, est un espace ouvert à tout ve-
nant, un lieu de rencontres et de dé-
tente. Il est très fréquenté à certains
moments de la journée, notamment à
l’heure du thé. Le récit
L’Apprenti
, de
Raymond Guérin, ancien employé
d’hôtels, donne une idée de la popu-
14-
Historail
Janvier 2009
Coll. Debuisson
Coll. Debuisson
Le hall
et le salon de
lecture de
l’hôtel en 1907.
Tarifs à la nuitée
et promotion en
janvier 1902.
BHVP Actualités Série 77
Janvier 2009
Historail
lation que l’on y croise en 1925:
«Un
thé très couru. […] Belles désœuvrées
et papotages pétulants. […] Vieilles
dames […], adolescentes agitées et
pouffantes, messieurs bien mis, maris
insignifiants, […] beaux parleurs, fai-
seurs et défaiseurs d’empires, ama-
teurs de sophismes ou débiteurs de
lieux communs distingués. Le hall, en-
tre cinq et sept, était aussi un lieu re-
cherché par les amants. Le cadre était
discret et somptueux à la fois.»
Sur les plans initiaux de l’hôtel, figu-
rent également trois restaurants, dont
un réservé à la table d’hôte, et trois
cafés. En 1925, Raymond Guérin ne
fait état que d’un seul restaurant fré-
quenté par une société cosmopolite,
qu’il décrit avec ironie:
«Des gens
dont on ne retenait même pas les
noms, princes, virtuoses, financiers,
héritières, qui s’y croisaient et s’y ren-
contraient. Tout ce que l’Amérique du
Sud pouvait compter de señoritas mil-
liardaires, les Etats-Unis de magnats
squelettiques ou de cocottes fas-
tueuses et titrées, l’Inde de maharad-
jahs ou l’Espagne d’hidalgos syphili-
tiques, l’Angleterre de ladies ou la
Suède de philanthropes fatigués
s’était assis une fois ou l’autre sur les
fauteuils amarante et faux Louis-XVI
de la salle.»
Un autre lieu de rencontre est le
Grand Café qui propose tous les
jours, entre 20 et 23 heures, des
concerts symphoniques. Ils se perpé-
tueront jusqu’en 1935 au moins.
C’est d’ailleurs au cours d’un de ces
concerts qu’a lieu, le 12 février 1894,
l’attentat anarchiste dont parlera
beaucoup la presse. Lors du procès
intenté à son auteur, Emile Henry, ce-
lui-ci déclarera avoir choisi l’endroit
«parce que c’est un grand café, fré-
quenté par les bourgeois.»
Un espace surprenant renforce la liai-
son avec la vie parisienne. C’est un
vestiaire situé à l’entrée des sous-sols,
servant à la transformation vestimen-
taire du
«Parisien en villégiature»
du provincial venant à Paris.
«Vous ar-
rivez de la campagne, vous ouvrez vo-
tre armoire louée pour la saison, vous
y prenez votre chapeau noir et vous y
laissez le chapeau de paille. […] Avez-
vous besoin de revêtir une toilette de
ville, vous entrez dans le cabinet de
toilette voisin et vous accomplissez la
métamorphose demandée. Votre ar-
moire, c’est pour une somme infime
un chez-vous dont le fidèle Joseph seul
a la clef pour soigner vos habits et vos
petites commissions»
, lit-on dans la
plaquette publiée lors de l’inaugura-
tion de l’hôtel.
A chacun
ses appartements
selon sa fortune
Nous savons peu de choses sur la
clientèle ordinaire du Terminus Saint-
Lazare. En 1894, 5% des personnali-
tés notables recensées par la préfec-
ture de police et descendues dans les
hôtels parisiens sont accueillies au Ter-
minus, ce qui le situe en quatrième
position, après le Grand Hôtel, le
Continental et le Chatham. Parmi
elles, un prince polonais, un marquis
espagnol, un sénateur belge… En
1920, ce sont les diplomates étran-
gers qui occupent la première place.
Raymond Guérin brosse les portraits
des clients du deuxième étage du Ter-
minus, en 1925:
«Du 201 au 240,
c’étaient les appartements de luxe.
Là, logeaient les clients à esbroufe, les
milliardaires. Du 241 au 284, c’étaient
des appartements encore très confor-
tables, mais plus ordinaires. Ils
donnaient sur la cour.
[…] Beaucoup de
gens très fortunés,
mais n’aimant pas
les flaflas, les choi-
sissaient de préfé-
rence. Monsieur Schott
y casait aussi tout ce petit
monde de parasites qui proliférait gé-
néralement autour des clients de
marque de l’étage: parents et amis,
[…] nurses avec les enfants, demoi-
selles de compagnie et autres cory-
phées. Enfin, ces appartements
étaient également recherchés par les
toqualos de province qui, sous
Dépliant
publicitaire de
1935 prenant
en compte les
transformations
apportées par
Henri Pacon
aux espaces de
restauration.
Etiquette du
Terminus Saint-
Lazare.
Coll. Debuisson
Services
[ le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare ]
16-
Historail
Janvier 2009
L’exploitation de l’hôtel Terminus (nom retenu dans les actes
officiels) est concédée par la Compagnie de l’Ouest à
MM.Hériot et Cie, raison sociale des Grands Magasins du
Louvre, en vertu d’un accord conclu en 1887. Officiellement
signé le 20 mars 1888, le bail reprend quelques points de cet
accord. Il spécifie notamment que les constructions à élever
seront édifiées par les soins et aux frais de la Cie des Che-
mins de Fer de l’Ouest, à usage d’hôtel à voyageurs, sauf
une partie du sous-sol, du rez-de-chaussée et de l’entresol,
qui sera consacrée à des boutiques indépendantes de l’hô-
tel
»; qu’outre les bâtiments proprement dits, seront à la
charge de la compagnie les installations de vidanges et d’as-
sainissement, les canalisations d’eau et de gaz, les appareils
de chauffage, le grand fourneau de la cuisine centrale et le
four à pâtisserie, les ascenseurs, deux machines à vapeur
donnant ensemble une force de 150 ch, enfin, les glaces
étamées de cheminée à placer dans les chambres; qu’il in-
combera aux preneurs les dépenses de mobilier, des appa-
reils d’éclairage au gaz et, le cas échéant, s’ils le décidaient,
de l’éclairage électrique. La compagnie devra encore sup-
porter la contribution foncière et les frais d’entretien, «
li-
mités à ceux nécessaires pour tenir les lieux clos et couverts
conformément à l’usage
». Une convention annexe de 1893
réglera les conditions de la réfection quinquennale des
peintures extérieures.
La concession court sur 25 ans à compter du 8 mai 1889. Elle
porte sur l’exploitation de l’hôtel et des boutiques atte-
nantes moyennant le versement annuel à la compagnie de
320000francs pour l’hôtel et de 250000francs pour les
boutiques. Les preneurs ont toute liberté de sous-louer celles-
ci, sauf «
à des établissements à marteaux bruyants ou
contraires aux bonnes mœurs
». Par contre, ils ne peuvent
leur concéder (pour étalages ou tables) qu’un tiers de la sur-
face occupée par les galeries aménagées au rez-de-
chaussée le long des façades, le surplus étant réservé à la
circulation du public. Des concessions annexes viendront
s’ajouter au bail initial: autorisation de disposer six petites ta-
bles dans la salle des pas perdus à l’entrée de la passerelle
(1889), démarche auprès de la compagnie pour qu’elle
construise une marquise sur la façade de l’hôtel le long de la
rue intérieure «afin de pouvoir abriter un rang de petites ta-
bles» (1891), autorisation de pouvoir placer de petites tables
de café entre les baies des galeries donnant sur les cours de
Rome et du Havre (1897), etc. En 1905, l’hôtel loue encore un
local placé sous les salles d’attente de banlieue destiné à re-
cevoir «la machine à glace» nécessaire à ses besoins et le ta-
bleau de distribution pour le courant électrique.
Une des clauses du bail précise que la compagnie s’interdit
de louer dans les dépendances de la gare «
aucun local
pour y installer un établissement vendant à boire ou à
manger
» à moins de 50m de l’hôtel et s‘engage à donner
la préférence aux preneurs, à prix égal, pour l’ouverture
d’un tel établissement situé au-delà de cette limite. Cette
clause joue dès 1890, ces derniers prenant à bail le buffet
établi sur trois étages le long de la rue d’Amsterdam (les
communs au sous-sol, le café au rez-de-chaussée, le res-
taurant à l’étage), contrat renouvelé en 1913 et 1919 (ce
dernier pour 18 ans à compter du 1
juillet 1920).
Un nouveau bail est signé le 16 septembre 1911 pour l’hô-
tel et les boutiques entre l’administration des Chemins de
fer de l’Etat et la Société du Louvre, héritiers en droite
ligne de la Compagnie de l’Ouest et de MM.Hériot et Cie.
Un autre, signé le même jour, porte sur la concession d’un
salon de coiffure ouvrant sur la salle des pas perdus. Ils
sont arrêtés tous deux pour 18 ans avec prise à effet le
8mai 1914. La redevance annuelle de l’hôtel est portée à
675000francs.
Le bail de 1911 a fait l’objet de huit avenants successifs en
1925, 1934, 1952, 1959, 1966, 1970, 1978 et 1988. L’ave-
nant de 1925 combine pour la première fois redevance fixe
évolutive dans le temps et pourcentage sur le chiffre d’af-
faires. A cette date, si la Société du Louvre apparaît toujours
comme signataire, la gérance est assurée par une société is-
sue du même groupe, la Société de l’hôtel Terminus, créée
en 1924 en même temps que la Société des caves et co-
mestibles Terminus destinée à reprendre la boutique du
même nom située côté cour de Rome. D’ailleurs, lors de la
prise en main définitive de l’hôtel par la Société de l’hôtel
Terminus en 1931, il est spécifié, qu’outre le bail de l’hôtel
proprement dit, lui échoirait aussi une partie de ladite bou-
tique pour l’agrandissement du café de l’établissement.
Réquisitionné par les Allemands pendant la dernière
guerre, l’hôtel est encore occupé en partie à la Libération
par le ministère des Armées. Ce qui conduit la Société de
l’hôtel Terminus à réclamer à deux reprises, en 1943 et
1946, un assouplissement des conditions de calcul de la re-
devance, demande à laquelle la SNCF a consenti «
en raison
des difficultés d’exploitation exceptionnelles dues aux cir-
constances
». Du reste, cette dernière n’a cessé de financer
d’importants travaux pour la modernisation de l’hôtel de-
puis 1952 et notamment à partir des années 1970 pour
permettre son classement dans la catégorie «Hôtel de tou-
risme quatre étoiles». Lors de sa signature en 1988 pour
30ans (du 1
janvier 1989 au 31 décembre 2018) avec la So-
ciété hôtelière Lutetia-Concorde (groupe du Louvre), le
huitième et dernier avenant au bail de 1911 a pris en
compte cette nouvelle dimension, prévoyant notamment la
transformation des cinquième et sixième étages en bu-
reaux et l’aménagement en sous-sol de salles de réunion.
Bruno CARRIÈRE
Deux baux, huit avenants
Janvier 2009
Historail
prétexte de redouter le bruit de la rue,
trouvaient le moyen de réaliser là une
économie tout en bénéficiant auprès
de leurs relations du renom d’un hô-
tel qu’on savait n’être pas à la portée
de toutes les bourses.»
La clientèle
est très mélangée, beaucoup de na-
tionalités sont représentées, ainsi que
la province. Certains clients logent à
l’année, d’autres ne sont là que pour
quelques jours:
«Madame et Mon-
sieur consultaient des cartes. Des tou-
ristes. De la grande famille des globe-
trotters.»
Guérin évoque aussi les
touristes modestes venus par le biais
de l’agence Thomas Cook, qui res-
taient peu de temps, déjeunant à prix
fixe et logeant au cinquième étage.
Dans sa nouvelle,
L’Innocente à Paris
(1925), Paul Morand décrit une au-
tre catégorie de clients ayant fré-
quenté le Terminus à peu près à la
même époque, les couples adultères.
Parmi ces couples, celui de Clara
Ward, princesse de Caraman-Chimay,
et du violoniste tzigane Rigo a dé-
frayé la chronique. Georges Feydeau,
qui se sert déjà de l’hôtel en 1895
pour camper l’action du
Dindon
, ha-
bite les lieux entre 1909 et 1918 et
y écrit plusieurs de ses pièces.
Né de la nécessité d’adapter à la fois
la ville et la gare à ce nouveau passe-
temps qu’est le tourisme, le Terminus
Saint-Lazare représente autant le pro-
longement de la ville vers l’espace du
voyage, que la continuation de l’idée
du voyage dans la ville.
Joanne VAJDA
Bibliographie

Karen Bowie,
Les Grandes Gares parisiennes
au XIX
siècle
, DAVP, 1987.

Jacqueline Lafargue,
Du Palais au palace.
Des grands hôtels de voyageurs à Paris au
XIX
siècle
, Paris, Paris-Musées/ACR, 1998.

Gérard Monnier,
L’Architecte Henri Pacon
univ. de Provence, 1982, 2t.

Michel Raagon,
L’Architecture des gares
, Paris,
Denoël, 1984.

Joanne Vajda,
Grands hôtels de gares
parisiens
Le Terminus Saint-Lazare et le Palais
d’Orsay
,in
Paris et Ile-de-France
. Mémoires pu-
bliés par la Fédération des sociétés historiques et
archéologiques de Paris et d’Ile-de-France, t.54,
octobre 2003, p.339-396.
Je tiens à remercier particulièrement Geneviève Morlet
de la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, Marie-
Noëlle Polino de l’AHICF, Roxane Debuisson et Florence
Quignard Debuisson, ainsi que Bruno Carrière pour leur
aide précieuse dans la découverte de documents qui ont
servi à la rédaction de cet article.
Bam/Photorail
Bam/Photorail
120 ans après sa
construction,
l’Hôtel Concorde
Saint-Lazare
demeure l’un
des �eurons de
l’hôtellerie de
luxe parisienne.
Bien que fermée
depuis
longtemps à la
clientèle, la
passerelle qui
servait de trait
d’union avec la
gare est toujours
visible.
18-
Historail
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Gare
Façade de la
vieille
gare
en juillet 1959,
six ans avant sa
démolition.
Petite histoire des gares
Paris-Montparnasse
en images
Pilloux/Photorail
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Historail
T
out commence le 13 juin 1836.
Ce jour-là, la Chambre doit se
prononcer sur la direction à donner
au chemin de fer de Paris à Versailles.
Faut-il faire courir la ligne sur la rive
droite de la Seine, ou sur la rive
gauche? Pourquoi ne pas retenir les
deux solutions, répondent en chœur
les élus? Sitôt dit, sitôt fait. La ligne
de Paris à Versailles-Rive droite est
inaugurée le 2 août 1839, suivie par
celle de Paris à Versailles-Rive gauche
le 10 septembre 1840
. Avec pour
points de départ respectifs les gares
de l’Europe (future gare Saint-Lazare)
et du Maine.
La gare du Maine, ses contemporains
la jugent trop modeste. Ils estiment
que
«le bâtiment dans son ensemble
ne se distingue pas assez des maisons
qui l’environnent»
. Et reprochent à la
façade
«de ne pas accuser suffisam-
ment sa destination»
. La halle métal-
lique, construite par un serrurier en
bâtiment nommé Fauconnier, les laisse
aussi dubitatifs. Les hommes du métier
se disent
«effrayés»
par la hardiesse
de sa conception, avouent leurs
craintes sur le manque de rigidité du
système. Non sans raison: quelques
mois après l’ouverture du chemin de
fer, un ouragan abat la charpente
Grise mine des administrateurs, déjà
en butte aux menées subversives de
leurs rivaux de la Rive droite. Mais le
A la fin des
années 1980,
l’adaptation
de la nouvelle
gare aux besoins
de la grande
vitesse s’est
accompagnée
d’un lifting
de la façade
(construction
« porte
Océane ») qui
a permis de
redonner sa
visibilité et
une place dans
la ville.
Il y a 40 ans, le 5 mars 1969, était
inauguré le nouveau bâtiment de la gare
Maine-Montparnasse. L’occasion de
revenir sur les péripéties d’une gare
démolie par deux fois et dont le souvenir
des annexes construites dans les années
1930 (Maine-Arrivée et Maine-Départ) est
toujours aussi vivace chez nos anciens.
Photorail
(1) Une première section avait été ouverte jusqu’à Sèvres
dès le 7 juin 1840.
(2)
Revue générale de l’architecture et des travaux
publics
. T.1, 1840.
Gare
[ petite histoire des gares

pire est à venir. Dans la soirée du
8mai 1842, la pimpante Mathieu-
Murray sort des rails à hauteur de
Meudon. Le reste du convoi vient
s’écraser sur la machine versée, les
voitures en bois prennent feu. Du bra-
sier, on retire une soixantaine de
corps, dont celui de l’amiral Dumont
d’Urville. C’est la première grande ca-
tastrophe ferroviaire de l’histoire.
La compagnie ne s’en remettra pas.
Frappée de plein fouet par la crise
économique de 1846, elle demande
bientôt son rachat par l’Etat. Les trac-
tations traînent. Un accord est enfin
conclu en 1851: le chemin de fer de
Paris à Versailles-Rive gauche est re-
pris par la société chargée de prolon-
ger la ligne jusqu’à Rennes
. Dès lors,
iI n’échappe à personne qu’avec ses
trois voies l’embarcadère de la chaus-
sée du Maine s’avère vite insuffisant.
La future ligne de Bretagne mérite
mieux. Un faux problème au demeu-
rant, puisque, à quelques centaines
de mètres en amont, se dresse déjà
la silhouette du nouveau bâtiment –
l’émanation de l’un des Ateliers na-
tionaux ouverts en 1848 pour venir
en aide aux ouvriers nécessiteux de la
capitale. Erigée
«à l’alignement du
boulevard Montparnasse»
, la nou-
velle gare (et son annexe marchan-
dises de Vaugirard) est inaugurée le
7juillet 1852. Œuvre de l’architecte
Victor Lenoir, elle fait cette fois-ci
l’unanimité:
«L’aspect qu’elle présente
est imposant, et le caractère de son
architecture est bien approprié au but
de la construction de ce monument
industriel.
Sa principale caractéris-
tique, tout comme pour l’ancien em-
barcadère, est d’être établie en rem-
blai pour racheter un fort dénivelé, des
volées d’escaliers permettant l’accès à
la plate-forme supérieure. Sa concep-
tion rappelle d’ailleurs celle de son aî-
née: un faisceau de trois voies (la voie
centrale assurant le dégagement des
locomotives) flanqué de deux ailes
abritant les services «départ» et «ar-
rivée». Seule la tête de l’édifice dif-
fère. Là où les maîtres d’œuvre du pre-
mier bâtiment avaient ménagé en
20-
Historail
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R. Durandaud/Photorail
Cette vue
des années 1950
permet de
distinguer,
de haut en bas,
les emprises
marchandises
de Vaugirard
(à droite),
les annexes de
Maine-Arrivée
(au centre, à
droite) et de
Maine-Départ
(à gauche), en�n
la vieille gare
anquée de
ses deux rampes
d’accès aux
quais.
Janvier 2009
Historail
avant des voies une vaste terrasse, Vic-
tor Lenoir s’est contenté d’un simple
balcon. Imprudence qui, le 22 octo-
bre 1895, donnera lieu à l’un des ac-
cidents les plus spectaculaires de l’his-
toire ferroviaire: défonçant la façade,
une locomotive et son tender bascu-
lent dans le vide…
Avec le développement du réseau, les
trois voies initiales, qui ont jusqu’alors
répondu tant bien que mal aux be-
soins du service, ne suffisent bientôt
plus. Aussi, la Compagnie de l’Ouest
s’attache-t-elle en 1863-1865 à dou-
bler la capacité de la gare, travaux
dont elle fait part à ses actionnaires
en 1864:
«Nous nous sommes ainsi
trouvés dans la nécessité d’établir
dans le milieu de la gare deux quais
nouveaux pour le service des trains de
banlieue de Versailles (RG) et de ré-
server exclusivement au service des
trains de grandes lignes les deux quais
et les deux voies placés le long des
bâtiments, au départ et à l’arrivée.»
Reste que, très vite, l’augmentation
du trafic oblige à transférer le remi-
sage des voitures et la formation des
rames à Vaugirard, au détriment des
activités marchandises de cette gare.
A l’approche de l’Exposition univer-
selle de 1900, la Compagnie des
chemins de fer de l’Ouest doit de
nouveau étudier un nouvel agrandis-
sement des installations. Il faut savoir,
en effet, que depuis 1886 Montpar-
nasse sert également de terminus pa-
risien aux trains du réseau de l’Etat is-
sus de la ligne de Bordeaux (1/6 du
trafic de la gare à la fin des années
1890). Déposé auprès de l’Adminis-
tration supérieure en 1897, le projet
est approuvé par décision ministérielle
du 21 avril 1898. Il prévoit d’adjoindre
extérieurement au bâtiment initial
quatre nouvelles voies implantées par
moitié le long des deux ailes, dotées
chacune pour l’occasion d’une cour
de Paris-Montparnasse en images ]
RGCF juillet 1960/Photorail
Les installations
de la gare de
Montparnasse
et de ses deux
annexes
à la veille de la
réalisation
de l’opération
«Maine-
Montparnasse»,
arrêtée en 1957.
(3) La gare de Montparnasse fut exploitée successivement
par les Compagnies de Paris à Versailles RG (1837),
de l’Ouest ancien (1851), de l’Ouest (1855), puis par
l’Administration des chemins de fer de l’Etat (1909)
et la SNCF (1938).
(4)
Journal des chemins de fer,
10 juillet 1852.
Gare
[ petite histoire des gares

supérieure, accessibles l’une et l’au-
tre par des rampes ouvertes aux vé-
hicules routiers prenant leur origine
boulevard Edgar-Quinet.
Trois projets annexes prévoient l’élar-
gissement du viaduc du Maine don-
nant accès à la gare (démolition de
l’ouvrage en maçonnerie remplacé
par un tablier métallique), le qua-
druplement des voies entre Paris et
Clamart et la suppression des pas-
sages à niveau depuis la gare
jusqu’aux fortifications (14
et 15
ar-
rondissements). Les voies et la cour
supérieure côté «arrivée» sont les
premières livrées à l’exploitation fin
1899, suivies de leur pendant côté
«départ» le 15 juillet 1900.
Le répit n’est toutefois que de courte
durée. Dès 1907, faute de place, une
dizaine de trains grandes lignes doit
être reportée sur la gare des Invalides
(ouverte en 1900). En 1909, plus de
trente, déjà, y trouvent refuge. Les
pouvoirs publics s’émeuvent et récla-
ment des solutions à l’Administration
des chemins de fer de l’Etat qui vient
de reprendre les destinées de la Com-
pagnie de l’Ouest. Les projets se suc-
cèdent, mais sans qu’il soit possible
d’arriver à un accord.
A la fin de la Première Guerre mon-
diale, on pare au plus pressé. Un
chantier de remisage (opérationnel en
octobre 1927) est créé à Montrouge
pour désengorger la gare marchan-
dises de Vaugirard. Surtout, on amé-
nage en aval de la «vieille gare» une
annexe voyageurs: Maine-Arrivée,
ouverte en juillet 1929 sous l’impul-
sion de Raoul Dautry, transfuge du ré-
seau Nord, placé à la tête des Che-
mins de fer de l’Etat depuis le
novembre 1928. Sept voies en
tout, mais des quais trop courts. Ré-
sultat, un grand nombre de trains doi-
vent être coupés à Versailles pour y
être acheminés en deux parties!
Quoique réservée aux arrivées grandes
lignes, l’annexe du Maine assure aussi
en période estivale le départ des trains
que la gare mère ne peut absorber.
Au grand dam des voyageurs qui,
contraints de prendre leurs billets en
gare de Montparnasse, doivent re-
monter les quais sur plus de 400m
pour rejoindre leurs voitures.
Construite dans l’urgence, la gare
Maine-Arrivée est l’œuvre de l’archi-
tecte Henri Pacon (1882-1946), qui
sera par la suite régulièrement appelé
à travailler sur divers autres projets in-
téressant le réseau: gares du Havre,
de Chartres, de Caen, de Chaville, voi-
tures transatlantiques, voitures à
étage, locomotive 241-101,etc. Le
même Pacon qui, toujours en 1929,
supervise le nouvel habillage des gui-
chets de la gare Montparnasse.
Cette dernière bénéficie d’ailleurs de
l’attention de Dautry et, comme la
gare Saint-Lazare, est dotée en 1930
d’aménagements nouveaux. Est ainsi
créé –dans les locaux contigus à la
cour inférieure située à l’angle de la
place de Rennes et de la rue de l’Arri-
vée, libérés par le transfert du service
des bagages à Maine-Arrivée– un ga-
22-
Historail
Janvier 2009
Pour soulager la gare Montparnasse, Dautry
commande l’ouverture en 1929 de Maine-Arrivée.
Les différentes
phases (secteurs)
observées
lors de la
construction
de la nouvelle
gare entre
1961 et 1969.
RGCF décembre 1965/Photorail
Janvier 2009
Historail
rage permettant d’
«offrir aux usagers
du chemin de fer la possibilité de lais-
ser leur voiture dans la gare même où
ils prennent leur train et où ils la re-
trouveront à leur retour. Cette com-
modité paraît devoir être particulière-
ment appréciée pendant la saison des
week-ends et
(être en mesure de)
ra-
mener des voyageurs».
La gérance
du garage est confiée pour dix ans à
l’Entreprise de publicité et d’organi-
sation commerciale (Epoc), qui s’en-
gage par ailleurs à édifier dans la par-
tie disponible de la cour parallèle à la
rue du Départ une «auberge de
jour» analogue à celles que l’on
trouve à l’étranger dans nombre de
grandes gares. Cette auberge
«offri-
rait aux voyageurs débarquant à la
gare Montparnasse par un train du
matin pour en repartir le soir la possi-
bilité de changer de vêtements, de
faire leur toilette, de prendre un bain,
de trouver un salon de correspon-
dance. Cette innovation sera certai-
nement très appréciée, non seule-
ment par les voyageurs de grandes
lignes qui ne passent qu’une journée
à Paris, mais encore par les voyageurs
de banlieue qui auraient ainsi toute
facilité pour changer de tenue, leur
journée de travail terminée, s’ils ont
à se rendre à une soirée».
Le pro-
gramme comprenait aussi l’installa-
tion de vitrines de publicité sur le
pourtour des deux cours et divers tra-
vaux d’amélioration de la façade
(5)
En 1932, les Chemins de fer de l’Etat
présentent, en accord avec la Ville de
Paris, un énième projet, retenu cette
fois-ci. Il prévoit la suppression des ins-
tallations de l’ancienne gare et la créa-
tion avenue du Maine d’une gare mo-
numentale formée d’un faisceau
supérieur de vingt voies réservé aux
grandes lignes et à la grande banlieue
et d’un faisceau souterrain de six voies
électrifiées destiné à la proche ban-
lieue. Cette phase est amorcée en
1936 avec la mise en chantier d’une
seconde annexe: Maine-Départ,
constituée d’un plateau de cinq
voies
. Ouverte au service d’été 1937,
elle n’a de gare que le nom. On y ac-
cède directement depuis l’avenue du
Maine par quelques escaliers au bas
desquels trois ou quatre guichets as-
surent la distribution des billets aux
voyageurs sans bagages. Pour les au-
tres, l’obligation de transiter par la
vieille gare demeure, avec les incon-
vénients que l’on sait. Pas de consigne
non plus, ni de salle d’attente, et des
quais non couverts. Mais un renfort
apprécié pour l’annexe Maine-Arrivée
de Paris-Montparnasse en images ]
Photorail
Document
extrait d’une
plaquette
publiée en mars
1969. La �nalité
du bâtiment
(la gare) est
entièrement
gommée.
(5) Conseil de réseau des Chemins de fer de l’Etat,
21 février 1930.
(6) Deux autres voies furent ajoutées en 1938.
Gare
[ petite histoire des gares

qui, le 1
août 1937, assure le départ
de neuf trains seulement contre
trente-trois un an plus tôt.
La crise économique remet en ques-
tion le programme, revu à la baisse.
Approuvé en 1939, le nouveau projet
ne prévoit plus qu’une simple exten-
sion des installations des deux an-
nexes, la vieille gare n’étant plus af-
fectée qu’au seul trafic banlieue.
Prélude aux travaux, l’ensemble des
trains grandes lignes au départ est re-
porté cette même année sur Maine-
Départ. Ralentis en 1941 par manque
de matériaux, les chantiers sont défi-
nitivement arrêtés le 15 octobre 1942
à la demande des autorités militaires
allemandes. Ironie du sort, c’est en
gare de Montparnasse, où le général
Leclerc vient d’installer son QG, que
le 25 août 1944, à 17h, le gouver-
neur militaire allemand von Choltitz
signe l’acte de reddition consacrant
la libération de la capitale.
Les études pour une solution définitive
reprennent en 1953. L’opération
« Maine-Montparnasse », qui
condamne une fois pour toutes la
vieille gare, est arrêtée en 1957. Elle
prévoit la construction d’un ensem-
ble unique en forme de U abritant un
large faisceau de 22 voies et 12 quais
de 400 à 470m, avec répartition des
différents services dans les étages in-
férieurs du bâtiment frontal (nord) et
des deux bâtiments latéraux (est et
ouest), les parties supérieures devant
accueillir bureaux et logements.
Les travaux à entreprendre sont divisés
en quatre grands secteurs (de I à IV)
dont l’exécution est échelonnée dans
le temps. Ceux du secteur I (le bâti-
ment latéral ouest de la gare) débu-
tent en août 1961 et ceux du sec-
teurII (le bâtiment latéral est de la
gare) en août 1963. Les niveaux à
hauteur des voies assureront respec-
tivement le service des bagages à l’ar-
rivée (à partir du 15 juin 1963) et du
départ (à partir du 15 mars 1965).
Les travaux du secteur IV (le bâtiment
frontal) ont été subdivisés en deux
parties: secteur IV A (un tiers) et sec-
teur IV B (deux tiers). La mise en
24-
Historail
Janvier 2009
Interphotothèque-D.F. Sodel-M. Brigaud/Photorail
Vue aérienne
des années 1960
avec au premier
plan la
construction,
en lieu et place
de l’ancienne
gare, de la tour
Montparnasse
et du centre
commercial
actuel.
A l’arrière-plan,
la nouvelle gare
avec ses voies
non encore
couvertes.
Janvier 2009
Historail
chantier du secteur IV A, qui concerne
la partie côté boulevard Vaugirard,
conduit à isoler la gare Maine-Arrivée,
dont les services sont reportés sur
Maine-Départ
. Les nouveaux bâti-
ments de ce dernier secteur permet-
tent d’abriter à partir du 26 septembre
1965 une «gare de transition» ap-
pelée à concentrer l’ensemble des ser-
vices des trois pôles anciens de Mont-
parnasse, départ et arrivée banlieue
et grandes lignes. Cette gare provi-
soire conduit à la fermeture définitive
de la vieille gare (le départ du dernier
train de banlieue y est donné ce
même jour à 0h50) et de celle de
Maine-Départ. La nouvelle gare est
inaugurée le 5 mars 1969. L’édifice
est fonctionnel, certes, mais invisible,
dissimulé derrière des étages de bu-
reaux. Il faut se retrouver à l’intérieur
pour découvrir la vaste salle des pas
perdus décorée de deux grandes com-
positions géométriques de Vasarely.
Quant à la vieille gare, dont la démo-
lition s’achève le 30 juillet de la même
année, elle cède bientôt la place à la
tour Montparnasse, livrée en 1973,
et qui, du haut de ses 209m et
59étages, fut à l’époque l’immeuble
de bureaux le plus élevé d’Europe.
Personne ne se doute alors que, trente
ans plus tard, la plus moderne des
gares parisiennes sera de nouveau
sous les projecteurs de l’actualité,
TGVA oblige. En fait, l’arrivée du train
à grande vitesse, annoncée pour
1989, permet de relancer dès 1985
l’un des éléments de l’opération
Maine-Montparnasse laissé en sus-
pens quinze ans plus tôt, à savoir la
couverture par une dalle en béton du
faisceau des voies, alors programmée
pour le bien-être des riverains.
Les travaux proprement dits ne com-
mencent qu’après la mise en service,
le 31 mai 1987, à hauteur de Paris-
Vaugirard, d’une gare bis (quatre
voies) censée décharger la gare du
Maine d’une partie de son trafic.
Mais, en dépit des efforts, c’est au
de Paris-Montparnasse en images ]
RGCF juillet 1960/ Photorail
Projection
des emprises
de la nouvelle
gare après
achèvement
de l’opération
«Maine-
Montparnasse».
(7) Maine-Arrivée est livrée à la pioche des démolisseurs
le 15 mars 1965.
Gare
[ petite histoire des gares

milieu des échafaudages que débute
le 24 septembre 1989 la desserte TGV
A vers la Bretagne et les Pays de la
Loire. La couverture du faisceau
s’ac-
compagne d’une refonte de l’espace
intérieur de la gare avec notamment
l’édification, par-dessus les voies, d’un
second hall (gare Pasteur, 1990) dis-
tant de 240m du premier, soit la lon-
gueur d’une rame TGV, et l’aména-
gement sur la dalle de deux petits
immeubles de bureaux (1991) et d’un
jardin (le «jardin Atlantique», 1995).
Enfin, la façade principale est dotée
d’une grande verrière encadrée par
deux tours, la “porte Océane”, desti-
née à redonner à la gare sa visibilité et
une place dans la ville.
Bruno CARRIÈRE
26-
Historail
Janvier 2009
Il n’est pas inintéressant de revenir ici sur la situation telle qu’elle se présen-
tait à la veille des travaux de la nouvelle gare. Quatre voies principales (deux
de chaque sens, dont une rapide et une lente) aboutissaient aux têtes des
gares de Paris-Montparnasse, Maine-Départ et Maine-Arrivée. Ces quatre
voies étaient encadrées par deux voies auxiliaires servant à l’alimentation
et à l’évacuation du matériel voyageurs vide et aux mouvements des ma-
chines entre les gares du Maine et de Montparnasse et le dépôt de Mon-
trouge. Les trains grandes lignes partaient de la gare Maine-Départ (huit
voies dont sept affectées au service voyageurs et une aux bagages) et arri-
vaient à la gare Maine-Arrivée (neuf voies dont huit réservées aux voyageurs
et une voie aux bagages). La longueur des quais variait de 350 à 440m et
seuls quelques-uns étaient couverts (trois à Maine-Départ, un à Maine-Arri-
vée). Equipée de huit voies courtes, Paris-Montparnasse accueillait les trains
de banlieue au départ et à l’arrivée.
Cette séparation en trois groupes distincts conduisait à une grande rigidité
dans l’exploitation. Lorsque l’un des groupes était insuffisant et qu’il fallait
reporter une partie du service sur l’un des deux autres pour bénéficier des dis-
ponibilités qu’il offrait, c’était au prix de sérieux inconvénients. Ainsi, lors
des grands départs d’été, les trains expédiés exceptionnellement de Maine-
Arrivée cisaillaient pour partir, les voies principales arrivée grandes lignes et
arrivée et départ banlieue. Le service des PTT n’avait pas non plus de voie spé-
cialisée et la situation de son bureau de tri, installé dans l’ancienne gare
Montparnasse, nécessitait de longs trajets jusqu’aux fourgons-poste des
trains à l’arrivée ou au départ des gares du Maine.
Les rames garées à Montrouge étaient descendues à Maine-Départ par la
voie auxiliaire paire et la machine de manœuvre renvoyée par les voies prin-
cipales. De même à l’arrivée, les rames ayant assuré les trains étaient refou-
lées vers Montrouge par la voie auxiliaire impaire. Toutefois, le profil de
cette voie ayant des rampes très fortes (20‰), la machine de ligne devait ve-
nir au secours de la machine de manœuvre, laquelle, expédiée depuis Mon-
trouge par la voie auxiliaire paire, devait cisailler les voies de départ grandes
lignes et les voies banlieue pour se mettre en tête des rames à évacuer…
Trois groupes de voies
parfois ingérables
L’embarcadère
de la barrière du
Maine (ligne de
Paris- Versailles
rive gauche) .
Documents
publiés dans la
Revue Générale
de
l’Architecture,
1840.
Revue générale de l’architecture/Photorail
(8) La «dalle Montparnasse»,
360m de long, 220m de large.
Janvier 2009
Historail
de Paris-Montparnasse en images ]
Le pont d’accès
à la gare
Montparnasse
vers 1855.
Œuvre de
l’architecte
Victor Lenoir,
la nouvelle gare
du boulevard
Montparnasse
est inaugurée
le 7 juillet 1852.
L’appendice
situé le long
de l’aile gauche
n’apparaît pas
sur les plans
d’origine.
Coll. Pelletier/Photorail
Coll. Pelletier/Photorail
Gare
[ petite histoire des gares

28-
Historail
Janvier 2009
La gare en 1871
(ci-contre) et
au début du
siècle dernier
(ci-dessous).
On notera
l’ajout, fait
en 1900, des
deux cours
supérieures
destinées à
desservir les
quatre nouvelles
voies établies
de part et
d’autre des ailes
en prévision
de l’Exposition
universelle.
Coll. Sirot/Photorail
Photorail
Janvier 2009
Historail
de Paris-Montparnasse en images ]
Une prise de vue
inhabituelle
de l’accident
de 1895
généralement
photographié
du côté opposé.
L’entrée de la
gare côté voies.
Au premier plan
ci-dessous, le
poste d’aiguil-
lage et l’impo-
sant portique de
signalisation.
Millaud/Photorail
Bernier/Photorail
Photorail
Gare
[ petite histoire des gares

30-
Historail
Janvier 2009
La plate-forme
supérieure de
Maine-Arrivée
en 1959.
La gare Maine-
Arrivée (1929) et
son imposante
horloge.
L’aile des
bagages le long
du boulevard de
Vaugirard.
Photorail
Photorail
Janvier 2009
Historail
de Paris-Montparnasse en images ]
Grands départs
du 31 juillet
1958. La gare est
ici explicitement
désignée.
La plate-forme
supérieure en
septembre 1959.
Bernier/Photorail
Photorail
Pilloux/Photorail
Ouvrant sur
l’avenue du
Maine, l’annexe
de Maine-
Départ au début
des années 1950.
Gare
[ petite histoire des gares

32-
Historail
Janvier 2009
Projet de
nouvelle gare
esquissée en
1935-1937 par
l’architecte
Henri Pacon.
La rampe d’accès
aux quais bordant
la rue de l’Arrivée
en 1965.
La rampe d’accès
aux quais rue du
Départ en 1964.
La guerre
empêcha de
pousser plus
avant les études.
M. Hunot/Photorail
Encyclopédie de l’Architecture, t. XI/DR
M. Hunot/Photorail
Janvier 2009
Historail
de Paris-Montparnasse en images ]
25 septembre
1965. Dernier
jour d’activité
pour la vieille
gare de Paris-
Montparnasse.
Les ultimes
rames de
banlieue
(Z 5100)
s’élancent
en direction de
Versailles RG.
Cantonnée au
trafic banlieue,
la vieille gare
au début des
années 1960.
Photos M. Hunot/Photorail
Gare
[ petite histoire des gares

34-
Historail
Janvier 2009
Mars 1965.
Maine-Arrivée
est livrée à la
pioche des
démolisseurs.
Septembre 1965.
Derniers jours
d’activité pour
Maine-Départ.
Mai 1966.
La plate-forme a
été entièrement
déferrée,le poste
d’aiguillage
a disparu.
En bas à droite,
le parc de
stationnement
de feu
Maine-Départ.
26 septembre
1965. Dernier
départ de
la vieille gare
assuré par
la Z 5167.
Piot/Photorail
M. Hunot/Photorail
AFP/Photorail
Photorail
Janvier 2009
Historail
de Paris-Montparnasse en images ]
Fin 1966. Prélude
à la démolition,
les voies ont été
enlevées.
Mars 1967. La
nouvelle gare
sort de terre.
Mars 1967.
Les verrières ont
été déposées,
la démolition
des ailes a
commencé.
M. Hunot/Photorail
M. Hunot/Photorail
G. Laforgerie/Photorail
Gare
[ petite histoire des gares

36-
Historail
Janvier 2009
La vieille gare
a vécu. Ne reste
qu’un vaste
terrain
rétrocédé
à la Ville de
Paris en
juillet 1967.
Novembre 1964.
La plate-forme
côté
Maine-Arrivée.
Mai 1965.
En bordure
du boulevard
de Vaugirard, les
travaux du
secteur IV A
touchent à leur
fin. Le bâtiment
qui fait angle
occupe
les anciennes
emprises de
Maine-Arrivée.
Photos M. Hunot/Photorail
Janvier 2009
Historail
de Paris-Montparnasse en images ]
En 1988, les travaux
de couverture des
voies par une dalle
en béton vont bon
train.
Septembre 1991.
Sous la nouvelle
dalle, les TGV
Atlantique, artisans
du nouvel âge.
Juin 1991,
l’avant-gare.
En arrière-plan,
le nouvel espace
Pasteur érigé sur
la dalle.
C. Recoura/Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
E
n France, les premières sociétés
dites «de tempérance» – prônant
l’abstinence partielle ou totale – ap-
paraissent dans les années 1830, mais
ne s’affirment qu’après 1870. La plus
importante est l’Association française
contre l’abus des boissons alcooliques
fondée en 1872. Devenue Société
française de tempérance en 1873, elle
ajoute à son titre celui de Ligue na-
tionale contre l’alcoolisme qui figure
dès 1895 sur la couverture de son bul-
letin. Elle compte parmi ses adhérents,
en tant que
«membres fondateurs à
vie»
, les Compagnies de Paris à Or-
léans depuis 1873 et du Nord depuis
1883. Outre leur souscription initiale
de 300 francs, celles-ci allouent à la
Société des
«allocations»
, irrégulière-
ment dans un premier temps, puis de
façon permanente. Il en est ainsi du
PO qui, depuis 1898, lui verse chaque
année un secours de 100 francs
«en
raison des services que cette œuvre a
rendus à notre personnel en propa-
geant les idées de tempérance et en
récompensant les plus méritants de
nos agents»
C’est dans ce contexte qu’un jeune
employé de la Compagnie de l’Ouest,
Henri Beauchamps, décide de se lan-
cer à son tour dans la lutte contre l’al-
coolisme avec pour cible la seule cor-
poration des cheminots. A cet effet, il
crée en 1902 la Société antialcoolique
des ouvriers et employés de chemins
de fer, rebaptisée l’année suivante So-
ciété antialcoolique des agents de
chemins de fer, qui ne rassemble en-
core que quelques centaines d’adhé-
rents, mais dont le journal,
La Santé
de la famille
, sert avantageusement
la cause.
L’alcoolisme au sein du monde chemi-
not est suffisamment préoccupant –
sans doute parce qu’il met directement
en péril la vie d’autrui – pour être mis
en exergue lors du premiercongrès
national contre l’alcoolisme, organisé
du 26 au 29 octobre 1903 à l’initia-
tive de la Société française de tempé-
rance. Rédigé par le docteur Paul Reille
pour le compte des
Annales d’hygiène
publique et de médecine générale
(1904, série n°4, n°01), le compte
rendu détaillé des questions abordées
au cours de ces journées fait état
d’une question portant sur
«l’alcoo-
lisme dans l’industrie des chemins de
fer»
, avec pour références les études
de Pierre Delaitre (
Les compagnies de
chemins de fer et l’alcoolisme
) et
d’Henri Beauchamps (
L’alcoolisme chez
les agents de chemins de fer
Delaitre insiste sur les menaces que
fait peser un état alcoolique avancé
sur les personnels dans l’exercice de
leurs fonctions:
«Une erreur de leur
part pourrait parfois causer une catas-
trophe irrémédiable; heureusement,
cette erreur n’est jamais à craindre
dans les circonstances normales, tant
la tâche de l’agent est simple et pré-
cise; mais on sait que l’ivresse et sur-
tout l’alcoolisme produisent des trou-
bles cérébraux tels qu’un poseur de la
voie buttera sur un rail cassé ou sur
un pavé posé sur la voie sans s’en ren-
dre compte, qu’un mécanicien verra
38-
Historail
Janvier 2009
La lutte contre l’alcoolisme
dans les chemins de fer.
Une ambition louable
mais pas toujours soutenue.
Sous la pression des
sociétés «de tempérance»,
les grandes compagnies ont
tenté dès la fin du XIX
siècle
de lutter contre les effets
néfastes de l’alcool au sein
de la corporation cheminote.
Un combat long et difficile
contre les habitudes et
des chefs prompts, bon gré
mal gré, à fermer les yeux…
Page de droite:
une af�che
élaborée
localement en
1932. Une autre
spéci�ait qu’«
un
dompteur est
plus en sécurité
parmi ses fauves
qu’un ivrogne
au milieu
d’un atelier
».
devant lui un obstacle imaginaire de-
vant lequel il fera reculer son train,
qu’il ouvrira un régulateur croyant le
tenir correctement fermé, qu’il prendra
le signal rouge d’un disque à l’arrêt
pour un signal blanc de voie libre, ou
le bras abaissé d’un sémaphore com-
mandant l’arrêt pour un bras vertical
annonçant la voie libre; par une aber-
ration analogue, un chef de gare sur
une section à voie unique lancera un
train au-devant d’un autre qui lui aura
été signalé; un visiteur laissera circuler
un wagon avec un bandage de roue
cassé, ou videra toutes les boîtes à
huile des essieux qu’il est chargé d’en-
tretenir pleines.»
Selon Beauchamps, les raisons qui
poussent les agents à l’alcoolisme sont
de trois ordres:
la funeste habitude qu’ont les expé-
ditionnaires et les destinataires de
marchandises d’offrir une consomma-
tion au préposé chaque fois qu’ils sont
en rapport avec lui, invitation qu’il
peut difficilement décliner;
la camaraderie mal comprise qui en-
traîne chacun à payer sa tournée au
cabaret;
la conviction que l’alcool donne de la
vigueur et de l’énergie.
D’où la nécessité de les amener à s’in-
téresser aux questions d’antialcoo –
lisme, de leur donner des notions
d’hygiène alimentaire et de leur faire
comprendre qu’il est d’autres plaisirs
que le cabaret.
Delaitre revient ensuite sur les mesures
prises par les compagnies pour lutter
contre l’alcoolisme.
Sur le réseau de l’Ouest, une brochure
«très instructive, spéciale au person-
nel des chemins de fer»,
est diffusée
auprès des médecins de la compagnie
pour servir de base aux conseils anti-
alcooliques qu’ils sont amenés à don-
ner
«officieusement»
aux malades
venus les consulter.
Au PLM, en 1898, c’est une plaquette
illustrée au titre évocateur,
Les ravages
causés par l’alcoolisme
, qui a été
adressée nominativement sous enve-
loppe à chaque agent
(voir illus.
p.43)
. Très impliqué, le réseau prescrit
dans le même temps de faire des en-
quêtes sur tout membre du person-
Janvier 2009
Historail
Coll. G. Ribeill
La Santé de la Famille/Photorail
Dessin à l’appui
de l’étude de
Beauchamps sur
l’alcoolisation
et la sécurité
dans les chemins
de fer (1929).
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
40-
Historail
Janvier 2009
Régulièrement montrés du doigt comme principal vec-
teur de l’alcoolisme chez les cheminots sont les débits de
boissons qui gravitent autour des emprises ferroviaires.
« Nos gares sont, en effet, malheureusement entourées
de cabarets où l’on vend souvent de véritables poisons
à des prix fabuleusement bas »
, déplore en 1898 le chef
de l’Exploitation du PLM (Picard) devant les médecins
de la compagnie. Une situation à laquelle les cheminots
ne sont pas toujours étrangers. Lors de son assemblée
générale du 14 octobre 1911, la Société antialcoolique
des agents de chemins de fer n’a pas de mots assez durs
pour dénoncer les errements relevés sur le terrain. Elle
rapporte ainsi que
« de nombreux cabarets sont tenus
par des femmes d’agents »
(une dizaine pour la seule
ville d’Argentan), que leurs époux participent aux
tâches, lesquels, lorsque le temps leur manque pour les
effectuer, n’hésitent pas à se porter malades ! Et de si-
gnaler qu’à Argentan, une dizaine de femmes d’agents
tiennent un débit de boissons ; qu’à Sées, un café est
tenu près de la gare par la femme d’un sous-chef
d’équipe qui use de son autorité pour forcer ses subor-
donnés à venir consommer chez lui…
Près de vingt ans plus tard, la présence de ces établisse-
ments est toujours aussi manifeste.
« Le pullulement
des cabarets autour des gares et des dépôts est, chez
nous, une manière constante de l’instrument ferroviaire.
Cela grouille comme punaises autour des lits méridio-
naux, et, toujours comme punaises, cela vit du sang du
pauvre monde »
, regrette à son tour Georges Bolle, chef
de la division de la comptabilité du Matériel et de la
Traction PLM à l’occasion d’une conférence tenue en
1927 sur le thème de l’alcoolisme dans les chemins de
fer.
« Il n’est pas rare, lorsqu’on construit un dépôt, de
voir les mastroquets pousser plus vite que lui autour de
ses murs naissants. Et qui ne connaît les innocentes clô-
tures en vieilles traverses, si aisées à franchir à l’aide de
tire-fonds que l’on y implante, et offrant au passage
des bouteilles de si complaisants interstices ? »
Aussi louable soit-elle, la décision d’interdire aux buf-
fets de servir de l’alcool aux cheminots – prononcée sur
le PLM dès 1901 – reste isolée. C’est ce qu’il ressort d’un
souhait du Congrès national contre l’alcoolisme tenu à
Lyon en 1908 :
« Exprime le vœu que les Compagnies
suppriment les bars à l’expiration des contrats, tiennent
la main à l’interdiction de la vente des spiritueux aux
agents des chemins de fer et qu’au renouvellement des
traités avec les concessionnaires des buffets et des wa-
gons-restaurants, elles s’efforcent d’y introduire des res-
trictions dans le sens antialcoolique. »
De fait, l’Ouest-
Etat, pour ne citer que lui, ne se résout officiellement à
suivre ces consignes qu’en 1911. Et nous avons vu l’obli-
gation faite dans les années 1930 à tous les postulants à
un emploi sur ce même réseau de ne jamais tenir, ni lais-
ser tenir par leur famille, de débit de boissons.
Dans les années 1940, le problème n’est toujours pas
résolu. Pour preuve, la correspondance échangée de
1941 à 1943 entre la SNCF et le secrétariat d’Etat aux
Communications sur la présence de débits de boissons,
cafés et autres cabarets aux abords d’un certain nombre
d’installations ferroviaires, et sur l’action particulière-
ment néfaste de ces établissements
« tant en ce qui
concerne la propagation d’idées subversives que le dé-
veloppement de l’alcoolisme parmi les agents de la
SNCF»
. Se référant à la loi du 4 novembre 1940 visant
l’interdiction d’ouvrir des débits de boissons au voisi-
nage de certains édifices (lieux de culte, établissements
de soins, écoles, etc.), la SNCF demande le 16 mars 1942,
sous la signature de son président, Pierre Fournier, que
le texte de loi soit complété en vue de lui permettre
«d’obtenir la fermeture des établissements dont la pré-
sence constitue un véritable danger pour le moral et la
santé de notre personnel »
Cependant, la loi du 23 mars 1942 portant extension
des périmètres de protection en matière de débits de
boissons ne lui donne que partiellement satisfaction. Si
les emprises SNCF sont nommément citées, la mesure
ne touche pas les débits de boissons qui se trouvent déjà
à l’intérieur du périmètre que les préfets sont invités à
délimiter. Le 4 mai 1942, Fournier demande donc une
dérogation à la loi. Débouté, il revient à la charge le
31août 1943 :
« Le problème de la lutte contre l’alcoo-
lisme est un de ceux qui nous préoccupent le plus et je
crois devoir signaler le cas de nos dépôts et ateliers de la
Région du Nord dans le quartier de La Chapelle, à Paris,
où à moins de 200 m des portes d’entrée de ces établis-
sements existent actuellement […] 84 débits de bois-
sons dont 10 seulement sont fermés pour divers motifs:
défaut de marchandises ou absence du propriétaire.»
Les débats en resteront là.
Br . C.
Indissociables des emprises ferroviaires, les cafés
Janvier 2009
Historail
nel suspect d’alcoolisme et d’en si-
gnaler les résultats au chef de service
intéressé, et interdit en 1901 aux buf-
fetiers de servir des boissons alcooli-
sées à ses agents. Cette même an-
née, soucieuse d’aider la compagnie
«dans sa croisade contre l’alcoo –
lisme»
, les sociétés coopératives
(l’équivalent des économats) du ré-
seau, réunies en congrès, décident de
renoncer à la vente des apéritifs (ab-
sinthes, amers, etc.) et d’inciter leurs
clients à réduire leur consommation
de liqueurs et spiritueux. Sous peine
pour elles, il est vrai, de perdre les sub-
ventions que leur attribue la compa-
gnie en cas de manquement.
Le réseau de l’Est, quant à lui, favo-
rise l’organisation de conférences sur
le sujet, souvent accompagnées de
projections lumineuses, que le per-
sonnel est vivement invité à suivre
avec leur famille. Dans son numéro
de mai 1900,
L’Alcool
, journal de
l’Union française antialcoolique, alors
première en effectifs des sociétés an-
tialcooliques avec quelque 45000
membres, se fait l’écho de ces confé-
rences:
«Partout l’accueil a été par-
fait; les ingénieurs délégués par le di-
recteur sont tous acquis à nos idées;
l’un d’eux avait même fondé déjà une
Société cadette de tempérance com-
prenant 150 jeunes apprentis mécani-
ciens.»
A la même époque, le secré-
taire général de la Compagnie de l’Est
rappelle à l’intention des agents les
dangers de l’alcoolisme sous toutes
ses formes: abus de vin ou de bière,
habitude du petit verre ou de la
goutte du matin, usage même mo-
déré des liqueurs spiritueuses,
consommation même accidentelle des
prétendus apéritifs en général, et de
l’absinthe en particulier.
De confidentiel, l’alcoolisme des che-
minots prend une dimension officielle
avec la lettre ouverte au ministre des
Travaux publics publiée en février 1904
par
La Santé de la famille
. Fort habile-
ment, Beauchamps place Emile Ma-
ruéjouls devant ses responsabilités en
rappelant que les chemins de fer de
l’Etat, dont il est
«le premier chef»
est le réseau qui compte le moins
d’adhérents à la Société antialcoolique
des agents de chemins de fer.
« Notre jeune société, la S.A. des
agents de chemins de fer, dont
Santé de la famille
est l’organe en-
core inaperçu mais que nous espé-
rons puissant, s’est créée avec un but
bien déterminé: éviter les sinistres ac-
cidents pouvant résulter d’un moment
d’oubli ou d’une faute d’inattention
occasionnée par les vapeurs qui
s’échappent d’ailleurs que des chau-
dières de locomotives; lutter avec
énergie contre l’abus des boissons al-
cooliques que les employés absorbent
en été pour se rafraîchir et en hiver
pour se réchauffer; défendre la santé
des hommes et la lucidité de leur es-
prit puisque, ainsi que Virgile l’a dit
avec raison:
Mens agitat molem[l’es-
prit meut la matière].
Suit la liste des adhérents par réseau:
Ouest, 741 – PO, 878 – PLM, 202 –
Est, 412 – Nord, 57 – Ceintures, 207
– Etat, 21.
« C’est-à-dire que sur 2515 adhé-
rents, la compagnie dont vous êtes
le premier chef compte vingt et un
antialcooliques!
« Nous livrons cette dernière réflexion
à votre méditation et nous sommes
convaincus que vous ne négligerez
rien pour nous aider à modifier cet
état de choses…»
La réponse mettra sept ans à venir,
sous la forme d’un ordre du jour
(n°3) du 13 avril 1911 signé du direc-
teur des Chemins de fer de l’Etat,
Albert Claveille.
« La direction a constaté avec un vif
regret le nombre des agents déférés
devant le conseil d’enquête pour des
cas d’ivresse fréquemment répétée.
L’examen personnel qu’elle a fait des
dossiers lui a montré combien cette
situation était dangereuse tant pour
le bon ordre du service que pour la
sécurité de la circulation. Pour faire
cesser cet état de choses, elle n’hé-
site pas àfaire tout d’abord appel à la
dignité et au sentiment du devoir per-
sonnel: les agents comprendront
qu’ils doivent à eux-mêmes et à leurs
fonctions de savoir se discipliner en
cette ma tière et combattre des habi-
Sus aux boissons alcooliques absorbées en été
pour se rafraîchir et en hiver pour se réchauffer.
Photorail
Le réseau de
l’Etat était l’un
des plus touchés
par l’alcoolisme.
Deux ordres
du jour édictés
en 1911 et 1913
essayèrent
d’apporter
un début
de réponse au
problème.
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
tudes dégradantes.
« Si, contrairement à toute attente,
quelques-uns se refusaient à entendre
cet appel, la direction, qui a la respon-
sabilité du fonctionnement du réseau,
se verrait dans l’obligation de prendre
des mesures rigoureuses. En attendant
que des mesures plus générales soient
prises, la direction prévient le person-
nel que dorénavant tout agent surpris
en état d’ivresse manifeste encourra
une punition sévère, pouvant aller
jusqu’à la révocation, qui sera pronon-
cée en cas de récidive.
« Les chefs à tous les degrés de la hié-
rarchie sont invités à signaler tous les
cas qui se produiront. Ils sont invités
également pour soustraire, dans la
plus large mesure possible, les agents
à de fâcheuses influences, à les empê-
cher de sortir du chemin de fer pen-
dant le temps entier où ils sont consi-
dérés comme étant en service ou à la
disposition de leurs supérieurs.»
Le résultat escompté n’est malheu-
reusement pas au rendez-vous. Une
circulaire du service du personnel en
date du 7 août 1912 fait état d’une
progression constante du nombre de
cas d’ivresse ou d’ébriété déférés au
conseil d’enquête (qui peut s’expli-
quer aussi par une plus grande sévé-
rité sur le terrain): 180 en 1910, 457
en 1911, 474 (1
semestre) en 1912
(ce qui, ramené à l’année, donne un
nombre probable d’environ 900).
« De tels chiffres révèlent que le mal
est plus profond encore qu’on n’eût
pu croire. Ils indiquent, en même
temps, que ni les sanctions indivi-
duelles ni la publicité qui leur sont
données ne sont des remèdes suffi-
sants; l’exemple de la répression n’a
plus prise quand les habitudes sont
trop invétérées.
« Il est donc indispensable de recher-
cher des mesures d’un autre ordre et
c’est ainsi que la direction a été
conduite à envisager un ensemble de
dispositions qui pourront servir de
programme aux efforts du réseau. Le
premier soin de l’administration doit
être évidemment d’empêcher le per-
sonnel de trouver, dans l’enceinte
même du réseau, la possibilité de se
procurer des boissons alcooliques: il
ne faut donc pas que les buffetiers du
réseau aient la faculté d’en vendre.
« Si, à la vérité, on ne peut imposer
cette interdiction à ceux dont les baux
sont en cours, il est permis d’espérer
qu’ils ne refuseraient pas de donner
satisfaction à une demande qui leur
serait faite dans ce sens. En tout cas,
et conformément à la résolution prise
par le comité de direction dans sa
séance du 10 mai 1911, aucun bail
nouveau ni aucun renouvellement de
bail ne seront signés sans qu’une dis-
position explicite défendant toute
vente de boissons alcoolisées au per-
sonnel n’y ait été introduite.
« Sans attendre d’ailleurs l’application
de ces nouvelles mesures, il paraît pos-
sible d’interdire dès maintenant à tout
agent en service de se rendre dans les
buffets et buvettes pour y prendre des
consommations à base d’alcool.
« Une surveillance active exercée à cet
effet dans les gares et stations ne tar-
derait certainement pas à donner les
meilleurs résultats.
« Les chefs locaux devront également
veiller à ce que, conformément aux
prescriptions de l’ordre du jour n°19
de 1910, les boissons chaudes et to-
niques distribuées pendant la saison
d’hiver aux agents des trains etdes
gares ne contiennent jamais d’alcool.
« D’autre part, au moment où il est
interdit aux buffetiers la vente des al-
cools, le réseau ne peut laisser cette
latitude à ses économats. Les com-
missions administratives seront donc
invitées à ne plus s’approvisionner de
boissons à base d’alcool.
« Mais il ne suffit pas que les agents et
ouvriers ne puissent plus trouver dans
les locaux mêmes de l’administration
la possibilité de boire de l’alcool, il faut
encore qu’ils ne soient pas sollicités
en dehors du réseau.
« A cet effet, le premier devoir des
chefs est de proscrire la déplorable
habitude des “tournées” offertes à
chaque mutation d’agent (arrivée, dé-
part, promotion). Et il ne faut pas sur-
tout que l’on voie des chefs solliciter
ces tournées des nouveaux venus.
Toute faute de cette nature sera punie
avec la dernière rigueur.
« De plus, pour parachever cette œu-
vre de moralisation, il serait vraiment
désirable que les agents de roulement,
qui doivent prendre de longs repos
dans les gares, eussent à leur disposi-
tion des locaux propres et bien aérés,
où ils trouveraient soit des livres, des
revues, des journaux, soit même des
jeux de cartes, dominos, jacquets, etc.
« Ces quelques distractions offertes
habitueront assurément le plus grand
nombre à ne plus recourir au cabaret
voisin pour passer les heures d’inac-
tion.
« La ligue antialcoolique des agents
des chemins de fer fera d’ailleurs
d’ores et déjà connaître qu’elle est
prête à offrir au personnel ces livres
et ces jeux.
« Le réseau peut donc escompter qu’il
n’aurait pas à supporter la totalité de
42-
Historail
Janvier 2009
Tout agent surpris en état d’ivresse manifeste
encourra une punition sévère, voire la révocation.
la dépense. En tout cas, la direction
est disposée à demander au Parle-
ment les crédits nécessaires pour la
réalisation de ces installations dans le
plus court délai possible.»
Cette circulaire est à l’origine de l’or-
dre du jour n°7 («Répression de l’in-
tempérance»), en date du 12 février
1913, signé A.Claveille. Après avoir
rappelé le précédent de l’ordre du jour
arrêté en 1911 et la menace de révo-
cation pesant sur
«ceux qui ont des
habitudes d’intempérance invété-
rées»
, Claveille fait remarquer que
«l’effort du réseau ne serait pas suf-
fisant s’il se bornait à frapper les
agents fautifs»
. Et de poursuivre:
« La campagne entreprise par les so-
ciétés antialcooliques peut donner à
cet égard les plus heureux résultats,
et le premier devoir de chacun est
Janvier 2009
Historail
La plaquette
adressée
nominativement
à chacun de ses
agents par le
PLM en 1898.
Coll. G. Ribeill
Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
d’encourager une telle campagne. Or
il a été signalé à la direction que, dans
certains cas, les sociétés dont il s’agit
n’ont pas trouvé, auprès des chefs lo-
caux, l’aide sur laquelle elles étaient
en droit de compter.
« Le directeur désire que pareil fait ne
se renouvelle pas. Il recommande ex-
pressément aux gradés, à tous les de-
grés de la hiérarchie, de faciliter, dans
toute la mesure compatible, avec les
exigences du service l’accomplisse –
ment de leur mission à ceux des mem-
bres des sociétés antialcooliques qui,
bravant des préjugés trop enracinés,
ont bénévolement assumé la tâche dif-
ficile et courageuse d’agir spéciale-
ment auprès de leurs camarades.»
Dans son édition du 20 septembre
1913, le
Journal des transports
se fé-
licite de ces nouvelles mesures:
«Nous allons avoir en France toute
une administration où de haut en bas
de la hiérarchie régnera la sobriété.
C’est l’Ouest-Etat qui donnera ce bel
exemple.»
Reprenant la nouvelle à
son compte deux jours plus tard, le
Paris Midi
précise que la décision de
Claveille
«aura d’autant plus de por-
tée qu’elle s’étend sur un réseau où la
consommation d’alcool par habitant
est la plus forte. Bretons et Normands
vont la trouver mauvaise»
L’implication des réseaux dans la lutte
antialcoolique peut se mesurer à l’aune
des subventions consenties à cet effet.
L’examen des sollicitations de la Société
antialcoolique des agents de chemins
de fer permet de confirmer leur adhé-
sion au programme défendu par Beau-
champs, même si la spontanéité n’est
pas toujours de mise, notamment sur
le Nord, et si la décision d’augmenter
leur participation financière est généra-
lement précédée d’une intervention
ministérielle. Ainsi, par dépêche du
9février 1920, le ministre des Travaux
publics, Yves Le Trocquer, reprenant les
termes d’une démarche identique faite
en 1909 par Alexandre Millerand, rap-
pelle
«l’incontestable utilité de l’œu-
vre»
, estimant à ce titre
«qu’elle mé –
ri te la sollicitude des pouvoirs publics
et les encouragements des administra-
tions de chemins de fer»
. Il invite donc
ces dernières à faciliter à ses membres
l’accomplissement de leur mission.
Réunie le 12 février, la conférence des
directeurs, après avoir signalé qu’elle
avait autorisé en octobre 1918 l’affi-
chage dans les locaux publics des gares
d’un appel à la répression de l’alcoo-
lisme, décide d’accorder à cet effet un
ou deux jours de congé aux agents
concernés et de porter la dépêche mi-
nistérielle à la connaissance du person-
nel. La Compagnie du Nord s’exécute
par ordre du jour n°128 du 7 avril
1920:
«Heureuse de s’associer au té-
moignage de M.le ministre des Tra-
vaux publics, la compagnie appelle de
nouveau l’attention de son personnel
sur cette œuvre extrêmement intéres-
sante au point de vue hygiénique et
social.»
Dans le même temps, les direc-
teurs s’entendent pour gonfler l’enve-
loppe destinée à soutenir son action.
De fait, le manque de moyens finan-
ciers conduit Beauchamps à solliciter
sans relâche les réseaux. Le 28janvier
1904, il demande ainsi à la Compa-
gnie du Nord une aide financière pour
«étendre notre propagande sur vo-
tre réseau»
, rappelant au passage
que l’Est, l’Ouest et le PO ont déjà ap-
porté leur contribution à hauteur de
300 francs chacun, sommes em-
ployées à la souscription d’abonne –
ments à
La Santé de la famille
. Moins
généreux, le Nord se contente de ver-
ser une subvention de 200 francs,
portée à 300 francs en 1907, puis à
400 francs en 1908.
Beauchamps revient à la charge en
1917:
«(…) la campagne contre l’al-
cool est plus que jamais nécessaire
puisque la guerre, loin d’avoir contri-
bué à la diminution du nombre des
buveurs, a au contraire considérable-
ment accru ce dernier. En effet, bien
des soldats qui n’avaient auparavant
jamais consommé d’eau-de-vie au-
ront au front, où l’on a cru nécessaire
de leur en distribuer presque journel-
lement, contracté le goût pour ce
poison! Et malheureusement aussi,
la femme, en remplaçant à l’atelier
l’homme mobilisé, y aura pris les fu-
nestes habitudes de ce dernier»
(let-
tre du 20 février à la Compagnie du
Nord). Prétextant le coût de la vie et
l’impossibilité morale d’augmenter la
cotisation des adhérents, il sollicite
des compagnies une subvention an-
nuelle supplémentaire qui viendrait
s’ajouter à celle perçue depuis 1903
pour le prix d’abonnements à
Santé de la famille
. Cette nouvelle
participation,
«qui pourrait être de
500 fr par réseau»
, serait à même,
poursuit-il, d’encourager
«notre lutte
pour extirper des chemins de fer un
vice dangereux et assurer en même
temps à notre pays une race physi-
quement et moralement plus saine
et plus vigoureuse»…
Il récidive au printemps 1918, en
s’adressant cette fois-ci directement
au ministre des Travaux publics, Al-
bert Claveille. Ce dernier, après avoir
obtenu de son confrère de l’Intérieur
le versement à l’association d’une aide
44-
Historail
Janvier 2009
Le réseau de l’Etat, toute une administration où de
haut en bas de la hiérarchie régnera la sobriété !
de 1000francs, s’était engagé le
19avril à user de son influence au-
près des réseaux pour l’obtention de
secours équivalents. Une promesse
que Beauchamps se fait un devoir de
lui rappeler dès le 27
«dans un mo-
ment où la cherté de la vie nous met
dans un cruel embarras»
. Et de préci-
ser:
«Les marchands d’alcool se van-
tent d’avoir des millions à disposition
pour gêner le succès de notre lutte;
nous espérons avec toute la force de
notre volonté et ces quelques crédits
pouvoir contrebalancer d’une façon
efficace l’influence néfaste des em-
poisonneurs.»
Sitôt dit, sitôt fait. Le
14mai, les compagnies, briefées par
Claveille, s’engagent à verser chacune
et annuellement une subvention de
1000francs en sus de leur participa-
tion de 400 francs employée à la
souscription d’abonnements à
Santé de la famille
Pour tenir compte de l’inflation, les
réseaux portent leur participation res-
pective à 1500francs en 1920 et à
2500francs en 1926. Toujours en
1920, la somme employée à la sous-
cription annuelle d’abonnements à
Santé de la famille
(200 exem-
plaires/mois) est portée pour chaque
réseau de 400 à 600 francs.
A cela, s’ajoutent des allocations ex-
ceptionnelles consenties ponctuelle-
ment par les réseaux: 200 francs par
réseau pour la tombola annuelle de
la Société en 1920, 1921, 1922 et
1923; «Prix des réseaux» de
1000francs pour la matinée artis-
tique et sportive organisée à l’occa –
sion des vingt ans de la Société en
1923; 200 francs par réseau en fa-
veur de la caisse des primes d’allaite –
ment et de propagande en 1923, etc.
Il reste difficile cependant de juger de
l’efficacité réelle de la lutte antialcoo-
lique au sein des réseaux. Deux docu-
ments nous en donnent un vague
aperçu, peu encourageant il est vrai.
Le premier est la transcription d’une
«causerie» sur le thème de l’alcoo –
lisme dans les chemins de fer faite le
13 janvier 1927 à la maison des X par
Georges Bolle, chef de la division de la
comptabilité du matériel et de la trac-
tion PLM. Recruté deux ans plus tôt
par Beauchamps pour relancer la pro-
pagande antialcoolique sur ce réseau,
Bolle est un témoin de première main.
A ce titre, il réussit en quelques mois
à réunir 2500 adhérents
«plus spé-
cialement recrutés dans le personnel
de la traction dont les exemplaires
étaient, auparavant, extrêmement rares
à la Société, alors que principaux inté-
ressés à la tempérance, ils en devraient
normalement constituer le fond»
Un autre témoignage tout aussi pré-
cieux est celui de Beauchamps qui,
dans son opuscule
Alcoolisation et Sé-
curité dans les chemins de fer
, publié
en 1929, dénonce, une fois de plus, la
passivité bienveillante de la hiérarchie.
Bolle rapporte les confidences du mé-
decin en chef du PLM sur la forte re-
prise de l’alcoolisme chez les chemi-
nots de la compagnie après la
régression sensible des premières an-
nées qui ont suivi la fin de la guerre.
Un alcoolisme géographiquement
plus ou moins marqué, la partie méri-
dionale du réseau –où le vin, de
moindre nocivité, règne en maître–
étant moins touchée que la partie
orientale,
«paradis des anis et des
gnoles de toutes sortes»
. Le PLM dis-
pose d’ailleurs d’une typologie pré-
cise des foyers les plus sensibles,
concrétisée sur une carte par de petits
ronds entourant les différentes locali-
tés, le diamètre de chaque rond va-
riant selon le coefficient 1000 C
(C étant le nombre de punitions pro-
noncées pour alcoolisme et A l’effec-
tif local des cheminots).
«On est
frappé,
constate Bolle,
de la densité
et du diamètre des ronds dans les ré-
gions du Centre et de l’Est, avec
poussée vers la Savoie, alors que le
Midi est d’une virginité presque to-
tale et fort impressionnante. De plus,
les dépôts isolés tels que Perrigny,
Ambérieu, Badan exhibent aussi de
gros ronds, conséquence quasi fatale
de leur isolement.»
Allusion ici au
désœuvrement des cheminots qui,
faute de trouver de quoi s’occuper
ou se distraire, n’ont rien de mieux à
faire que de boire…
Bolle fait remarquer qu’en face de l’in-
quiétante recrudescence de l’alcoo-
lisme, les réseaux ont accentué le vo-
let répressif. Sur le PLM, il s’est traduit
par des passages plus fréquents de-
vant le conseil d’enquête et sur une
sévérité accrue de celui-ci.
«Pour
beaucoup,
affirme-t-il,
la crainte du
conseil d’enquête est le commence-
ment de la sagesse, et, si je peux dire,
le frein antialcoolique qui les bloque
sur la pente fatale.»
Beauchamps soupçonne cependant
que beaucoup de cheminots alcoo-
liques passent au travers des mailles:
«L’une des bases sur lesquelles l’on
devrait pouvoir tabler pour juger de
l’ampleur de l’alcoolisme dans les che-
mins de fer pourrait être le nombre de
punitions, de radiations, de maladies
provoquées par ce fléau, mais ce point
de repère est inexistant. En effet, dans
nos réseaux, les chefs sont,les uns,
Janvier 2009
Historail
La crainte du conseil d’enquête est le début de
la sagesse, le frein antialcoolique qui les bloque.
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
indifférents à de mauvaises habitudes
dont ils sont eux-mêmes les adeptes,
et la plupart des autres dans la
presque impossibilité d’obtenir des
sanctions contre les agents qui doi-
vent, d’après les règlements de cer-
tains réseaux, reconnaître par leur si-
gnature l’exactitude du rapport dressé
contre eux, à moins que ces chefs se
résolvent à signaler le coupable avec
des motifs différents tels que: incapa-
cité, fatigue générale, usure, etc. […]
Ce renoncement de certains chefs de
service à remplir leur devoir ou à si-
gnaler les faits dans leur exactitude
par suite de découragement ou pour
toute autre raison a forcément sa ré-
percussion plus haut. Dernièrement,
un médecin-chef auquel j’expliquais
ces faits me répondit: “
Mais je sais
bien qu’on ne signale pas les buveurs.
Au conseil de réforme ou d’enquête,
bien souvent, quand je déclare un
homme atteint d’alcoolisme, immé-
diatement, le délégué chargé de dé-
fendre les intérêts du coupable me
présente le dossier en me faisant re-
marquer qu’il ne s’y trouve aucune pu-
nition pour ivresse
Et notre homme
de citer encore la note d’un inspec-
teur divisionnaire qui écrit textuelle-
ment:
«Il semblerait que depuis
quelque temps les chefs de service to-
lèrent ou ne voient plus certaines ab-
sences de leurs subordonnés; j’en-
tends parler d’absences pendant le
service pour aller au café.»
Comment lutter contre ces inerties?
Chacun y va de sa solution. Les uns
jouent sur la corde sensible, comme
le commandant Huc, le président des
œuvres sociales du PO, qui, lors d’une
allocution en 1925, fait un
«appel à la
collaboration de la femme»
qui, si elle
veut avoir des enfants sains, un foyer
où il fait bon vivre, recevoir la paie du
mari,
«doit être dans cette lutte contre
l’alcool, endormeur, épuiseur de la
race, le meilleur et le plus actif propa-
gandiste»
. Les autres menacent, à
l’exemple des rédacteurs du règlement
de la caisse de prévoyance du Midi qui
stipule clairement en 1931 que
«n’ont
pas droit aux secours médicaux les em-
ployés et ouvriers dont les maladies
ou blessures sont le résultat de l’in-
conduite, de l’intempérance, de vices
ou de rixes».
Fidèle disciple de Beauchamps, Bolle
est persuadé que l’antialcoolisme est
avant tout affaire de prophylaxie:
«Détourner les agents de l’alcool et
de ses tentations par tous les moyens
possibles, éliminer ses victimes incu-
rables et dangereuses, telle doit être la
base de tout programme antialcoo-
lique.»
Outre l’éradication des débits
de boissons, la suppression des tau-
dis au profit de logements conforta-
bles est une autre priorité. Sur ce
point, il donne en exemple les cités
créées par Raoul Dautry sur le réseau
Nord. Ce même Dautry qui écrit dans
l’Ingénieur-constructeur de février
1923:
«L’estaminet ne peut s’établir
qu’en marge des cités. Il n’offre ni le
confort ni la gaîté que l’agent trou-
vent chez lui. Supprimer le taudis,
c’est vaincre l’estaminet, et cette vic-
toire est plus que l’espérance d’une
vie heureuse pour nos ouvriers, c’en
est l’avènement.»
Certes, mais est-ce suffisant? Le dé-
bit de boissons est-il le seul fautif?
Non, reconnaît Bolle:
«Et puis, il y a
l’habitude, il y a le panier, il y a les
nombreuses, trop nombreuses bou-
teilles consommées en cours de
route par les mécaniciens et chauf-
feurs (on m’a signalé un mécanicien
qui n’en consommait pas moins de
neuf par jour).»
Reconnaissons cependant à Raoul
Dautry d’avoir veillé personnellement
au problème lors de son passage à la
tête des chemins de fer de l’Etat entre
1928 et 1937. L’un de ses principaux
adjoints, Pierre Levy, a souligné les prin-
cipaux aspects de son action au cours
d’une conférence faite au Conserva-
toire des arts et métiers le 9 avril 1933
sur les mesures prises pour protéger
le personnel contre les accidents du
travail et contre la maladie. Question
sécurité, il souligne que 78 affaires
pour fait d’ivresse ont été examinées
par le conseil d’enquête en 1928, 110
en 1929, 239 en 1930 et 266 en
1931 –chiffres qui témoignent plus
d’une sévérité croissante que d’une
progression de l’alcoolisme, comme le
laisse supposer la réduction du nom-
bre de ces punitions à 207 en 1932.
Dans un autre ordre d’idées, outre l’in-
terdiction renouvelée aux buffetiers de
vendre aux agents aucune boisson al-
coolisée, il a été demandé à tous les
postulants à un emploi de s’engager
par écrit à ne jamais tenir, ni laisser te-
nir par leur famille, d’auberge ou de
débit de boissons, à quelque distance
que ce soit d’une gare. Enfin, l’alcoo-
lisme étant à l’origine de nombreuses
maladies, tout a été mis en place pour
les diagnostiquer au plus vite, notam-
ment la plus terrible de toute, la tu-
berculose (mise en route, en mai
1933, d’une voiture radiologique).
Sans oublier l’appui inconditionnel ap-
porté par la Société antialcoolique des
agents de chemins de fer.
Bruno CARRIÈRE
46-
Historail
Janvier 2009
Les chefs sont indifférents à de mauvaises
habitudes dont ils sont eux-mêmes les adeptes.
Janvier 2009
Historail
Les «empêcheurs
de boire en rond».
Dela Société antialcoolique
à la Santé de la Famille
S
i les compagnies ferroviaires com-
mencent à prendre conscience du
problème de l’alcoolisme au sein de
leur personnel dans les années 1870-
1880, c’est un employé de la Compa-
gnie de l’Ouest, âgé d’à peine trente
ans, Henri Beauchamps, qui va se po-
ser pendant plus d’un demi-siècle en
chantre de la tempérance au sein de la
communauté cheminote. Plein d’une
foi inébranlable mais novice en la ma-
tière, il a la sagesse de chercher conseil
auprès de Schaër-Vésinet, président
de la Ligue de la Prospérité. Fondée
en 1896, cette association avait créé
une maison d’assistance par le travail
destinée à recueillir les malades alcoo-
liques sortant du service de l’asile de
Ville-Evrard (Seine), mis en place deux
ans plus tôt par le docteur E. Maran-
don de Montyel.
Créée en 1903 par Henri
Beauchamps (1869-1957),
la Société antialcoolique
des agents de chemins de fer
– devenue en 1930 La Santé
de la Famille des Chemins
de Fer – a su s’adapter aux
réalités du terrain et à
l’évolution des mentalités.
La Société n’a
pas hésité, bien
que de façon
très ponctuelle,
à illustrer
la couverture
de son journal
pour pro�ter
de l’impact de
l’image sur
les esprits.
La Santé de la Famille/Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
Beauchamps dévoile publiquement
et pour la première fois son dessein
en mai 1902, par le truchement de
La Prospérité
, le journal de la Ligue
de la Prospérité :
« Je viens de lire
avec intérêt dans un journal suisse,
l’Abstinence
, le compte-rendu de la
Société antialcoolique des chemins
de fer suisses
[la Société des em-
ployés de chemins de fer abstinents
née depuis peu],
je souhaite de tout
cœur voir mes camarades des grands
réseaux français imiter l’exemple de
nos voisins. »
Aussitôt commencé, le
recrutement per met de compter ra-
pidement 2457inscrits, nombre suf-
fisant à l’organisation, le 6 septembre
1902, d’une nouvelle association pré-
sidée par Beauchamps : la Société
antialcoolique des ouvriers et em-
ployés de chemins de fer. Financiè-
rement, celle-ci reste dépendante de
la Ligue de la Prospérité qui lui prête
ses locaux et insère dans son journal
toutes les informations et communi-
cations destinées à ses membres.
Journal que ces derniers reçoivent
gratuitement, n’étant par ailleurs
soumis à aucune cotisation.
Cette dépendance conduit Beau-
champs à organiser le 23 mai 1903
une première fête pour laquelle il sol-
licite les réseaux. L’Ouest y participe
ainsi à hauteur de 200 francs et le
Nord, de 100 francs. L’initiative sera
renouvelée chaque année avec un
succès grandissant, réunissant pour la
bonne cause personnalités du monde
politique, médical et ferroviaire.
La tutelle de la Ligue de la Prospérité
se faisant malgré tout pesante, Beau-
champs décide de s’émanciper, non
sans s’être assuré auparavant du sou-
tien officieux des réseaux. La rupture
est consommée le 18 octobre 1903.
Ce jour-là, après avoir été dûment in-
formés de la dissolution de l’ancienne
structure, les adhérents, réunis en as-
semblée générale, élisent un comité
central auquel ils donnent mandat
«de poursuivre et maintenir absolue
l’indépendance de la Société»
émettent le vœu
«qu’il soit fait ap-
pel à l’appui moral et matériel de tous,
sans distinction d’opinion politique ou
religieuse, considérant que notre seul
ennemi, l’alcool, s’attaque à tous in-
distinctement»
. La nouvelle associa-
tion, baptisée Société antialcoolique
des agents de chemins de fer, est dé-
clarée à la préfecture de la Seine le
10 novembre 1903. Ouverte aux seuls
cheminots, elle a pour but essentiel
«de combattre l’alcoolisme»
. Avec,
cependant, une tolérance certaine
comme s’est plu à le rappeler un
membre du comité central (A. Dau-
mont) dans le rapport général fait aux
adhérents en 1906 :
« Bien que reconnaissant l’abstinence
comme une vérité, il parut impossible
d’en réclamer la pratique intégrale.
« Cette idée est, en effet, irréalisable
étant donné les mœurs actuelles, et
difficilement applicable dans un pays
viticole comme la France.
« Il sembla donc plus sage d’agir len-
tement, progressivement, le danger
le plus grand étant non pas l’absorp-
tion des boissons alcooliques propre-
ment dites, mais principalement leur
abus ; le péril imminent provenant
surtout de l’usage de l’alcool et des
infects breuvages dénommés pom-
peusement apéritifs, spiritueux et au-
tres, hygiéniques ou non. »
Une volonté qui se traduit dans les
faits par une répartition de ses mem-
bres en trois catégories :
simples adhérents destinés à être
instruits sur les méfaits de l’alcool
au moyen de conférences et de
brochures ;
membres actifs s’engageant à s’abs-
tenir de tout alcool et à user modé-
rément de boissons fermentées ;
membres abstinents qui ne prennent
que des boissons non fermentées.
Outre combattre l’alcoolisme, l’asso-
ciation entend
« répandre des notions
d’hygiène générale nécessaire à la
santé de tous »
avec pour but de
«préserver le physique, le moral et le
porte-monnaie des sociétaires »
. C’est
ce que nous apprend encore le rap-
port général de 1906 :
« En effet, il semble anormal de s’oc-
cuper d’antialcoolisme sans faire d’hy-
giène ; nous voulons dire par là que,
lorsqu’on a pris pour mission de dé-
signer à chacun ce qui lui est nuisi-
ble, il est bon, pour compléter sa
tâche, de lui enseigner les choses
saines et économiques. »
Cette dernière mission a grandement
participé à la décision prise par l’as-
sociation, le 4 novembre 1903, de
créer un journal mensuel
« lui appar-
tenant exclusivement »
. Le premier
numéro paraît dès le mois suivant
avec pour titre
La Santé de la Famille
et comme sous-titre
Journal mensuel
d’hygiène alimentaire et domestique
Il est distribué gratuitement à tous les
sociétaires en règle avec leur cotisa-
tion, soit 10 centimes par mois ou un
franc par an. La décision, jusqu’alors
écartée, de subordonner les adhé-
sions à cotisation –
« afin surtout de
soumettre nos membres à une
épreuve de sincérité »
– se traduit
toutefois par une hémorragie des
48-
Historail
Janvier 2009
L’abstinence oui, mais de façon mesurée pour
tenir compte de la tradition viticole française.
Janvier 2009
Historail
effectifs –
« Le résultat ne se fit pas
attendre, car bien tôt il ne restait plus
que 500mem bres environ. »
Beauchamps, comprenant l’impor-
tance de trouver les moyens financiers
indispensables à la survie de la So-
ciété, avait tôt commencé à démar-
cher systématiquement les différents
réseaux à l’effet d’obtenir l’octroi de
subventions régulières. Surtout, il avait
vite compris la nécessité de faire appel
à la bonne volonté de personnes
étrangères au monde cheminot. C’est
ainsi qu’à côté des adhérents de base
avaient commencé à poindre des
«membres conseils» (hygiénistes,
médecins, etc.), des «membres
d’honneur» (personnes ayant rendu
ou appelées à rendre d’importants ser-
vices à la Société), des «membres
bienfaiteurs» (soumis au versement
d’une somme minimale de 25 francs
par an) et des «membres hono-
raires» (10 francs par an). En 1908,
apparaîtront également des «mem-
bres donateurs» (5 francs par an).
Ces modifications à la situation qui
présidait avant la refondation d’octo-
bre 1903 se retrouvent dans les sta-
tuts définitifs de la Société approuvés
par les adhérents réunis en assemblée
générale le 22 octobre 1905.
Les statuts apportent également
quelques changements à l’organisa-
tion interne de la Société, lui donnant
l’occasion de se débarrasser des élé-
ments jugés trop peu concernés par
les enjeux poursuivis. Le rapport gé-
néral de 1906 s’en fait l’écho :
«Jusqu’alors, les membres du conseil
d’administration ayant, par suite du
manque de bonnes volontés, été
La présentation
de
La Santé de la
Famille
n’a cessé
d’évoluer au gré
des aspirations
de ses
adhérents, plus
particulièrement
exprimées dans
les sous-titres du
journal. A noter
le caractère
symbolique du
sémaphore les
bras levés et du
signal carré
fermé faisant
barrage à
l’alcool, et
l’ajout rapide sur
la couverture
des deux devises
de la Société
(«Bien faire et
laisser dire» et
«Vouloir c’est
pouvoir») et la
reproduction de
sa 1
re
médaille
(la Société
soutenant un
homme qu’elle
vient d’arracher
des griffes
de l’alcool).
La Santé de la Famille/Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
recrutés sans références sévères, sans
engagement écrit, de grands dé-
vouements s’y rencontrèrent, mais, il
faut également l’avouer, des inutilités
et même des éléments douteux. Ces
derniers s’éliminèrent d’eux-mêmes,
quant aux inutilités, volontaires ou
non, elles disparaissent peu à peu, et
nous constatons que nos membres
actuels sont (pour) la plupart remplis
de bonne volonté ; mais c’est parfois
insuffisant, car ce qu’il nous faut sur-
tout, ce sont des travailleurs. »
Cette même année, la Société adhère
à la Ligue nationale contre l’alcoo-
lisme, dont le président, Emile Cheys-
son, accepte la présidence d’honneur
que lui offre Beauchamps. Charge
qu’il partage l’année suivante avec
René Viviani, ministre du Travail et de
la Prévoyance sociale.
La reconnaissance officielle de la So-
ciété ne suffit pas cependant pas à as-
surer sa pérennité, même si le nom-
bre de ses adhérents a amorcé un
redressement spectaculaire en
quelques mois à peine, passant de 500
à l’hiver 1903 à 2500 au printemps
1904. D’où la décision de Beauchamps
d’élargir son domaine d’action en
ajoutant à son but initial (l’antialcoo-
lisme) des activités relevant des do-
maines de la prévoyance (versement
de secours en cas de décès) et de la
philanthropie (primes de naissance et
d’allaitement). Cette nouvelle orienta-
tion est prise en compte par une mo-
dification des statuts de 1905 entéri-
née en assemblée générale les 6 et
7novembre 1908. Intervenant à Lyon,
le 10 juin 1917, dans le cadre de l’as-
semblée générale de la Ligue natio-
nale contre l’alcoolisme, Beauchamps
reviendra sur les raisons de cette évo-
lution. Passant en revue les actions me-
nées par la Société, il séparera l’action
directe (le journal, les conférences, les
brochures) de l’action indirecte :
« Pour
faire des adeptes, des convaincus, il
faut d’abord pouvoir convaincre. Ceci
est peut-être une vérité de La Palisse ;
50-
Historail
Janvier 2009
Henri
Beauchamps
croqué à
l’occasion
d’un entretien
accordé
en octobre 1950
à
Notre Métier
.
Beauchamps, pour l’appeler par son nom, est un
homme tenace (comme l’alcoolisme), redoutable (comme
l’alcoolisme) et endurant (comme l’alcoolisme) ; rien ne
le rebute, il aime et provoque même les discussions, les
contradictions. […] Depuis vingt ans, ce Foch de la tem-
pérance, aidé par un état-major actif et capable, mène un
dur combat contre l’alcoolisme et ses alliés : la mauvaise
hygiène, la dépopulation…
» Tel est le portrait que dresse
La Santé de la Famille
d’Henri Beauchamps en octobre
1923 à l’occasion du vingtième anniversaire de la Société
antialcoolique des agents des chemins de fer.
Né le 23 mai 1869 à Saint-Lubin-des-Joncherets (Eure-et-
Loir), Henri Beauchamps est orphelin
de père à 3 ans et de mère à 6 ans. Bien
que nanti du certificat d’études, il est
aussitôt employé aux travaux des
champs. A 18 ans, il contracte un en-
gagement volontaire de cinq ans. En
poste à Chalon-sur-Saône, Dijon, Ar-
zeau (province d’Oran), Laon, il quitte
l’armée en 1892 avec le grade de capo-
ral pour un emploi d’expéditionnaire
dans une étude d’avoués, puis de fac-
teur-enregistrant à la Compagnie des
chemins de fer de l’Ouest. Autodidacte,
il intègre en 1894 les Services centraux,
puis, en 1899, nommé employé, la Caisse des retraites.
Abstinent convaincu, il commence à militer activement
contre l’alcoolisme en 1897 et crée en 1902 la Société
antialcoolique des ouvriers et employés de chemins de
fer, rebaptisée un an plus tard, dont il préside les desti-
nées pendant plus d’un demi-siècle. Ayant renoncé à
tout avancement administratif, il finit par recevoir une in-
demnité de chaque réseau pour se consacrer entière-
ment à son idée généreuse.
Très actif, il multiplie les conférences, n’hésitant pas à
recourir aux méthodes les plus modernes pour appuyer
ses propos. C’est ainsi qu’il sollicite de la Compagnie du
Nord, en juin 1914, la somme de 150 francs nécessaire à
l’achat d’un « appareil portatif » pour l’organisation de
conférences « avec vues cinématographiques ». Dépense
qu’il justifie en ces termes : «
…la lutte contre l’alcool
étant très ingrate, il n’est possible d’attirer les ignorants
du mal que nous combattons et les indifférents qu’au
moyen d’attractions.
» En 1933, preuve de son dyna-
misme, il dispense 33 cours d’information sur le réseau
Est, 15 et 10 sur ceux de l’Etat et du PO. Il intervient éga-
lement à l’étranger, notamment à l’occasion des congrès
de l’Association internationale des sociétés antialcoo-
liques des chemins de fer fondée à Stockholm en 1907.
On l’entendra même à la radio.
Il produit aussi des études remarquées
(Alcoolisme et sé-
Henri Beauchamps, chantre de l’antialcoolisme
Photorail
mais, cependant, c’est le point le plus
difficile, car il s’agit alors d’attirer à soi
des indifférents et des adversaires.
Dans cet esprit, nous avons encadré
notre œuvre d’une série d’attraits des-
tinée à toucher les camarades soit par
un intérêt quelconque, soit par les
sentiments. »
La nouvelle orientation s’accompagne
également de la modification du sous-
titre de
La Santé de la Famille
qui, de
Journal mensuel d’hygiène alimentaire
et domestique
, devient
Société d’Hy-
giène, de Tempérance, de Prévoyance
et de Philanthropie Mutuelle.
Les sta-
tuts de 1908 reconnaissent aussi offi-
ciellement le rôle actif des femmes
comme relais de l’antialcoolisme
(art.11). La Société admet ainsi, au
même rang que les différents autres
«membres » contribuant par leur no-
toriété et leurs dons et legs à la bonne
marche de la structure, des «dames
patronnesses » et des «dames d’hon-
neur». Les premières ont été recru-
tées après un
«Appel aux Dames»
publié par
La Santé de la Famille
mai 1907, appel signé de BertheB.
(l’épouse de Beauchamps?),
«pre-
mière inscrite»
. Celle-ci sait trouver
les mots qu’il faut:
«… ne sommes-
nous pas les premières, épouses,
mères ou filles, intéressées à lutter
contre l’alcoolisme; ne sommes-nous
pas les premières victimes d’un mari
brutal, d’un père des tristes tares al-
cooliques duquel nous héritons et
même, hélas ! d’un fils, rendu fou par
la boisson et commettant le plus hor-
rible crime, celui de frapper sa mère.»
Qu’attend-t-on de ces femmes ? Une
obole pour celles qui le peuvent, un
petit ouvrage au crochet, au tricot ou
de broderie destiné à servir de lot à
la tombola pour les autres. Mais sur-
«qu’elles s’efforcent à rendre
leur intérieur agréable pour y attirer
leurs maris, afin qu’ils ne cherchent
pas les distractions toujours nuisibles
du dehors.»
La Société en compte
déjà 65 lors de l’assemblée générale
Janvier 2009
Historail
curité dans les chemins de fer, Causes de l’alcoolisme au
chemin de fer et ses remèdes, La véritable lutte préven-
tive contre la tuberculose)
et suscite l’organisation de
manifestations susceptibles de renflouer les caisses de
l’association (la fête annuelle de
La Santé de la Famille
est
un rendez-vous incontournable qui ne prendra fin
qu’avec les événements de mai 1968).
Au fil des ans, chacun devait reconnaître sa force de tra-
vail et sa capacité de suppléer «
par sa volonté et sa
bonne volonté, aussi inlassables l’une que l’autre, à l’in-
fériorité manifeste des moyens dont il disposait
». La
course aux subventions mobilise d’ailleurs une grande
partie de son énergie, avec les compagnies ferroviaires
pour principaux interlocuteurs.
Sa rigueur et son intégrité, ses compétences aussi, le dé-
signent tout naturellement pour occuper en 1914 les
fonctions de secrétaire général de l’Union nationale des
cheminots, puis, en 1939, celles de président du Comité
national de solidarité des cheminots, deux organismes
créés à l’initiative de l’ensemble des associations chemi-
notes pour venir en aide aux victimes de la guerre. En
1914, toujours, il fonde l’Ouvroir des Mères qui se fait
fort de procurer un travail rémunéré aux femmes de mo-
bilisés ou veuves de guerre.
Beauchamps a également partie liée depuis longtemps
avec le Comité national de la défense contre la tuber-
culose (pour laquelle il donne plusieurs conférences) qui
est son alliée naturelle, puisque, suivant un mot célè-
bre: «
l’alcool fait le lit de la tubercu-
lose
», et que combattre celle-ci, c’est
combattre d’abord celui-là. Les fonds
récoltés par l’Union nationale des che-
minots pendant la guerre permettent
d’ailleurs la création en 1921 de l’œuvre
Le Sanatorium des Cheminots et l’ou-
verture d’un premier établissement à
Ris-Orangis, dont il devient l’un des ad-
ministrateurs.
Bien qu’ayant fait valoir ses droits à la
retraite en 1935, il poursuit sans re-
lâche son œuvre, lançant notamment
cette année-là l’idée d’une « Maison
de relèvement des buveurs » destinée à
venir en aide aux malades alcooliques, vœu concrétisé en
1954 par l’ouverture du « curatorium » de Thun, près
de Meulan.
Diminué par une première attaque en 1953, il continue
cependant à apporter aide et conseils à l’association.
Santé de la Famille
publie encore deux de ces articles à la
veille de son décès survenu le 15 novembre 1957, à
88ans. Ses obsèques sont célébrées «
dans une touchante
simplicité
» le 21 en l’église Notre-Dame du Perpétuel
Secours, à Asnières.
Son action lui avait valu d’être promu chevalier de la
Légion d’honneur en 1925, puis officier en 1947, et de re-
cevoir la médaille d’or de l’Hygiène en 1927.
Br . C.
Coll. G. Ribeill
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
de novembre 1908.
Au sortir de la Grande Guerre, au
cours de laquelle elle apporte un sou-
tien sans faille aux campagnes me-
nées par la Ligue nationale contre l’al-
coolisme pour protester contre les
distributions abusives de boissons al-
coolisées aux soldats, la Société reçoit
les premiers signes d’une reconnais-
sance officielle :
lettre ministérielle du 9 février 1920
adressée aux réseaux insistant sur
«l’incontestable utilité de l’œuvre
poursuivie par (la) Société »
qui
« mé-
rite la sollicitude des pouvoirs publics
et les encouragements des adminis-
trations des chemins de Fer »
réception en octobre 1923 (l’année
de son 20
anniversaire) d’une délé-
gation de la Société par Alexandre
Millerand, président de la République,
et Raymond Poincaré, président du
Conseil.
En 1925, la barre des 10 000 adhé-
rents est franchie.
Ses membres veillent cependant à ne
rien lâcher de leur indépendance. En
1932, par exemple, ils dénoncent vi-
goureusement les propos du ministre
de l’Instruction publique Mario Rous-
tan qui recommande aux enseignants
de faire l’apologie auprès des enfants
de nos productions viticoles. Même
levée de boucliers à l’encontre de l’As-
sociation internationale des médecins
amis du vin qui invite les ministres de
la Santé publique à en proclamer les
bienfaits. Reste que le terme « anti-
alcoolique » accolé au titre de l’Asso-
ciation est ressenti par certains comme
un frein à son action. En 1921, déjà, il
avait été suggéré de le remplacer par
le mot « tempérance ». Au grand
dam des irréductibles :
« Pour com-
battre l’alcool, il faut être antialcoo-
52-
Historail
Janvier 2009
Le 22 juillet 1928, Saint-
Germain-en-Laye accueille
« La Fête sportive des cheminots
français » organisée par
la Société antialcoolique des
agents de chemins de fer, avec
le concours du
Petit Journal
et
diverses associations sportives
cheminotes de la région pari-
sienne. Cette manifestation,
ouverte à tous les cheminots de
France, a été voulue et organisée
par Henri Beauchamps, dont
les intentions ont été exposées
par
La Santé de la Famille
son édition de juin 1928, en écho
à la réunion préparatoire :
« En ouvrant la séance, M. Beau-
champs explique le but poursuivi
par la Société antialcoolique des
ouvriers et employés de chemins
de fer en provoquant l’organisa-
tion d’un concours sportif :
encourager les Sports qui éloi-
gnent l’homme du cabaret et
contribuent à améliorer sa
santé; se rapprocher des œuvres
sportives afin d’attirer l’attention
sur la nécessité pour les adeptes
de bien connaître l’hygiène
alimentaire, de savoir où ils
peuvent récupérer les dépenses
occasionnées dans l’organisme
par le travail des muscles.»
Le sport, allié de la lutte contre
l’alcoolisme, est un sentiment lar-
gement partagé au sein des asso-
ciations sportives cheminotes.
Ainsi, le 6 mai 1928, invité à
participer aux réjouissances mar-
quant le septième anniversaire
de la création de l’Association
sportive des agents du PLM de
Marseille, Bolle, président du
Comité PLM de la Société antial-
coolique des ouvriers et
employés de chemins de fer, et
accessoirement chef de la comp-
tabilité du Matériel et de la
Traction du réseau, fait «
des sociétés sportives qui sont
l’avant-garde de l’antialcoolisme,
un bon sportif n’étant pas un
buveur d’alcool
(La Santé de la
Famille
, août 1928).
La Fête sportive de Saint-
Germain-en-Laye, qui permet
aux cheminots de s’exprimer
dans diverses disciplines : athlé-
tisme (y compris des
« courses
féminines»
), gymnastique, bas-
ket, tir à la corde, etc., va per-
mettre un rapprochement des
diverses associations disséminées
sur le territoire, bientôt regrou-
pées à l’échelon national au sein
de l’Union sportive des chemi-
nots français (USCF). Jean Jardin,
porte-plume de Raoul Dautry,
rendra un hommage appuyé à
Beauchamps le 22 novembre
1928 lors de l’assemblée géné-
rale de l’Association sportive des
chemins de fer de l’Etat, dont il
préside les destinées :
«Sans
M. Beauchamps […], nos sociétés
sportives n’auraient pu prendre
contact, à l’occasion de cette
magnifique fête, pour créer
l’Union sportive des cheminots
français, qui comptera dans son
sein plus de cent sociétés situées
sur tous les Réseaux.»
La Santé
de la Famille
, janvier 1929).
Eloigner l’homme du cabaret par le sport…
lique. En faisant disparaître le mot an-
tialcoolique, cela donnerait certaines
latitudes qui seraient plus nuisibles
qu’utiles à la Société. »
Dix années suffisent à faire évoluer les
mentalités. Le 17 octobre 1930, le se-
crétaire général dans son rapport mo-
ral à l’assemblée générale déclare :
«Je note en passant que l’austérité
de notre titre n’est pas fait pour faci-
liter notre propagande. Aussi suis-je
comme beaucoup d’entre vous un
très chaud partisan de sa modifica-
tion […]. Lorsque ce nouveau titre
présentera notre œuvre, non pas
comme une farouche interdiction de
boire, mais comme un ensemble de
conseils salutaires pour la tempérance,
la bonne hygiène physique et morale
de l’individu en général, du cheminot
en particulier, je suis persuadé que
ceux que nous pressentirons se lais-
seront plus facilement convaincre. »
C’est ainsi que la Société antialcoo-
lique des agents de chemins de fer
devient La Santé de la Famille des che-
mins de fer (du nom de son journal).
Son programme se diversifie. Chargé
de la propagande antialcoolique au
PLM, Georges Bolle écrit en 1927 :
«… mieux vaut encore souvent dé-
tourner l’agent des tentations du bis-
tro, en l’occupant, en l’attirant ailleurs:
tant de gens boivent simplement
parce qu’ils n’ont rien de mieux à
faire!»
A cet effet, la Société orga-
nise des excursions, favorise la créa-
tion d’associations de toute sortes:
boules, pêche à la ligne, photogra-
phie, et surtout associations sportives,
jardinage… Elle est ainsi à l’origine de
l’Union sportive des cheminots fran-
çais et du Jardin des cheminots.
Mais des divergences subsistent. En
1934, le journal se fait l’écho d’une
polémique entre les partisans d’un re-
tour à une consommation modérée
chez le malade alcoolique et les te-
nants d’une abstinence totale, seule
solution possible. En 1936, nouvel af-
frontement autour de la semaine de
quarante heures et les congés payés.
« Les travailleurs solitaires,
écrit J.-F.
Le Coq, membre du conseil d’admi-
nistration,
tous ceux qui n’ont pas de
famille, où iront-ils pour passer le
temps ? Hélas, au bistrot ! »
La polé-
mique rebondit en 1938 sous la si-
gnature de M. Chatel :
« Depuis l’ap-
plication des nouvelles lois sociales,
un fait incontestable s’est imposé à
notre observation : non seulement les
cas d’aliénation mentale se sont dans
l’ensemble multipliés, mais le contin-
gent de fous alcooliques s’est accru
de façon disproportionnée. Le nom-
bre de deliriums tremens par exem-
ple a presque doublé. »
Inutile de dire
que les réactions n’ont pas été des
plus flatteuses pour l’auteur.
Plus constructive est la décision prise
en 1937, pour profiter utilement de
la réduction du temps de travail, de
lancer le projet d’un
« Parc des Loi-
sirs»
relevant de l’Association. Inau-
guré en 1939, situé près de la gare
d’Achères en bordure de la forêt de
Saint-Germain, il offre à côté d’aires
Janvier 2009
Historail
Le Jardin du Cheminot, émana-
tion de la Société antialcoolique
des ouvriers et employés de che-
mins de fer ? La filiation ne fait
aucun doute. L’idée de réserver
une section au jardinage au sein
de l’association remonte à 1918.
Nous ignorons les raisons qui ont
fait qu’elle n’ait pas eu de suite
immédiate. Une chose est sûre,
elle ressurgit en 1928 sous la
forme d’une commission dite
«du Jardin des Cheminots » et sa
concrétisation est confirmée par
sa déclaration à la préfecture de
police le 7 novembre 1931. Celle
qui se présente, lors de son
assemblée générale de décembre
1932, comme une « filiale » de la
Société antialcoolique des
ouvriers et employés de chemins
de fer, bénéficie très tôt d’une
subvention allouée par le minis-
tère de l’Agriculture qui lui per-
met de distribuer graines et ou-
tils de jardinage à ses adhérents.
Si le but officiel est le développe-
ment de jardins familiaux,
« ce
qui n’est pas à dédaigner par les
temps de vie chère que nous tra-
versons »
, la lutte contre l’alcoo-
lisme est une autre de ses priori-
tés comme le rappelle l’intitulé
de la têtière –
« Au lieu d’aller
au cabaret »
… – qui chapeaute
la rubrique que lui offre réguliè-
rement
La Santé de la Famille
et le président de la commission
du Jardin des cheminots, Foissay,
qui, à l’occasion de l’une de ses
interventions déclare qu’
« il est
préférable, pour la santé de tout
individu, de tenir la bêche et le
râteau, que de stationner devant
le zinc du marchand de vins. »
(voir G. Ribeill, Les jardins chemi-
nots, Historail n° 2, juin 2007).
… et la pratique du jardinage
La Santé de la Famille/Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
de football, basket-ball, course à pied,
boules, tir à l’arc, tennis, des parcelles
de terrain de 100 m
(les « clos fami-
liaux ») agrémentés de coquets abris
de bois ouverts à la location.
Notre survol de l’association prenant
fin avec la naissance de la SNCF, nous
nous contenterons d’énumérer rapi-
dement les grandes dates de l’après-
guerre :
reconnaissance de son utilité pu-
blique par décret du 9 décembre
inauguration des centres de post-
cure de Thun près de Meulan (1954)
et de Malvau près d’Amboise (1962) ;
absorption en 1972 de l’Union des
cheminots abstinents (créée en 1965),
avec pour nouveau titre officiel : La
Santé de la Famille des chemins de
fer français et sa section des chemi-
nots abstinents.
Quelle a été l’influence réelle de la So-
ciété dans la lutte contre l’alcoolisme,
notamment entre les deux guerres,
puisque tel est notre propos ici ? Dis-
crète si l’on en croit Georges Bolle :
«De plus, et surtout, il faut bien
considérer que la propagande n’a
progressé jusqu’ici qu’avec beaucoup
de lenteur. Qu’est une douzaine de
mille sociétaires, fin 1926, sur un en-
semble de 450 000 cheminots ? Sur le
PLM et l’Est, qui comptent certaine-
ment, à l’heure actuelle, le plus fort
pourcentage d’adhérents, ce pour-
centage dépasse rarement, très rare-
ment, 10 à 15 % de l’effectif des
divers établissements, et reste géné-
ralement au-dessous, sans compter
les très nombreux points où il est ri-
goureusement nul. Que dire alors, de
réseaux qui, comme l’Orléans et le
Nord, ont tout au plus une demi-dou-
zaine de sections antialcooliques, ou
qui, comme l’Alsace-Lorraine, n’en
ont point du tout ? »
Rendons toutefois hommage à tous
ces hommes qui n’ont pas épargné
leur peine dans un environnement
souvent plus hostile qu’amical, comme
en témoigne encore Georges Bolle :
«Car, je vous prie de le croire, il est
terriblement ingrat cet apostolat; les
empêcheurs de boire en rond sont
aussi mal vus et mal reçus que les em-
pêcheurs de danser en rond. Même
en proclamant que la Société ne pros-
crit pas le vin, même en faisant appel
au sentiment du devoir, en montrant
que la tempérance fait partie du mé-
tier, ils sont souvent traités de raseurs
(certains agents s’expriment plus éner-
giquement encore) et reçoivent de
mortifiantes rebuffades, soit de leurs
collègues, soit (très rarement mainte-
nant) de certains petits chefs… »
Bruno CARRIERE
Nos remerciements à
La Santé
de la Famille des chemins de fer
français
(9, rue du Château Landon,
75010 Paris) qui a bien voulu mettre
à notre disposition les collections
de son journal.
54-
Historail
Janvier 2009
Photorail
Photorail
Photorail
Ci-contre, lettre
de Beauchamps
à l’en-tête de la
Société adressée
en février 1917
au directeur de
la Compagnie
du Nord à l’effet
d’obtenir
de nouveaux
subsides.
Ed. de Rothschild
adhéra à
la Société à titre
personnel
en 1906.
Mai 68 mit �n
au traditionnel
gala annuel
de la Société.
Nom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Adresse: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Code postal: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Ville: . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
A
vec la naissance des chemins de
fer, de nouveaux métiers font
leur apparition. Figures embléma-
tiques du rail, les mécaniciens et les
chauffeurs attirent tout particulière-
ment l’attention des médecins.
Publiés en 1857, les premiers écrits
sur le sujet ont tôt fait d’alimenter
une vive polémique entre praticiens
étrangers aux compagnies ferro-
viaires, prompts à la critique, et leurs
confrères assermentés, tout aussi
empressés à faire valoir un point de
vue contraire.
Parmi les premiers auteurs, le docteur
H.de Martinet fait le 23 février 1857
une brève communication à l’Acadé-
mie des sciences
(1)
« L’exposition sans abri sur les loco-
motives expose les mécaniciens:
1°) à un inconvénient professionnel
dont on peut se rendre compte en
passant la tête hors des wagons,
c’est-à-dire à une trombe d’air froid
qui paralyse la respiration, conges-
tionne la face;
2°) à une maladie professionnelle dé-
veloppée par l’inspiration des gaz
oxyde de carbone, acide carbonique
qui s’échappent du foyer.
« Le système nerveux est lésé, les su-
jets maigrissent, la faculté génératrice
s’éteint; le corps est agité de soubre-
sauts, de convulsions; l’intelligence
faiblit. Des affusions froides sur le ra-
chis me paraissent être, sous le rap-
port médical et hygiénique, le moyen
principal à employer. Comme pro-
phylaxie, je voudrais demander aux
administrations de réduire le travail
des ouvriers en doublant leur nom-
bre; d’adapter aux machines une ga-
lerie protectrice dans le genre de celle
qui existe sur la machine Crampton,
soit, mieux, une galerie vitrée ou un
treillage métallique. Non seulement il
s’agit de la santé de plusieurs milliers
d’ouvriers, mais aussi de la sécurité
des voyageurs, car la fatigue produite
par un long travail et l’exposition à
l’air froid paralysent les forces des
conducteurs, ne leur laissent pas assez
de présence d’esprit pour la conduite
de leur machine.»
L’intervention de H.de Martinet suit
l’annonce faite le 10 février par le doc-
teur Adolphe Duchesne à l’Académie
impériale de médecine de la pro-
chaine édition, par la très sérieuse
maison d’édition scientifique Mallet-
Bachelier, de son étude:
Des Chemins
de fer et de leur influence sur la santé
des mécaniciens et des chauffeurs
Etude dont les dernières des 292pa –
ges résument le ton:
«Si l’on observe
avec attention ce qui se passe pour
les mécaniciens et les chauffeurs, on
remarquera qu’ils sont incapables de
faire 25 ans de service actif, qu’ils se-
ront usés au bout de 20 ans, et que
pour eux, surtout, on devrait abaisser
cette limite, comme cela a lieu dans la
Compagnie du Nord.»
56-
Historail
Janvier 2009
Vives controverses sur
une prétendue
«maladie
spéciale des mécaniciens
et chauffeurs»
Appuyé par les pouvoirs publics,
le docteur A. Duchesne obtient de
quelques compagnies de pouvoir
étudier «l’influence des chemins de fer
sur la santé des mécaniciens et des
chauffeurs». Publiée en 1857, son
enquête, critique, est aussitôt contestée…
C’est dans le sillage des pionniers de
la médecine des professions –-
Ramazzini (1633-1741), puis Patissier
(1791-1863)– que Duchesne (1804-
1869), membre du Conseil de salu-
brité de la Seine, chevalier de la Lé-
gion d’honneur, s’est intéressé aux
«professions diverses des employés
des chemins de fer, […] professions
nouvelles sur lesquelles on ne possède
aucun renseignement et qui méritent
cependant de fixer l’attention des mé-
decins»
. Avec pour priorité l’étude de
«l’influence des chemins de fer sur la
santé des mécaniciens et des chauf-
feurs […] placés en tête d’un train et
dans des conditions tout à fait excep-
tionnelles, exposés à des vicissitudes
atmosphériques très variées, à des
dangers tout nouveaux»
Recommandé auprès des compagnies
par le ministre des Travaux publics et
le préfet de police, Duchesne a béné-
ficié de facilités pour mener son en-
quête:
«(…) quelques compagnies
m’ont autorisé à circuler sur toute
l’étendue de leurs lignes et à visiter
ainsi les principaux dépôts de leurs
machines. Tous les médecins des
grandes compagnies, au nombre des-
quels je citerai M.le docteur Giboin,
médecin en chef de l’Ouest, M.Saint-
Macary, de la même ligne (rive
gauche), M.le docteur Bisson, méde-
cin en chef de la ligne d’Orléans, M.le
docteur Salone, médecin des ateliers
de la même ligne, M.le docteur Oul-
mont, médecin en chef de la ligne de
l’Est, M.le docteur Brun, de la ligne
du Nord, M.le docteur Devilliers, de la
ligne de Lyon, se sont prêtés avec une
grande bienveillance à mes recherches
et m’ont fourni les renseignements
qu’ils avaient en leur possession.»
Après avoir traité de l’organisation du
travail et de la durée de service des
mécaniciens et chauffeurs, critiquant
au passage l’état des dortoirs visités
Duchesne en vient à leur état phy-
sique, frappé d’abord de constater
combien leur travail affecte l’allure de
leur marche, au point de permettre
de les reconnaître facilement dans les
Janvier 2009
Historail
(1) Comptes rendus de l’Académie des sciences, t.44,
p.391-392.
(2) «
Ces dortoirs sont en général peu spacieux, peu aérés,
d’une malpropreté remarquable et, en été, envahis par
des puces et des punaises en telle quantité que ceux qui
devraient s’y reposer de leurs fatigues sont souvent
obligés d’aller coucher sous des hangars.
» (p.52).
L’équipe
de conduite
de la 220 C 71
du PLM.
Quarante
années après
les observations
de Duchesne,
le mécanicien
est resté �dèle
à la barbe, écran
protecteur
contre le froid
et les poussières.
Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
dépôts. A commencer par celle des
mécaniciens:
«Elle est plus lourde et
balancée alternativement à gauche et
à droite. Ce balancement paraît dé-
pendre des douleurs qu’ils ont
presque tous dans les extrémités in-
férieures, et aussi, selon quelques-uns,
de ce que le mécanicien se balance
comme pour pousser la locomotive
lorsqu’elle ne marche pas à son gré.»
Fléchissant sur les jarrets à chaque pas,
voûtés, penchés à droite, tous ces
traits trahissent la position fixe habi-
tuelle de leur corps sur la machine. A
l’inverse,
«presque toujours en mou-
vement sur le tender pour charger le
combustible ou serrer le frein»
, l’allure
des chauffeurs se rapproche de celles
reconnues propres aux journaliers et
aux hommes de peine.
Comparativement aux autres catégo-
ries d’agents, Duchesne relève
«l’heu-
reuse influence des chemins de fer sur
la santé des mécaniciens»
, dont les
ingénieurs et médecins des compa-
gnies sont aussi convaincus:
«(…) les
mécaniciens et les chauffeurs sont
ceux qui fournissent le moins de ma-
lades et jouissent de la meilleure
santé»
, note-t-il. De fait, les débutants
connaissent très rapidement une évo-
lution positive: augmentation des
forces, appétit plus soutenu et, qua-
tre fois sur cinq,
«surtout chez les mé-
caniciens, on constate une augmen-
tation d’embonpoint remarquable»
Marque indiscutable, non seulement
«grand air»
auquel ils sont expo-
sés, mais aussi du
«contentement
causé par l’élévation du salaire»
et de
l’alimentation améliorée qui en résulte.
Par contre, Duchesne pointe les effets
néfastes des secousses ressenties sur
les plates-formes des machines:
«C’est de la trépidation des machines,
des mouvements réguliers mais per-
pétuels qu’elle imprime à tout le corps
et surtout aux extrémités inférieures
que se plaignent, sans exception, tous
les mécaniciens et chauffeurs; c’est
à elle qu’ils attribuent plus qu’à la sta-
tion debout pendant 4, 5 ou 6 heures
la faiblesse qu’ils ressentent dans les
extrémités inférieures, jusqu’au pli du
jarret surtout, les douleurs dans la ré-
gion lombaire, l’incertitude et la diffi-
culté de leur marche lorsqu’ils des-
cendent de la machine à leur fin de
service.»
Exposés sur leur plate-forme sans abri
couvert ni pare-vent, c’est d’ailleurs
pour se protéger du mauvais temps
et surtout des grands froids que la
plupart des mécaniciens et chauffeurs
ne taillaient jamais leur barbe:
«Cet
usage, que la nécessité les conduit à
adopter, a le grand avantage de pro-
téger les joues, le menton et la
bouche devant laquelle les poils vien-
nent former comme un rideau qui
modère ce que peuvent avoir de trop
vif le froid et un vent debout trop vio-
lent. La barbe sert même à garantir
de la poussière de la voie et de celle
de la machine.»
A plusieurs titres, la locomotive se ré-
vèle provoquer l’excitation sexuelle de
ses servants!
«Quoiqu’ils consentent
peu à faire cet aveu, il est cependant
certain que les facultés génératrices
se développent chez les mécaniciens
et chauffeurs, et ils paraissent plus
portés aux plaisirs de l’amour que les
autres ouvriers, surtout lorsqu’ils ont
fini leur service sur les locomotives.
Lorsque les mécaniciens font un long
service de nuit, ils éprouvent assez fré-
quemment des érections doulou-
reuses. On peut les attribuer à la fa-
tigue, au tremblement répété de la
machine et aux secousses continuelles
qu’éprouvent les parties génitales,
mais encore, avec autant de raison, à
la chaleur du robinet réchauffeur de-
vant lequel le mécanicien est constam-
ment placé et qui se trouve juste à la
hauteur des organes sexuels.»
La révélation d’une
maladie professionnelle
des mécaniciens
Après ces premières observations, Du-
chesne aborde les
«affections médi-
cales»
. Et de pointer d’abord de fré-
quentes douleurs rhumatismales:
« Ordinairement, les mécaniciens et
chauffeurs vont très bien pendant
quelques années; mais à peine ont-ils
fait dix ans de service continu, et quel-
quefois plus tôt, qu’ils commencent,
sous l’influence de ces secousses in-
cessantes et surtout des vicissitudes
atmosphériques, à ressentir des dou-
leurs dans les extrémités inférieures
droites principalement, avec un froid
considérable aux genoux; ces dou-
leurs se propagent ensuite au bras
58-
Historail
Janvier 2009
Coll. G. Ribeill
Janvier 2009
Historail
droit. Cet effet sur le côté droit est
presque constant chez les mécaniciens
et dépend évidemment de la position
qu’ils occupent sur la locomotive. Ap-
puyés sur la jambe droite et présen-
tant toujours le bras droit en avant
pour manœuvrer les leviers de leur
machine, la partie droite du corps est
plus mouillée, plus ventilée, plus re-
froidie que la partie gauche.
« Je n’ai trouvé qu’un seul mécani-
cien se tenant sur la jambe gauche et
manœuvrant avec la main gauche,
parce qu’il était gaucher; chez lui, les
douleurs existaient à gauche et non
à droite.
« Ces douleurs sont presque toujours
rhumatismales, elles ont quelquefois
débuté par un rhumatisme aigu, puis
sont passées à l’état chronique et font
souffrir ceux qui en sont atteints, sur-
tout pendant les changements de
temps et dans la mauvaise saison.»
Mais Duchesne a surtout détecté une
affection propre aux mécaniciens et
passée inaperçue jusque-là, une véri-
table
«maladie professionnelle»
« Ces douleurs rhumatismales ne sont
pas les seules, il y en a évidemment
d’une autre espèce et qui atteignent
la généralité des mécaniciens et des
chauffeurs. Ce sont des douleurs
sourdes, continues, persistantes, ac-
compagnées d’un sentiment de fai-
blesse et d’engourdissement; elles
rendent la marche et la station de-
bout très pénibles, se font sentir dans
la continuité des os et dans les arti-
culations fémoro-tibiales et tibio-tar-
siennes, à droite et à gauche indis-
tinctement. Quelques-uns, lorsqu’ils
sont restés longtemps assis, ont de la
peine à marcher en se levant; d’au-
tres éprouvent cette difficulté en des-
cendant de leur locomotive. Un mé-
canicien m’affirmait que, lorsqu’il
terminait son service et descendait de
sa machine, il éprouvait des douleurs
dans le tibia; il lui semblait que c’était
dans le centre de l’os et qu’on y ver-
sait quelque chose goutte-à-goutte.
Ces douleurs dépendent probable-
ment d’une affection de la moelle épi-
nière qui a pour cause la station de-
bout trop prolongée et la trépidation
continuelle des locomotives. Elles aug-
mentent avec le nombre d’années de
travail sur les machines, entravent la
bonne volonté des mécaniciens, les
forcent à demander des services plus
doux, comme celui des chefs ou sous-
chefs de dépôt, et à abandonner
complètement les voyages sur les lo-
comotives.
« Je donnerai à cette affection parti-
culière, commune aux mécaniciens et
chauffeurs, le nom de “maladie des
mécaniciens”.
« Quelle que soit la nature des dou-
leurs éprouvées par les mécaniciens
surtout, il est certain que c’est une af-
fection persistante et que c’est par les
jambes qu’ils doivent manquer. Il y en
a peu qui puissent faire ce service ac-
tif pendant plus de 18 ans et je ne
crois pas qu’ils puissent jamais dé-
passer 20 ans.
« J’ai interrogé les plus anciens mé-
caniciens des lignes françaises ayant
12, 15, 18 et même 20 ans de ser-
vice sur les machines, et je puis certi-
fier qu’arrivés à cette dernière pé-
riode, ce sont des hommes usés et
peu capables de continuer sans dan-
ger pour leur santé un service aussi
fatigant. Il faudra leur donner une oc-
cupation moins pénible qui leur per-
mettra d’être encore utiles à leurs ad-
ministrations.»
Duchesne en arrive au tableau sui-
vant de la condition des roulants, qui
se dégrade avec l’ancienneté dans la
profession.
« 1°) En général, après une ou deux
années de service sur les locomotives,
les mécaniciens et les chauffeurs, choi-
sis d’ailleurs parmi les hommes les plus
robustes des ateliers, deviennent plus
forts, ils résistent mieux aux vicissi-
tudes atmosphériques et jouissent
d’une excellente santé. Beaucoup
d’entre eux, surtout parmi les méca-
niciens, prennent un embonpoint
considérable.
« 2°) En général, et sauf quelques ex-
ceptions, lorsque les mécaniciens et
les chauffeurs peuvent continuer à
faire le service actif des locomotives, ils
sont fatigués après 10 ans, souffrants
Après une ou deux années de service,
les mécaniciens deviennent plus forts…
Coll. G. Ribeill
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
après 15 ans, et peu capables après
20 ans de faire un service très actif
sur les machines.
« 3°) Presque toujours, ils devront être
remplacés après 20 ans au plus, et
souvent même placés avant ce temps
dans des positions sédentaires plus
douces; ainsi les mécaniciens comme
chefs de dépôt, ajusteurs et monteurs
dans les ateliers; les chauffeurs
comme chauffeurs de gare ou de ma-
chine-pilote.
« 4°) Sans parler des accidents qui
peuvent plus ou moins compromet-
tre la vie des mécaniciens et des
chauffeurs, les chemins de fer ont sur
leur santé une mauvaise influence qui
augmente avec le nombre d’années
de service sur les locomotives.
« Cette mauvaise influence se traduit
par une diminution notable de la vue,
par la perte plus ou moins complète
de l’ouïe, par des douleurs rhumatis-
males (…) et, dans l’ensemble, consti-
tue cette affection particulière à tous
les mécaniciens et chauffeurs à la-
quelle je donne le nom de “maladie
des mécaniciens”.
« 5°) Les infirmités réelles des méca-
niciens et chauffeurs ne sont cepen-
dant pas toujours assez prononcées
pour que les compagnies soient ab-
solument forcées de les mettre à la
retraite, et qu’elles ne pussent encore
utiliser leur bonne volonté et leur ex-
périence, même après 20 années de
service sur les locomotives.
« 6°) Les administrations des chemins
de fer, en aménageant leurs ma-
chines, en les rendant plus commodes
et plus douces, en diminuant la lon-
gueur des parcours et la durée du ser-
vice, en surveillant même l’état hy-
giénique des mécaniciens et chauf-
feurs, peuvent prolonger leur temps
de service actif sur les machines.»
En quête des moyens de préserver la
santé des roulants, Duchesne souligne
la différence de traitement entre des
voyageurs qui, initialement soumis aux
«intempéries des saisons»
, avaient
réussi à obtenir des wagons couverts
et le mécanicien et le chauffeur de-
meurés exposés aux
«injures du
temps»
. Aussi propose-t-il de les pré-
server par un abri, rappelant qu’aux
Etats-Unis des cabines vitrées équi-
paient la plate-forme des locomotives,
système expérimenté en France par la
Compagnie d’Orléans sur la locomo-
tive
Mammouth
, mais supprimé
comme étouffant trop les sons exté-
rieurs, ce qui aurait conduit à renoncer
aux signaux acoustiques parfois em-
ployés
. Pour pallier ce défaut,
Duchesne propose
«de placer, seule-
ment sur la partie postérieure de la
chaudière, un cadre vitré qui servirait
d’écran»
, cadre surmonté d’un petit
toit en pente afin d’assurer une pro-
tection contre les précipitations, et en
bois plutôt qu’en tôle pour éviter le
bruit assourdissant de la pluie et de
la grêle. Ce sont sans doute là les pre-
mières considérations ergonomiques
formulées à l’égard du poste de
conduite.
Les premières ripostes des
médecins des compagnies
L’Académie des sciences, dans sa
séance du 20 juillet 1857, prend
connaissance d’une note du docteur
Bisson, médecin principal à la Com-
pagnie d’Orléans. Cette note sur les
mécaniciens et chauffeurs du chemin
de fer d’Orléans et sur les maladies
qui peuvent résulter de leurs fonctions
entend réfuter les faits critiques relevés
par les deux docteurs Martinet et
Duchesne:
«Depuis 18 ans que je
suis attaché au Service de santé du
chemin de fer d’Orléans, je n’ai jamais
observé de pareils faits, et mes nom-
breux confrères de la ligne n’ont rien
vu de semblable ni d’analogue; leurs
rapports hebdomadaires en font foi.
J’en dois dire autant d’une autre af-
fection mentionnée dans un ouvrage
imprimé du Dr Duchesne, d’une af-
fection de la moelle épinière qui se-
rait déterminée par la secousse que
supportent les jambes chez ces em-
ployés que leur service oblige à rester
constamment debout, et qui se ma-
nifesterait par des douleurs sourdes
continues dans les os et les articula-
tions, accompagnées d’un sentiment
de faiblesse et d’engourdissement
rendant la marche très pénible. On a
observé dans les premiers temps cer-
tains effets résultant de la trépida-
tion, mais ces effets consistaient dans
des adénites aux aines, des varico-
cèles et quelquefois dans l’induration
des testicules; je dois ajouter qu’ils
ont presque complètement disparu
par suite du perfectionnement ap-
porté dans le système de suspension
des locomotives.»
A la riposte de l’Orléans, vient s’ajou-
ter celle du Nord.
L’Union médicale,
journal des intérêts scientifiques et
pratiques, moraux et professionnels
reproduit dans son édition du 6 août
1857 le rapport signé du docteur
Cahen, médecin principal à la Com-
pagnie du Nord,
«sur les maladies
auxquelles seraient sujets les mécani-
ciens et les chauffeurs»
. Evoquant
les deux mémoires présentés à l’Aca-
60-
Historail
Janvier 2009
Les fatigues seront plus facilement supportées
par des hommes choisis parmi les plus vigoureux.
démie des sciences et à l’Académie
de médecine, notre homme poursuit:
«(…) leurs assertions m’ont paru tel-
lement contraires à tout ce que j’avais
observé, que j’ai dû les considérer
comme erronées.»
S’appuyant sur
«un examen attentif et sévère de
l’état de santé dans lequel se trouvent
les employés à la traction»
qu’il s’est
fait un devoir d’entreprendre, il en tire
les conclusions suivantes:
« Les fatigues qui résultent d’un pareil
service sont sans doute vives et in-
contestables; mais elles seront faci-
lement supportées par des hommes
choisis parmi les plus vigoureux et pla-
cés d’ailleurs, sous tous les autres rap-
ports, dans de bonnes conditions hy-
giéniques. Tels sont en effet les
employés de la traction. Leur âge va-
rie de 23 à 48 ans; leur constitution
est bonne; leur développement phy-
sique est en général très satisfaisant;
plusieurs acquièrent un embonpoint
considérable, mais non excessif. Ils
sont pris, presque tous, parmi les ou-
vriers des ateliers; employés d’abord
comme chauffeurs, on ne garde, me
dit M.Chobrzynski
dans une note
qu’il a bien voulu m’adresser, que
ceux qui montrent un esprit de soins,
de propreté et surtout de la sobriété.
Ils ont la bonne habitude de se cou-
cher aussitôt leur repas fini pendant
le temps qu’ils ont à passer aux dé-
pôts entre l’arrivée et le retour. Les
nouveaux et les moins sages qui pas-
seraient ce temps dans les cafés se
trouvent fatigués, font un mauvais
Janvier 2009
Historail
Coll. G. Ribeill
Repro. coll. Fontay/Photorail
Projet du
docteur
Duchesne en vue
d’obtenir des
compagnies de
doter les
locomotives
d’un abri…
… à l’exemple
des chemins de
fer américains
qui, en la
matière, sont
largement en
avance comme
en témoigne
cette machine
d’outre-
Atlantique
de 1852.
(3) Un décret du gouvernement provisoire issu de la
Révolution de février 1848 imposa le 20 mars cette
mesure à la Compagnie d’Orléans, qui tardait à convertir
ses wagons tombereaux de 3
e
classe en voitures
«couvertes et fermées avec rideaux».
(4) Rappelons, en effet, que des «cantonniers»,
régulièrement répartis le long de la ligne, assuraient à
l’aide de signaux manuels optiques et sonores la
couverture des trains transitant d’un canton à l’autre.
(5) L’ingénieur centralien Charles Chobrzynski (1809-1883)
était ingénieur de la traction au Nord.
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
62-
Historail
Janvier 2009
service. Mais on ne tolère point ce
manque de soins, et on congédie tous
ceux dont la conduite laisse à désirer.
« […] Pour réparer les pertes conti-
nuelles qu’ils doivent nécessairement
éprouver, ils suivent tous un excel-
lent régime alimentaire. Leur solde
élevée leur permet d’ailleurs de sa-
tisfaire complètement ce besoin de
réparation.»
Cahen s’est livré à l’examen de tous
les agents présents au dépôt de la
Chapelle du 27 avril au 2 mai, en por-
tant une attention spéciale sur les or-
ganes prétendus affaiblis par Du-
chesne:
«Il me semble qu’il y a une
très grande exagération à attribuer
aucune influence fâcheuse au service
que font les mécaniciens et les chauf-
feurs. Beaucoup d’entre eux présen-
tent un état congestif rouge du visage
qui indique plus un tempérament san-
guin qu’un état maladif. […] Il n’existe
chez eux aucune particularité qui in-
dique leur profession. On ne re-
marque non plus ni paralysies, ni
mouvements involontaires, ni trem-
blements.»
Aucun cas noté de varicocèle, peu
d’agents portant de suspensoir, un
seul agent présentant des varices
complètent le tableau favorable, et si
presque tous se plaignent cependant
d’éprouver de la fatigue dans les
jambes,
«ils ne manquent pas d’ajou-
ter que quelques heures de repos suf-
fisent pour faire disparaître complè-
tement cette fatigue. Plusieurs m’ont
dit qu’ils savaient que c’est par les
jambes qu’ils périssaient (je cite tex-
tuellement); mais aucun d’eux ne
connaissait d’exemple d’affaiblisse-
ment des jambes qui eût obligé à ces-
ser de faire le service de mécanicien.
(…) On leur a conseillé de porter des
suspensoirs; ils s’accordent pour dire
qu’ils n’en ont pas besoin. Il était à
présumer qu’un affaiblissement des
membres inférieurs produit par un ex-
cès de fatigue s’accompagnerait d’un
certain degré d’affaiblissement des or-
ganes génitaux. Or, en général, les
mécaniciens sont mariés et ont une
nombreuse famille. On m’a assuré
que beaucoup d’entre eux avaient des
ménages plus ou moins réguliers à
chaque extrémité de leur parcours.
« En résumé, les mécaniciens sont en
général dans des conditions de santé
excellentes; la mortalité paraît moin-
dre chez eux que dans les autres pro-
fessions, même si on tient compte de
la mortalité par accidents; les mala-
dies sont plus rares chez eux qu’en
moyenne chez les autres ouvriers. Il
n’existe aucune maladie qui leur soit
particulière, ce sont les jambes qui fa-
tiguent le plus dans leur service.»
1858 : la reprise
des polémiques
En 1857, le docteur Devilliers de la
Compagnie de Lyon publie un ou-
vrage de statistique médicale:
Re-
cherches statistiques sur les maladies
des diverses professions du chemin
de fer de Lyon. Essai de topographie
et de géologie médicales des chemins
de fer
. L’année suivante, le docteur
Bisson propose un
Guide médical à
l’usage des employés des chemins de
fer
. Autant d’occasions pour susciter
les nouveaux assauts critiques du doc-
teur Duchesne, qui, en juin et juillet
1858, publie dans le
Moniteur des hô-
pitaux
trois lettres adressées aux doc-
teurs Bisson et Devilliers.
Dans sa première lettre
, Duchesne
se gausse du docteur Bisson, de ses
formules lapidaires à la tonalité pru-
dhommesque, dont suit un exemple:
«Les mécaniciens n’ont guère à re-
douter que les effets de la vapeur
dans les cas de rupture de tubes, et
du reste, ils ne semblent soumis à au-
cune autre maladie qui dépende de
leur profession.»
Il s’en prend surtout
à son
Guide médical
, à ses
«douze
lignes»
rassurantes consacrées aux
mécaniciens et chauffeurs, soulignant
la fausseté possible des renseigne-
ments que, par intérêt personnel, les
mécaniciens fournissent aux méde-
cins des compagnies:
«Aux questions
qu’on leur pose sur leurs antécédents
médicaux, dans la pensée que ces in-
vestigations sont dictées par une en-
quête administrative, ils mentent ou
ne me donnent que des renseigne-
ments peu profitables à la médecine.
En un mot, on ne peut trouver chez
eux de véridiques renseignements
qu’autant qu’ils sont malades sérieu-
sement, et n’osent alors refuser ce
qu’ils refusent en bonne santé.»
La seconde lettre de Duchesne vise
Devilliers
. Ce dernier lui a reproché
d’avoir exagéré les parcours moyens
des mécaniciens de l’ordre de 350km,
affirmant qu’à la Compagnie de Lyon
«les mécaniciens et les chauffeurs des
trains express ne font, en général, en
24 heures, que 160 et quelques kilo-
mètres»
. Duchesne répond en se ré-
férant à la grande enquête officielle
sur la sécurité de l’exploitation qui
vient enfin d’être publiée
et d’où il
ressort qu’à la Compagnie de Lyon le
parcours journalier moyen est de
320km, après l’Est (350km), le PO
(470km l’été et 392km l’hiver) et le
Les maladies sont en moyenne plus rares chez
eux que chez les autres ouvriers.
Nord (460km), réseau record de pro-
ductivité des roulants…
Duchesne réfute aussi les objections
de Devilliers visant son système d’abri
du mécanicien:
«J’ai proposé un ap-
pareil très simple, cadre vitré qui ser-
virait d’écran et qui serait surmonté
d’un petit toit de bois, disposé en
pente du côté de la machine pour
protéger de la pluie le mécanicien im-
mobile à son poste. Vous répondez
que cette galerie vitrée ou treillage
mécanique couvrant la plate-forme
produirait plus d’accidents que
d’avantages, soit en gênant la marche
des machines et les mouvements des
ouvriers, soit en permettant aux gaz
délétères de s’échapper du foyer au
moment du ralentissement de la
marche, ce qui pourrait produire l’as-
phyxie.
» Duchesne se défend en in-
voquant le témoignage d’un ingé-
nieur de l’Est, Grenier, qui atteste de la
généralisation d’un tel abri aux Etats-
Unis:
«Les mécaniciens sont généra-
lement abrités sur leurs machines
contre les intempéries de l’atmo-
sphère par une espèce de cage ou-
verte du côté du tender»
, et l’on n’y
connaît pas de mécaniciens asphyxiés
dans ces cages…
Dans sa dernière lettre
, Duchesne
réaffirme ses thèses. Alors que
«je
n’ai pas trouvé un seul mécanicien
ayant 50 ans», […] on est obligé de
convenir que le mal existe quoiqu’on
ne l’appelle encore que fatigue»
. Aux
observations trop limitées des méde-
cins des compagnies, il oppose son
enquête approfondie
«auprès des
mécaniciens les plus anciens de
chaque ligne, de quelques ingénieurs
de la traction et des chefs de dépôt»
Les deux docteurs attaqués réagissent.
Devilliers réfute les critiques de
Duchesne
(10)
Ce dernier avait signalé en 1857 que
la substitution par la Compagnie de
Lyon de la briquette au coke avait en-
traîné des plaintes: maux de gorge,
toux convulsive, anorexie, nausées,
vomissements même, certaines érup-
tions à la peau de la face et des mains
(érythèmes et érysipèles légers),
quelques maux des yeux (conjoncti-
vites) et, enfin, des douleurs de tête.
Ce à quoi Devilliers réplique:
«Je me
suis assuré que sur d’autres lignes im-
portantes, l’Orléans et le Nord,
l’usage de la briquette ne produisait
pas de maladies sérieuses.»
Et de
poursuivre:
«(Si) un long séjour sur
les locomotives et leur mouvement
de trépidation développent des dou-
leurs et une certaine faiblesse dans
les extrémités inférieures»
, celles-ci
sont passagères et se retrouvent dans
beaucoup d’autres professions, me-
nuisiers, marins, fouleurs des tanne-
ries,
«dans toute profession où une
position, des efforts prolongés, un
mouvement plus ou moins régulier
des extrémités inférieures sont né-
cessaires»
. D’ailleurs, à la Compa-
gnie de Lyon,
«il existe quatre mé-
caniciens âgés de 46 à 55 ans et qui
montent sur les locomotives depuis
1839 sans que leur santé paraisse en
avoir notablement souffert…»
Janvier 2009
Historail
Photorail
Une équipe de
conduite du PO :
à droite, le
chauffeur, à
gauche, le
mécanicien.
Encore vaillants
car jeunes…
(6)
Moniteur des hôpitaux
, 29 juin 1858, p.605.
(7)
Moniteur des hôpitaux,
3 juillet 1858, p.620-621.
(8)
Enquête sur les moyens d’assurer la régularité et la
sûreté de l’exploitation sur les chemins de fer,
Imprimerie
impériale, 1858.
(9)
Moniteur des hôpitaux,
10 juillet 1858, p.646-647.
(10)
Moniteur des hôpitaux
, 29 juillet 1858, p.706-708.
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
La riposte du docteur Bisson, datée
du 12 août, paraît à la mi-août dans
un autre journal médical
(11)
« Je suis
heureux de constater aujourd’hui que
tous les renseignements qu’en ma
qualité de doyen des médecins de
chemins de fer j’avais été le premier à
rendre publics concordent parfaite-
ment avec ceux recueillis par mes plus
jeunes collègues des lignes de Lyon
et du Nord. En l’absence de toute ma-
ladie spéciale, quelles modifications
utiles, au point de vue de l’hygiène,
voulez-vous donc que je provoque en
faveur des ouvriers dont vous nous
exagérez les fatigues aussi bien que
les maladies? Ferai-je une guérite sur
leurs locomotives? Non, certes, car
s’ils étaient ainsi abrités pendant une
partie de leur travail, ils se vêtiraient
peut-être moins convenablement et
seraient exposés à des refroidisse-
ments ou tout au moins à de
brusques changements de tempéra-
ture, lorsque les exigences de leur ser-
vice les appelleraient hors de cet abri,
car vous savez bien qu’ils sont exposés
à aller quelquefois d’un bout de la
machine à l’autre et plus souvent en-
core sur le tender. Du reste, je suis de
ceux qui croient que l’exposition de
leur corps entier à un courant d’air vif
et continu est une des causes princi-
pales de la bonne santé, de la consti-
tution robuste qu’ils présentent.»
De 1859 à 1861,
la réfutation définitive des
médecins des compagnies
Oulmont, médecin à la Compagnie
de l’Est, rédige pour le livre d’Auguste
Perdonnet,
Notions générales sur les
chemins de fer,
paru en 1859, une
importante notice qui ne manque pas
de revenir sur les prétendues
«mala-
dies spéciales des mécaniciens
et chauffeurs»
dénoncées par
Duchesne.
«A priori,
écrit Oulmont,
paraissait bien difficile de supposer
qu’une profession qui oblige un in-
dividu à rester journellement debout
pendant plusieurs heures près d’un
foyer incandescent, sur une machine
soumise à un mouvement et à une
trépidation continus, exposé à toutes
les vicissitudes atmosphériques, forcé
de tenir tous les sens en éveil pour
prévenir, écarter les dangers,etc., il
paraissait difficile de supposer, disais-
je, que la santé de cet individu ne fût
pas influencée d’une manière fâ-
cheuse par un genre de vie si étrange
et en apparence si pénible. Eh bien!
les recherches statistiques faites dans
ces dernières années ont démontré
que la seule influence exercée par
cette nouvelle profession a été une
notable amélioration dans la santé,
une augmentation des forces et de
l’embonpoint, et une force de résis-
tance qui permet de lutter avanta-
geusement contre les influences ex-
térieures. Ces recherches statistiques
n’ont pas confirmé l’existence de
cette maladie des mécaniciens qui a
été décrite par M.Duchesne, non
plus que celle d’une maladie nerveuse
spéciale indiquée par M.de Martinet.
Mes propres travaux confirment, sous
ce rapport, ceux de MM.Devilliers et
Bisson
Une autorité médicale étrangère à
toute administration ferroviaire, le
docteur Prosper de Pietra-Santa,
épousant
«les objections et les ré-
ponses de tous les médecins en chef»
des compagnies, rappelle à son tour,
dans un ouvrage publié en 1861
«l’heureuse influence des chemins de
fer»
sur la santé de tous leurs agents.
Et d’insister sur le privilège corporatif
des institutions mises en œuvre par
64-
Historail
Janvier 2009
L’exposition de leur corps entier a un courant
d’air vif est une des causes de leur bonne santé.
A bord de la
première Paci�c
Ouest vers 1910.
La corporation
a-t-elle eu vent
de la polémique
née autour
de leur santé ?
Coll. Fohanno/Photorail
ces compagnies:
«Dès les premiers
temps de l’exploitation des chemins
de fer, les conseils d’administration
ont organisé un service médical
chargé: d’assurer les premiers soins
en cas d’accident; de donner des
soins aux malades et aux convales-
cents; de veiller à l’hygiène de tous…
en proposant les moyens nécessaires
pour atteindre plus facilement le but.
Tous ces honorables praticiens se sont
trouvés à la hauteur des fonctions qui
leur étaient dévolues; tous se sont
mis à l’œuvre, et chacun est venu
consigner, dans des rapports annuels
adressés aux présidents des conseils,
son contingent d’observations pra-
tiques et de mesures hygiéniques.»
Sans doute, y avait-il une part de vé-
rité dans les deux camps. Mais, ma-
nifestement, les médecins des com-
pagnies avaient un point de vue
partial et intéressé sur la situation de
leurs agents et les bienfaits de leur
service médical. Réfutée à l’unisson
par les docteurs des compagnies fran-
çaises, l’existence de cette
«maladie
des mécaniciens»
est pourtant re-
connue à la même époque par des
enquêtes similaires menées en Alle-
magne ou en Angleterre
(14)
. Avec du
recul, on constate que les abris des
mécaniciens défendus par le docteur
Duchesne l’emporteront vite contre
les préventions originelles mises en
avant par les médecins des compa-
gnies. Tout comme l’on n’ignore pas
que de tout temps, les roulants seront
peu disposés à se faire porter malades
tant le spectre si redouté de la
«des-
cente de machine»
a toujours hanté
leurs esprits!
Georges RIBEILL
Janvier 2009
Historail
(11)
L’Union médicale,
19 août 1858, p.390-391.
(12) Oulmont, cité in Perdonnet,
Notions générales sur
les chemins de fer
, Lacroix et Baudry, 1859, p.183-184.
(13) P.de Pietra-Santa,
Chemins de fer et santé publique.
Hygiène des voyageurs et des employés
, Hachette, 1861.
(14) Cf. von Weber,
Wieck’s Deutsche Illustrirte
Gewerbezeitung
, 25 Jg, Leipzig, 1860;
The Influence of
Railway Travelling on Public Health, from the Lancet,
1862; tout deux cités par Wolfgang Schivelbusch,
Geschichte der Eisenbahnreise, 1977 (trad. fr.
Le Promeneur,
Histoire des voyages en train
, 1990, p.120).
Charles-Alfred de Janzé, défenseur du cheminot
Le baron Charles-Alfred de Janzé (1822-1892) fut un
parlementaire régulièrement élu dans les Côtes-du-Nord,
où il représentait le canton de Loudéac au sein du
conseil général. Député du corps législatif de 1863 à
1869, représentant conservateur libéral en 1871, député
du centre gauche de 1878 à 1881 et de 1882 à 1885, cet
orateur redouté et brillant écrivain polémiste faisait
preuve d’une indépendance et d’une originalité ex-
trêmes, sans doute en raison de ses attaches hugue-
notes. Les questions économiques et financières l’en-
traînèrent à devenir un spécialiste des débats
ferroviaires. Adversaire déclaré des grandes compagnies,
partisan de leur rachat, il en vint ainsi à se faire l’avocat
au Parlement de la cause des employés et ouvriers des
chemins de fer.
Il soutint en 1871 et 1872 les pétitions des mécaniciens
et chauffeurs réclamant des augmentations de salaire.
Puis, avec l’appui de l’avocat Paul-Eugène Delattre, élu
en 1881 député de la Seine dans la circonscription de
Saint-Denis, il prit la défense des travailleurs des com-
pagnies qui, au début des années 1880, réclamaient
de meilleures garanties sociales quant à leurs droits à
pension de retraite, par exemple en cas de réforme ou
de révocation. Il est à l’origine du premier groupe par-
lementaire de défense des cheminots, bien avant que
le Parti socialiste ne s’intéresse à eux à partir de la fin
des années 1890 et que le syndicalisme cheminot ne
prenne le relais de leur défense au début de ces mêmes
années 1890.
Par ses écrits –
Les Compagnies de chemins de fer et
leurs agents commissionnés
(1875),
Les Serfs de la voie
ferrée. La vérité sur les compagnies
(1881)– et par son
journal,
Les Serfs de la voie ferrée
(lancé en novembre
1882), il devint en quelque sorte le porte-parole autorisé
de ces «serfs de la voie ferrée», victimes trop souvent
de l’arbitraire qui imprégnait les politiques sociales des
toutes puissantes «féodalités financières» qu’incar-
naient à ses yeux les compagnies.
L’extrait suivant de sa brochure de 1881 (p.40-41) nous
révèle fort bien comment certains aspects des services
médicaux des compagnies prêtaient le flanc à la critique.
Georges RIBEILL
« Les médecins n’ont pas l’indépendance nécessaire
pour réagir contre les fâcheuses dispositions des
chefs de service, car ils sont des agents médicaux au
service des compagnies et ils se préoccupent trop des
intérêts de celles-ci; souvent, quand un agent aurait
besoin de huit ou dix jours de cessation de service, le
(suite page 66)
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
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médecin ne lui en accorde que trois ou quatre, en lui
disant qu’il ne peut en obtenir davantage, le service
auquel il appartient manquant de personnel. Parfois,
dans les cas où la demande d’un bulletin de maladie
est des mieux justifiées, le médecin se refuse absolu-
ment à délivrer ce bulletin, faute duquel l’agent sera
frappé d’amende ou de révocation. “
Le mécanicien
Louis Hug
, dit M.Delattre,
se trouve bien malade, il
ne peut partir, 20 francs d’amende.
” Quelques jours
après, visite du médecin qui lui dit: “
Vous n’êtes pas
malade.
” Le chef de dépôt lui dit: “
Partez ou subis-
sez l’application du règlement.
” Le refus de service,
c’est la révocation. Hug part et, arrivé à Montereau,
on constate qu’il ne peut continuer à conduire le
train rapide de Paris à Tonnerre. Il revient à Paris
dans un compartiment réservé. Moins de quinze
jours après, il meurt, victime du service commandé…
Pinaud, chef de train de la Compagnie de Paris à
Rouen, est blessé à l’œil dans une collision; le méde-
cin de la Compagnie ordonne des compresses d’eau
froide, médicament peu coûteux. Le mal persiste;
le médecin trouve que c’est peu de chose et invite
l’agent à reprendre son service. Celui-ci accuse des
douleurs intolérables, demande à aller consulter à
Paris, on lui refuse un permis, il est qualifié par le
médecin de dissimulateur, on le révoque. Le malade
vient à Paris, le docteur Sichel lui déclare, à une
première inspection, qu’il y a dans son œil un corps
étranger, et le lendemain, en pleine clinique, devant
une nombreuse assistance, il lui extrait de l’œil
un morceau de verre qui mesurait 11 millimètres
de longueur sur 6 de largeur.
« Les soins médicaux auxquels donne droit le bulletin
de maladie si difficile à obtenir ne sont pas, ainsi
qu’on le croit généralement, une faveur absolument
gratuite des compagnies. Pour y avoir droit, l’agent,
depuis le jour de son entrée au service, a dû subir
une retenue spéciale de tant pour cent sur son
salaire. En outre, la compagnie bénéficie, pendant
tout le temps de la maladie, de la moitié de la solde
qu’elle retient aux agents malades dont elle fait faire
le travail, sans qu’il lui coûte un sou, par leurs
collègues valides. (…)
« C’est du reste avec toutes sortes de restrictions que
les compagnies accordent des soins à leurs employés.
Toute aide et tout secours médical sont refusés à
l’agent dont la maladie est le résultat de l’incon-
duite, et à celui qui, malgré l’avis du médecin, veut
rester dans sa famille et refuse de se laisser mettre à
l’hôpital. Pendant les deux premiers jours de mala-
die, au Midi, pendant les trois premiers jours à l’Etat,
aucune solde n’est payée à l’agent malade. On n’ac-
corde point les secours médicaux aux ouvriers non
commissionnés qui sont au service de la compagnie
depuis moins de six mois, aux agents qui demeurent
à plus de deux kilomètres de l’établissement auquel
ils sont attachés, à ceux qui, après un congé, revien-
nent en état de maladie, à ceux qui ont une maladie
chronique antérieure à leur entrée en service.
« Quand un agent ne tombe pas sous le coup d’une
de ces exclusions, est-il du moins assuré de recevoir
tous les soins que réclame son état? Non! Au Midi,
à l’Est et à la Méditerranée, par exemple, il ne peut,
sur l’ordonnance du médecin, se faire délivrer que
certains médicaments, à prix réduit, dont la nomen-
clature est publiée à l’avance. S’il a besoin de médi-
caments plus coûteux, c’est à ses frais qu’il doit se les
procurer. En réalité, le service médical de certaines
compagnies est, avant tout, un service de contrôle
des petits employés, qui le paient en partie.
Il n’en est pas de même pour les chefs,
dit un
employé du Midi.
Les médecins qui n’ordonnent
pour les petits employés que les médicaments les
plus indispensables et les moins coûteux prodiguent
aux chefs les soins, les médicaments et les traite-
ments les plus coûteux. Chaque année, par ordre des
médecins, un bon nombre d’employés supérieurs
vont, aux frais de la caisse commune, passer les
fortes chaleurs, avec leurs familles, dans les stations
balnéaires des Pyrénées
« De toutes les compagnies c’est celle du Midi qui a
le plus multiplié les institutions dites de bienfaisance.
Elle a même tenté d’amener ses employés à contrac-
ter des assurances sur la vie en faveur de leurs
familles, mais l’entreprise a échoué. Les agents, mis
en éveil par la manière dont la compagnie a agi pour
la caisse des retraites et pour la caisse de prévoyance,
ont craint qu’elle ne voulût chercher une nouvelle
source de bénéfices, et ce qu’ils redoutent encore,
c’est de se voir un jour ou l’autre imposer une nou-
velle retenue pour cette institution de bienfaisance
qui ne leur dit rien de bon. »
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E
n septembre 1948, libéré de
toutes contingences militaires, le
jeune postulant à un poste dans une
société, tout aussi nationale quoi –
que civile que celle qu’il vient de
quitter, attend avec une impatience
non dissimulée une acceptation sou-
haitée rapide.
Certes, le moment est favorable pour
y faire une entrée, car le réseau est à
remettre sur pied pour soutenir une
économie balbutiante, encore sur la
voie du renouveau. Les trains n’ont
jamais été aussi nombreux à circuler
sur des ponts à peine consolidés, car
inexistante est la concurrence routière,
avec tout au plus quelques camions
essoufflés, surplus de la campagne
victorieuse des armées alliées. Les
nouvelles locomotives américaines
141R sont même en nombre insuffi-
sant pour «tirer» les multiples
convois de charbon, vecteurs obligés
de la reprise industrielle du pays après
la triste période de l’Occupation.
Mais la présence sur le marché de
l’emploi d’un jeune qui a délaissé la
tenue kaki n’est cependant pas tota-
lement suffisante pour conforter un
effectif qui doit tenir compte des re-
tours prioritaires de prisonniers et des
enfants des nombreuses victimes des
précédents bombardements. Le
quan-
tum
des «attachés» prêts à l’em –
bauche demeure restreint. Clos pour
l’année en cours, il ne sera revu qu’au
début de l’année suivante. Attendre!
Il va falloir attendre des mois durant,
dans l’incertitude d’une réponse posi-
tive et l’angoisse d’un refus, toutes
deux génératrices d’une certaine dé-
prime.
«La demande a bien été enre-
gistrée pour être examinée dans le ca-
dre d’un contingent à venir.»
D’ici là,
n’y aura-t-il pas une préférence don-
née à un fils de cheminot? En atten-
dant, il faut vivre d’expédients.
1949 voit le jour dans
un contexte de morosité
Tout à ses pensées, un tantinet pes-
simistes, le jeune résigné exulte de joie
quand, dans le courant février, il prend
connaissance d’une correspondance,
maintes fois espérée, émanant d’un
bureau douaisien installé boulevard
Pasteur. Le V
arrondissement SNCF a
dû se réfugier dans un local de repli
après le sévère et meurtrier bombar-
dement du 11 août 1944. Faisant ré-
férence aux demandes précédentes
réitérées, la lettre lui précise de se pré-
senter, au jour inscrit, devant le pon-
tife suprême, décideur de l’orienta-
tion de toute une vie. Est inclus un
permis de circulation Somain – Douai
et retour. Quel honneur!
Sans préjuger de la suite, la formule
laconiquement administrative n’en
constitue pas moins une avancée sé-
rieuse sur la voie «cheminote».
Le jour tant attendu de la présenta-
tion dans les bureaux du «Chef d’ar-
rondissement Exploitation SNCF»
–quel titre pour le néophyte! – voit le
jeune homme satisfait, tout à la fois
tendu et inquiet, dans une démarche
incertaine. C’est la peur au ventre qu’il
est introduit au premier étage dans le
bureau du chef d’arrondissement ad-
joint. Le maintien est-il correct? L’élo-
cution est-elle ou sera-t-elle bonne?
Raisons et argumentation données
pour expliciter le choix ferroviaire vont-
elles être assez percutantes pour faire
évoluer la situation dans le bon sens?
L’entretien se déroule dans les meil-
leures conditions qui soient, mais les
silences ne sont pas propices à déten-
dre une atmosphère de plus en plus
lourde.
« C’est bon, d’accord, je donne un
avis favorable à votre embauche
comme “attaché du groupe VI”, sous
Témoignage.
Une visite
«d’incorporation»
à la SNCF
après-guerre
En 1949, Pierre Thomas voit l’acceptation
de son entrée à la SNCF assujettie au
verdict de la visite médicale d’embauche.
Une attente angoissante…
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
réserve, bien sûr, d’une acceptation
du Service médical à la suite d’une vi-
site à laquelle vous devez vous sou-
mettre. Etes-vous en bonne santé?
A vous voir, il ne semble pas y avoir
de doute… Dans le cas contraire, je
ne peux plus rien faire pour vous».
Ouf! Un grand pas est franchi. La res-
piration est plus légère, mais le doute
n’est pas totalement levé.
Le 7 mars 1949, le futur cheminot en
est à effectuer l’ultime étape d’un
long cheminement qu’il s’est astreint
à suivre. Ayant reçu un nouveau per-
mis de circulation pour se rendre à
Douai afin d’y subir la visite d’em-
bauche, il doit être présent au cabi-
net médical pour 8 heures.
Celui-ci est implanté en gare, dans
une aile délabrée, au milieu de ruines,
seule résurgence d’un bâtiment
d’avant-guerre qui a subi les affres des
bombardements dévastateurs du
19mai 1940 et ceux des mois de mai
et août 1944. Dans des pièces à l’en-
vironnement crasseux, a été aménagé
à la hâte le bureau du docteur, avec,
dans un coin, la présence d’un bat-
flanc d’auscultation. A côté, un local
plus petit est le royaume de l’infir-
mière, MmeLecerf. Elle s’y débat avec
le bac rudimentaire à dossiers des
agents. Le tableau réglementaire des
ophtalmologues trône au fond de la
pièce, indispensable accessoire avec
le «livre japonais» pour se rendre
compte de la vision optimale que doit
montrer le parfait cheminot. Sur un
côté, le petit lavabo minuscule sert
aux ablutions après les soins dispensés
aux blessés et malades.
Sur un côté de la salle d’attente exiguë,
dotée de quelques bancs instables,
deux «déshabilloirs», sortes de sas,
donnent accès au bureau du docteur.
Ils ont été érigés avec des planches de
récupération, et un vague système
d’entrée automatique permet aux pa-
tients de répondre à l’appel. Le décor
est planté sur un fond de poussière te-
nace que n’arrivent pas à évacuer les
hommes ou les femmes de ménage
de la gare désignés au travail de salu-
brité, le matin, en première urgence.
Fi de toutes les mesures renforcées
d’asepsie et d’hygiène! A la guerre
comme à la guerre! La bouteille
d’éther est là pour désinfecter quand
il y a lieu…
Arrivé à 8 heures précises, le candidat
à l’embauche se présente timidement
à l’infirmière.
«Attendez là avant que
je vous appelle.»
Les consultants du
jour défilent en présentant leur feuille
de maladie, pour sortie de leur dossier
qui sera présenté au praticien. Quand
les arrivées se font plus rares,
MmeLecerf appelle le jeune par son
nom. C’est alors qu’il doit se soumettre
aux examens préliminaires. Mensura-
tion à la toise et passage sur la bascule
ne sont qu’un début. Puis vient
l’épreuve de la lecture du tableau op-
tique, de la reconnaissance des diffé-
rentes couleurs, blanche, verte, jaune,
rouge et bleue, le tout accompagné
du déchiffrage redouté du livre japo-
nais. Par la complaisance d’un ami, il
avait eu le soin de se présenter préala-
blement au cabinet de Somain pour
avoir un aperçu de sa contexture.
Grâce à Dieu, les 10/10 de la vision
sont acquis et la redoutable lecture n’a
été qu’une formalité. Absorbé dans ses
pensées, le candidat ne voit pas l’appa-
reil spécialisé se plaquer contre son
oreille pour le test de l’audition. Un dis-
cret rappel à l’ordre lui suffit pour déce-
ler avec attention le tic-tac de la mon-
tre appliquée de plus en plus loin du
pavillon de l’oreille. L’émission, faite en
catimini, d’un peu d’urine dans un fla-
con sera le support valable d’une fu-
ture analyse dans un laboratoire que
le futur cheminot décèlera être, bien
longtemps après, parisien. Jusque-là,
la première partie de l’examen a été
positive.
«Retournez dans la salle d’at-
tente, on vous appellera.»
L’attente commence, longue à sou-
hait, au milieu des consultants taci-
turnes ou diserts, dans la perspective
du passage devant le docteur.
«Il n’est
pas encore là! Comme d’habitude, il
ne va pas arriver avant 11 heures!»
En écoutant les conversations, le fu-
tur cheminot est aux prises avec le vieil
aiguilleur, grincheux et tire-au-flanc, à
la veille d’un départ à la retraite ar-
demment souhaité.
«Eh bien, tio, t’e
veux rentrer au ch’min de fer! T’as
point fini! Qué boutique! Vivement
que je foute le camp de ce b…!»
conversation est loin de refléter un op-
timisme de bon aloi, mais n’entame
pas pour autant le moral et la haute
idée que le jeune se fait du chemin de
fer. Pour couper court, il n’a plus
comme ressource que de regarder par
la fenêtre, bien sale, passer les trains
tout empanachés de nuages de va-
peur ou de fumées noirâtres.
Comme à son habitude, le docteur
n’arrive pas avant 11 heures, et la suite
des consultants commence à défiler,
par l’intermédiaire des déshabilloirs.
Après la suite interminable de patients
du lundi matin, enfin l’appel de son
patronyme le fait entrer dans le box
minable, avec la recommandation de
l’infirmière de se mettre torse nu. La
porte s’ouvre. Le voilà devant le
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«Eh bien, tio, t’e veux rentrer au ch’min de fer !
T’as point �ni! Qué boutique !»
médecin, pressé d’en finir, agacé de
devoir procéder à une visite supplé-
mentaire d’embauche à laquelle il ne
s’attendait pas en arrivant.
Les premiers renseignements s’avèrent
conformes aux barèmes en vigueur.
«Bonne santé?» «Je sors du service
militaire dans une unité de parachu-
tistes!» «Avez-vous eu des maladies
particulières durant votre jeunesse?»
«Non. Scarlatine et rougeole.» «Rien
d’autre à signaler?» «Non.» «Allon-
gez-vous.»
Les renseignements sont
soigneusement notés dans le dossier
vierge, ouvert par Mmel’infirmière,
présente à la consultation.
Les yeux font l’objet d’un examen ex-
terne à la commissure des paupières, la
poitrine et le dos, d’une auscultation
complète.
«Respirez par la bouche,
toussez.»
Le stéthoscope s’attarde sur
tout le haut de l’anatomie. Le cœur,
quant à lui, a toutes les faveurs d’une
écoute attentive. En descendant la co-
lonne, la troisième vertèbre lombaire,
un peu plus renfoncée et fragile que
les autres, n’a pas le don de se signaler
aux investigations d’un toucher évasif.
Les membres inférieurs, très person-
nels et masculins, ont l’honneur d’une
palpation pudique.
«Toussez.» « Vous
avez donc fait votre service! Pas de ré-
forme?» «Bon! Vous pouvez vous
rhabiller. Au revoir.»
Le laconisme
est de rigueur
La visite d’incorporation est terminée.
Elle a duré tout au plus une dizaine
de minutes, sans aucun commentaire,
pour admettre dans la «grande mai-
son SNCF» un candidat qui y fera,
en fait, toute une carrière pendant
trente-cinq ans. En se rhabillant, le
jeune ne peut avoir qu’un sentiment
de satisfaction. A son avis, il va pou-
voir, sauf empêchement de dernière
minute, exercer un métier qu’il a
choisi. En sortant du box de déshabil-
lage, il se rapproche de Mme l’infir-
mière pour savoir ce qu’il y a lieu de
faire.
«C’est terminé, je transmets le
dossier à l’arrondissement. Vous
n’avez plus qu’à attendre que l’on
vous convoque. Au revoir!»
Soulagé, il ne lui reste plus qu’à re-
prendre le train pour revenir chez lui
et annoncer la nouvelle, bonne en
principe, à ses parents. Enfin, il va
pouvoir s’investir dans la vie profes-
sionnelle après un trop long inter-
mède depuis sa vie scolaire qui aurait
pu lui être fatal. Quand son aspiration
se concrétisera-t-elle? Il n’attendra
pas longtemps. L’avis officiel d’em-
bauche lui parvient quelques jours
après, lui donnant l’ordre de se pré-
senter au chef de gare de Raismes, le
lundi 14 à 9 heures. Quelques jours
ont suffi. Il est bien cette fois un che-
minot à part entière, en attente, tou-
tefois, de commissionnement.
Que de chemin parcouru entre ce loin-
tain embauchage, réalisé dans des
conditions précaires, et le processus
adopté présentement vis-à-vis des ac-
tuels candidats, toutes filières confon-
dues! Au fil des décennies, l’entreprise
a eu recours, par l’intermédiaire d’orga-
nismes spécialisés, propres ou privés,
au passage de tests intellectuels, psy-
chologiques, physiologiques, informa-
tiques et autres, devant des spécialistes,
pour garantir son choix dans un per-
sonnel de qualité. Rançon du progrès
qui veut une réussite optimale dans un
contexte de rentabilité accrue!
Autre temps, autres mœurs! Mais,
après tout, le candidat de 1949 sor-
tant du cabinet médical crasseux n’a-
t-il pas servi l’entreprise dans un es-
prit «cheminot» aussi ouvert, pour
ne pas dire plus, que celui du XXI
siè-
cle? Cette rétrospective montre en
tout cas que par-delà tous les tests, la
volonté de l’individu est un critère de
réussite, dans la mesure où il la met
au service de son idéal.
Pierre THOMAS,
ingénieur SNCF honoraire.
(Avec l’aimable autorisation des
Cahiers des Caisses de prévoyance
et de retraite
n° 6, juin 2004).
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Historail
Perrelle/Photorail
Au centre
d’apprentissage
des Aubrais en
1956.
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
E
n 1945, l’attention du docteur
Henri Godlewski, médecin princi-
pal de la région Sud-Ouest, est attirée
par une hécatombe anormale tou-
chant les préposées à la vente des bil-
lets en gare d’Austerlitz, clouées au lit
pour cause de grippe. L’observation
d’un guichet aux heures de pointe, un
jour d’hiver, permet d’établir rapide-
ment la relation de cause à effet entre
l’importante proportion de personnes
atteintes de toux chroniques et les
agents exposés à recevoir les «corpus-
cules de Pflügge»– terme savant, voire
élégant, pour désigner les postillons
bactérifères que tout un chacun émet
plus ou moins dès qu’il ouvre la
bouche– expectorés par les voyageurs.
Témoin de l’enquête du docteur God-
lewski, l’inspecteur divisionnaire Jolfre
va déployer toute son ingéniosité pour
parer à ces corpuscules grâce à une
barrière matérielle devant remplir trois
conditions: être transparente, permet-
tre une bonne transmission du son, of-
frir enfin une parfaite étanchéité. Il
conçoit ainsi une paroi formée d’une
membrane vibrante de cellophane
protégée de part et d’autre par une
plaque rigide en plexiglas percée de
petits orifices pour laisser passer le son.
L’ensemble se comporte comme un
microphone qui, tout en permettant
l’écoute parfaite des interlocuteurs,
fait barrière aux germes projetés. Dé-
nommée Hygiaphone, cette paroi pré-
serve de surcroît les guichetiers contre
les courants d’air auxquels sont expo-
sées les salles des pas perdus des
grandes gares. Une comparaison de
l’état sanitaire d’un bureau de recettes
avant (période d’août 1945 à août
1946) et après introduction de l’Hy-
giaphone (période d’août 1946 à juin
1947) suffit à faire la preuve scienti-
fique de son efficacité. Celle-ci est
d’autant plus mesurable que trois au-
tres bureaux privés de cette protection
continuent d’afficher des taux d’ab-
sentéisme et de maladies conséquents
(tableau ci-contre)
Demeurait le danger d’une autre
contagion sournoise: la circulation, à
travers la cuvette aménagée sous l’Hy-
giaphone, de billets de banque et
pièces souillés d’une flore microsco-
pique très variée: spores, moisissures,
bactéries, voire bacilles et germes de
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1947,
l’Hygiaphone
terrasse
les «corpuscules de Pflügge»
Comment réduire l’absentéisme des préposés à la vente des
billets en gare d’Austerlitz pour cause de grippe ? Un cheminot,
René Jolfre, propose en 1947 un système de son invention
appelé à un grand avenir : l’Hygiaphone.
août 1945-août 1946
août 1946-juin 1947
Jours
Jours
d’absence
Maladies
d’absence
Maladies
Recette n°2,
Pleurésies,
Grippes,
équipée
grippes,
coliques,
d’Hygiaphones
angines
angines
en août 1946
Recette n°3
Phlébite,
Pleurésies,
angines,
grippes,
pleurésie
angines
Recette n°4
Scarlatines,
Bronchites,
érysipèle,
grippes,
typhoïde,
laryngites,
grippes
angines,
tuberculose
(décédée)
Recette n°6
Bronchite,
Bronchites
scarlatine
la flore intestinale… Les prescriptions
imposées et toujours rappelées aux gui-
chetiers –lavage systématique et fré-
quent des mains avec savon, brossage
des ongles– n’étant généralement pas
ou peu respectées, il est décidé d’ap –
por ter un complément à la barrière de
l’Hygiaphone sous la forme d’une pâte.
Fournie par les Laboratoires Debat, la
pâte Isolex, une fois étalée sur l’épi –
derme de la main, agit après séchage à
la manière d’un
«gant invisible»
: les
germes se fixent sur l’enduit et dispa-
raissent avec lui au premier lavage.
L’examen de statistiques intégrant ce
nouveau facteur montre là aussi l’ef-
ficacité de l’ensemble Hygiaphone
+pâte Isolex
(tableau ci-dessus)
Triomphe absolu, pour la première fois
en 1948, aucun cas de tuberculose
n’est à déplorer parmi les guichetiers
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Historail
Né à Najac le 5 août 1895, René Jolfre entre
à la Compagnie du Midi en 1918 comme commis.
Nommé rédacteur en 1923, contrôleur technique
en 1924, inspecteur principal en 1926, les archives
SNCF du personnel perdent trace du déroulé de
sa carrière après 1929.
On sait seulement qu’il décède à Paris (18
le 1
septembre 1991, sans que l’on puisse établir
une quelconque, mais très probable, filiation avec
la Compagnie de l’Hygiaphone créée en 1947.
Jours
Jours de
d’absence
AnnéemaladieEffectif
par agent
Observations
35,02
Pas de prophylaxie
32,02
D’août à décembre,
préservation de l’haleine
(4 guichets) et essai
de préservation des mains
Préservation de l’haleine
(15 guichets) et
préservation des mains
7,7
Préservation de l’haleine
(totalité des 39 guichets)
et des mains
René Jolfre, PSLA
Hygiaphone (coupe) :
M membrane de
cellophane ; P plaque
rigide transparente ;
P’ perforations pour
le son.
RGCF octobre 1947/Photorail
Dossier
[ hygiène et santé des cheminots ]
d’Austerlitz, contrairement aux années
précédentes! Enquêtant fin 1947 sur
cette réussite, le reporter de
Notre
Métier
prophétise un grand destin à
la trouvaille de l’inspecteur Jolfre:
« Le nouveau dispositif de l’Hygia –
phone permet un démontage instan-
tané de l’appareil aux fins de vérifica-
tion et de nettoyage. Nous avons eu la
curiosité, récemment, d’assister à cette
opération de fin de semaine, et nous
avons été littéralement stupéfaits de
constater l’importance des dépôts faits
soit sur le rhodoïd, soit sur la mem-
brane. Il y avait là, de toute évidence,
des germes dangereux dont on ne se
méfiait pas.
« Il est probable que le système Jolfre
sera étendu rapidement aux différents
guichets de la SNCF. Il est même à pré-
voir que cette innovation fera rapide-
ment tache d’huile et que d’autres ad-
ministrations publiques ou privées (PTT,
banques, etc.) suivront notre exemple.
« Une fois de plus, un cheminot s’est
penché sur un problème et l’a résolu
de la façon la plus élégante pour le
plus grand bien de ses camarades.
(*)
Georges RIBEILL
(*) H.Godlewski, «Dispositions
sanitaires nouvelles prises sur la SNCF
pour la préservation d’agents contre
la contagion publique», RGCF,
octobre 1947;
Notre Métier
,
2décembre 1947;
Les Informations
médicales
, juillet 1949.
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Les services médicaux du travail, institués par la loi du
11octobre 1946, n’ont été étendus aux entreprises de
transport qu’à la suite de la loi du 15 mars 1955, dont le
décret d’application ne verra le jour que le 9 septem-
bre 1960. Mais la SNCF s’était déjà engagée sur cette
voie, initiée et promue par Louis Bazy, passé de la Com-
pagnie d’Orléans à la région Sud-Ouest de la nouvelle
SNCF comme médecin en chef. Le même qui, dès 1929
(1)
rappelait que sa profession pouvait reconnaître à tel
agent ne rendant que de médiocres services à un poste
donné du fait d’aptitudes physiques inadéquates, le mé-
rite de se révéler dans un autre emploi, contribuant
ainsi «
à la recherche sinon du haut, du moins du bon
rendement
». Et d’affirmer qu’«
il y a une utilité incon-
testable à ce que les médecins et les ingénieurs puis-
sent agir dans la plus grande collaboration pour arriver
à cette formule idéale: chacun à sa véritable place
».
Le Dr Bazy teste ses idées durant la guerre, expérimen-
tant en 1942, aux ateliers de Bordeaux, une médecine
dite «d’établissement», étendue fin 1943 à toute la ré-
gion Sud-Ouest. «
En organisant ce que nous avons ap-
pelé la médecine d’établissement, rappelle-t-il en 1947,
j’ai voulu en somme que nos médecins connaissent le
métier de ceux qu’ils auront éventuellement à soigner,
et qu’avant de voir des malades ils aient d’abord pris
contact avec des hommes, des travailleurs.
» Les méde-
cins doivent ainsi «
s’intéresser davantage aux condi-
tions de travail, connaître le métier de cheminot, sui-
vre les agents au-delà de leur vie professionnelle
», dans
une optique à la fois préventive et curative
(2)
. Le méde-
cin d’établissement doit visiter régulièrement les instal-
lations, détecter et étudier les pathologies récurrentes
dans son établissement corrélées à un site, un métier…
Sécurité du travail, étude ergonomique corrective des
postes, interprétation statistique des accidents de travail,
enquêtes épidémiologiques, etc., tout cela ouvre un
nouveau champ d’investigation, au ras du terrain et non
plus accaparé par les services centraux médicaux portés
à mener des études essentiellement statistiques. La dif-
fusion de cette nouvelle médecine d’établissement au
sein de la SNCF sera lente et progressive, objet de débats
internes (temps partiel ou temps plein?), voire d’inertie
institutionnelle. Mais elle s’imposera progressivement:
de sept médecins d’établissement que compte la SNCF
en 1945, on passe à deux cents en 1960.
Si la médecine d’établissement dispose d’une autonomie
certaine quant à ses objectifs et moyens de recherche,
elle a suscité une émulation entre quelques médecins
d’établissement, auteurs d’études monographiques origi-
nales issues de leur étroit poste d’observation mais se
voulant de portée générale. Le lancement en janvier 1944
d’un bulletin trimestriel,
Informations médicales de la
SNCF
, destiné à faciliter les échanges d’informations en-
tre les quelque 3000 médecins disséminés de la SNCF, a
sans doute contribué à entretenir cette émulation par la
parution d’articles plus ou moins importants: études de
poste, enquêtes épidémiologiques, causes de mortalité,
etc. C’est dans ce contexte qu’au sortir de la guerre al-
laient être terrassés, du côté des guichets de la gare
d’Austerlitz, les redoutables «corpuscules de Pflügge».
G. R.
(1) L.Bazy, art. cité, 1929, p.130.
(2) L.Bazy, «La médecine d’établissement»,
Informations médicales de la SNCF
, avril 1947, p.9-13.
Les débuts de la «médecine d’établissement»
Janvier 2009
Historail
A
u XIX
siècle, toute gare d’une
quelconque importance se de-
vait, pour protéger les voyageurs de
la pluie et du soleil, de recouvrir ses
voies et ses quais d’une halle suffi-
samment vaste et haute pour que
puissent se disperser les fumées. Sym-
bole d’une modernité triomphante,
ces cathédrales de fer et de verre, pé-
rennisées par nombre de peintres à
l’exemple de Claude Monet, ont «sti-
mulé» l’imagination des ingénieurs
confrontés à la contrainte technique
d’un système de charpente à la fois
économique et de grande portée. Du
tout bois, Antoine-Rémy Polonceau
était passé en 1837 à une charpente
mixte associant des bielles en fonte
et des tirants métalliques à des arba-
létriers en bois ou en fer. Utilisé pour
la première fois dans la réalisation
d’un hangar pour la ligne de Paris à
Versailles RG, ce système connut une
grande diffusion jusque dans les an-
nées 1880. Au-delà, les fermes
Polonceau furent remplacées par des
fermes triangulées en acier, plus sim-
ples à fabriquer.
«C’est dans ces
grandes halles vitrées qu’il faut trouver
l’identité architecturale des gares,
fait
remarquer Bertrand Lemoine, spécia-
liste de l’histoire de l’architecture et
de la construction métallique
(*)
La si-
tuation urbaine de la gare exige(ait)
en effet que ces charpentes métal-
liques soient traitées avec soin, et que
la contradiction entre la halle et les
bâtiments périphériques soit résolue
d’une manière ou d’une autre. La
question de la lisibilité du pignon de la
halle vitrée sur la façade même de la
gare (était) ainsi au cœur des débats
qui travers(ai)ent l’architecture ferro-
viaire. On retrouve là toute l’habileté
du XlX
siècle à entremêler avec art et
science les éléments constructifs avec
les motifs décoratifs.»
Promenade sous
les halles de gare
à travers
la carte postale
Architecture
(*) Bertrand Lemoine, «Vapeur et vitesse: les gares»,
in
Histoire des gares, histoire urbaine,
séminaire
les Lieux-Mouvements de la ville, actes de la journée
du 17 février 1995.
Photos Photorail
Architecture
[ promenade sous les halles de gare
74-
Historail
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Le Réseau Nord
Photos Photorail
à travers la carte postale ]
Janvier 2009
Historail
Photos Photorail
Architecture
[ promenade sous les halles de gare
76-
Historail
Janvier 2009
Le Réseau Ouest
Photos Photorail
Janvier 2009
Historail
à travers la carte postale ]
Photos Photorail
Architecture
[ promenade sous les halles de gare
78-
Historail
Janvier 2009
Le Réseau Est
Photos Photorail
Janvier 2009
Historail
à travers la carte postale ]
Photos Photorail
Architecture
[ promenade sous les halles de gare
80-
Historail
Janvier 2009
Le Réseau PO-Midi
Photos Photorail
Janvier 2009
Historail
à travers la carte postale ]
Photos Photorail
Architecture
[ promenade sous les halles de gare
82-
Historail
Janvier 2009
Le Réseau PLM
Photos Photorail
Janvier 2009
Historail
à travers la carte postale ]
Photos Photorail
84-
Historail
Janvier 2009
1867. Première
Exposition universelle
au Champ-de-Mars
En vue de desservir l’Exposition uni-
verselle de 1867, la première à se te-
nir au Champ-de-Mars, la convention
du 31 mai 1865 portant la conces-
sion à la Compagnie de l’Ouest du
chemin de fer de ceinture rive gauche
stipule en son article 6 que celle-ci
«s’engage à exécuter et à exploiter
à ses frais, risques et périls, comme
chemin de fer provisoire, un embran-
chement se détachant du chemin de
fer de ceinture (rive gauche), près du
viaduc du Point-du-Jour, et aboutis-
Curiosité
Triste destinée que celle de la gare du
Champ-de-Mars, qui, après avoir participé
à la desserte des deux Expositions
universelles de 1878 et 1889, croupit
depuis 1898 au fond d’une impasse en
proche banlieue parisienne où, il est vrai,
elle fut exhumée de 1924 à 1936 pour
servir de terminus provisoire aux voies
nouvellement électrifiées de Paris-Saint-
Lazare à Bois-Colombes. Depuis plus de
25 ans maintenant, un particulier, Pierre
Tullin, lutte pour sa réhabilitation.
De l’embarcadère
du Champ-de-Mars
à la gare électrique
de Bois-Colombes
Chromo de la
gare du Champ-
de-Mars édité en
1878. Façade
tournée vers
l’Exposition.
Photos collection Pierre Tullin
Janvier 2009
Historail
sant au Champ-de-Mars, près du pont
d’Iéna. Ledit embranchement devra
être terminé et livré à l’exploitation le
21 octobre 1866»
Longue de 3km, la double voie se
détache de la ligne de Petite Ceinture
RG à hauteur de la gare de Grenelle-
Ceinture et descend jusqu’à la Seine,
qu’elle longe jusqu’à l’angle de l’ave-
nue de Suffren et du quai d’Orsay (au-
jourd’hui quai Branly) où une gare
voyageurs est établie. Le raccorde-
ment est ouvert aux trains de mar-
chandises le 1
février 1867, et la gare
accueille ses premiers voyageurs deux
mois plus tard, le 1
avril, jour de
l’inauguration.
Au lendemain de la fermeture de l’Ex-
position, le 7 novembre, la fréquenta-
tion des lieux n’étant plus au rendez-
vous, la Compagnie de l’Ouest décide
de fermer la gare aux voyageurs,
chose faite dès le 18 novembre. Main-
tenue temporairement, le temps de
l’enlèvement des produits et des maté-
riaux, l’exploitation marchandises cesse
à son tour le 22 décembre. Durant les
sept mois de l’Exposition, la gare aura
vu passer près d’un million et demi de
voyageurs, soit 10% du nombre total
des visiteurs.
Le raccordement ayant été établi sur
des terrains dépendant de la voie pu-
blique ou appartenant à la Ville de Pa-
ris, une décision ministérielle en date
du 29 février 1868 ordonne la démo-
lition de l’embranchement et la re-
mise des lieux dans leur état primitif.
Le 31 mars, toute occupation ferro-
viaire a disparu, y compris la jolie pe-
tite gare du Champ-de-Mars, démolie
en dépit de quelques protestations.
1878. Une nouvelle
gare terminus
au Champ-de-Mars
Par décret du 4 avril 1876, le maré-
chal de Mac-Mahon officialise le pro-
jet d’organisation à Paris d’une nou-
velle Exposition universelle, projetée
Vue de
l’Exposition
universelle
de 1878 prise
depuis la colline
de Chaillot.
Au-delà de
la Seine, à
l’extrême droite,
on distingue
la gare élevée
en bordure
du fleuve
et du Champ-de-
Mars.
Curiosité
[ de l’embarcadère du Champ-de-Mars
au Champ-de-Mars du 1
mai au
31octobre 1878. Tout comme pour
son aînée, il est impératif de faciliter
l’acheminement par rail des matériaux,
marchandises et voyageurs. De nou-
veau sollicitée, la Compagnie de
l’Ouest accepte de rétablir l’ancien rac-
cordement depuis Grenelle-Ceinture
jusqu’au Champ-de-Mars. Achevé le
25 novembre 1877, il permet le pas-
sage des premiers trains de marchan-
dises dès le mois de décembre. Les
premiers voyageurs doivent attendre
jusqu’au lundi 1
avril 1878 pour dé-
couvrir le nouvel embarcadère du
Champ-de-Mars. Paris compte désor-
mais une nouvelle gare terminus.
Signée de Juste Lisch (1828-1910), à
qui l’on devra encore notamment les
plans des gares de Saint-Lazare (1889)
et des Invalides (1900), sa conception
est caractéristique du courant archi-
tectural de l’époque. Les planches pu-
bliées en 1878 par l’
Encyclopédie d’ar-
chitecture
démontrent l’intérêt que
suscite alors l’édifice. Coauteur en
1881 de l’ouvrage
La brique et la terre
cuite
, Pierre Chabat s’arrête sur les ca-
ractéristiques du bâtiment:
«Cette
gare, construite par M.Lisch, est une
des applications les plus intéressantes
de la construction en briques et fer. Le
soubassement est seul en pierre; l’os-
sature est entièrement métallique et
les remplissages sont en briques noires,
jaunes et rouges. Le fond est en
briques jaunes, les chaînes horizon-
tales en briques noires et rouges, et le
couronnement en terre cuite jaune,
bleu et blanc. Ces diverses teintes et
ces dispositions se retrouvent dans les
pilastres de la porte, dans le campa-
nile et dans les trumeaux des faces la-
térales. Le campanile est surmonté
d’un dôme recouvert de tuiles-écailles
rouges et noires. La toiture de la gare
est également faite de tuiles vernis-
sées bleues, jaunes et rouges.»
Ce-
pendant, l’examen des dessins-aqua-
relles originaux dressés par Lisch laisse
à penser que cette toiture n’a été réa-
lisée que partiellement, probablement
en raison du coût élevé des fameuses
tuiles vernissées.
La notice descriptive en date du 4 mai
1877 produite par la Compagnie de
l’Ouest dans le cadre de l’enquête
préalable à l’édification de la gare
donne quelques précisions quant aux
installations. Le projet comprend un
bâtiment pour les voyageurs, deux
quais de 180m propres au stationne-
ment de quatre trains, sept voies de
manœuvre et de garage, dont cinq
pour les marchandises et deux pour
les voyageurs, et une voie d’embran-
chement qui pénètre dans le Champ-
de-Mars pour permettre l’achemine-
ment des produits nécessaires à
l’Exposition.
Deux des quatre voies sont dans
l’exact prolongement de la
«rue en
tranchée»
tracée parallèlement à la
Seine, trait d’union projeté le temps
de la manifestation entre les avenues
de Suffren et de La Bourdonnais, qui
délimitent les emprises du Champ-de-
Mars dans leur largeur. Cette dispo-
sition tient compte du fait que le rac-
cordement à construire est appelé à
être incorporé dans sa plus grande
partie à la future ligne dite du pont
de l’Alma aux Moulineaux et à Cour-
bevoie (point de jonction avec le che-
min de fer de Versailles RD), concé-
dée en 1875 à la Compagnie de
l’Ouest. Proche avenir dont la notice
descriptive rend compte:
« Une fois l’Exposition universelle ter-
minée, les voies principales, réduites à
deux, seront prolongées en amont;
elles traverseront la salle des pas per-
dus, qui sera remplacée par un trot-
toir de chaque côté des voies pour le
départ et l’arrivée des voyageurs. On
n’aura pas à remanier la couverture
du bâtiment, qui est assez élevée pour
le passage des machines. Les voies de
garage, complétées s’il y a lieu par des
quais couverts ou découverts, assure-
ront le service des marchandises, du
public et des établissements industriels
86-
Historail
Janvier 2009
Cette gare est une des applications les plus
intéressantes de la construction en briques et fer.
Collection Pierre Tullin
Le chemin
de fer de Petite
Ceinture et
l’embranchement
dirigé depuis la
gare de Grenelle
sur le Champ-de-
Mars apparaissent
clairement sur
ce plan imagé
de 1878.
Janvier 2009
Historail
qui avoisinent le Champ-de-Mars.
« Le chemin de fer prolongé passera à
niveau l’avenue de Suffren, qui n’aura
à subir aucune modification, et pren-
dra la place de la voie publique exécu-
tée pour le service de l’Exposition uni-
verselle entre l’avenue de Suffren et
l’avenue de La Bourdonnais, qui de-
viendra inutile après que la circulation
aura été rétablie sur le quai d’Orsay.»
Inaugurée le 1
mai 1878, l’Exposition
ferme ses portes le 10 novembre après
avoir accueilli près de 16,1 millions de
visiteurs. Dans le même temps
quelque 2,2 millions de voyageurs
transitent par la nouvelle gare, dont
140 000 le seul jour de la Pentecôte.
1879-1888. Une gare
mais peu de voyageurs
Après la disparition des fastes de l’an-
née 1878, la gare du Champ-de-
Mars, toujours desservie au départ de
Grenelle-Ceinture, se sent un peu iso-
lée. De fait, en dépit de démarches
réitérées de la Compagnie de l’Ouest,
les pouvoirs publics traînent à donner
leur accord à l’exécution des travaux
de la ligne des Moulineaux. Consé-
quence, le nombre des voyageurs au
départ et à l’arrivée de la gare ne
cesse de diminuer, passant de 9884
en 1879 à seulement 776 en 1887,
soit moins de deux personnes par jour
en moyenne! Rien d’étonnant donc à
ce que la desserte soit limitée à trois
trains par jour dans chaque sens, les
3,5km du raccordement étant cou-
verts en douze minutes à la vitesse
moyenne de 15km/h…
La situation se débloque enfin en
1885, et les premiers chantiers sont
ouverts en 1887 entre Grenelle et
Saint-Cloud et en 1888 entre Saint-
Cloud et Puteaux (préférée entre-
temps à Courbevoie comme point de
jonction avec le chemin de fer de Ver-
sailles RD). Travaux qui sont contempo-
rains de ceux de la
«tour de 300mè-
tres»
dont les travaux de fondation
ont commencé le 28 janvier 1887.
Pièce maîtresse de l’Exposition univer-
selle programmée pour 1889, la
construction de cette dernière attire
de nombreux curieux et, parmi eux,
des photographes. Ce qui nous vaut
quelques belles vues de la gare immor-
talisée au pied de la tour depuis l’île
aux Cygnes ou le quai de Passy. Un
entrefilet paru dans le
Génie Civil
du
13 octobre 1888 précise :
«En prévi-
sion du nombre considérable de voya-
geurs que la ligne de Ceinture et celle
des Moulineaux amèneront à l’Expo –
sition, on crée six quais d’em bar –
quement, avec trois plaques tour-
nantes qui assureront la circulation des
trains. Grâce à ces dispositions, la gare
du Champ-de-Mars pourra recevoir
jusqu’à cent vingt trains par jour.»
La mise en exploitation le 1
mai 1889
de la ligne du Champ-de-Mars à Pu-
teaux permet de desservir l’Exposition
au départ de la gare Saint-Lazare. On
notera ici que si le raccordement
primitif dirigé depuis Grenelle est
maintenu, permettant une mise en
relation directe de la ligne des Mouli-
neaux avec la ligne de Petite Ceinture
RG, toute idée d’établir un raccorde-
ment similaire en direction de la ligne
d’Auteuil vers la ligne de Petite Cein-
ture RD est vite abandonnée, en rai-
son de la configuration défavorable
des voies de ceinture établies en via-
duc à la traversée de la Seine.
Ouverte le 6 mai, l’Exposition draine
jusqu’à la fermeture de ses portes, le
7 novembre, plus de 28 millions de
visiteurs. La Compagnie de l’Ouest fait
état de 3631000 voyageurs pour la
gare du Champ-de-Mars entre le
mai et le 31 octobre, soit par extra-
polation quelque 3820000 voya-
geurs pour la période du 6 mai au
7novembre (20000/jour), les di-
manches étant les plus chargés
(40000). La plus forte fréquentation
à la gare électrique de Bois-Colombes ]
Photos collection Pierre Tullin
Bien que
prenant quelque
liberté avec
la réalité, ce
chromo de 1878
est le seul
document
montrant la
gare côté voies.
Cette planche
du livre de
Pierre Chabat
(La brique et la
terre cuite,
1881) donne un
bon aperçu de la
richesse de
l’ornementation
de la gare.
Ci-contre, la
gare du Champ-
de-Mars à la une
de l’une des
éditions du
Journal Illustré
de 1878.
Curiosité
[ de l’embarcadère du Champ-de-Mars
est enregistrée le lundi 10 juin (Pente-
côte) avec plus de 70000 voyageurs.
Terminus, la gare du Champ-de-Mars
–dont le nombre annuel de voya-
geurs se stabilise autour de 120 000
dans les années qui suivent, confir-
mant ainsi une urbanisation crois-
sante des zones desservies– le res-
tera jusqu’à sa fermeture en… 1894.
On se souvient que la convention de
1875 prévoyait de prolonger la ligne
depuis le Champ-de-Mars jusqu’au
pont de l’Alma. La Compagnie de
l’Ouest n’avait pourtant pas perdu es-
poir de pousser ses voies plus loin en-
core, jusqu’à hauteur de l’esplanade
des Invalides. Evoquée dès 1877, puis
de nouveau en 1882, l’idée est claire-
ment énoncée dans le rapport remis
aux actionnaires réunis en assemblée
générale le 31 mars 1889:
«La Com-
pagnie de l’Ouest poursuit les
démarches utiles auprès de l’Admi –
nistration, dans le but de pouvoir,
aussitôt après la clôture de l’Expo –
sition, entreprendre la section restant
à construire du Champ-de-Mars au
pont de l’Alma ou, mieux, du
Champ-de-Mars à l’esplanade des In-
valides, ce léger déplacement du
point terminus paraît indispensable
pour la mettre efficacement à la por-
tée de la clientèle qu’elle est appelée
à desservir.»
L’occasion d’emporter l’adhésion des
pouvoirs publics lui est donnée par
l’insistance de la Ville de Paris à récla-
mer la suppression des passages à ni-
veau qui entravent la circulation à la
traversée des voies de la ligne des
Moulineaux dans sa partie
intra-mu-
ros
. D’accord, répond la Compagnie
de l’Ouest, mais à la condition de re-
cevoir gratuitement, en compensa-
tion des dépenses à engager, les ter-
rains nécessaires au prolongement de
la ligne jusqu’à l’esplanade des Inva-
lides et à l’établissement en ce point
d’une gare terminale suffisante pour y
installer un service de grande banlieue
et de messageries. Les édiles parisiens
capitulent en 1891, prélude à la si-
gnature, le 5 juillet 1893, du décret
portant la déclaration d’utilité pu-
blique du projet. Mais alors qu’une
décision ministérielle approuve rapi-
dement les travaux intéressant le pro-
longement jusqu’au pont de l’Alma
(première étape) et la suppression des
passages à niveau incriminés par mise
en tranchée de la ligne, une fronde
parlementaire interrompt brutalement
le processus.
Lasse d’attendre, la Compagnie de
l’Ouest,
«pour déférer au désir ex-
primé par le gouvernement»
, pro-
cède le 5 avril 1894 à l’adjudication
des travaux inhérents à la suppression
des passages à niveau. Or, l’exiguïté
88-
Historail
Janvier 2009
La gare de Juste Lisch condamnée à disparaître
en 1894 pour une histoire de passages à niveau.
Collection Pierre Tullin
Au pied de la
tour Eiffel, dont
la construction
se poursuit
en prévision
de l’Exposition
universelle
de 1889, la gare
du Champ-de-
Mars attend
sagement de
renouer avec les
fastes de 1878.
Photo prise
en 1888 par
Hyppolite
Blancard
(1843-1924).
Janvier 2009
Historail
à la gare électrique de Bois-Colombes ]
Photos collection Pierre Tullin
Le 10 juin 1889,
lundi de
Pentecôte,
près de 70 000
voyageurs
transitent par
la gare, contre
à peine 120 000
par an pour
la décennie
suivante.
Chromo
publicitaire
de l’Exposition
de 1889. Quel
meilleur repère
que la gare
pour trouver
son chemin…
Curiosité
[ de l’embarcadère du Champ-de-Mars
des emprises ne permettant pas de
réaliser les chantiers tout en mainte-
nant la circulation des trains, la com-
pagnie décide donc d’interrompre le
trafic entre Grenelle et la gare du
Champ-de-Mars. Ce qui est fait le
20juin 1894.
1894-1897. Une gare
sans voyageurs
A compter de cette date, la gare du
Champ-de-Mars devient en quelque
sorte une
«gare fantôme»,
puisque
aucun voyageur ne la fréquente plus.
En un peu plus de seize ans d’exis-
tence, elle aura accueilli 6713474 de
voyageurs tant au départ (3729860)
qu’à l’arrivée (2983614). Notons
qu’au total des seules années 1878
et 1889 (celles des Expositions univer-
selles que desservit la gare) le nom-
bre de voyageurs se chiffre à plus de
six millions, soit 90% du trafic enre-
gistré pendant toute la période d’ex-
ploitation!
L’accroissement de la population pa-
risienne et de la proche banlieue, les
dizaines de millions de voyageurs at-
tendus pour la grande Exposition de
1900 et la réalisation probable du
métropolitain sont autant de facteurs
qui conduisent la Compagnie de
l’Ouest à réfléchir à l’amélioration de
ses dessertes. C’est ainsi qu’elle ob-
tient par convention du 6 juillet 1896
non seulement la concession tant at-
tendue du prolongement de la ligne
des Moulineaux jusqu’à l’esplanade
des Invalides, mais aussi celle d’une
nouvelle ligne reliant le Champ-de-
Mars à Courcelles-Ceinture via Bou-
lainvilliers, destinée à établir un rac-
cordement direct avec la ligne de
Petite Ceinture RD.
La création d’un nouveau terminus
sur l’esplanade des Invalides
condamne la gare du Champ-de-
Mars à n’être plus qu’un simple point
de passage. Inadapté, l’ancien bâti-
ment voyageurs est condamné. Toute-
fois, contrairement à son aïeul de l’Ex-
position de 1867, il n’est pas détruit
mais démonté –si le remplissage de
90-
Historail
Janvier 2009
Photos collection Pierre Tullin
En détruisant
les ateliers que
la Compagnie
de l’Ouest
possédaient à
Bois-Colombes,
le cyclone du
18juin 1897
scelle le destin
de la gare du
Champ-de-Mars.
Cherchez
l’erreur… Bien
que démontée
et transportée
à Bois-Colombes
en 1898, la gare
apparaît
toujours au pied
de la tour Eiffel
sur cette
publicité de
1900 !
Janvier 2009
Historail
briques est démoli, les parties métal-
liques (fermes, colonnes, consoles,
etc.) et les décors de céramique sont
soigneusement conservés– pour être
transporté par rail sur des wagons
plats jusqu’à Asnières. Remonté au
fond de l’impasse des Carbonnets, à
la limite de Bois-Colombes, il est ap-
pelé à remplacer les constructions lé-
gères qui abritaient des ateliers de la
Compagnie de l’Ouest avant leur des-
truction par un cyclone le 18 juin
1897. Ce jour-là, en effet, des vents
d’une extrême violence s’étaient
abattus sur Asnières et Bois-Co-
lombes, comme en témoigne
L’Illus-
tration
dans son édition du 26juin
suivant:
«Un cyclone offrant beau-
coup d’analogie avec celui qui s’abat-
tit sur Paris le 10 septembre de l’an
dernier vient d’éprouver toute une
région de la banlieue… il atteignit en-
suite Bois-Colombes par la côte Saint-
Thibault et, continuant ses ravages,
atteignait les ateliers de la Compa-
gnie de l’Ouest, y faisant plusieurs
victimes parmi les ouvriers et de
graves dégâts matériels. De là, après
avoir bouleversé les chantiers, ren-
versé les poteaux électriques sur la
voie de chemin de fer, détérioré les
appareils et les signaux, le cyclone ga-
gnait Asnières…»
Aucun document d’archive sur le dé-
montage de cet imposant édifice n’a
pu être retrouvé à ce jour, ni même
la date exacte de son transfert de Pa-
ris à Asnières, probablement la même
année. A notre connaissance, les rares
documents ayant trait à la gare pen-
dant cette période sont un exception-
nel film Lumière –
Panorama des rives
de la Seine, IV
–, vraisemblablement
tourné entre octobre 1896 et novem-
bre 1897, d’une durée de quarante-
huit secondes dont une trentaine pen-
dant lesquelles on voit très bien la
gare au premier plan, et une photo-
graphie reproduite dans
Paris-Atlas
ouvrage édité par Larousse à l’occa-
sion de l’Exposition universelle de
1900. Le premier document témoigne
de la disparition des abris-quais, du
château d’eau et de l’une des mar-
quises du bâtiment, prélude à son
proche transfert.
Nous pouvons citer aussi une lettre du
22 mars 1898, envoyée par le direc-
teur de la Compagnie de l’Ouest au
commissaire général de l’Exposition,
dans laquelle il indique qu’il ne sau-
rait accepter la demande de la Société
des Mondes d’installer un globe cé-
leste de 30m de diamètre à cheval
au-dessus de la ligne des Moulineaux,
aux abords de l’avenue de Suffren.
C’est en effet à cet emplacement, pré-
cise-t-il, que doit être établie la future
gare de passage du Champ-de-Mars.
Et de proposer d’installer le gigan-
tesque globe quelques dizaines de
mètres plus loin, dans les emprises
même de l’ancienne gare terminus.
L’endroit proposé, figuré sur un plan
joint à la lettre, correspond exacte-
ment à celui qu’occupait jusque-là le
bâtiment de Juste Lisch.
Notons également que les deux pa-
lais (Beaux-Arts et Arts libéraux)
construits par Camille Formigé pour
l’Exposition de 1889 et que l’on voit
intacts sur le film Lumière et la photo
de
Paris-Atlas
furent démolis en mars
1898, preuve que le
déménage-
ment
de la gare a bien eu lieu avant
le printemps 1898.
1898-1936.
Des ateliers d’Asnières
à la «gare électrique»
de Bois-Colombes
Le 12 avril 1900, la nouvelle ligne de
Champ-de-Mars à Courcelles et le pro-
longement de Champ-de-Mars à Inva-
lides sont simultanément livrés à l’ex –
ploitation voyageurs. Trois jours avant
l’ouverture des portes de l’Exposition.
à la gare électrique de Bois-Colombes ]
Le «déménagement» de la gare a bien eu lieu
avant le printemps 1898.
Collection Pierre Tullin
Cartouche
annexé à la
carte des lignes
d’accès de Paris
établie par la
Compagnie de
l’Ouest en 1899.
En noir,
les lignes
anciennes;
en rouge, les
lignes nouvelles.
Le Champ-de-
Mars n’est plus
qu’un point
de passage
en direction
des Invalides.
Curiosité
[ de l’embarcadère du Champ-de-Mars
Ecartée de la fête, l’ancienne gare
trône désormais au fond de l’impasse
des Carbonnets, cachée à la vue du
plus grand nombre.
Beaucoup de reproches peuvent être
faits aux Chemins de fer de l’Etat, mais
sûrement pas celui d’avoir poursuivi la
politique d’électrification des lignes de
banlieue amorcée par la Compagnie
de l’Ouest en 1900, précisément sur la
branche Champ-de-Mars – Invalides,
à l’occasion de l’Exposition universelle.
Parmi les dossiers hérités, figure un
ambitieux avant-projet avec la créa-
tion d’une gare souterraine électrique
à Paris-Saint-Lazare et l’électrification
des lignes de Saint-Germain (via
Bécon) et d’Argenteuil. Après examen,
les Chemins de fer de l’Etat y appor-
tent cependant de profonds remanie-
ments. Ils renoncent ainsi à la gare
souterraine mais, par contre, décident
d’étendre l’électrification à toutes les
lignes de la petite banlieue rive droite,
avec séparation du trafic vapeur de ce-
lui des
«trains électriques»
. Après
maintes discussions, le décret de dé-
claration d’utilité publique est signé le
9 mai 1912. Malheureusement, la
Première Guerre mondiale empêche
toute réalisation immédiate, la seule
avancée tangible étant une décision
ministérielle en date du 1
mai 1917,
approuvant le projet des travaux à exé-
cuter entre le pont sur la Seine à As-
nières et le passage à niveau des Bour-
guignons à Bois-Colombes. De fait,
ceux-ci ne sont entrepris qu’en 1921,
et les premières automotrices ne com-
mencent leur service que le 27avril
1924 au départ de Saint-Lazare, avec
Bécon-les-Bruyères et Bois-Colombes
pour terminus provisoires.
Deux gares distantes d’une centaine
de mètres environ répondent désor-
mais aux besoins de la population de
Bois-Colombes, l’une desservie par les
trains à vapeur de la ligne d’Argen –
teuil, l’autre par les récentes automo-
trices de
«troisième série»
. Terminus
des nouvelles voies, cette seconde
gare, désignée sous le nom de
«gare
électrique»
, n’est autre que l’ancien
embarcadère du Champ-de-Mars
mobilisé pour l’occasion! Heureuse
nouvelle pour notre ancêtre enfin
tirée de l’oubli, mais mauvaise opéra-
tion pour les voyageurs en correspon-
dance pour Argenteuil et ses au-delà,
contraints à un transbordement fasti-
dieux résultant du système des
«zones», qui fait que les trains élec-
triques sont omnibus de Paris à Bois-
Colombes et les trains vapeur directs
sur le même parcours. Cette dualité
perdure jusqu’au tout début de 1936,
année qui marque la fin des travaux
de quadruplement des voies entre
Bois-Colombes et la gare du Stade.
Amorcée quatre ans plus tôt avec pour
92-
Historail
Janvier 2009
Photos collection Pierre Tullin
Attraction
de l’Exposition
de 1900,
le Globe Céleste
occupait la place
autrefois
dévolue à la
gare du
Champ-de-Mars.
Si l’on en juge
par cette photo,
l’Exposition
de 1900 généra
un tra�c que
l’ancienne gare
n’aurait
probablement
pu absorber.
Janvier 2009
Historail
objectif de supprimer les passages à
niveau qui étaient autant d’obstacles à
la circulation automobile et de pousser
l’électrification jusqu’à Argenteuil,
l’opération comprenait également la
construction à Bois-Colombes d’une
nouvelle gare. Conçue pour assurer
tant le passage des trains vapeurs et
électriques en direction d’Argenteuil
que l’accueil sur une voie centrale des
navettes Paris – Bois-Colombes, per-
mettant ainsi aux banlieusards en tran-
sit de gagner de précieuses minutes
grâce à une correspondance quai à
quai jumelée à un horaire coordonné
des trains Paris – Argenteuil, celle-ci
rendait inutile le maintien de la «gare
électrique». Inaugurée le 5 janvier, en
corrélation avec la mise en route des
premiers services électriques pour
Argenteuil, elle renvoie donc aux ou-
bliettes pour la seconde fois l’ancienne
gare du Champ-de-Mars.
1936-1982.
De multiples usages
Utilisé dès lors à de multiples usages
–dépôt du service électrique, loge-
ment pour célibataires, gare Sernam,
entrepôt de matériel publicitaire,
etc.–, le bâtiment perd progressive-
ment de sa superbe, victime de l’usure
du temps et des transformations ap-
portées: plancher intermédiaire, mo-
dification des ouvertures, perte de son
campanile, etc. Surtout, son glorieux
passé s’efface progressivement de la
mémoire collective. Il conserve mal-
gré tout une architecture typique qui
ne laisse pas totalement indifférent.
Insuffisante toutefois pour la SNCF
qui, au début des années 1980, envi-
sage de lui substituer des
«logements
sociaux»
destinés à son personnel. Si
elle renonce à son projet, le sort de la
gare, aujourd’hui propriété de RFF,
n’est toujours pas réglé. Et son ins-
cription en 1985 à l’inventaire supplé-
mentaire des monuments historiques
(ISMH) ne lui procure qu’une protec-
tion théorique contre l’usure du temps
et des hommes.
Pierre TULLIN
à la gare électrique de Bois-Colombes ]
Roger-Viollet
Photorail
Une rame
«standard»
(troisième série)
en gare de
Bois-Colombes.
On aperçoit la
gare électrique
dans le fond.
L’escalier situé
au premier plan
donnait accès
au quai central
le long duquel
venaient se
ranger les rames.
En 1924, seule
une petite partie
(aile gauche) de
l’ancienne gare,
transformée
en ateliers, fut
libérée pour
le service
voyageurs
des voies
nouvellement
électri�ées
de Paris-Saint-
Lazare à Bois-
Colombes.
Curiosité
[ de l’embarcadère du Champ-de-Mars
94-
Historail
Janvier 2009
Après une visite éclair d’un représentant de la mairie d’As-
nières, qui émet un avis favorable, le permis de démolir
demandé le 30 décembre 1982 par la SNCF est accordé par
arrêté préfectoral en date du 29 avril 1983. Quelques se-
maines plus tard, le 15 juillet, je prends connaissance tout
à fait fortuitement, en me rendant sur place afin d’y pren-
dre des photos, du projet de démolition de l’édifice au-
quel je m’intéresse depuis décembre 1978. J’interviens aus-
sitôt auprès des autorités compétentes du ministère de la
Culture. Fin juillet, la veille de mon départ en vacances, je
rencontre l’architecte des Bâtiments de France (ABF), au-
quel je conte la longue histoire du bâtiment. Elle ne me
laisse guère d’espoir: «
Vous savez, il y a une chance in-
fime de sauver le bâtiment maintenant que le permis de
démolir est accordé.
» L’ABF conserve toutefois le dossier,
confectionné à la hâte, que je lui ai apporté. J’apprendrai
plus tard qu’elle l’a remis au sénateur-maire d’Asnières à
l’occasion d’une réunion de travail. Un
court article paraît dans le journal com-
munal sous la signature d’une histo-
rienne d’Asnières. En novembre 1984, je
dépose un «dossier» à la Drac Ile-de-
France, car il y a un projet de réhabilita-
tion, me dit-on. Les mois passent, et je
crains chaque jour de voir les pelleteuses
démolir le bâtiment. Après de nombreux
mois d’atten te, la nouvelle, à la fois ines-
pérée et tant attendue, arrive un après-
midi de printemps. Le 25avril 1985, la
Corephae (Commission régionale du pa-
trimoine historique, archéologique et
ethnologique) a approuvé, lors de sa pre-
mière séance, la demande d’inscription à
l’Inventaire supplémentaire des Monu-
ments historiques (ISMH), confirmée par un arrêté du 13
août 1985 publié au
Journal officiel
du 21 mars 1986. Une
bataille décisive a certes été remportée, mais la «guerre»
n’est pas gagnée pour autant.
1986 -… A la recherche
d’une réaffectation
L’ISMH a en effet été prononcée au vu d’un projet de ré-
utilisation, élaboré par la mission «Banlieues 89», qui
prévoit de déménager le bâtiment à Stains, dans le dé-
partement de la Seine-Saint-Denis, pour y accueillir l’Ecole
du cirque dirigée à l’époque par Annie Fratellini (1932-
1997). En mai 1985, j’apprends fortuitement que ce projet
ne se réalisera pas. Le bâtiment est désormais sous la pro-
tection du ministère de la Culture, mais sans utilisation,
car la SNCF, puis RFF, le laissent à l’abandon.
En 1986, je rencontre René Lisch, architecte en chef hono-
raire des Monuments historiques, mais surtout petit-fils de
l’architecte. Celui-ci s’intéresse à l’œuvre de son grand-
père. Je lui révèle que la gare du Champ-de-Mars, dont il
me montre les aquarelles signées de son aïeul, n’est pas
démolie mais se trouve impasse des Carbonnets, à Asnières.
Dans les années qui suivent, plusieurs projets prévoyant
le transfert du bâtiment en d’autres lieux (Cergy, Poissy,
Charenton-le-Pont notamment) sont discutés, donnant
même lieu à des articles dans la presse, mais aucun ne
se concrétise.
Depuis plusieurs années déjà, des étudiants ont choisi la ré-
habilitation de la gare comme sujet de soutenance pour
leur diplôme. La plupart ont découvert le bâtiment au ha-
sard de leurs promenades ou de leurs recherches et ont
été attirés par son exceptionnelle architecture. Les autres
ont été conseillés par leur professeur. Une belle recon-
naissance par la jeune génération de l’intérêt historique et
architectural de l’édifice.
Fin 1989, le quotidien
Le Parisien
me sollicite pour la paru-
tion d’un article à propos de l’histoire de la gare et de son
devenir. D’autres articles suivent en 1990, puis en 1993,
suite à un reportage diffusé au journal régional Paris-Ile-
de-France de 19h20 sur France 3.
En 1997, nouveau projet de réutilisation de la gare: elle
serait remontée en Franche-Comté où elle servirait de
terminus dans le cadre d’un vaste projet de réhabilita-
tion d’une friche industrielle, avec un possible finance-
ment européen. J’accompagne un architecte pour une
visite de la gare, je lui remets un dossier… le tout restera
sans lendemain.
Suite à la parution en novembre 2002 d’un article sur la
gare dans le cadre d’un numéro spécial sur le patrimoine
des Hauts-de-Seine du magazine
Télérama
, la présidente
d’une association de danse d’Asnières-Bois-Colombes voit
dans le bâtiment un possible lieu d’accueil pour cette dis-
cipline. L’enthousiasme de l’intéressée et l’aide d’un ami ar-
chitecte auquel je fais visiter les lieux ne suffisent malheu-
reusement pas à concrétiser le projet.
Un Asniérois, journaliste à l’hebdomadaire ferroviaire
Vie du Rail
, me propose de passer un article sur la gare
dans la célèbre revue. L’article paraît en janvier 2003 dans
une édition réservée aux cheminots retraités de la région
parisienne. Suite à l’article, le président d’une association
de défense et de réhabilitation de la Petite Ceinture (voie
ferrée faisant autrefois le tour de Paris qui accueillit ses
derniers voyageurs en 1934) s’intéresse à la gare et à ma
démarche de sauvegarde. Le 20 mai 2003, pour la pre-
mière fois, on parle de la gare sur Internet: un court texte
Pierre Tullin, au chevet de la gare depuis 30 ans
Pierre Tullin,
la passion et
la pugnacité
au service
d’un joyau
du patrimoine
ferroviaire.
Ch. Recoura/Photorail
Janvier 2009
Historail
à la gare électrique de Bois-Colombes ]
retrace son histoire, illustré de photographies prises par le
président de l’association et de deux chromos que j’ai
fournis. Malheureusement, ce site Internet fermera défini-
tivement quelques années plus tard.
Début 2003, j’ai été contacté par deux architectes asniérois
qui ont un solide projet de réhabilitation de la gare, pré-
voyant notamment d’y héberger leur cabinet d’architec-
ture. Lorsque je les rencontre, je suis impressionné par la
connaissance qu’ils ont du bâtiment et par le travail de
relevé et d’infographie déjà réalisé. Je leur apporte le
complément «historique» qui leur manque. Un permis
de construire est déposé peu après, mais rien de concret
n’en est sorti.
Au mois de juillet 2003, une réalisatrice de films docu-
mentaires, dont certains ont été diffusés sur la chaîne
franco-allemande Arte, a eu connaissance de la gare par
une amie qui passe devant quotidiennement. Elle envi-
sage la réalisation d’un «52 minutes» sur l’histoire de la
gare et de son sauvetage. Des rushes sont tournés, aux-
quels je participe, tant en extérieur dans les emprises de la
gare, qu’en intérieur où plusieurs documents que je pos-
sède sont filmés. Hélas, l’absence de financement stoppe
net le projet. J’ai envisagé un instant de produire le film,
mais les montants m’en ont vite dissuadé…
En août 2003, je découvre, en surfant sur Internet, un remar-
quable site personnel consacré aux chemins de fer de l’Etat,
abondamment et richement illustré en cartes postales an-
ciennes, une autre de mes passions. A ma plus grande sur-
prise, j’y découvre qu’une courte page est consacrée… à la
gare du Champ-de-Mars! L’auteur du site, Roland Arzul,
demande à la fin de la page «
Qui possède des documents
sur cette gare?
». Je prends contact avec lui. Le courant
passe aussitôt entre deux passionnés de chemin de fer et de
cartes postales anciennes. Après quelques mois de travail,
plusieurs pages Web sur la gare sont publiées. Elles sont
toujours accessibles à l’adresse http://pagesperso-
orange.fr/roland.arzul, que je vous invite à visiter.
Gare Saint-Lazare, vendredi 13 février 2004 à 13 heures,
face à la voie 13: rendez-vous a été pris avec Sandrine Ray-
mond. C’est en découvrant le bâtiment situé non loin de
son domicile que cette étudiante en architecture a décidé
de présenter un projet de réhabilitation de la gare pour
son mémoire de fin d’études. Je ne suis jamais retourné à
l’intérieur de la gare depuis ma première et seule visite, il
y a plus de vingt ans! Après quelques péripéties pour récu-
pérer la clé permettant d’entrer dans le périmètre du bâti-
ment, clos d’un haut grillage depuis plusieurs années déjà,
nous parvenons au pied du frêle escalier en colimaçon qui
donne accès au premier étage, le rez-de-chaussée étant
muré. Je découvre «ma» gare en bien triste état: végéta-
tion envahissant l’intérieur, tags sur les murs, vitres brisées,
etc. Après une assez brève visite, je ressors les larmes aux
yeux, attristé de voir qu’en vingt ans rien n’a été fait pour
préserver et sauvegarder ce patrimoine digne d’intérêt. Le
6 décembre, Sandrine Raymond soutient son mémoire. Elle
obtient son diplôme avec les félicitations du jury. Elle tra-
vaille désormais sur la région lyonnaise à l’Arep, l’agence
d’architecture SNCF qui s’occupe de la réhabilitation et de
la rénovation des gares.
Epilogue…
Malgré mon combat mené depuis bientôt vingt-cinq ans,
force est de constater que si l’inscription à l’inventaire
supplémentaire des monuments historiques a permis,
grâce à mon intervention in extremis, d’éviter la démoli-
tion de l’édifice, elle n’a pas empêché les déprédations et
dégradations qui l’amènent vers une ruine inéluctable si
rien n’est fait rapidement!
Il y a vingt ans, la SNCF, alors propriétaire du bâtiment,
était prête à le céder pour le franc symbolique. En est-il de
même aujourd’hui ? Pas sûr. La gare se situe sur un vaste
terrain dont la valeur a pris une valeur considérable ces
dernières années…
P. T.
Adresser toute correspondance à l’association, qui transmettra:
Association des amis du musée municipal d’art et d’histoire de Colombes,
Maison des associations, 4, place du Général-Leclerc, 92700 Colombes,
ou museofil@wanadoo.fr
Nos remerciements à Pierre Tullin et à l’Association des amis du musée
municipal d’art et d’histoire de Colombes qui nous ont gentiment autorisé
à reproduire de larges extraits de l’étude rédigée par Pierre Tullin publiée
dans le n° spécial
Muséofil
de décembre 2007.
La gare du
Champ-de-
Mars en
décembre
2002. Sans
commentaire.
Ch. Recoura/Photorail
Mémoire
96-
Historail
Janvier 2009
F. Moenclaey
La 140 C 231
dans la rampe
menant de
Provins vers
Villiers-Saint-
Georges (août
2003).
Janvier 2009
Historail
T
out part, dans les années 1960,
d’une poignée de jeunes gens de
la région parisienne, amateurs force-
nés de vapeur et de voie étroite, qui
vivent mal la disparition progressive
de leur passion. Si quelques-uns se
sont déjà lancés dans la préservation
de matériel au sein de l’Amtuir (tram-
ways) ou de l’AMTP (matériel à voie
de 60, à Pithiviers), tous rêvent d’au-
tre chose pour pouvoir s’exprimer
comme ils l’entendent. Ils en viennent
vite alors à ce rêve fou: reprendre l’ex-
ploitation d’une ligne ou d’un tron-
çon de ligne. Un premier projet vise
à réactiver le réseau à voie de 60 qui
reliait les sablières du site de Bourron-
Marlotte, en lisière de la forêt de Fon-
tainebleau, à la ligne SNCF voisine. Il
échoue par manque d’expérience et
de soutien. Un second projet appa-
raît bientôt, bien plus ambitieux, dé-
chaînant incrédulité et enthousiasme:
la ligne à voie métrique des Chemins
de fer départementaux (CFD) qui relie
Sainte-Cécile-d’Andorge (gare SNCF
de la ligne de Clermont à Nîmes) à
Florac, en Lozère. Sa fermeture pro-
noncée en février 1968, nos jeunes
prennent aussitôt le taureau par les
cornes. Le 8 novembre 1968, naît
l’Ajecta, Association de jeunes pour
l’exploitation de chemins de fer
Il y a 40ans naissait l’
Ajecta
Née en novembre 1968, l’Ajecta – Association de jeunes
pour l’entretien et la conservation de trains d’autrefois – est
aujourd’hui à la tête d’une collection unique de matériels
roulants, dont une trentaine classée aux Monuments historiques.
Héritée de la
Compagnie de
l’Est, la rotonde
de Longueville,
vieille dame
construite
en 1911, abrite
les ateliers
et l’espace
muséographique
de l’Association
(octobre 2005).
F. Moeneclaey
Mémoire
[ il y a 40ans naissait l’Ajecta ]
touristiques et d’attraction
. Peu
après, pour répondre au refus du
conseil général de la Lozère de confier
la concession de la ligne à une asso-
ciation, c’est au tour d’une SARL, la
CTL (Chemin de fer touristique de la
Lozère), de voir le jour.
Dès l’été 1969, la petite équipe de bé-
névoles entame la remise en état de la
ligne (désherbage, débroussaillage,
déblaiement d’éboulements). Dans un
premier temps, il est prévu de rouler
sur la section de Florac à Saint-Julien-
d’Arpajon, d’abord en autorail, puis,
dès que possible, en vapeur. Du ma-
tériel est acheté, celui garé à Florac
(autorails Billard et De Dion, locotrac-
teurs CFD et wagons) ne suffisant
pas: 031T n°3714 et fourgon 803
ex-SE de Seine-et-Marne, autorail De
Dion OC1 X157 ex-Réseau breton…
Mais les oppositions se font jour: vo-
lonté des Ponts et Chaussées de ré-
cupérer la plate-forme, souvent en
accotement de la route, et des com-
munes de mettre la main sur les em-
prises des gares; détermination de la
société d’autocars exploitante à ne
pas laisser un concurrent s’installer.
Plus grave, le 27 octobre 1970, le dé-
partement refuse de prendre en
charge la responsabilité de la ligne
jusqu’alors assurée par l’Etat, mettant
un terme définitif au projet de che-
min de fer touristique. Le matériel est
cédé aux Chemins de fer touristiques
et de montagne (CFTM), futur Che-
min de fer du Vivarais, la ligne défer-
rée et sa plate-forme aliénée pour
élargir la route (RN 107 bis).
Toutefois, forte d’une quarantaine de
membres, l’équipe de l’Ajecta sort
renforcée de cet échec. Et si aucune
ligne n’est susceptible dans l’immé-
diat de répondre à son attente, la pas-
sion reste vive. D’aucuns parlent
même de s’intéresser aux locomotives
à voie normale dont la réforme s’ac-
célère. Mais l’urgence est de s’occuper
du matériel métrique toujours en sa
possession, de pouvoir le regrouper
et l’abriter pour procéder à sa restau-
ration et à son entretien. Des contacts
menés avec la SNCF en janvier 1971,
émerge la solution de Longueville, un
dépôt en demi-lune d’une vingtaine
de voies sous une rotonde en char-
pente avec plaque tournante et voies
d’accès!
Fermés depuis 1967, les
lieux sont vides et livrés aux herbes
folles. Les imaginations s’enflamment.
Toutefois, la location demandée s’avé-
rant trop élevée, l’Ajecta doit cohabi-
ter avec une entreprise de vente et re-
chapage de pneus (société Otico) qui
occupe les anciens bureaux et ateliers
98-
Historail
Janvier 2009
Fermés depuis 1967, le dépôt de Longueville et
ses emprises sont vides et livrés aux herbes folles.
Le dépôt de
Longueville en
1966, dernière
année de son
exploitation par
la SNCF qui en
confiera les clés
à l’Ajecta en
1971.
Doc. Ajecta
Janvier 2009
Historail
et cinq voies, la SNCF gardant de son
côté une voie pour le SES (Service
électrique et signaux). Cette situation
perdurera plusieurs années.
Dans un même temps, l’association
acquiert auprès de la SNCF deux ma-
chines à voie normale, dénichées la
première au dépôt du Mans (la 040
TA 137 tout juste retirée du service), la
seconde au dépôt de Gray (la 130 B
476 garée depuis un an). L’histoire re-
tiendra deux dates : l’arrivée sur le
site, le 6 juillet 1971, de la 130 B, pre-
mière locataire du dépôt de Longue-
ville (acheminée froide par des trains
réguliers de marchandises) et l’allu-
mage, le 14 juillet 1971, de la 040 TA
dont les évolutions sur les voies du
dépôt permettent aux membres de
s’initier à la chauffe et à la conduite
Germe alors l’idée un peu folle de l’or-
ganisation d’un vrai train vapeur. Or, à
leur grande surprise, la SNCF accorde
son autorisation à une circulation de la
040 TA sur la ligne voisine, entre Lon-
gueville et Villiers-Saint-Georges. Le
parc de la SNCF regorgeant de voi-
tures anciennes, l’obtention de voi-
tures à essieux et portières latérales
d’origine Est et AL est un jeu d’en-
fants. L’annonce d’une telle circula-
tion dans les revues spécialisées pro-
voque stupeur et curiosité de la part
des amateurs. Le jour J, le 24 octo-
bre, la rame est pleine à craquer, y
compris les fourgons. Un petit béné-
fice inespéré de 500 francs laisse es-
pérer de nouvelles échappées vapeur
en direction de Villiers-Saint-Georges,
Montereau, voire Gray!
Entre-temps, le 9 octobre, le dépôt a
accueilli une troisième locataire: la
030T n°36 à voie métrique de l’an-
cien réseau des Chemins de fer dé-
partementaux des Côtes-du-Nord,
jusque-là préservée au titre de monu-
ment à proximité de la gare SNCF de
Saint-Brieuc depuis la fermeture de la
ligne de Paimpol fin 1956. Le parc de
matériels commençant à s’étoffer, l’or-
ganisation d’un atelier d’entretien
s’impose, ce qui implique de récupé-
rer de l’outillage spécifique vapeur et
des pièces détachées.
Quelques membres se mettent aussi
en tête d’acquérir une voiture Pull-
man CIWL, dont plusieurs unités sont
garées à Villeneuve-Prairie. Appro-
chée, la CIWL consent à leur céder la
4038 Pullman type Flèche d’Or, trans-
formée en restaurant-bar à la fin des
années 1930. L’Ajecta signe son ra-
chat le 6 décembre et obtient de son
ancien propriétaire de pouvoir la faire
circuler sur les trains spéciaux en
conservant l’ancienne raison sociale
et les macarons historiques.
L’association élabore déjà une «poli-
tique» du matériel, tout particulière-
ment pour les machines à vapeur. Dis-
posant d’un dépôt encore bien loin
d’être rempli et de quelques wagons,
elle envisage d’étoffer ce parc, mais
entend se limiter à de petites et
moyennes machines se prêtant mieux,
en termes d’entretien, aux moyens
(1) Devenue depuis l’Association de jeunes pour
l’entretien et la conservation de trains d’autrefois.
(2) A l’origine, l’Ajecta s’était focalisée sur le dépôt
d’Esternay, malheureusement indisponible.
(3) La réfection de la 130 B 476 s’est poursuivie au dépôt,
de novembre 1971 à septembre 1973.
La 040 TA 137,
première
locataire du
dépôt avec la
130 B 476, est
rallumée le
14juillet 1971
(ci-contre). Elle
va permettre
aux membres
de l’Association
de s’initier
à la chauffe et
à la conduite.
G. de Bergh
Mémoire
[ il y a 40ans naissait l’Ajecta ]
limités de ses adhérents, le recours à
un atelier SNCF ou privé, estimé trop
onéreux, n’étant pas envisageable.
L’acquisition de voitures n’est pas non
plus une priorité, d’autant que la
SNCF dispose d’importantes séries an-
ciennes ou modernisées pour au
moins une dizaine d’années encore.
Il est par contre nécessaire de se pro-
curer des véhicules de service (wa-
gons) et des moyens de manutention
et de manœuvre. L’intensité des ré-
cupérations diverses génère aussi des
besoins en véhicules de transport rou-
tier. La collection se dessine.
Malheureusement, cette belle méca-
nique est mise à mal début 1973, à
la suite de la décision de la SNCF de
ne plus autoriser la circulation sur ses
lignes de matériel historique privé…
Depuis le voyage inaugural de 1971,
cinq autres trains spéciaux avaient
été mis en marche, le dernier, le
13janvier 1973.
Une issue est trouvée en Touraine où,
à la recherche de matériel, des mem-
bres de l’association découvrent la
ligne de Ligré-Rivière à Richelieu, ligne
locale exploitée indépendamment de
la SNCF par la Régie ferroviaire riche-
laise (RFR). Aspirant à se développer, la
ville de Richelieu n’est pas contre la
création d’un train touristique. Aussi,
la décision est vite prise. Toute l’an-
née est occupée à la récupération et à
la remise en état de vieilles voitures à
essieux en bois tôlé et à la finition de
la 130 B 476 pressentie pour cette
nouvelle prestation. Avec, pour ré-
compense, le 30 juin 1974, une inau-
guration en grande pompe en
présence des autorités locales. L’en-
gouement suscité par ces circulations
incite à récupérer de nouvelles voi-
tures et à les transférer en Touraine
après restauration. Une nouvelle ma-
chine rejoint également Richelieu: la
Decauville 020T n°2 bis, en 1975.
Enfin, cerise sur le gâteau, grâce à
l’aide de la RFR et à un montage juri-
dique adéquat, le train touristique est
autorisé à emprunter la ligne SNCF de
Ligré-Rivière à Chinon: le 16 juillet
1977, la 040 TA 137, nouvellement
restaurée, fait une entrée remarquée
dans cette dernière ville
(4)
De cette période, datent aussi les pre-
mières prestations pour le cinéma,
tant à Longueville (
Les Violons du bal
1973) qu’en Touraine (
La Course à
100-
Historail
Janvier 2009
(4) Propriété de la SNCF, le tronçon
Ligré-Rivière – Chinon est exploité
par la RFR avec son propre matériel.
14 juillet 1971,
premiers tours
de roues de
la 040 TA sous
l’œil de la 140 C.
Le 24 octobre
1971, l’Ajecta fait
rouler son premier
train spécial entre
Longueville et
Villiers-Saint-
Georges. Ici, au
départ de Léchelle,
la 040 TA en tête.
G. de Bergh
J.-L. Poggi
(suite page 106)
Janvier 2009
Historail
27 septembre
1987, premier
train spécial à
destination de
l’étranger, et
plus précisément
de Marienbourg,
en Belgique.
L’intermède
tourangeau :
la 130 B 476
en tête d’un
touristique
entre Chinon
et Richelieu en
août 1976.
B. Toupance
Marc Dahlström
Mémoire
[ il y a 40ans naissait l’Ajecta ]
102-
Historail
Janvier 2009
Satisfaction du
travail accompli
et récompense
pour les
adhérents actifs,
août 2003.
Restaurée
en 2005, la
141 TB 407 en
représentation
lors des
journées portes
ouvertes
d’octobre 2007.
F. Moeneclaey
Janvier 2009
Historail
La 141 TB 407
en cours de
restauration,
juillet 2004.
Comme au bon
vieux temps
de la vapeur,
le parc aux
charbons
du dépôt
de Longueville,
juin 2007.
F. Moeneclaey
Mémoire
[ il y a 40ans naissait l’Ajecta ]
104-
Historail
Janvier 2009
Halte à
Longueville pour
la 140 TB. Eau
et charbon sont
au rendez-vous
(5octobre 2007).
Le cinéma est
une source de
revenus non
négligeable
pour l’Ajecta.
Ici, le tournage
à Longueville,
en octobre 2008,
de
L’Armée
du crime
, �lm
de Robert
Guédiguian
sur l’épopée
du Groupe
Manouchian.
F. Moeneclaey
Janvier 2009
Historail
Pose de
longrines à l’aide
de la grue
«Bondy»,
Longueville
août 2008.
Travail et détente
font bon ménage
au sein de
l’Association,
octobre 2008.
La 030 T
Rimaucourt
restaurée
en 1980.
La 020 T
à chaudière
verticale attelée à
l’une des voitures
de la rame
historique de
Saint-Germain.
Photorail
Mémoire
[ il y a 40ans naissait l’Ajecta ]
l’échalote
et
Bons Baisers de Hong
Le nombre d’adhérents à l’Ajecta
étant en forte croissance, tout aurait
été pour le mieux si des dissensions
n’avaient conduit à la création d’une
association locale, Ajecta-Touraine,
soucieuse d’assurer seule l’exploita-
tion du train touristique. Ayant ob-
tenu gain de cause devant la justice,
celle-ci prend bientôt le nom de Trains
à vapeur de Touraine, contraignant
les perdants à se replier sur Longue-
ville avec armes et bagages, certains
des matériels étant confiés par contrat
de mise à disposition au Chemin de
fer de la vallée de l’Eure (CFVE), basé
à Pacy-sur-Eure.
L’équipe de l’Ajecta se recentre alors
sur ses activités premières: le sauve-
tage et la restauration de matériels
anciens, enregistrant au passage une
baisse sensible de ses effectifs. A cette
époque, l’un des chantiers les plus im-
portants portait sur la 030T n°3032
Rimaucourt
, hébergée à Longueville
depuis juin 1972. Entièrement révisée
et retimbrée, son baptême, le 5 oc-
tobre 1980, donne l’occasion d’orga-
niser sur place une première journée
«portes ouvertes», quatre ans donc
avant la création des Journées du pa-
trimoine. Le moyen pour l’Ajecta de
se faire mieux connaître. Un regain de
notoriété auquel contribue en 1982
l’obtention du deuxième prix du
concours des «Chefs-d’œuvre en pé-
ril» organisé par Antenne 2 et sa par-
ticipation au 150
anniversaire des
trains de voyageurs en France, avec
mise en situation de
Rimaucourt
et de
la rame historique dite de Saint-Ger-
main, trois voitures reconstruites par
les Chemins de fer de l’Etat en 1930
et rachetées par l’association à la
SNCF en 1978.
Parallèlement, cette dernière relâche
son étau en autorisant sur ses voies
des circulations ponctuelles de maté-
riels détenus par les associations. Le
31 juillet 1982, une marche d’essai
de la 140 C 231 (restaurée à Longue-
ville entre octobre 1972 et mars 1973)
est ainsi organisée de Longueville à
Villiers-Saint-Georges, prélude à son
envoi en gare de Paris-Pajol où elle
participe, le 9 août, avec la 230 G 353
de la SNCF au tournage du film
Edith
et Marcel
. Le verrou saute définitive-
ment après la rencontre en mars
1983, en marge du salon Exporail de
Nice, des représentants des différents
services SNCF impliqués et des di-
verses associations intéressées. De fait,
le 5 juin suivant, la 140 C 231 re-
morque entre Longueville et Villiers-
Saint-Georges un train spécial de la
Facs acheminé depuis Paris par la
230G 353.
Le 8 avril 1984, l’Ajecta organise son
premier train au départ de la capitale
entre Paris-Est et Provins et retour. Le
21 octobre de la même année, elle
propose pour la première fois, au dé-
part et à l’arrivée de Paris-Nord, un
service de restauration à bord du WR
4207 ex-CIWL (Train bleu) sur un par-
cours circulaire en région parisienne.
Le 20 octobre 1985, a lieu la première
visite touristique organisée à l’arrivée
d’un train Ajecta, en l’occurrence en
gare de Troyes.
Pour ses voyages, l’association avait
coutume de louer à la SNCF une rame
voyageurs, le plus souvent une rame
de banlieue Est métallique. Pour des
raisons d’économie et de pratique,
elle se soucie alors de disposer de son
propre matériel. Après s’être arrêtée
sur une rame de voitures Talbot de
type «banlieue», son choix se porte
en définitive sur une rame de voitures
Ocem et régionales «Grandes
Lignes» des années 1930, dont la
première unité (la voiture Ocem A3B5
ex-PO-Midi de 1931) est incorporée
à un train Ajecta le 27 septembre
1987. Tracté par la 140 C 231, ce
train (baptisé pour l’occasion l’Arden-
nais Express) est d’ailleurs le premier
issu d’une association à franchir la
frontière pour se rendre en Belgique
(Mariembourg).
De 1983 à 1996, l’Ajecta a ainsi pro-
posé cinquante-huit voyages, qui ont
permis aux heureux participants de vi-
siter la Touraine, le Nivernais, la Cham-
pagne, la côte de la Manche et bien
106-
Historail
Janvier 2009
En 1982, la SNCF (ré)autorise la circulation sur
ses voies de matériels détenus par les associations.
Aperçu du
confort de l’une
des voitures
Pullman entrant
dans la
composition de
la rame Ajecta
servant aux
trains spéciaux.
B. Toupance
Janvier 2009
Historail
d’autres destinations encore. Parmi
les innovations, nous ne manquerons
pas de signaler la première prestation
sur deux jours, les 8 et 9 octobre
1988, vers Tournon (Ardèche); le pre-
mier train vers Epernay, devenu un in-
contournable de l’association; le pre-
mier service Pullman organisé entre
Paris et Bourges le 21 juin 1992: ser-
vice à la place à bord de la 4155 type
Côte d’Azur pour vingt-huit convives
privilégiés…
Mais une autre des missions de
l’Ajecta, peut-être même la première,
reste la sauvegarde et la restauration
de matériels. Un mot ici de la prise en
compte après 1981, sous l’impulsion
notamment de Jack Lang, ministre de
la Culture, et de Christian Dupavillon,
son conseiller, de la notion de patri-
moine industriel. Il devient dès lors
possible d’obtenir le classement
comme monument historique des lo-
comotives, voitures et wagons, source
de subventions pour des travaux im-
portants de remise en état. Ce qui a
permis à l’association de mener des
travaux qui n’avaient plus rien à voir
avec ceux de ses débuts, désormais
nécessaires pour satisfaire les spécifi-
cations techniques (toujours plus sé-
vères) exigées par la SNCF pour l’agré-
ment du matériel appelé à circuler sur
ses lignes. Aujourd’hui, l’Ajecta peut
s’enorgueillir d’être à la tête de la plus
importante collection privée de ma-
tériels roulants de France avec
87pièces, dont 40 classées monu-
ment historique! Parmi les dernières
remises en état, citons en 2005 la pe-
tite 020T n°2 bis
Suzanne
à chau-
dière verticale, le locotracteur AE 104
et bien sûr la 141 TB 407, qui a parti-
cipé l’an dernier à la campagne des
bagages Vuitton aux côtés de Cathe-
rine Deneuve… Se poursuit actuelle-
ment la restauration de la Pullman
n°4038 «Flèche d’Or». En atten-
dant l’arrivée sous peu, depuis le Na-
tional Railway Museum de Wansford,
de la 230 D 116 construite en 1912
État du matériel moteur de l’Ajecta au 02/2008
N° des engins
Constructeur
AnnéeOrigine
LocationSituation
OCOMOTIVESÀVAPEUR
020 T n° 2 bis à chaudière verticaleCockerill (Seraing) n° 1930
Cimenterie de Dannes Camiers (62)
LonguevilleEn état
020 T n° 105
Corpet (La Courneuve) n° 1546
Tréfileries de Fourchambault (58)
LonguevillePrésentation
030 TU 22
Davenport Locomotives Works (USA)1942
USA TC puis SNCF Longueau
LonguevilleEn restauration
030 T n° 3032 « Rimaucourt »
Batignolles (Paris)
CFE Gudmont-Rimaucourt (55)
LonguevillePrésentation (MH)
puis Sucrerie de Nangis (77)
030 T n° 3467
Schneider (Le Creusot)
Port de Givet (08)
LonguevilleÀ restaurer
130 B 348 – Tender 20 A 30
Schneider (Le Creusot) / At Épernay
1862/19–Est puis CFTA Gray
LonguevillePrésentation
130 B 476 – Tender 13 C 234 ex 2231Cie Est – Ateliers d’Épernay
1883/1922Est puis CFTA Gray
LonguevillePrésentation (MH)
040 n° 4.853 Nord
Cail (Denain)
Nord puis Sucrerie de Vaumoise (60)LonguevillePrésentation (MH)
040 TA 137
ANF (Blanc-Misseron)
État puis SNCF Le Mans
LonguevillePrésentation (MH)
140 C 231 – Tender 18 C 482
North British Loc. Works (Glasgow-GB)1916
État puis SNCF Chaumont
LonguevilleEn travaux (MH*)
141 TB 407 ex Est 4407
ANF (Blanc-Misseron)
Est puis SNCF Nogent-Vincennes
LonguevilleEn état (MH*)
puis CFTA Provins
141 TC 19
Fives-Lille
État puis SNCF Batignolles
LonguevilleÀ restaurer (MH)
puis CFTA Guingamp
Tender 24 A 30
Baldwin (USA)/Cie Gale de construction1917/1949Nord puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Tender 18 B 346
État puis SNCF
LonguevillePrésentation
OCOTRACTEURS
T 104
Schneider (Le Creusot)
SW Usine de Champagne-sur-Seine (77)LonguevilleEn état
T 106
BDR n° 548 – Transformation CFD
Port de Givet (08)
LonguevilleEn état
CAFL/CEM
EDF Porcheville (78)
LonguevilleEn état
De Dietrich
1954/1958SNCF Paris-la-Villette
LonguevilleEn travaux
De Dietrich
1954/1958SNCF Paris-la-Villette
LonguevilleÀ restaurer
UTORAILS
ABJ4 X 3601 (1)
Renault (Billancourt)
SNCF Bordeaux
Pacy-sur-EureEn état (MH)
150cv X 5506 (1)
Renault (Choisy-le-Roi)
SNCF Nevers
Pacy-sur-EureÀ restaurer
IVERS
Grue sur rails « Bondy » GP4 n°1
Ateliers de Bondy
SNCF
LonguevilleEn état
Grue sur rails « Bondy » 3000
Ateliers de Bondy
SNCF Saint-Pierre-des-Corps
LonguevilleEn état
Abréviations : (1) = Matériel confié au Chemin de fer de la Vallée de l’Eure (CFVE) ; * = matériel agréé pour circuler sur le réseau SNCF ; MH = matériel classé aux Monuments
historiques ; En état = matériel apte à circuler ; À restaurer = matériel dégradé non présentable ; Présentation = matériel repeint et présentable ; En restauration = maté-
riel en cours de travaux.
Mémoire
[ il y a 40ans naissait l’Ajecta ]
par Henschel pour le Nord et exilée
outre-Manche depuis 1971.
La rotonde de Longueville, dont l’en-
tretien reste à la charge de l’associa-
tion, n’a pas été oubliée. Construite
en 1911, classée également monu-
ment historique le 28 décembre 1984,
elle a bénéficié elle aussi de plusieurs
programmes de travaux de réfection,
avec l’aide notamment de la région
et du département de Seine-et-
Marne. Achevée en juin 2008, la der-
nière opération, financée par la Fon-
dation du patrimoine grâce au
mécénat du groupe Total, a porté sur
la rénovation de trois des façades ar-
rière. Précisons qu’un réaménagement
intérieur du bâtiment a permis de dé-
gager un espace muséographique
inauguré en juillet 2006.
Aujourd’hui, l’Ajecta, comme toutes
les autres associations du même type,
a de plus en plus de mal à organiser
ses trains spéciaux, en raison de la ra-
réfaction des lignes susceptibles d’être
parcourues (disparition de lignes se-
condaires, neutralisation de raccorde-
ments), de la difficulté à dégager les
créneaux horaires nécessaires aux cir-
culations, mais aussi des tracas admi-
nistratifs et de l’augmentation sensible
des coûts. Compensés fort heureuse-
ment par les prestations qu’elle réa-
lise depuis plus de trente ans pour le
cinéma, les téléfilms ou la publicité,
et qui se maintiennent bon an mal an.
De plus, après quelques années de
déclin, les effectifs repartent à la
hausse, aussi bien chez les membres
que chez les actifs de l’équipe (dont
des jeunes comme il y a 35 ans). La
relève est en marche!
(5)
Bernard TOUPANCE,
Frédéric COURSE, Bruno CARRIÈRE
108-
Historail
Janvier 2009
(5) Voir également l’étude
approfondie consacrée par
Guy Defrance à l’Ajecta, publiée
par
Voies ferrées
dans son édition
de novembre-décembre 2006
(n°158, p.32-39).
État du matériel remorqué de l’Ajecta au 02/2008
N° des engins
Constructeur
Année
Origine
LocationSituation
OITURESMÉTALLIQUES
Voitures-lits n° 3519 » Lx 16 »Entreprise industrielle charentaise (Aytré)1929
CIWL Villeneuve-PrairieLonguevilleÀ restaurer (MH)
Voitures-lits n° 3815 « YUb »
Ateliers métallurgiques de Nivelles (B)1939
CIWL Villeneuve-PrairieLonguevilleÀ restaurer
Voitures-lits n° 3903 « YUb »
Ateliers métallurgiques de Nivelles (B)1949
CIWL puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Voitures-lits n° 3926« YUb »
Ateliers métallurgiques de Nivelles (B)1949
CIWL puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Voitures-lits n° 3927« YUb »
Ateliers métallurgiques de Nivelles (B)1949
CIWL puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Pullman n° 4024 «Flèche d’Or»Metropolitan Railway Carriages
CIWL puis SNCF
LonguevilleEn restauration
(Birmingham) (GB)
(MH)
Pullman n° 4038 «Flèche d’Or»Cie générale de construction
CIWL Villeneuve-PrairieLonguevilleEn restauration
(Saint-Denis)
(MH)
Pullman n° 4155 «Côte d’Azur»Entreprise industrielle charentaise
CIWL Villeneuve-PrairieLonguevilleEn état (MH*)
Voiture restaurant n° 4027
Ateliers métallurgiques de Nivelles (B)1940
CIWL puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
Voiture restaurant n° 4210
Ateliers métallurgiques de Nivelles (B)1940
CIWL puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Lits-Salon A2C2L3g2 myfi 181ANF (Blanc-Misseron)
1924/1925PLM puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Villeneuve-Prairie
Lits-Salon A4L2g2yi salon 10
Compagnie française de matériel (Ivry)1909
PLM puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
yfi 582 PLM (Ocem)
Decauville (Corbeil)
PLM puis SNCF
LonguevillePrésentation (MH)
yfi 3474 PO-Midi (Ocem)Waggonfabrick Talbot (Aachen) (A)
État puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
E zyfi 3451 Est
Socièté Lorraine (Lunéville)
Est puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
yfi 5805 PLM (Ocem)
Socièté Franco Belge (Raismes)
PLM puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
yfi 11310 PO-Midi
Socièté Franco Belge (Raismes)
État puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
yfi 561 PLM (Ocem)
PLM puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH*)
yfi 19200 État (Ocem)
Entreprise industrielle charentaise (Aytré)1938
État puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
myfi 5315
Desouches et David (Pantin)
1911/1961PLM puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
yfi 11384 PLM
Dyle et Bacalan (Bordeaux)
PLM puis SNCF
LonguevillePrésentation
myfi 5081 PLM
Socièté Lorraine (Lunéville)
Est puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH*)
D myi 5219 Est
Socièté Lorraine (Lunéville)
Est puis SNCF
LonguevillePrésentation (MH*)
BDt myfp 38265 (Talbot)
Entreprise industrielle charentaise (Aytré)1932
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Bt myfp 38099 (Talbot)
Waggonfabrick Talbot (Aachen) (A)
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Bt myfp 38188 (Talbot)
Waggonfabrick Talbot (Aachen) (A)
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
BDts myfp 38069 (Talbot)
Entreprise industrielle charentaise (Aytré)1929
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Bt myfp 38110 (Talbot)
Waggonfabrick Talbot (Aachen) (A)
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Bt myfp 38173 (Talbot)
Waggonfabrick Talbot (Aachen) (A)
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
At myfp 31971 (Talbot)
Soulé (Bagnères-de-Bigorre)
État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Abréviations : * = matériel agréé pour circuler sur le réseau SNCF ; MH = matériel classé aux Monuments historiques ; En état = matériel apte à circuler ; À restaurer =
matériel dégradé non présentable ; Présentation = matériel repeint et présentable ; En restauration = matériel en cours de travaux.
Ajecta
Dépôt des
machines
,
rue Louis Platriez,
77650 Longueville
Téléphone
01 64 08 60 62
(répondeur dépôt
de Longueville) ;
01 64 60 26 26
(Office du
tourisme de
Provins)
E-mail
contact@ajecta.org
Site internet
www.ajecta.org
Janvier 2009
Historail
Vue aérienne
de la rotonde
de Longueville
État du matériel remorqué de l’Ajecta au 02/2008
N° des engins
Constructeur
AnnéeOrigine
LocationSituation
OITURESANCIENNES
rtfp 18849
De Dietrich (Niederbronn)
Alsace-Lorraine puis SNCF
Pacy-sur-EureEn restauration
tf 15607
Waggonfabrick Wisamr (A)
Alsace-Lorraine puis SNCF
Pacy-sur-EureÀ restaurer
tf 17532
De Dietrich (Niederbronn)
Alsace-Lorraine puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
tyf 26062
Carde (Bordeaux)
Nord puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
ty 20005
Socièté Lorraine (Lunéville)
Nord puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
tyf 26068
Buire (Lyon)
Nord puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
ty 20004
Socièté Lorraine (Lunéville)
Nord puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
tyf 26046
Compagnie générale de construction (Saint-Denis)1908
Nord puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
A 37 (rame historique)
1860/1937Ouest/État puis SNCF
LonguevilleEn état
B 886 (ancienn dite)
1860/1937Ouest/État puis SNCF
LonguevilleEn état
C 6923 (de Saint-Germain)
1860/1937Ouest/État puis SNCF
LonguevilleEn état
tf 15265
Ateliers de La Villette
Est puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
tf 15267
Ateliers de La Villette
Est puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
OURGONS
WAGONS
Fourgon Dqd 26164
ANF (Blanc-Misseron)
Est puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Fourgon n° 1270 «Orient Express»Metropolitan Carriages (Birmingham) (GB)
CIWL Villeneuve-Prairie / RomeLonguevilleEn restauration (MH)
Fourgon Dqd 19431
Ateliers de la Compagnie de l’Est (Romilly)
Est puis SNCF
Pacy-sur-EureEn état
Fourgon D 933048
Ateliers de la Compagnie de l’Est (Mohon)
Est puis SNCF
LonguevilleEn restauration
Fourgon D 1976 (Ocem)
De Dietrich (Niederbronn)
Alsace-Lorraine puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Fourgon Dq 25721
De Dietrich (Niederbronn)
Paris-Orléans puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Fourgon Dq 27140
Westdeutschewaggonfabrick (Mainz) (A)
1930/1931État puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Postes PE 326
Ateliers de la Compagnie de l’Ouest
Ouest
LonguevilleEn état (MH)
Postes Pa 217
De Dietrich
Nord
LonguevilleÀ restaurer (MH)
Postes Patmf 41056
De Dietrich
1933/1937Alsace-Lorraine puis SNCF
LonguevilleEn état (MH*)
Postes PEyi 45706 (Ocem)
Carel et Fouché
Paris-Lyon-Méd. puis SNCF
LonguevilleEn état
Couvert L 260
Dr puis CFTA Provins
LonguevilleEn état
Couvert D1
Métropolitan Saltey (Saltey) (GB)
WD (GB) puis CFTA Provins
LonguevilleEn état (musée)
Couvert K 328276 (standard C)Compagnie général de construction (Marly)
SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Couvert HK 84694
DR (Dresden 27/35) puis SNCFLonguevilleÀ restaurer
Couvert K 307425 (standard A)Américan Car and Foundry (USA)
SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Couvert K 2713331 (U 42/44)
SNCF
LonguevilleÀ restaurer
PlatJho 103015 (U 31)
Compagnie française de matériel (Maubeuge)1930/1931Paris-Lyon-Méd. puis SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Trémie Tms 57570 (T 30)
Boilot-Petolat (Dijon)
SNCF
LonguevilleÀ restaurer
Abréviations : * = matériel agréé pour circuler sur le réseau SNCF ; MH = matériel classé aux Monuments historiques ; En état = matériel apte à circuler ; À restaurer =
matériel dégradé non présentable ; Présentation = matériel repeint et présentable ; En restauration = matériel en cours de travaux.
Courrier
110-
Historail
Janvier 2009
J
’apprécie de plus en plus votre revue
que je lis régulièrement et j’y trouve des
articles variés sur l’histoire des chemins de
fer. Votre n°7 était très intéressant de par
les articles se rapportant aux constructeurs
de locomotives à vapeur, au train des pléni-
potentiaires allemands et à la SE. Faisant
partie de la cohorte des «compteurs
de rivets», je tiens à vous rapporter
quelques précisions relatives à ce n°7:
la photo du haut de la page 8 a subi
une forte élongation et la SACM
n’y retrouverait pas son enfant si sa plaque
de constructeur n’était pas visible!
tableau page 14:
– n°3111-3114: 030T Pinguely du CF
Dompierre-Lapalisse (n°1 à 4) transformées
en 031T par les ateliers de Cosne en 1912.
– n°3131-3133: sont toutes de 1901.
Ex n°51-53 des CF de la Nièvre.
– n°3504-3514: 1886 et 1887.
– n° 3515-3518: toutes quatre de 1888.
– n° 3534-3540: 1889 et 1890.
– n° 3543-3545: 1888 pour les trois.
– n° 3546: 1889.
– n° 3547-3557: 1890 et 1891.
– n° 3561-3570: les 3561-3565 sont de
1891, les 3566-3568 sont de 1887
(rachetées à l’entrepreneur de TP Bernard
et Faugères, n° 1-3) et les 3569-3570 sont
de 1893.
– n°3601-3606: 1905 et 1906.
– n°3607-3613:1905 et 1906.
– n° 3651-3652: ces deux locomotives ont
été construites par Blanc Misseron, sous-
traitant de Tubize, en 1908. La 3652 reven-
due aux Etablissements Couthon en 1929
a été mise à voie normale.
– n°3661-3666: construites par Blanc Mis-
seron.
– n°4813-4823et 6001: les prises de
guerre ne concernent que ces locomotives
(et non les 3851-3861).
– n° 4814-4816: sont de 1901 à 1904.
– n°4817-4818: vendues en 1925 aux CFD
Aisne à Soissons (n°201-202).
– n° 4823: l’année de construction est
– n° 6001: achetée par le SE en1922 puis
revendue en 1928 au CF Yverdon-Sainte-
Croix (Suisse) et en 1946 au Cf Ethiopien
(Djibouti-Addis Abeba).
page 7: puisqu’il est mentionné les 130T
Decauville 3771-72 livrées à la SE Nord,
groupe Sud, il est bon d’indiquer que deux
locomotives identiques, les 3993-3994 al-
lèrent sur la SE Vaucluse, ligne d’Orange à
Buis-les-Baronnies.
page 8: pour les 120T on peut ajouter les
16 locomotives livrées de 1891 à 1896 par
la SACM et la société Franco-Belge
(n°201-216) au Réseau Breton.
page 10: pour ce même réseau il y eut
les 031T SACM de 1891, n°301-303.
tableau page 17, voie normale:
– n°3017: cette locomotive de 1873 a été
livrée à l’origine à la société du raccorde-
ment de Schiltgheim et vendue à la SE ré-
seau de la Gironde en 1886.
– n° 3018 et 3019: sont de 1878 et 1882.
Ex CFIL de Nizan à Saint-Symphorien (n°3
et 4) incorporé à la SE en 1886.
– n° 3041-3043: proviennent du Tramway
de Bordeaux Benauge à Camarsac exploité
par la SE, et non de Lacanau.
– n° 3051: construite en 1869 par Schnei-
der (Le Creusot) pour le chemin de fer Gi-
sors-Pont-de-l’Arche (n°2), elle devint la
n°8 «L’Iton» à la Compagnie de
l’Orléans-Rouen puis, en 1883, la 1381 à
la Compagnie de l’Ouest. A la reprise par
les Cf de l’Etat en 1909, elle reçut le
n°30.058 puis fut vendue en 1921 à la SE
réseau de la Gironde.
– n°3052: construite en 1874.
autorails voie étroite:
– page 16: De Dion MH. Il n’y en eut que
13 (SE Centre). Les quatre mentionnées
pour la Nièvre sont des NJ (M1/4).
– page17: De Dion MH. Le Réseau Breton
a commencé avec le De Dion de type NR, à
bogies, M1 en mai 1936. Muté le 20 mars
1940 au réseau de la Somme où il reçut le
n°M21.
Pour le Réseau Breton, n’oublions pas les
Billard A 150 D X151 à 153 venus en jan-
vier 1952 des Tramways à vapeur d’Ille-et-
Vilaine.
autorails voie normale:
– page 18: De Dion SE Gironde. Les six au-
torails MY étaient immatriculés M5 à 10
(au lieu de 9).
Le n°12 n’est pas du type MY mais PC (sé-
rie M11 et 12).
– page 18: De Dion SE Hérault. Pour le PU
il s’agissait en fait d’une rame PU-PV com-
posée d’un autorail à deux postes de
conduite Z 701 et d’une remorque R1 avec
poste de conduite.
Mentionnons les quatre autorails de la So-
ciété centrale de chemins de fer et d’entre –
prises (SCF, le Mans) à bogie porteur AV et
essieu moteur AR n°1002 à 1005, loués par
la SCF aux Cf de l’Est (n°50001-50004),
toujours en location pendant la guerre sur
l’étoile d’Alençon exploitée par la STAO
pour au moins deux engins (1004 et 1005).
Les 1003 et 1004 furent vendus à l’Hérault
en 1946, tandis que les 1002 et 1005 le fu-
rent en mars 1952, après une location aux
Chemins de fer normands depuis 1946.
Autres précisions…
page 104: les 75 B
DEV-AO livrées à
partir de 1948 par la CGC et la Société
Lorraine n’offraient que 54 places cou-
chées (72 en position assise).
page 107: accident de la Cerdagne.
Les quatre automotrices étaient
immatriculées E.ABDe 1 à 4 et non ZZ. Au
premier janvier 1934, à la fusion PO-Midi,
elles devinrent ZBCDye 1 à 4.
Bernard ROZÉ
Vaires-sur-Marne
A propos de la SE-CFTA
6-
Historail
Octobre 2008
Octobre 2008
Historail
Une prédilection
pour les 031T
Parmi les types engagés, le plus re-
présenté a été sans conteste celui de
configuration 031T, puisque 96 ma-
chines ont figuré sur les différents ré-
seaux où se trouvent en bonne place
ceux du Centre (Cher et Allier) et de la
Somme. Parmi elles, 51 ont été
construites par la SACM, dont toutes
celles affectées au réseau du Centre.
La SE, à ses débuts, s’était assuré les
services d’un ingénieur-conseil œu-
vrant à la Compagnie du Nord, et ce-
lui-ci contribua à la conclusion de mar-
chés successifs qui portèrent sur
19exemplaires de 031 construites par
les Ateliers de La Chapelle, dont 15
ont été affectées au réseau de la
Somme (n
3519 à 3533). Toujours
dans ce type, on notera les 14 exem-
plaires du réseau de Seine-et-Marne
3701 à 14) qui, construits par Cail
à Denain (sauf la 3714 qui était une
Buffaud-Robatel, aujourd’hui conser-
vée sur le CFT de la Baie de Somme),
présentaient la particularité d’avoir
une cabine prévue pour la marche en
avant et donc fermée à l’arrière. Enfin,
Corpet-Louvet a livré 12 machines
3751 à 62) qui ont été affectées
au groupe sud du réseau Nord.
Le type 130T a été également bien
représenté avec 59 exemplaires dont
13 construits par Schneider au Creu-
sot (n
3601 à 13), tous sur le réseau
du Centre en première affectation.
Dans cette série, les 3602 et 3605 ont
connu une utilisation prolongée après
qu’est intervenue la fermeture des
lignes de l’Allier; elles ont d’abord été
envoyées à Bourbon-Lancy pour ex-
ploiter la section à quatre files de rails
reliant la gare aux usines Puzenat, des-
serte abandonnée par les CFD à la fer-
meture de leur ligne Bourbon-Lancy
– Toulon-sur-Arroux. A partir de 1957,
l’usine Puzenat a assuré elle-même
cette desserte avec son propre loco-
tracteur à voie normale, et la 3602 a
alors retrouvé son département d’ori-
gine en desservant jusqu’en 1963 les
3km qui reliaient la carrière des Ma-
lavaux à la gare de Cusset, section
subsistante de la ligne Vichy – Lavoine
et dont la mise à voie normale a pro-
voqué sa retraite définitive. Onze
130T construites par Haine-Saint-
Pierre (n
3851 à 61) ont été affec-
tées au réseau de la Somme.
14exemplaires livrés par Decauville
ont été affectés au réseau du Nord
3771 et 72) et au réseau de la
Woëvre, dans la Meuse (n
12). 10 exemplaires construits par
La SE-CFTA:
un matériel
typique
Matériel
Dans notre édition précédente
(n° 5 d’avril 2008),
nous évoquions les grandes
étapes de l’histoire
de la Société générale
des chemins de fer
économiques (SE), devenue
CFTA en 1969. Aujourd’hui
nous nous intéresserons
plus particulièrement
à ses matériels roulants, à voie
métrique pour l’essentiel.
Une précision : le premier
des quatre chiffres de
l’immatriculation
des locomotives indiquait
le nombre d’essieux moteurs.
Sur la ligne
de Clamecy à
Nevers affermée
à la CFTA,
la 140 J 148 à
l’approche de la
gare de Premery
(Nièvre) en tête
d’une rame
marchandises.
J. Renaud-Railphot/Photorail
Janvier 2009
Historail
n°1
mars
n°2
juin
n°3
septembre
Années 2007 & 2008
Matériel
Les protos 2D2 du PO et leur
descendance.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Social
Les jardins cheminots : du potager vivrier
au jardin d’agrément. Histoire d’une institution
corporative.
PAR
EORGES
IBEILL
DOSSIER
VACANCES ET TOURISME EN TRAIN
Années 20, pèlerinages aux champs de bataille.
PAR
EORGES
IBEILL
Un vecteur publicitaire parmi d’autres, Rails
de France, la revue touristique des réseaux.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Cahier de photos.
Tourisme et propagande
Les cheminots « atécistes », des pionniers
du tourisme collectif ?
PAR
EORGES
IBEILL
Le billet populaire de congé annuel » (1936) :
une étape dans l’histoire des tarifs touristiques.
PAR
ANDRINE
ORASET
EORGES
IBEILL
Quelques militants d’un tourisme ferroviaire à
« petite vitesse ».
PAR
EORGES
IBEILL
Lecteurs… et auteurs
Pagny-sur-Moselle, une
petite gare chargée d’histoire.
PAR
ENIS
HARROIS
Clin d’œil
Un président de la République aux
prises avec le droit de grève constitutionnel,
Vincent Auriol.
PAR
EORGES
IBEILL
Parenthèse
A l’origine des rails panoramiques.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Mémoire
HistoRail, 20 ans déjà !
PAR
ACQUES
AGON
Patrimoine
Le mystère des tours florentines.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Matériel
Les RGP Trans-Europ-Express.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Des TEE aux TER, la longue carrière des RGP
« rouges »
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Destin
Une entreprise bretonne de travaux
publics au XIX
siècle.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Architecture
Les interconnexions air-fer entre
réseaux et territoires.
PAR
ICOLAS
OGUE
DOSSIER
LE TEMPS DES APPRENTIS
Aux origines de l’apprentissage ferroviaire.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Une formation élitiste : les cours professionnels
de Paris-La Chapelle (mai 1887).
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Du savoir-faire au « savoir-être » :
les enseignements d’une revue, L’Apprenti PO.
PAR
ARIE
UZANNE
ERGEADE
Document.
L’Etat, notre réseau
,n° 53, fév. 1936
La propagande de Vichy et les centres
d’apprentissage de la SNCF : compromission
ou affinités électives ?
PAR
EORGES
IBEILL
Cahier de photos.
« Nous sommes les cadets
du rail… »
Années 1950 : un apprentissage mal vécu.
PAR
IERRE
EURE
Oullins : du PLM à la SNCF.
PAR
EAN
ASTETS
Les apprentis des ateliers du Matériel de
Bischheim.
PAR
OËL
ORTHOFFER
L’apprentissage après-guerre : déclin
ou renouveau ?
PAR
EORGES
IBEILL
Anciens apprentis et élèves, puis dirigeants
syndicalistes.
PAR
IERRE
INCENT
Au service de la formation interne
des cheminots, l’Ecole Eyrolles et ses cours
par correspondance.
PAR
EORGES
IBEILL
L’Ecole de formation générale (EFG). De la
valeureuse épopée à la triste fin (1946-1996).
PAR
EORGES
ÉZARD
Curiosité.
1929 : les réseaux français hôtes des
chemins de fer britanniques.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Social.
Les « préposées à la salubrité »
du Chemin de fer du Nord en 1885.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Trains de jadis.
Le petit train du Puy-de-Dôme.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Mémoire.
Le « Fonds cheminot » du Comité
central d’entreprise de la SNCF.
PAR
ARIE
UZANNE
ERGEADE
Sommaire général
Evénement
Novembre 1928. Dautry prend les
rênes du réseau de l’Etat.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
La « dautrite », maladie des cheminots.
PAR
ÉMI
AUDOUÏ
Confort
Les water-closets dans les trains, une
réalité tardive.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Destin
Jean-François Cail. Du sucre aux
locomotives.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Matériel
Les trains automoteurs rapides TAR,
stars de la région Nord.
PAR
ERNARD
OLLARDEY
Fauteuils en cuir et restauration.
PAR
EAN
ARC
UPUY
DOSSIER
1937-2007. UNE SEPTUAGÉNAIRE ALERTE,
LA SNCF
Il y a 70 ans naissait la SNCF.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Comment ont-ils vécu la nationalisation?
Un leader cégétiste face à la SNCF,
Pierre Semard.
PAR
EORGES
IBEILL
L’héritage des compagnies.
En feuilletant l’album d’une dame
septuagénaire.
PAR
EORGES
IBEILL
D’une présidence à l’autre, galerie de portraits.
PAR
EORGES
IBEILL
Curiosité
Louis Armand : l’avenir sera nucléaire,
mais sans locomotives atomiques !
PAR
EORGES
IBEILL
Mémoire
Le Centre des archives historiques
de la SNCF
Clientèle
1939 : la voix des usagers enfin
écoutée puis entendue ?
PAR
EORGES
IBEILL
Conjoncture
Fret SNCF 1974 : les dessous d’un
millésime exceptionnel.
PAR
EORGES
IBEILL
Repères
Les records de vitesse sur rail
Patrimoine
Les « messageries d’Austerlitz »
PAR
ICOLAS
OGUE
Depuis le premier numéro d’
Historail
paru
en mars 2007, nous poursuivons notre ambition
de faire partager à tous des travaux historiques
peu ou mal connus de l’univers ferroviaire.
Deuxans déjà!
112-
Historail
Janvier 2009
Social
Le Mai 68 des cheminots et de la SNCF.
PAR
EORGES
IBEILL
Anniversaire.
Les 100 ans du Montenvers.
Le petit train de la mer de Glace, un centenaire
toujours vert.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Trois ans de travaux.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Exploitation
La Compagnie du Midi et les
pèlerinages de Lourdes.
PAR
EAN
HRISTOPHE
OUNEAU
Concurrence
Entre-deux-guerres : le rail
cannibalisé par la route.
PAR
UCIEN
Curiosité
Pilules laxatives Dupuis
Clin d’œil
Aux origines de la carte « Familles
nombreuses »
PAR
ANDRINEDE
ORASET
EORGES
IBEILL
Etranger
1876. La Chine confrontée à son
premier « dragon de feu »
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Bonnes feuilles
Les 230 de l’Est et du Nord.
PAR
ERNARD
OLLARDEYET
ENIS
EROY
Musée
Vingt bougies pour
HistoRail
Cinéma
C’est le grand jour de Bébert !
PAR
ACQUES
NDREU
On a retrouvé le Bébert de l’omnibus.
PAR
ACQUES
NDREU
Interview de Danièle Delorme.
PAR
ACQUES
NDREU
Interview de Pierre Mondy.
PAR
ACQUES
NDREU
La banlieue Est au début des années 60.
PAR
ACQUES
NDREU
Retour sur les lieux du tournage.
PAR
ACQUES
NDREU
n°4
janvier
n°5
avril
n°6
juillet
Matériel
A bord des dernières 2D2 du Sud-
Ouest.
PAR
ACQUES
NDREU
Evénement
1957 : la naissance des trains
autos-couchettes (TAC).
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Portrait
Un grand manieur d’hommes,
Paul-Emile Javary, directeur du Nord.
PAR
EORGES
IBEILL
Guerre 39-45
Août 1944 : le train d’Aulnay-
sous-Bois.
PAR
ICHEL
AYSSAC
DOSSIER
SNCF ET DÉPORTATIONS.
DE L’HISTOIRE AU PRÉTOIRE
Le lent et intermittent dévoilement du rôle de la
SNCF.
PAR
EORGES
IBEILL
La déportation des résistants et des
« politiques ».
PAR
HOMAS
ONTAINE
Communistes, résistants, juifs : les cheminots
déportés.
PAR
EORGES
IBEILL
L’aide des cheminots aux internés transférés et
déportés.
PAR
EORGES
IBEILL
De l’enchaînement bureaucratique des rafles et
transferts à la chaîne logistique des convois de
déportation.
PAR
EORGES
IBEILL
A propos du wagon couvert K, dit «wagon à
bestiaux» : de la réglementation militaire à ses
détournements.
PAR
EORGES
IBEILL
Un enjeu juridique capital : réquisition ou non
des trains de la SNCF ?
PAR
EORGES
IBEILL
Le soupçon installé, d’interminables procès, une
histoire inachevée…
PAR
EORGES
IBEILL
Bonnes feuilles
Images des trains 1965-1970.
PAR
UÉAN
Social
« Réservées aux mutilés »
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Tourisme
De Boulogne à Nice en autocars
de luxe.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Clin d’œil
SNCF, an I. La prise de possession.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Curiosité
Chapeau bas pour ces Messieurs
de la Poste.
PAR
VESDE
IVRY
Recherches
Chroniques migennoises
(interview de G. Ribeill)
Mémoire
AHICF. Le fonds documentaire
de l’Association pour l’histoire des chemins de fer
en France
Courrier
A propos de l’apprentissage
Matériel
1971-1976 : les ultimes carrés de la
vapeur sur l’Est.
PAR
EAN
OLLIN
Portrait
Jean-Raoul Paul, directeur du Midi
et militant régionaliste.
PAR
EORGES
IBEILL
Entreprise
La SE-CFTA : un grand acteur parmi
les secondaires.
PAR
EAN
OLLIN
DOSSIER
LE CHEMIN DE FER EN AQUITAINE
Bordeaux. La « passerelle » Eiffel sera-t-elle
sauvée ?
PAR
ERTRAND
EMOINE
La Compagnie du Midi et les Pereire, créateurs
d’Arcachon.
PAR
EAN
HRISTOPHE
OUNEAU
Le môle et la gare maritime du Verdon.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
La gare monumentale de Biarritz-Ville.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Un siècle de réseau des Voies ferrées des
Landes.
PAR
EORGES
IBEILL
La gare internationale d’Hendaye.
PAR
AURE
ALUBIE
1955, deux machines pour un même record :
une volonté délibérée de constructeurs.
PAR
EORGES
IBEILL
Une ville, une gare
En marge du Paris-Saint-
Germain, la gare du Pecq.
PAR
ENRI
HOLET
Patrimoine
La « halle Pajol », dernier écrin des
messageries de Paris-Est.
PAR
ICOLAS
OGUE
Tous les trimestres,
un dossier thématique,
des rubriques régulières – documents, repères,
bibliographies, patrimoine –, des éclairages…
et plein d’informations sur l’histoire du rail.
n°7
octobre
Matériel
La SE-CFTA : un matériel typique.
PAR
EAN
OLLIN
Guerre 14-18
8-11 novembre 1918. Mystère
autour du train des plénipotentiaires allemands.
PAR
IDIER
UMAY
Gare
Juvisy 1843-1944. Une gare, un triage.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Personnel
Les difficiles débuts de la
psychotechnique.
PAR
EORGES
IBEILL
DOSSIER
L’INDUSTRIE DES LOCOMOTIVES À VAPEUR
EN FRANCE
Bibliographie.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
1836-1837. Un « transfert technologique »
avant la date.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Les héritiers de Marc Seguin : Tourasse, le franc-
tireur.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Verpilleux, l’autodidacte.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Clément-Desormes, l’entrepreneur.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Alexis Hallette, le talent sans les appuis.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Louis Benet, les appuis sans le talent.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Rétrospective des petits et grands constructeurs.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
De Koechlin et Graffenstaden à la SACM.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
De Gouïn à la Compagnie de Batignolles-
Châtillon.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
De Parent-Schaken à Fives-Lille.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
La Franco-Belge.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Les ateliers de construction du Nord de la France
(ANF).
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Les constructeurs durant la première moitié du
siècle : du syndicat patronal aux ententes
commerciales.
PAR
EORGES
IBEILL
Une heureuse « opportunité » : les commandes
allemandes.
PAR
EORGES
IBEILL
Accident
1895. Une intruse sur le parvis de la
gare Montparnasse.
PAR
RUNO
ARRIÈRE
Curiosité
Le service public au service du public.
Clientèle
Mai 1946, une grande première : les
usagers de la SNCF questionnés par référendum !
PAR
EORGES
IBEILL
Bonnes feuilles
Train jaune. Une dérive
mortelle.
PAR
UILLAUME
OURAGEAUX
Une revue entièrement consacrée
à l’histoire ferroviaire !
Nom : . . . . . . . . . . . . . . . . .Prénom . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
(N° 8)
janvier
2009
9,90
trimestriel

OSSIER
Hygiène et santé des cheminots

Le Grand Hôtel Terminus Saint-Lazare

Petite histoire des gares
de Paris-Montparnasse en images

Promenade sous les halles
de gare à travers la carte postale

De l’embarcadère
du Champ-de-Mars à la gare électrique de Bois-Colombes
Les 40ans
de l’Ajecta
Les 40ans
de l’Ajecta
Oui, je m’abonne au magazine Historail :
4 numéros/an au prix de 30,00
au lieu de 39,60
(prix de vente au numéro)
Oui, j’achète un ou plusieurs
numéros au prix de 9,90
l’unité
n°1
n°5
n°2
n°6
n°3
n°7
n°4
Prix:
exemplaires à 9,90
(+ 3
de frais d’expédition)+3
Total
Livres
JEAN-PAUL FOITET
100 ans de gares
françaises
Transposition sur papier
de son site internet
(www.lesgares.com),
Jean-Paul Foitet reste fidèle
aux principes et éléments de
base qui ont fait son succès :
priorité à la photo, approche
par réseau (Nord, Est,
Sud-Est, Sud-Ouest, Ouest)
et, pour chacun d’eux, mise
en exergue des BV les plus
emblématiques et panorama
des différents types
de bâtiment adoptés en
fonction des particularités
régionales et de l’importance
des agglomérations
desservies. C’est cette
dernière démarche qui est
la plus intéressante dans
le sens où elle permet de
mettre en lumière des gares
auxquelles nous ne portons
généralement qu’une
attention distraite.
Certes, nous sommes loin
ici d’un travail universitaire
(notamment la thèse de
François Poupardin soutenue
en 2006 sur
L’architecture
des bâtiments voyageurs
en France des origines à la
Seconde Guerre mondiale)
mais on ne peut que saluer
le travail iconographique
accompli.
Editions Cheminements, 365 p.
En vente à
La Vie du Rail
réf.: 120988, 60
TTC.
ASSOCIATION
DU MUSEE FRANÇAIS
DU CHEMIN DE FER
La voiture
présidentielle PR1 et
le salon 11 PLM
Quittant le domaine
des locomotives,
Les Cahiers
de la Cité du Train
abordent
dans leur n° 8 celui
des voitures, fidèles en cela
au but de cette collection
qui est de constituer à terme
le catalogue exhaustif
des matériels présentés au
Musée français du chemin
de fer. Les lauréats sont
cette fois-ci la voiture
présidentielle PR1 construite
au tout début des années
1920 (première sortie
officielle en 1923, réformée
en 1971) et la voiture-salon
11PLM issue d’une série
de voitures de luxe livrées
au PLM de 1900 à 1918
(incorporée au train
des souverains britanniques
comme voiture de
conférence lors de leur visite
officielle en France en 1938).
Avec au programme deux
études : «PLM : le paradis
des voitures-salons» et
«Bon voyage, Monsieur
le Président ! ou les origines
des voitures présidentielles».
Renseignements –
Vente : Geneviève Schmitt.
Tél. : 03 89 60 74 01. E-mail :
musee.ch.fer@wanadoo.fr. 10
GERARD PLANCHENAULT
Marseille-Saint-
Charles. Histoire
d’une grande gare
1847-2007
Contemporaine des grandes
gares parisiennes, la gare
Saint-Charles (inaugurée
en 1848) méritait que l’on
se penche sur son passé.
C’est aujourd’hui chose faite
grâce à Gérard Planchenault
qui, marseillais et architecte,
n’a pu qu’être séduit par
l’évolution architecturale
du bâtiment et de son
inscription dans le site,
traduction des
préoccupations sociales,
politiques ou idéologiques
du temps. L’ouvrage se divise
en cinq grandes parties,
des anciennes fortifications
à l’embarcadère ferroviaire :
naissance d’une gare (1830-
1852) ; le cheval-vapeur
envahit la cité, l’architecture
conquiert ses lettres de
noblesse (1852-1932) ; les
années noires de la guerre
et la reconstruction (1932-
1955) ; les Trente Glorieuses
et le reniement du passé
(1955-1983) ; un pôle de
transport multimodal au
cœur de la cité (1983-2007).
Editions Alan Sutton, 222 p.
En vente à
La Vie du Rail
réf.: 120996, 29
TTC.
CHRISTOPHE BOUNEAU
Entre David et
Goliath. La
dynamique des
réseaux régionaux
Comme le laisse entendre
le sous-titre de cette étude:
«Réseaux ferroviaires,
réseaux électriques et
régionalisation économique
en France du milieu du
XIX
siècle au milieu du
siècle», Christophe
Bouneau, professeur
d’histoire contemporaine à
l’université de Bordeaux3,
propose un parallèle
historique entre le
développement des réseaux
ferroviaires et celui des
réseaux électriques, supports
et symboles de la première
et seconde industrialisations,
un chapitre entier étant
consacré comme il se doit à
l’électrification des chemins
de fer. Et si son approche
se veut avant tout nationale
(admirable synthèse), elle fait
néanmoins appel à ses
travaux antérieurs
principalement axés sur
le Grand Sud-Ouest
(Compagnie du Midi, Union
des producteurs d’électricité
des Pyrénées occidentales).
Maison des Sciences de l’Homme
d’Aquitaine, 557 p,. 37
. Condi-
tions de vente : www.msha.fr,
Tél. : 05 56 84 68 17.
114-
Historail
Janvier 2009
Les “Mikado” État
par Guy Defrance
Cet ouvrage retrace la vie et la carrière des 250 Mikado État issues des prototypes
P.O. 5801/2. Après une étude technique approfondie et abondamment illustrée de
photos, dessins, courbes… concernant non seulement la série, mais aussi les
machines transformées, l’auteur nous donne la carrière à la SNCF de chaque
machine de 1938 à sa radiation : dépôts d’affectation, ateliers d’entretien,
kilométrage

Un chapitre est consacré à la dernière survivante, la 141 C 100,
examinée dans ses moindres détails tout au long de sa carrière. Les 12 Mikado
construites pour le Maroc ne sont pas oubliées et une annexe est consacrée à la
reproduction en modélisme de cette importante série. Enfin, ces locomotives sont
replacées dans leur contexte grâce à des annexes traitant sommairement de
l’ensemble des dépôts Ouest et de leur fermeture à la vapeur, donnant la liste
complète de tous les types de Mikado État… Un petit lexique complète cet ensemble.
Un livre indispensable à tous ceux qui s’intéressent aux grandes séries de loco-
motives à vapeur françaises.
Format : 215 mm x 305 mm.
192 pages, dont 8 pages couleurs.
Réf. : 110 207
55
,00

LA VIE ET LA CARRIÈRE
DES 250 MIKADO ÉTAT

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Par fax 01 49 70 01 77

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