Après 76 heures d’auditions, la commission d’enquête parlementaire créée le 4 juillet sur la libéralisation du fret ferroviaire a rendu son avis… mais tous ses membres ne partagent pas exactement le même diagnostic, ni les mêmes recommandations.
La commission est partie du constat commun de l’affaissement progressif du marché du fret ferroviaire : entre 2002 et 2018, le tonnage transporté par voie ferré est passé de 50 milliards à 33 milliards de tonnes de marchandises. « La part modale du fret ferroviaire est tombée à 10 % alors qu’elle atteint 23 % en Allemagne et 18 % dans l’ensemble de l’Union européenne », souligne la commission parlementaire. Et s’est demandée dans quelle mesure l’ouverture à la concurrence, voulue par Bruxelles, avait sa part de responsabilité.
Plusieurs crises ont aggravé la situation, édicte Hubert Wulfranc, le rapporteur : l’une dès les années 90 avec la massification du transport routier, une autre à partir de 2005 avec les réformes demandées par la Commission européenne « qui s’est donnée le temps de réunir les conditions d’affaiblissement de l’opérateur historique », a estimé le député communiste de Seine-Maritime le 20 décembre, lors de la présentation du rapport à la presse.
28 recommandations
D’où ses 28 recommandations pour tenter de remédier au scénario qui s’esquisse. Il propose notamment un moratoire sur le plan de discontinuité « afin de réviser le processus de démantèlement de Fret SNCF à la lumière des travaux de la commission d’enquête ».
Une solution à laquelle « ne croit pas » David Valence, le président de la commission d’enquête parlementaire. « Je pense qu’un moratoire aurait pour effet de déstabiliser encore plus le secteur. Personne n’a apporté la preuve qu’une autre solution serait meilleure. Nous nous sommes rendus compte que le bras de fer entre le gouvernement et la Commission a déjà eu lieu, bien avant janvier 2023, date de l’annonce de l’enquête par Bruxelles. Ma conviction, c’est que le gouvernement a bien évalué les risques et que son but est bien de préserver l’opérateur historique », déclare-t-il.
Parmi ses autres recommandations pour redynamiser le secteur, il souhaite un appui aux demandes d’embranchements ferroviaires, notamment dans les ports, et milite pour une concurrence plus loyale entre le rail et la route qui ne paye pas les nuisances générées. D’où plusieurs mesures pour viser la route comme l’interdiction des 44 tonnes (sauf transport combiné et véhicules zéro émission) et du transport routier la nuit .
Il réclame aussi l’instauration d’une écotaxe nationale sur les poids-lourds applicables sur les routes nationales non concédées, ni mises à disposition des régions.