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Description

Historail
Historail
Historail
Tout ce que vous voulez savoir sur l’histoire du rail
N°34 – Juillet 2015 – Trimestriel – 9,90

www.laviedurail.com/historail
www.laviedurail.com/historail
• Du triage par gravité à l’attelage automatique…
• Les «trains des fraises» du Lot
3’:HIKRTE=WU^^U]:?a@a@n@o@a »;
M 07942
– 34 –
F:
9,90
– RD
Trains de légende
Feuilleton
Le Cisalpin
La boutique
de
Commandez en ligne sur www.boutiquedelaviedurail.com
1960-1975
Quinze années qui ont changé le train
Jean-Claude MARACHIN
En vente par correspondance à:
La Vie du Rail
BP 30657 – 59061 ROUBAIX CEDEX 1
Lors de votre commande
rappelez la référence
110 320
Bon de commande page 4
Cet ouvrage signé Jean-Claude Marachin, constitue
le tome XXVI de la collection Images de trains. Son titre
résume bien son contenu qui réunit les meilleures
photographies de l’auteur, prises au cours des décennies
soixante et soixante-dix.
Des heures durant, le photographe a voulu figer sur
la pellicule tous les modes de traction, privilégiant
le chemin de fer traditionnel au soir de sa vie, mais aussi
les locomotives, les dépôts vapeur et la signalisation
mécanique. Son regard offre des prises de vues originales,
telles que sont les photos nocturnes. Elles apportent
un cachet particulier au monde du rail, mettant en exergue
le mystère que la nuit véhicule. La majorité des images est
en couleurs et provient de la célèbre diapositive
Kodachrome. Le noir et blanc apporte une autre vision qui
met particulièrement en valeur la machine à vapeur. Le
lecteur, tout au long de cet album, va aisément se plonger
sur le réseau national français au tournant de son histoire.
Format: 240mm x 320mm.
160 pages.
Réf.: 110 320
45

Dans la même collection:
45

Images de trains Tome XXV
Un Anglais sur les rails de France
Vacances d’un photographe de 1962 à 1967
Hugh Ballantyne
Ce livre offre trois voyages sur les rails de France en 1962,
1966 et 1967 effectués par un célèbre photographe anglais
épris de locomotives à vapeur, Hugh Ballantyne. C’est dire
que les clichés publiés sont inconnus, et que les lieux
parcourus le sont sous des angles au cadrage parfait. Didier
Leroy et Gérard Chambard ont retenu les vues les plus
significatives. 240 mm x 320 mm. 160 pages.
Réf. : 110 316
NOUVEAUTÉ
Juillet 2015
Historail
P
ionnières de l’Europe ferroviaire, les rames quadricourant suisses sont apparues en 1961, il y a
54 ans. Leur carrière incarnée notamment par l’emblématique Cisalpin a contribué à l’invention
du système ferroviaire moderne en abolissant les frontières. C’est la raison principale de leur place
dans ce panthéon de la traction dont Philippe Hérissé nous donne ici le deuxième volet.
C’est une installation remarquable que nous présentent Jacques Poré et ses amis: un réseau
ferroviaire construit et animé par des agents de la RATP. Le grand réseau H0 de l’AMFP-RATP
a été aménagé à la fin des années 70. Il se visite à la gare RER A de La Varenne-Chennevières (94).
On y appréciera le soin apporté aux décors, la diversité des matériels et la parfaite maîtrise
des circulations.
Georges Ribeill aborde l’archéologie des triages, un univers dédaigné des ferroviphiles, moins noble
en effet que celui des gares, dépôts et ateliers. C’est là du moins l’univers le plus dangereux du rail,
là où bon nombre d’hommes d’équipe, atteleurs ou saboteurs, perdront leur vie, broyés entre
les tampons de wagons mal contrôlés ou fourvoyés sous leurs roues. Depuis les promesses de
l’appareil Boirault à la Belle Époque jusqu’à l’énergie déployée par Louis Armand dans les années 60
en faveur d’un «attelage automatique paneuropéen», trop d’obstacles, semble-t-il, réduiront
à une chimère ces efforts, surmontés pourtant depuis longtemps et avec succès hors de l’Europe…
Je vous recommande aussi les trains des fraises de la vallée du Lot, la saga des tramways et métros
d’Alger et plusieurs autres thèmes qui je l’espère continueront à faire de vous des lecteurs fidèles.
L’article consacré à la place des chemins de fer à l’Exposition de 1937, annoncé dans
Historail
n°33, est reporté au numéro suivant faute de place.
Bonne lecture.
V. L.
I
Interopérabilité
I
Un Cisalpin Paris –
Milan arpente
la campagne entre
Frasne et Vallorbe
(J. Paillard/
Photorail).
La lettre de l’éditeur
Le réseau H0 de l’Amicale des modé-
Juillet 2015
Historail
permettre de voir et d’accéder à la
gare du Mont-Dore. La gare du Mont-
Dore est, sur le réseau de l’AMFP, le
terminus d’une longue ligne à voie
unique démarrant de la grande gare
de passage de La Varenne installée
tout au fond du réseau.
À gauche en entrant se trouve une
gare de passage comportant trois
longues voies pouvant largement
garer, chacune, de longues rames de
huit voitures au moins: il s’agit de la
reproduction précise du site de la gare
d’Orsay-Ville de la Ligne de Sceaux
avec ses quais de 225m dans son état
de 1982 (maintenant partie sud de la
ligne B du RER de Paris). Tous les bâti-
ments nécessaires au fonctionnement
du RER sont reproduits: le bâtiment
voyageurstypique et ses abris de quai,
la halle marchandises de type PO
encore active en 1982, leposte de
redressement (« sous-station »), le
poste d’éclairage-force, le bâtiment
abritant le poste d’aiguillages
(« PRS »),les installations électriques
et caténaires sont reproduits pour ainsi
dire à l’identique. Un passage à niveau
(PN) « SAL4 » (signalisation automa-
tique lumineuse à quatre demi-bar-
[ le réseau H0 de l’AMFP de la RATP]
En gare d’Orsay-
Ville avec, entre
autres, une rame
« Z » de la ligne
de Sceaux,
le PN (à gauche)
et les voies
d’entrée-sortie
(à droite).
G. Larraufie
Juillet 2015
Historail
[ le réseau H0 de l’AMFP de la RATP]
dements se trouve aussi l’origine de
la ligne à double voie desservant la
gare d’Orsay-Ville (côté Saint-Rémy-
lès-Chevreuse en réalité).

Puis sont raccordées à partir de la
gare principale de La Varenne:

– côté droit: la ligne à double voie
allant vers le faisceau des voies de
préparation d’une part, et la ligne
également à double voie allant à la
gare de la Bastille d’autre part. C’est
de ce côté qu’arrive la ligne à dou-
ble voie desservant la gare d’Orsay-
Ville (côté « Paris » en réalité);

– côté gauche: la ligne à voie
unique allant vers le Mont-Dore.

Sur le côté droit du réseau se trouve
un grand dépôt vapeur et diesel;
on peut à l’occasion y voir une
machine électrique mais, normale-
ment, celles-ci sont plutôt garées
sur un ensemble de quelques voies
de garage parallèles en arrière
gauche de la grande gare.

Sur le côté gauche, plusieurs grands
ouvrages d’artreproduisent diffé-
rents types de constructions dont:
un grand viaduc à 12 arches
maçonnées; un pont cage; unlong
pont très haut et élancé surla ligne
à voie unique; etc.
L’infrastructure –datant souvent de
plusieurs dizaines d’années– est
constituée de supports-maîtres faits,
selon les endroits, de sortes de
« tables » en bois juxtaposées, ou
bien d’assemblages de porteurs réali-
sés en tasseaux entretoisés.
La surface supportant le décor peut
être directement la surface des
planches posées sur les « tables »,
ou bien une construction combinant
du grillage à mailles fines(grillage
« garde-manger »), des papiers-car-
tons, de la bande plâtrée ou de l’en-
duit… avant de recevoir une couche
d’apprêt et une ou plusieurs couches
de peinture, puis les flocages et végé-
taux divers.
On peut observer à loisir la construc-
tion « intérieure » du réseau lorsque
l’on passe dessous, par exemple là où
se trouvent les rampes hélicoïdales
entre la zone des grands ponts et via-
ducs d’un côté, l’extrémité de la gare
principale de l’autre.
Les rayons de courbure des voies prin-
cipales sont au minimum de 620 mm,
12-
Historail
Juillet 2015
MODÉLISME
Ci-contre:
un itinéraire
sur le TCO-pupitre
de la gare
d’Orsay-Ville.
Ci-dessous:
les boucles
hélicoïdales
sous le réseau,
dans son angle
gauche.
ploitation et la sécurité sont assurées
par cantonnement téléphonique.
Nous ne voudrions pas clore ce cha-
pitre sur l’exploitation sans parler du
digital.
Mais sur le réseau de l’AMFP, avec ses
plus de 30 années d’existence pour les
premiers éléments, y a-t-il du digital?
La réponse est non pour le réseau
principal avec ses deux boucles imbri-
quées et aussi pour la ligne vers le
Mont-Dore, le dépôt…
La réponse est oui pour la ligne à dou-
ble voie reliant plusieurs voies de la
gare principale de La Varenne à la
gare de La Bastille. Il est ici possible
de déconnecter l’alimentation de base
du réseau est de raccorder à la place
une alimentation extérieure, par
exemple une centrale digitale.
En annexe au réseau principal et à
ses diverses branches, et en dessous
des voies de débord de la gare du
Mont-Dore, un mini-atelier, doté
d’une zone d’essais de 4 m de long
avec différentes configurations de
courbes, contre-courbes et d’appa-
reils de voie, est utilisé pour les tests
et mises au point des engins
moteurs.
Le décor et les paysages
De nombreux sites du réseau ont leur
décorfort bien réalisé, pour la vision
d’ensemble que l’on peut en avoir
plutôt que dans les détails; avec
quelques exceptions où le décor est
fouillé, précis, réaliste.
Le réseau H0 de l’AMFP privilégie l’ex-
ploitation, aussi proche que possible
de celle du prototype. Le décor est
souvent là pour suggérer l’environne-
ment, ferroviaire ou non. Ceci n’em-
pêche pas que, pour l’observateur
attentif, qu’il soit lui-même modéliste
ou non, quantité de petits détails vrais
parsèment le réseau.
Ce décor possède certains éléments
datant de nombreuses années. Le
poids des ans marque parfois, ici ou
là, les bâtiments, la végétation, le
relief; c’est bien normal; même si,
régulièrement, les membres de l’as-
sociation s’occupent de son entretien,
de son nettoyage, et de sa mainte-
nance.
La conduite des trains
et la signalisation
L’alimentation du réseau est réalisée
en système deux rails analogique
(12V courant continu nominal).
Toutefois sur la zone de la gare de
la Bastille la conduite en système
digital est possible moyennant une
commutation.
Le réseau de l’AMFP-RATP comporte
trois types de zones que distinguent
les modes de conduite adoptés:

Les zones de gare hors voies prin-
cipales où la conduite s’effectue
manuellement depuis lespupitres
liés aux différents postes de
manœuvre (postes d’aiguillages)
de chacune des zones : Triage, La
Varenne poste 1, La Varenne poste
2, Orsay-Ville, Bastille et Le Mont-
Dore.

La voie unique desservant les gares
deLétrade et du Mont-Dore exploi-
tée sous le régime d’un bloc manuel
de voie unique (BMVU) en conduite
manuelle depuis le pupitre origine
de la circulation concernée (La
Varenne poste 2 ou Le Mont-Dore).
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Historail
Juillet 2015
MODÉLISME
De haut en bas:
le poste d’aiguillage
« moderne »
de la grande gare,
côté gauche;
le château d’eau
caractéristique
de Létrade.
au niveau de leur motorisation. Des
commutateurs permettent l’immobi-
lisation des convois sur certaines par-
ties des voies.
Des « circuits de voie » détectent la
consommation de courant de traction
dans les rails à travers le passage du
pôle positif des rails (rail droit dans le
sens de marche des trains) dans une
diode. Le schéma de principe de ces
« circuits de voie » est donné ci-des-
sous. Pour garantir une « sécurité »
optimale des circulations et des
manœuvres, l’usage d’essieux résis-
tifs (graphités ou véhicules éclairés)
est donc obligatoire pour circuler sur
le réseau. Un condensateur évite dans
la mesure du possible les battements
des circuits de voie et par là même
ceux de la signalisation et du « pilo-
tage automatique» associé
(voir
schéma)
. Le découpage des rails est
effectué suivant le schéma ci-dessous.
Le « pilotage automatique »
simplifié
Sur les voies principales du réseau de
l’AMFP-RATP, les trains sont conduits
en « pilotage automatique » simpli-
fié par rapport à son homologue du
réseau RATP. Les lecteurs intéressés
par ce dernier pourront se reporter
utilement aux différents tomes de
l’ouvrage
Signalisation et automa-
tismes ferroviaires
publié récemment
par les éditions de La Vie du Rail.
Ainsi, les convois ralentissent dès que
le signal présentant l’avertissement
est « en vue » puis vont s’arrêter au
signal fermé en arrivant sur la zone
d’arrêt correspondante. Au déblocage
du signal, un train immobilisé sur
une zone d’arrêt repart tout d’abord
en marche ralentie, ce qui évite un
démarrage trop brusque. De même
un train roulant en marche ralentie
retrouve de l’allure normale quand la
zone en aval se libère.
Ce block automatique simple et le
« pilotage automatique » associé
demandent donc deux alimentations
traction (allures normale et ralentie)
ayant en commun le pôle positif (ali-
mentation du rail droit, point com-
mun de la détection par tous les cir-
cuits de voie). Pour ce qui concerne
les zones d’arrêt, la coupure du cou-
rant de traction n’y est jamais totale
puisque pour continuer à y détecter
les véhicules qui s’y arrêtent ou la par-
courent, un faible courant de détec-
tion imposant l’arrêt des engins
moteurs mais autorisant le fonction-
nement des circuits de voie est main-
tenu à travers une résistance de l’ordre
de 1 kOhmreliée au pôle négatif de
l’alimentation ralentie.
Les trains
Les matériels roulants appartiennent
tous ou presque aux membres de l’as-
sociation.
Afin d’assurer une exploitation en
toute sécurité, tous les véhicules doi-
vent shunter les circuits de voie (cdv)
pour être détectés en toutes circons-
tances. Les engins moteurs, de par la
présence de leur moteur justement,
shuntent les cdv. Par contre, tous les
véhicules remorqués, voitures et
wagons, doivent avoir leurs essieux
graphités; à moins qu’ils shuntent
d’emblée les cdv comme par la pré-
sence d’un éclairage embarqué. Ceci
est particulièrement important au
niveau des zones d’aiguilles. Chaque
train doit aussi être équipé d’une
signalisation de fin de convoi.
Les normes de roulement doivent véri-
fier les NEM, les normes européennes
de modélisme ferroviaire.
Les compositions, si elles ne sont pas
forcément conformes en tout point à
la réalité doivent s’en approcher le
plus possible.
Côté fonctionnement, des règles et
leur respect scrupuleux sont indis-
pensables sur un tel grand réseau.
Chaque membre peut ainsi essayer
de personnaliser son matériel roulant,
par exemple par la mise en place de
détails complémentaires, pour s’ap-
procher le plus possible des véritables
matériels; l’idée étant de viser tou-
jours un aspect modéliste et de s’éloi-
gner si nécessaire du train-jouet. Nom-
bre d’amateurs de l’AMFP ont ainsi
plaisir à ajouter des éclairages inté-
rieurs et des personnages à bord de
16-
Historail
Juillet 2015
MODÉLISME
vers
rail droit
+ traction
“CM”
accessoires
T = 2N 2219
ou équivalent
accessoires
relais
tout pour des tarifs deux à trois
fois inférieurs à ceux pratiqués
pour du matériel équivalent en
Europe. De plus, les attelages sont
« européens » (pas de boîtier NEM
toutefois). On trouvera sur le site
www.frateschi.com.br le catalogue
de cette marque.
Conclusion
Le réseau H0 de l’AMFP, l’Association
des modélistes ferroviaires parisiens
de la RATP, mérite votre visite en gare
RER A de La Varenne-Chennevières.
En dehors des journées portes
ouvertes qui sont signalées dans la
presse ferroviaire, sachez qu’il est pos-
sible de venir visiter le réseau l’après-
midi (14h-17h) du premier mercredi
de chaque mois. Pour cela, il suffit de
prendre rendez-vous ce même mer-
credi le matin même en appelant le
0158781017. Le nombre de visiteurs
pouvant être admis simultanément
est limité.
C’est même une visite qui peut se
faire en famille, chacun pouvant y
trouver son intérêt propre.
N’hésitez pas à programmer une telle
visite originale! Vous en partirez
enthousiasmé!
Texte et photographies de
Jacques Poré avec la contribution
de Guy Larraufie et Gilbert Moens
18-
Historail
Juillet 2015
MODÉLISME
Ci-dessus :
automotrice
Francorail
de la Fepasa
brésilienne,
en visite sur
le réseau
de la RATP!
Ci-contre:
rame historique
et prestigieuse
en circulation
avec la BB 9004
(du record du
monde de vitesse
à 331km/h
en 1955).
Juillet 2015
Historail
[ le réseau H0 de l’AMFP de la RATP]
Létrade
Gare sans nom
Dépôt
Mont-Dore
Plateau de préparation
La Bastille
Orsay-Ville
La Varenne
Viaduc
G. Moens
G. Moens
G. Moens
Juillet 2015
Historail
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
14,9 centimes: une économie de
25% justifiant donc le développe-
ment du triage par gravité
Is-sur-Tille en 1883,
premier triage de l’Est:
un bilan éloquent
À l’Est, en 1883, Albert Jacqmin, fils du
directeur général de la Compagnie de
l’Est, a visité divers triages: Tergnier et La
Chapelle du Nord; en Belgique, Arlon
et au sud de Charleroi, Saint-Martin,
point d’entrée sur le réseau du Nord de
tout le trafic venu des bassins de Char-
leroi; en Allemagne, Cologne, Speldorf,
Dresde, Zwickau; Renens en Suisse
occidentale. Il en tire une étude docu-
mentée
, prônant le triage par gravité,
rappelant qu’au lancer, les brusques
efforts alternés de traction sur les barres
d’attelage et de refoulement sur les
tampons, conduisent à des frais élevés
d’entretien de ces organes.
La compagnie va donc ainsi équiper ses
huit premières gares de triage, la gare-
frontière avec le PLM d’Is-sur-Tille fonc-
tionnant à partir du 1
mai 1883
. Cela
nous vaut un document exceptionnel,
Rapport sur les résultats obtenus à la
fin de l’année 1884 au moyen du triage
par la gravité,
établi le 16février 1885
par l’inspecteur général de l’Exploita-
tion: un bilan des coûts et bénéfices
induits par chaque opération, au cen-
time près, dans des conditions de sites
et de trafics variées. La gare d’Is-sur-
Tille se décompose en un faisceau de
manœuvres côté Dijon fonctionnant
depuis le 1
mai 1883, une partie cen-
trale avec quais de transbordement et
chariots à vapeur, enfin un faisceau de
manœuvres côté Chalindrey, en fonc-
tion le 1
novembre. Une inclinaison
de 4mm/m a été adoptée pour ce
triage par gravitéoù la compagnie
cherchait à vérifier les trois principaux
avantages obtenus sur d’autres réseaux:
la rapidité, l’économie la sécurité.
« L’expérience montre qu’il est obtenu
satisfaction sur ces trois points. »
Rapidité:
244 wagons à diviser
en 131 lots ont été décomposés en
1heure16 minutes, soit 18 secondes
par wagon et 34 secondes par lot. »
De plus
« l’emploi de sabots-freins pour
arrêter les wagons lancés a permis de
manœuvrer la nuit; les mouvements
sont un peu plus lents que le jour;
mais il y a encore une économie de
temps très appréciable. »
Ainsi,
17novembre, à 9heures du soir, par
une nuit très obscure, nous avons
assisté à la décomposition d’un train
de 31 wagons à répartir en 15 rames;
la manœuvre a duré en tout 15
minutes, soit une minute par rame.
Avec les anciennes méthodes de
manœuvre, il aurait bien fallu de trois
quarts d’heure à une heure. L’avantage
obtenu au point de vue de la rapidité
des manœuvres est ainsi très réel. »
Économie
: de la comparaison des
deux exercices 1882 et 1884, précé-
dant et suivant la période d’essai, il res-
sort, côté Dijon, une augmentation du
nombre de wagons triés de 76958 à
84740fr., les dépenses diminuant de
5677fr.; les frais de manœuvre par
wagon sont tombés de 69,57 cen-
times à 56,48, soit une réduction de
18,81% des dépenses de 1882. Côté
Chalindrey, augmentation de 83486
à 79063fr., avec dépense réduite de
2093fr., soit une économie de
14,69%. Si l‘économie est plus forte
côté Dijon, c’est parce que le faisceau
de manœuvres a pu y être installé
“dans de très bonnes conditions au
point de vue du triage par la gravité”».
De l’autre côté, au contraire,
« il a fallu
laisser toutes les aiguilles en palier, et
bien qu’on ait augmenté lalongueur et
Plan de la gare
marchandises
de Paris-Bercy,
coincée entre
le boulevard
et la rue de Bercy,
dotée de halles
perpendiculaires
aux voies
principales.
(Michaux,
Cours
de chemins de fer
de l’Écam, Atlas
Juillet 2015
Historail
À Chaumont,on a fortement réduit
l’utilisation des machines pour les
manœuvres du garage:
« économie
de 6000fr. sur les machines »
; en
retranchant 2400fr. pour adjonction
de deux hommes, il reste encore un
bénéfice de 3600fr.
Noisy-le-Seca bénéficié de la
construction de la Grande Ceinture
pour se doter d’une installation entiè-
rement nouvelle; grâce même au fais-
ceau de triage étant établi en remblai
et en pente, le volume des terrasse-
ments a été réduit, et les coûts d’éta-
blissement réduits. Les manœuvres
s’exécutent dans de bonnes condi-
tions, sauf avec les wagons de l’Ouest
qui
« s’arrêtent presque toujours dans
les aiguilles quand ce n’est pas sur la
voie de lancement. »
Dans l’ancien
système, il faudrait deux machines
de plus, une de jour, une de nuit, soit
36000fr.; mais on aurait en moins
« les six bâtonnistes ou sabotiers qui
coûtent ensemble 9000fr. »
: écono-
mie de 27000fr.,
« bien suffisante et
au-delà pour payer la construction du
faisceau de triage »
À Longwy,11427fr. de travaux ont
été dépensés, mais le triage est trop
récent pour établir un bilan précis,
comme à Châlons enfin: si les trois
voies nouvelles ont coûté 95000fr.,
l’ordre a été donné à toutes les gares
depuis La Villette de ne plus se
préoccuper de la formation des
trains expédiés au-delà de Châlons.
Au total, alors que les dépenses justi-
fiées par l’introduction du nouveau sys-
tème dans ces huit gares ne dépassent
pas 100000fr., l’économie annuelle
sur les manœuvres est de l’ordre de
115000fr.; si l’on en retranchait 1000fr.
de frais d’entretien annuel et autant par
triage en raison d’avaries plus fréquentes,
l’économie se chiffre à de 97000fr.
par an, équivalente à la dépense de
capital. D’où ce bilan indiscutable:
« les manœuvres par la gravité sont éco-
nomiques, rapides et sûres, facilitant
la régularité de la circulation des trains.
De plus, la rapidité des manœuvres
augmente le rendement des gares
et permet de faire face, avec une
étendue de voies déterminée, à une
circulation beaucoup plus active.
Pour ces motifs, nous estimons qu’il
convient de développer de plus en
plus sur le réseau de l’Est l’application
du triage par la gravité, et de hâter en
conséquence l’achèvement des tra-
vaux demandés à Troyes-Preize, Lan-
gres et Belfort.»
Du sabot-frein à l’éclairage
de nuit: le rendement
des triages démultiplié
Le fonctionnement des triages, qu’il
soit au lancer ou par gravité, implique
le freinage contrôlé des wagons, dont
la course amortie doit s’arrêter idéa-
lement, tampons contre tampons,
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
Au triage de Périgueux, en 1884, un autre bilan positif
Dans l’article qu’il consacre à apprécier l’adoption du triage à gravité à Périgueux,
l’ingénieur Sabouret livre des détails intéressants sur le bénéfice de l’opération, à l’issue
de l’année 1884
: une économie de plus de 40 000 fr., provenant exclusivement d’une
mobilisation quotidienne des machines de manœuvres réduite de 56 heures à 24 heures,
qui coûtent 4 fr. de l’heure. Le personnel ancien a été conservé sans modification.
Intégrant même 6000fr. de frais d’éclairage supplémentaire, d’usure des sabots
et d’avaries du matériel, le coût du wagon reçu a chuté de 45,6 à 28,5 centimes!
Au triage par gravité, deux équipes se relaient en 2 x 12heures; soit en tout quatre chefs
d’escouade (5 700 fr.), deux aiguilleurs (2 700 fr.) et 12 hommes d’équipe (13 140 fr.).
Aux manœuvres des plaques et au service des voies des quais, sont occupés un chef
d’équipe (1 950 fr.), deux sous-chefs d’équipe (3 300 fr.), deux chefs d’escouade
(2 550 fr.), 13 hommes d’équipe (14 235 fr.) et trois chevaux à 9,50 fr. par jour.
De ces diverses rémunérations, retenons que le traitement de l’homme d’équipe ou
du chef d’escouade, qu’il soit affecté au triage ou aux quais et halles, n’a pas été relevé…
* « Triage par gravité à la gare de Périgueux », RGCF, février 1888.
Plan de la gare aux
charbons de Bercy-
Nicolaï, dotée
de halles parallèles
aux voies
principales.
(Michaux,
Cours
de chemins de fer
de l’Écam, Atlas
Juillet 2015
Historail
bien que la nuit, l’inscription sur les
tampons devient nécessaire. Le clas-
sement est promptement terminé.»
À La Chapelle (Nord),Jacqmin a dis-
tingué le
reconnaisseur
qui détient la
liste des wagons à couper, le
marqueur
qui, sous ses ordres, inscrit sur chaque
wagon la direction à lui donner, les
accrocheurs
qui défont les attelages
et inscrivent sur les tampons ou signi-
fient par leur corne d’appel aux
aiguil-
leurs
le numéro des voies, enfin les
bâtonnistes
contrôlant la course ultime
des wagons. À Terrenoire (PLM), tous
les wagons étant munis de freins à
main, un homme suffit pour accom-
pagner une rame de 40 wagons, de
20 sur rails glissants. Mais au triage
de Saint-Martin,
« lors même que
les wagons sont munis de freins, les
hommes préfèrent se servir de leur
bâton, qu’ils trouvent d’un emploi plus
commode et plus efficace que celui
des freins à main. »
Cela en contra-
diction absolue avec les recomman-
dations de la Commission allemande
de 1874, prônant l’équipement, au
nom de la sécurité, de tous les wagons
en freins à main!
À Dresde-Neustadt, tout wagon (ou
toute rame isolée) est accompagné,
depuis le point où il est lancé jusqu’en
fin de course par un homme chargé
de le ralentir, soit au frein, soit au
bâton: dépense accrue, mais
« beau-
coup plus grande sécurité »
personnel, note Jacqmin. Détail impor-
tant: comme barre de frein ou bâton,
le bois tendre, tel le sapin, est préfé-
rable au bois dur, chêne ou frêne:
alors,
« la barre se polit et n’agit
plus. »
En 1883, Jacqmin a relevé
divers essais de cales mobiles, mais
d’un poids trop élevé:
« les hommes
renoncent à s’en servir pour ne pas
avoir la fatigue de les porter. »
On comprend pourquoi l’invention
ultérieure du
sabot-frein,
glissé sous la
roue du wagon dévalant la pente par
saboteur
courant le long des rames
et wagons, sur les voies contiguës, a
constitué une innovation majeure, bien
qu’entraînant un risque accru de heurt
avec le wagon, ou de chute.
Comme explicitement rapporté à pro-
pos du triage de Nancy
cf.
« l’emploi des sabots-freins a permis
de faire des manœuvres à la gravité
pendant la nuit »
, ce que Sabouret rap-
pelle aussi à Périgueux, où le surcoût
induit avait été plus que compensé par
les économies de traction. À la pointe
de l’électrification des équipements fer-
roviaires, depuis 1875, la Compagnie
du Nord a doté le triage de La Cha-
pelle
d’un éclairage de nuit, fonc-
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
DR/Photorail-SNCF ©
Ci-dessus:
Argenteuil, l’une
des gares de triage
jalonnant la Grande
Ceinture.
En haut: plan
et profil du triage
de Dijon-Perrigny,
équipé
de deux dos-d’âne
aux extrémités
du faisceau
des voies
de service.
(Michaux,
Cours
de chemins de fer
de l’Écam, Atlas
EXPLOITATION
L’apparition des sabots-freins
« Un perfectionnement pratique est apporté depuis quelques
années dans la manœuvre des wagons sur les voies de triage (…).
L’on tend à remplacer l’opération pénible du serrage des freins à
main par l’emploi d’appareils appelés
sabots-freins
. Ce sont des
patins à rebords latéraux dont une face glisse sur le rail tandis que
l’autre épouse la forme de la roue du wagon
Ces sabots-freins
furent inventés par l’ingénieur centralien Henri Cochard (promotion
1877), qui, dans son atelier parisien, 6, rue Oberkampf, construit
du matériel de travaux publics et de chemins de fer, et conçoit
usines et ateliers. Ils furent employés tout d’abord par les Compagnies
de l’Ouest et du PO.
Évidemment le danger accru des « saboteurs » devait flatter leur art
tout empirique de porter efficacement cette sorte d’estocade au
bon moment de la course du wagon:
« Quand un wagon, lancé à
toute vitesse, arrive sur un de ces appareils posés à l’avance sur la
voie, sa roue l’escalade et le force à glisser sur le rail ancien en s’y
appuyant d’autant plus vigoureusement que sa charge est plus forte. Il se produit par suite un frottement très énergique
qui arrête bientôt le wagon, et chose des plus précieuses, le frein n’agit pas sur le bandage de la roue comme à
l’ordinaire, mais bien sur le rail pour lequel l’usure présente beaucoup moins d’inconvénient. À la vitesse ordinaire
employée dans les manœuvres qui se font de 12 à 15km à l’heure, un wagon chargé de plus de 5 tonnes s’arrête ainsi
après 7 à 8 mètres de patinage, soit environ sa longueur, avec l’emploi du sabot-frein. Avec un wagon vide, le chemin
parcouru est le double. On peut donc prévoir d’une manière précise, étant donné le nombre de wagons à arrêter et leur
chargement, à quel point on doit placer les sabots-freins pour obtenir l’arrêt au point voulu. »
* Moreau,
Traité des chemins de fer,
Fanchon, 1898, tomeV, p.543.
Le sabot-frein Cochard,
coupe et profil
(Moreau,
op. cit.
Placer au bon endroit et
au bon moment le sabot,
un savoir-faire qui ne
s’apprend que sur le tas !
(Perrelle/Photorail).
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 340281
tionnant jusqu’à 15 ou 16heures en
hiver.
« Pour remédier à l’insuffisance
de l’éclairage au gaz et améliorer le
rendement du travail qui, de 850kg
par homme par heure le jour, tombait
la nuit à 350kg, la Compagnie du
Nord s’est décidée, en 1875, à essayer
l’éclairage électrique.L’installation se
composait de cinq machines magné-
toélectriques, système Gramme, du
type de 100 becs carcel, consommant
en moyenne 2,5 chevaux-vapeur, et
coûtant 1500fr. l’une. »
Ainsi
« cha-
cune des lampes, placée à 6 ou 7
mètres de hauteur, produit, dans un
rayon de 60 mètres au moins, un
éclairage suffisant pour effectuer rapi-
dement et sûrement la manœuvre des
wagons. Chacune des quatre lampes
en service pendant 10heures en
moyenne revient à 55,6 centimes par
heure. Si l’on tient compte de l’intérêt
et de l’amortissement, ce prix ressort
à 80 centimes, c’est-à-dire au prix de
22 becs à gaz, brûlant 120 litres par
heure au tarif actuel de 30 centimes
par mètre cube. »
Le PLM a suivi en
1877, éclairant à Paris sa halle de mes-
sageries GV par 18 appareils Lontin.
En 1892, àHirson, gare-frontière au
rang des gares expéditrices du
Nord, au second rang de celles de
l’Est, un observateur local n’a pas
manqué d’être frappé par l’introduc-
tion récente de l’éclairage électrique
dans cette étoile ferroviaire à cinq
branches dont le triage vient d’être
agrandi. Des trains complets y sont
formés pour être expédiés du Nord
sur Dijon, Lyon et Marseille, sans pas-
ser par les gares parisiennes de cein-
ture, ou pour approvisionner l’Est
en charbons du Nord et du Pas-de-
Calais
. Ainsi,
« le travail qui y est fait
de jour et de nuit, y a fait installer la
lumière électrique. Cet éclairage, déjà
l’un des plus forts de tout le réseau
du Nord, va être beaucoup aug-
menté. Il sera installé sur le quai mili-
taire, de façon que les débarquements
puissent être faits de jour et de nuit.
L’énorme circulation peut nécessiter
son agrandissement dans un délai peu
éloigné. »
Dotée en effet jusqu’en
1885 de six voies de triage et de deux
halles de 1200m
et 1500m
, la
gare connaît un trafic explosif suite à
la découverte par Thomas et Gilchrist
du moyen de déphosphorer la fonte
extraite de la minette lorraine; le tra-
fic double ainsi dès 1886, organisé
en
« navette métallurgique »
sur la
« ligne la plus chargée de France »
reliant les bassins de la Sambre et de
l’Escaut ayant besoin du minerai de
fer de l’Est, à celui de Briey glouton
en fines et coke du Nord. En 1891, la
gare est agrandie de 10 voies nou-
velles et d’une halle de 1800m
, dis-
positions inchangées jusqu’en 1914.
Georges Ribeill
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
1. Auguste Perdonnet,
Traité élémentaire des chemins de fer,
Garnier, 1865, tomeII, pp. 303-310.
2. « Les gares de triage »,
Annales des Ponts et chaussées,
décembre1876.
3. « Note sur les opérations de manutention dans les gares »,
Revue générale des chemins de fer,
janvier1880.
4. Autre paramètre important dans la conception du triage, moins débattu, la hauteur du dénivelé entre
la voie de refoulement et les voies de réception: 1,69m à Périgueux, 1,62m à Juvisy, 1,35m à Is-sur-Tille,
0,95m à Châlons-sur-Marne, 0,60m à Tergnier…
5. « Étude sur les gares de triage avec voie de manœuvres inclinées (triage par gravité) »,
Revue générale
des chemins de fer,
février et mars1883.
6. Sont inaugurées successivement ainsi Is-sur-Tille, le 1
er
mai 1883; Nancy, le 25décembre; Avricourt,
le 2 janvier 1884; Reims, le 20mars; Longuyon, le 31mai; Chaumont, le 12août; Noisy-le-Sec,
le 9octobre; Longwy, le 22novembre, et Châlons-sur-Marne, le 15décembre.
7. « Éclairage des grandes gares à la lumière électrique »,
Bulletin du ministère des Travaux publics,
juin1881,
p.454.
8. Alfred Desmasures,
Histoire de la ville d’Hirson,
1892, pp. 184-185. Voir aussi Maréchal, « Trois quarts
de siècle de la vie d’une grande gare. La gare d’Hirson »,
Revue générale des chemins de fer,
août1956,
pp. 678-689; Marcel Bouleau,
Le Rail à Hirson,
2012, « L’étoile ferroviaire », p.13 et
sq.
En bas: plan
du triage d’Hirson
avant son extension,
projetée en 1883.
(Coll. Écorail)
employés contre leurs propres mala-
dresses et autres manquements per-
sonnels »
. Pour sanctionner la part de
faute revenant à Combe, la cour d’ap-
pel réduira de 1000francs la somme
qui lui sera versée. Le PLM se pour-
voit en cassation, en vain:
« la faute
de Combe ne fait pas entièrement dis-
paraître celle de la compagnie »
cou-
pable non seulement que soit tolérée
une pratique dangereuse, mais qu’elle
soit ordonnée (8février 1875).
Ces jugements vont faire jurispru-
dence. Le 5juillet 1879, en gare de
Saint-Jean-d’Angély, Arramy, homme
d’équipe auxiliaire, chargé de déta-
cher quatre wagons de pierre de
taille, est victime de la manœuvre dite
à l’anglaise
: le mécanicien tamponne
les quatre wagons en question, rou-
lant à grande vitesse vers la
gare; le chef d’équipe Raynaud
ordonne à Arramy de courir
serrer le frein du wagon de
devant afin d’empêcher les
quatre wagons en marche d’al-
ler tamponner un wagon sta-
tionnant sur la même voie.
Arramy court après les quatre
wagons, saisit de la main
gauche le frein placé en effet à
droite dans ce wagon et, tout
en serrant le frein, se sentant
tout à coup perdre l’équilibre,
pose instinctivement sa main
droite sur le tampon du wagon
pour se préserver d’une chute
qui pouvait être funeste. Sa
main est alors broyée entre la
plaque du tampon et le bois-
seau du wagon-frein. Amputé
de sa main droite, Arramy
réclame 4000fr. de dommages
et intérêts au chemin de fer
de l’État et une pension de
1500fr. réversible en faveur de
sa femme et de ses enfants. Le
3juin 1880, le tribunal civil de
Saint-Jean-d’Angély fait le pro-
cès de
« la manœuvre dite
l’anglaise
« cette manœuvre
n’est pas mentionnée dans le
règlement général du chemin
de fer des Charentes adopté par le
chemin de fer de l’État. »
Ne pas
reconnaître une telle manœuvre, pré-
judiciable au matériel et dangereuse
pour les personnes, c’est implicite-
ment la prohiber. Comme l’explicite
d’ailleurs l’
Instruction
n°113 du PO:
« Les manœuvres dites
à l’anglaise
consistant à lancer un ou plusieurs
wagons sur une voie au moyen d’un
coup de tampon donné par la
machine, sont absolument
inter-
dites
« L’administration du chemin
de fer de l’État, en en tolérant néan-
moins l’usage, a donc commis une
faute »
, aggravée du fait qu’Arramy
était employé depuis cinq jours seu-
lement aux manœuvres…
« Attendu,
au surplus, qu’il est de principe en
jurisprudence que la faute de l’ou-
vrier ne fait pas disparaître celle de la
compagnie au service de laquelle il
est, celle-ci restant toujours respon-
sable de sa propre faute; que c’est
ce qui a été décidé par la cour de cas-
sation (8février 1875), dans une
espèce qui a beaucoup d’analogie
avec l’espèce actuelle »
, condamne
donc le réseau à payer une pension
de 1000 fr. Jugement confirmé par
la cour d’appel de Poitiers, le 3mars
Le4novembre 1882, vers 22h, à
la gare de La Chapelle, l’homme
d’équipe Ceschi accompagne des
wagons débranchés pour les arrêter
au point convenable, accompagné de
Julliard muni d’un bâton destiné à
caler les roues du wagon.
« Pour faci-
liter leur travail, les deux agents atten-
dent sur la voie, afin d’accrocher ces
wagons non munis de freins à un troi-
sième débranché sur la même voie.
Ceschi se place alors entre les tam-
pons du wagon immobile, tenant le
tendeur du wagon pour l’accrocher
à l’arrivée du wagon à frein. À ce
moment, un quatrième wagon
débranché sur la même voie arrive
avec force derrière ce dernier. Des cris
sont alors poussés pour avertir les
employés du choc qui va se produire;
lorsque Ceschi cherche à sortir d’entre
les tampons, c’est trop tard, le bras
de Ceschi est pris entre les deux
tampons, d’où son amputation».
« Attendu que cet accident est la
conséquence de la faute des agents »
le lancement du quatrième wagon
non prévu dans le service étant la
cause de l’accident,
« qu’en vain la
compagnie prétend qu’aux termes
d’un ordre de service n°2272, il est
expressément défendu à l’agent
chargé de l’accrochage de passer,
pour n’avoir pas la peine de se baisser,
entre les tampons des voitures, avant
qu’ils soient mis en contact, et de
sortir d‘entre les wagons qu’il vient
d’accrocher avant qu’ils soient immo-
bilisés »
; que si cet ordre de service
prévoit les cas ordinaires,
« il ne pou-
vait s’appliquer à l’espèce actuelle,
(…) cas de danger extraordinaire,
32-
Historail
Juillet 2015
EXPLOITATION
Illustrateur pour
l’éditeur Kieffer
du «
Rail»
de Pierre
Hamp, sous-chef
de gare en 1908
au triage d’Hirson,
Georges Bruyer
a retenu l’accident
survenu au sous-
chef de manœuvres
Cordier, écrasé
entre locomotive
et wagon, lors d’un
relevage (p.263):
« Cordier donna
un cri grave et bas,
brusquement fini.
Sa tête aux yeux
clos cherchait
la terre. Un tampon
du wagon, en genou
sur sa poitrine,
l’appuyait au crochet
de la locomotive (…).
Cordier, desserré,
tombait. La couleur
des violettes
ornait son visage
où la bouche ouvrait
un trou noir bordé
de blême… »
DR/G. Bruyer
Juillet 2015
Historail
pecteur des mines en retraite Worms
de Romilly, le jury rend son rapport le
19décembre suivant, publié au
Jour-
nal officiel
du 4janvier 1913. Pour
récompenser des dispositifs
« témoi-
gnant dans certains détails d’une
remarquable ingéniosité»
, les trois
prix prévus sont complétés par huit
mentions. Le premier prix est accordé
à l’appareil Pavia-Casalis, reconnu
devançant de très loin tous les autres.
L’attelage présenté par Laycock,le seul
permettant pendant la période tran-
sitoire le maintien des tampons laté-
raux, est classé « hors concours ».
Cinquante-six participants seront
nominés dans le commentaire savant
de l’ingénieur en chef des mines
Bochet
, dont quatre employés de
chemins de fer français: Falaise (dépôt
de Troyes), Linou (gare de Montéli-
mar), Latour (dépôt de Mohon) et
Talon (service de la Voie au Midi, à
Perpignan
Pavia-Casalis ou Boirault?
L’ingénieur Campiglio, administrateur
du Nord-Milan, applaudit à ce
concours consacrant à nouveau le
système Pavia-Casalis: alors qu’en
France
« le système Boirault n’a
pas résolu la question et paraît aban-
donné peu à peu »
, tandis que l’Em-
pire russe est décidé à essayer les
appareils Pavia-Casalis, il pronostique
ainsi
« l’acheminement vers une solu-
tion pratique »
du problème en
Europe
. De quoi faire sursauter Boi-
rault: comment Campliglio peut-il
écrire que
« l’on abandonne peu à
peu en France l’appareil Boirault »
Le réseau de l’État a équipé 500 auto-
motrices électriques destinées aux
lignes de la banlieue de Paris, dont
18 en service depuis quelques mois,
dotées d’accouplements perfection-
nés permettant la jonction automa-
tique des conduites de frein et des
canalisations électriques de voitures.
Sur le même réseau, sur les quatre
lignes rayonnant de La Rochelle vers
La Roche-sur-Yon, Aigrefeuille, Roche-
fort et Lapalisse,
« 6000 autocou-
pleurs amovibles et 1000 autocou-
pleurs fixes sont affectés à cette
exploitation partielle, qui cessera dès
que les résultats acquis permettront
d’étudier, sur des bases certaines, la
généralisation du système sur tout le
réseau de l’État français. »
À son absence reprochée aux
concours italiens de1906 et1909,
Boirault répond qu’il se trouvait en
France déjà
« nanti d’une consécra-
tion aussi officielle et indiscutable,
celle du Comité de l’exploitation
technique des chemins de fer »
qu’absent aussi du concours
français de 1912, c’était suite à
l’injonction que lui avait adres-
sée le ministre le 22juillet
1912:
« Le concours a été ins-
titué précisément parce qu’on a
reproché à l’administration de ne
faire porter ses expériences que sur
l’appareil de votre invention. Il a pour
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
DR/Extrait de
Brochure Boirault
, Coll. G. Ribeill
DR/Extrait des
Annales des Mines,
Ci-contre: les deux
appareils les mieux
classés à Milan.
Ci-dessous:
accouplement
de deux appareils
Boirault montrant
toute la souplesse
de l’appareil
et la possibilité
d’atteler avec
des différences
de niveau bien
supérieures
à celles fixées
par la conférence
internationale
de Berne.
Campiglio,
détracteur
du Boirault.
Juillet 2015
Historail
L’inertie politique
dénoncée à la Chambre
des députés
À plusieurs reprises, des députés se
firent les porte-parole de la revendi-
cation des cheminots. À la Chambre,
le 1
février 1910, lors de la discus-
sion du budget des chemins de fer
de l’État, le député Lhopiteau for-
mule une proposition de résolution:
« La Chambre invite M. le ministre
des Travaux publics à prescrire aus-
sitôt que possible l’attelage auto-
matique des wagons sur les divers
réseaux et à en faire munir tout
d’abord le matériel des chemins de
fer de l’État. »
Proposition signée de
25 députés de divers partis
, ainsi
débattue:
Gustave Lhopiteau:
« Depuis 1905,
un certain nombre de collègues ont
tour à tour demandé aux ministres
des Travaux publics d’adopter en
faveur des employés des chemins de
fer cette mesure de sécurité. Ah! mes-
sieurs, chaque fois la réponse des
divers ministres a été favorable à la
thèse soutenue à la tribune: successi-
vement ils ont reconnu qu’il s’agissait
là d’une question du plus haut intérêt,
qu’elle était à l’étude, qu’on avait fait
des expériences, qu’on allait en faire
d’autres et qu’on espérait aboutir
dans un très bref délai.»
Édouard Vaillant:
Malheureuse-
ment on n’aboutit jamais.»
G. L.:
« En réalité des expériences ont
été poursuivies, mais sans plan d’en-
semble, par fragments si je puis dire.
Pareille méthode ne pouvait donner
des résultats absolument convain-
cants. Il semble même qu’on se soit
heurté à je ne sais quelle résistance
occulte, beaucoup plus dangereuse
que la résistance avouée contre
laquelle auraient pu être produits des
arguments irréfutables.»
É. V.:
« C’est une résistance homi-
cide!»
G. L.:
« Une des objections opposées
à l’application immédiate du système
est qu’il faut s’attendre chaque jour
à des améliorations nouvelles dans
l’exploitation des chemins de fer. J’ac-
cepte l’augure, mais les progrès sont
toujours suivis d’autres progrès et, si
l’on s’abrite derrière ce prétexte, on
n’appliquera jamais des mesures
qu’on a sous la main
[Très bien! Très
bien].
D’après les évaluations les
moins tendancieuses, on peut comp-
ter qu’il y a environ une victime par
jour (…). En 1907, M. Lauraine, qui
soulevait la même question, donnait le
chiffre de 300 accidents dans un an.
Je crois que ce n’est pas exagéré. Ainsi
dans le mois de janvier1908, il y a eu,
de par l’accrochage des wagons, huit
tués et 13 blessés; dans le mois de
février, six tués et cinq blessés; dans
le mois de mars, quatre tués et cinq
blessés. Mon sinistre relevé s’arrête là,
mais de ces chiffres applicables au
premier trimestre, on peut conclure
que pour l’année entière, il ne s’est
pas produit moins de 184 accidents
– au minimum – sur lesquels on
compte 72 morts (…). »
Et de rappeler au ministre des Travaux
publics, le radical-socialiste Barthou,
ses propos du 8février 1908 (
« J’ai
promis de faire procéder sur le réseau
d’État à des expériences »
), ou le sou-
tien de son prédécesseur Millerand,
affirmé le 24décembre 1909, avant
de développer le point de vue finan-
cier:
« En Allemagne, les pensions à
servir aux ouvriers blessés ou aux
familles des ouvriers tués pendant les
manœuvres d’accrochage ou de
décrochage des wagons s’élèvent à
5millions de marks par an, c’est-à-
dire 6250 000 fr. en nombre rond.
Vous voyez, messieurs, l’importance
de la dépense! (…) Avec l’accrochage
automatique, les dégradations du
matériel se produiront avec beaucoup
moins de fréquence. »
Autre argu-
ment,
« la moindre fréquence des
avaries des objets transportés. »
la principale économie dont tireraient
profit les réseaux, tient à
« l’accéléra-
tion et à la facilité des manœuvres »
entraînant
« la rotation plus rapide du
matériel. (…) Avec le système actuel,
il faut accrocher wagon par wagon
quand on constitue un train, tandis
qu’avec le système de l’attelage
automatique, on pourrait appeler
du même coup toute une rame de
wagons tout entière. Le train serait
formé beaucoup plus vite et des éco-
nomies très appréciables seraient réa-
lisées sur les indemnités de retard. »
À 125 fr. de l’unité, 15millions sont à
dépenser pour équiper les 60000
wagons de l’État, en trois ans, cinq
au plus.
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
DR/Photorail
À l’étroit entre
crochet d’attelage
et tampons,
mais protégé
par le «rectangle
de Berne»!
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 340391
Juillet 2015
Historail
par suite d’accidents aux États-Unis,
8% relèvent de ces opérations,
contre 5,9% sur le réseau du Nord
en 1908.
« Il est facile d’en déduire
que l’attelage automatique n’est nul-
lement une panacée comme le sup-
pose M. Lhopiteau. Le véritable remède
réside plutôt dans les efforts appor-
tés par les dirigeants des Compagnies
dans le sens de l’éducation profes-
sionnelle des agents d’exécution. »
Les progrès potentiels de l’exploita-
tion sont tout aussi contestés. Dans
les manœuvres de formation des
trains,
« le gain de temps n’est que
fictif »
, car elles s’effectuent toujours
« pendant les opérations de confec-
tion des états de mouvements, des
relevés de trains, etc., dont on ne sau-
rait écourter la durée. »
L’opération
inverse du dételage s’effectue
« dans
tous les cas véhicule par véhicule. »
En particulier le fonctionnement des
grandes gares de triage où il faut
débiter jusqu’à 4000 wagons par jour,
« serait gravement compromis par
l’adoption de l’attelage automatique.
Actuellement, en effet, le décrochage
des tendeurs est effectué à l’aide d’un
bâton de manœuvre, au moment où
la machine, refoulant son train, réduit
intervalle qui sépare les wagons par
le jeu des tampons; le refoulement à
la machine ne ferait que confirmer
l’attelage automatique, s’il était déjà
réalisé. Il faudrait donc: 1°) défaire
l’attelage automatique; 2°) refouler
le convoi pour lancer des wagons ainsi
décrochés; 3°) s’arrêter de nouveau
pour opérer une seconde fois, de pied
ferme, le dételage des wagons à lan-
cer; 4°) refouler à nouveau puis s’ar-
rêter, etc. »
Ainsi, conclut l’auteur,
« les manœuvres de triage, loin d’être
facilitées, seraient beaucoup plus
longues. »
En France, la transformation des atte-
lages impliquant une longue période
transitoire, l’accouplement d’un
wagon transformé avec un wagon
d’ancien type serait beaucoup plus
périlleux qu’il ne l’est aujourd’hui. Les
accidents se multiplieraient comme
aux États-Unis où le nombre de vic-
times doubla pendant les années de
transition.
« Les accidents sont rares
pour le présent. Convient-il d’en
accroître le nombre de probléma-
tiques diminutions des cas dans
l’avenir? »
Au plan financier, équiper 400000
wagons, à 300 fr. l’unité, engage un
coût de 125millions. Et en Alle-
magne, le prétendu montant très
élevé des indemnités et pensions se
rapporte en réalité à tous les accidents
et à toutes leurs victimes, agents et
voyageurs: Lhopiteau s’est mépris sur
ses calculs. D’ailleurs,
« la Compagnie
du Nord n’a eu à payer en 1907 que
4234,63 fr.; en 1908, 3477,18 fr.;
en 1909, 2620,92 fr. pour pensions
à des agents ou à leurs familles, y
compris les demi-salaires d’absence.
M. Lhopiteau a vu évidemment à tra-
vers la lumière d’un prisme. Les acci-
dents d’agents dus aux attelages sont
beaucoup moins fréquents qu’il ne
le croit, et pour les éviter, point n’est
besoin de transformer le matériel des
chemins de fer, d’écraser le budget
des compagnies, de faire des révolu-
tions techniques. De l’œuf, ne faisons
pas un bœuf! »
L’ancien normalien Albert Thomas
(1878-1932), député socialiste de la
Seine, critique économique et social
des monopoles capitalistes, favorable
à leur nationalisation, rapporteur en
1911 de la commission du budget, va
se joindre prendre la croisade des
syndicats cheminots en faveur de l’at-
telage Boirault, croisant le fer avec
les compagnies, toujours en vain,
au moins avant guerre. Car ministre
apprécié de l’Armement durant la
Grande Guerre, nommé en 1923 à la
tête du Bureau international du tra-
vail (BIT), il pourra relancer au niveau
international et avec une plus grande
autorité la bataille de l’attelage auto-
matique!
(À suivre)
Georges Ribeill
[ du triage par gravité à l’attelage automatique…
re
partie)
1. G. Palaa,
Dictionnaire des chemins de fer,
Cosse et Marchal, 1864, p.319.
2. Voir la thèse de droit de G. Caurier,«La législation sur les accidents du travail dans ses applications
aux agents de chemins de fer»
,
Paris, Arthur Rousseau, 1909, p.21.
3. Bachellery, « L’attelage automatique des véhicules sur les chemins de fer américains »,
Annales des Mines,
1900, pp. 315-394.
4. G. Ribeill, « L’unité technique des chemins de fer en marche (1886-1908) »,
Chemins de fer,
n°496,
février2006, p.33.
5.
Les Cheminots, I. Le train et la voie,
La Guerre sociale, juin1910, pp. 133-135. Brochure reprise
dans leur livre
La Classe ouvrière,
1911.
6. Longtemps débattu au tournant du siècle, le principe de la retenue des amendes sur le salaire
est finalement tranché par la loi du 7décembre 1909 qui les interdit.
7. Autre règle internationale adoptée à Berne en 1886, la hauteur des tampons par rapport au niveau
des rails.
8. L. Bochet, « Attelage automatique des wagons de chemins de fer », Concours ouvert à Paris en 1912,
Annales des Mines,
1914, 2
e
livraison, pp. 57-123.
9. En ce qui concerne Talon, un prochain
Historail
consacrera un article complet à cet ingénieur du Midi,
inventeur de l’autocar sur rails.
10.
Bulletin de l’Association du congrès international des chemins de fer,
janvier1913, p.20.
11.
Bulletin de l’Association du congrès international des chemins de fer,
août1913, p.685.
12. Toutes les nuances du radicalisme et du socialisme sont représentées, ainsi que divers élus de droite:
Gauche démocratique: Lhopiteau (Eure-et-Loir, avocat), Chailley (Vendée, publiciste), Disleau (Deux-Sèvres,
avocat), Guillemet (Vendée, maire de Fontenay-le-Comte), Louis Baudet (Eure-et-Loir, bijoutier) ; Gauche
radicale: Lauraine (Charente-Inférieure, avocat), Ridouard (Vienne, graveur), Roch (Loire-Inférieure, avocat);
Gauche républicaine: Cachet (Orne, médecin); Parti radical-socialiste: Amiard (Seine-et-Oise, industriel),
Dalbiez (Pyrénées-Orientales, publiciste), Rabier (Loiret, avocat), Foucher (Indre-et-Loire, médecin), Régnier
(Allier, avocat), Messimy (Ain, administrateur), Besnard (Indre-et-Loire, avocat), Judet (Creuse, agriculteur);
Républicain-socialiste: Breton (Cher, ingénieur); Socialiste indépendant: Jourde (Gironde, négociant);
Socialistes: Groussier (Seine, mécanicien), Vaillant (Seine, médecin); Socialistes unifiés: Bedouce (Haute-
Garonne, négociant), Betoulle (Haute-Vienne, journaliste); Indépendants: Lemire (Nord, prêtre); Union
républicaine: Grosdidier (Meuse, industriel).
13. A. Pawlowski, « L’attelage automatique des wagons ».
42-
Historail
Juillet 2015
EN CO
Les rames
quadricourant suisses
L’interopérabilité des
sixties
TRAINSDELÉGENDE
Le TEE 23 Cisalpin à destination
de Lausanne et Milan arrive
en gare de Frasne
(1973, J. Avenas/Photorail).
EN COUVERTURE
«
Qu’est-ce que cette forêt de pan-
tographes sur le toit? Et pourquoi
cette armada de capteurs sous la
motrice? Vous n’avez décidément rien
compris! »,
se serait un jour emporté,
à Bruxelles, un haut fonctionnaire de
l’Union européenne, auquel un haut
responsable de la direction du Maté-
riel de la SNCF présentait le projet
Thalys. Dans la foulée du TMST
(Trans-
Manche Super Train),
qui avait été
développé pour les relations Eurostar
vers l’Angleterre au départ de la
France et de la Belgique, cette nou-
velle rame à grande vitesse « passe-
frontières » allait bientôt se déployer
sur les relations Paris – Bruxelles –
Amsterdam et Paris- Aix-la-Chapelle –
Cologne. Depuis, Thalys a acquis,
comme l’on sait, le statut d’une véri-
table
success-story.
Mais dans cette
seconde partie de la décennie 90,
Bruxelles n’avait les yeux de Chimène
que pour sa toute dernière initiative
ferroviaire, qu’il avait nommée ERTMS
(European Rail Traffic Management
System).
Concevoir
ex-nihilo
nouveau système de contrôle-com-
mande unique pour l’ensemble des
réseaux européens, et qui se substi-
tuerait à leurs différents types de
signalisation, était certes une excel-
lente idée pour accélérer ce que
Bruxelles lui-même avait dénommé
l’« interopérabilité ». Mais ERTMS ne
répondait pas à la problématique des
systèmes d’électrification différents
d’un pays à l’autre. Et il ne pouvait
pas davantage prétendre remplacer
au pied levé, et à la vitesse de l’éclair,
l’intégralité des signaux, contrôles de
vitesse et autres transmissions voie-
machine de tout poil, pour la simple
raison qu’au chemin de fer on part
rarement d’une page blanche: les ins-
tallations fixes déjà existantes repré-
sentent toujours des investissements
très élevés, qui ne peuvent s’amortir
que sur de nombreuses décennies, et
qui se caractérisent, de surcroît, par
une exceptionnelle longévité…
Les anciennes administrations fer-
roviaires, récemment rebaptisées
« opérateurs historiques », n’avaient
pourtant pas attendu Bruxelles pour
construire, jour après jour, l’Europe
ferroviaire. Les grands express euro-
péens ne sont-ils pas vieux comme le
chemin de fer? Très tôt, l’on s’était
déjà inquiété d’unifier les systèmes
d’alimentation électrique des voi-
tures voyageurs. Puis est venu le
temps des engins moteurs « passe-
frontières »: automoteurs diesels
d’abord, locomotives électriques et
automotrices polycourant ensuite. En
supprimant de la sorte tout « relais
traction », c’est-à-dire tout échange
de locomotive à la frontière, on rac-
courcissait d’autant les temps de par-
cours internationaux. Ainsi, certains
engins moteurs électriques d’un
réseau donné étaient déjà conçus
pour être aptes à circuler sous les caté-
naires et avec les systèmes de répéti-
tion des signaux en usage sur d’au-
tres réseaux. Les circulations de tels
engins depuis leur réseau d’apparte-
nance vers un réseau étranger s’ap-
pelaient des « interpénétrations ». La
règle était de parvenir à un équilibre
entre administrations des parcours
kilométriques réalisés hors de leurs
frontières. De longs parcours d’inter-
pénétration sur un réseau, mais qui
intéressaient un relativement faible
nombre de trains, pouvaient ainsi être
compensés par des incursions moins
profondes, mais avec beaucoup d’en-
gins. Lorsque cet équilibre ne pouvait
Ci-dessous:
le Cisalpin en gare
de Paris-Lyon
(1966,
Perrelle/Photorail).
Page de droite:
en haut, essai
d’une rame RAe en
gare de Paris-Lyon
en mars1961.
La mise en service
commercial du TEE
Cisalpin interviendra
le 1
juillet
(M. François/
Photorail);
en bas, une vue de
la voiture-restaurant
et du bar
(Pilloux/Photorail).
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 340451
être réalisé, il y avait alors mise en
place de compensations financières.
À partir de 1957, apparaissent sur les
réseaux européens les prestigieux TEE
(Trans Europ Express). Ces trains
rapides, exclusivement accessibles en
re
classe, et dont le confort a été par-
ticulièrement soigné, ont bien sûr
pour vocation première de franchir les
frontières. Leur temps de parcours
doit être aussi court que possible. Pas
question, alors, de devoir changer de
locomotive en cours de route! Les
premiers TEE font donc appel à des
automoteurs diesels spécialisés, qui
s’affranchissent bien évidemment des
frontières électriques. On se souvient
des RGP « rouges » françaises, des
VT 611 allemandes, des rames Breda
italiennes, ou encore des RAm dites
« néerlando-suisses ». La motorisa-
tion diesel n’est toutefois pas la bonne
solution. Elle demeure fragile, ne
permet pas encore de dépasser en
croisière les 140 km/h, et pêche par
des mises en vitesse forcément labo-
rieuses: autant d’inconvénients empê-
chant encore de proposer à la clientèle
de luxe et d’affaires qui emprunte
ces TEE des temps de parcours suffi-
samment attractifs. En réalité, seul le
recours à la traction électrique peut
significativement augmenter la puis-
sance massique. Et c’est la Suisse qui va
46-
Historail
Juillet 2015
EN COUVERTURE
voiture-restaurant digne des plus
grands trains de luxe d’autrefois…
À compter du 1
juillet 1961, les
quatre rames assurent les TEE 10/9
« Cisalpin » entre Paris et Milan. C’est
toujours un conducteur du réseau tra-
versé (français, suisse, ou italien) qui
est aux commandes, avec relèves en
gares de Vallorbe et Domodossola. Un
technicien du dépôt propriétaire de
Zurich accompagne la rame de bout
en bout. Il peut ainsi aider le conduc-
teur au dépannage en cas de défail-
lance technique. Dès les premières
semaines, le succès commercial est
fulgurant. Mais le 5octobre 1962,
c’est l’accident. Peu après Montbard,
vers 21h, alors qu’il file sur Paris à
140 km/h, le TEE 10 heurte le wagon-
citerne d’un train croiseur engageant
le gabarit de la voie 2, suite à son
déraillement après avarie d’une fusée,
qui avait occasionné une rupture d’at-
telage. On a raconté que ce train de
fret s’était une première fois arrêté en
ligne, son conducteur ayant constaté
une chute de pression anormale à la
conduite générale. L’aide-conducteur,
qui aurait été envoyé pour effectuer
la visite du train, n’aurait malheureu-
sement pas vu les accouplements
désemparés ni l’absence de signalisa-
tion d’arrière sur ce qui était alors sup-
posé être le dernier véhicule. Cette
version des faits, issue de la tradition
orale, est donnée sans aucune certi-
tude. On déplorera neuf morts, dont
le conducteur de la rame quadricou-
rant qui sera entièrement reconstruite.
Pas de chance, décidément, pour
le Cisalpin: moins de deux ans plus
tard, un nouvel accident survient, cette
fois dans le sens impair. Sur la voie
unique Frasne – Vallorbe, aux abords
de Labergement, une rame heurte un
engin de travaux publics au droit d’un
passage à niveau non gardé. La fré-
quentation du Cisalpin ne fléchira pas
pour autant. Les deux rames quadri-
courant employées journellement pour
couvrir le « Cisalpin » n’étaient pas
spécifiquement affectées à la relation
Paris – Milan. Elles étaient engagées
dans un roulement de trois journées
comprenant également deux autres
TEE, qui leur permettaient de rentrer
régulièrement à leur dépôt d’attache
de Zurich pour les opérations de main-
tenance. Victimes de leur succès, les
automotrices laisseront place, le 26 mai
1974, à des rames tractées avec voi-
tures Inox TEE…
Philippe Hérissé
Ci-dessous:
le 12février 1984
à Frasne, une rame
RAe TEE II
des CFF assure
la correspondance
pour Berne
du TGV «Lutecia»
en provenance
de Paris
et à destination
de Lausanne (moins
de 20 jours après
son inauguration
le 22janvier 1984,
N. Giambi).
Page de droite,
de haut en bas:
à Bretonnières, la
rame quadricourant
ex-TEE Rae 1053,
venue à Vallorbe
pour les 100 ans
du tunnel
du Mont-d’Or,
repart vers Olten
en fin de journée
(16mai 2015,
F. Lanoue).
La rame RAe TEE II
n° 1053 de 1961,
préservée par SBB
Historic, a participé
aux festivités
du centenaire
en gare de Vallorbe.
Elle a assuré un AR
depuis Olten.
Elle est vue ici à
Croy-Romainmôtier,
dans le canton
de Vaud (16mai
2015, C. Masse).
Juillet 2015
Historail
une nouvelle impulsion. En Belgique,
des projets longtemps endormis res-
surgissent ainsi de façon spectaculaire
comme le tram de Liège ou le prémé-
tro d’Anvers dont certains tunnels
creusés il y a plus de 30 ans sont enfin
parcourus par des tramways.
Plus surprenant encore, cette vague
de renouveau touche aussi l’Afrique
du Nord à commencer par l’Algérie.
Alger, Oran, Constantine possèdent
désormais leur tramway et les pro-
jets sont nombreux. Mostaganem,
Annaba, Sétif ou encore Batna ont
choisi le tram même si la vague
d’austérité liée à la chute des cours
du pétrole pouvait compromettre
certains projets. Historiquement,
seules les villes d’Alger et d’Oran ont
vu rouler des tramways qui progres-
sivement ont disparu à l’aube des
années 60 alors que le pays recou-
vrait son indépendance. Mais c’est
sans conteste Alger qui a possédé
le réseau le plus étonnant, d’une
modernité à faire pâlir d’envie les
métropoles hexagonales.
À l’époque coloniale, Alger est déjà
la capitale d’un vaste territoire qui sera
divisé en trois départements dès
la première moitié du XIX
siècle. La
population de la ville va considéra-
blement s’accroître au cours de son
histoire pour passer de 30000 habi-
tants en 1830 à près de 200000 en
1900, le double en 1940. Cette pro-
gression accompagne en fait un for-
midable développement de la cité
où sont ouvertes de nouvelles artères
larges et modernes bordées d’im-
meubles de style haussmannien.
Des transports
pour accompagner
le développement d’Alger
Comme dans toute grande métro-
pole, la croissance crée un besoin de
transports, d’abord pour relier les
autres villes, puis pour se déplacer au
sein même de l’aire urbaine. La cité
turque d’origine est essentiellement
constituée du quartier de la Casbah.
La nouvelle ville européenne va se
heurter à une topographie limitant
son développement. Rapidement, elle
vient buter sur des collines qui sem-
blent la repousser vers la mer. Difficile
d’y établir de grandes percées et les
courants de circulations vont s’opérer
essentiellement le long de la façade
maritime à l’image de la ligne de che-
min de fer dont la gare centrale vient
s’aligner près du port.
Les grandes lignes de chemin de fer
en Algérie vont pareillement se consti-
tuer le long de la Méditerranée où se
concentre l’essentiel de la population.
Les grandes villes d’Oran, Alger,
Constantine et Bône (aujourd’hui
Annaba) sont bientôt reliées d’ouest
en est par le rail, le réseau étant
concédé à cinq grandes compagnies
parmi lesquelles on retrouve notam-
ment le PLM.
Rame Thomson
de 1898 avec
baladeuse devant
la Grande Poste.
F. Collardeau
Photorail-SNCF ©
Après la mise en place de ce réseau
d’intérêt général à grand gabarit, on
va bientôt s’atteler à la constitution
d’un maillage complémentaire établis-
sant le rabattement vers les grands axes
de chemin de fer. Autour d’Alger, la
CFRA, compagnie des Chemins de fer
sur route d’Algérie va ainsi établir des
liaisons d’intérêt local par le rail.
Comme l’explique Henri Lartilleux dans
Géographie des chemins de fer fran-
, le département accorde à la com-
pagnie la concession des lignes de
grande banlieue. Ce chemin de fer à
vapeur va étendre sa toile dans la péri-
phérie d’Alger. L’une de ses lignes prin-
cipales traverse également l’agglomé-
ration de part en part assurant de fait
une desserte urbaine de proximité.
Ces lignes viennent remplacer desser-
vices hippomobilesqui sont apparus
dès les premiers temps de la coloni-
sation. Leur efficacité toute relative
visait avant tout à faire face à un cruel
manque de transports. Ces diligences
et autres omnibus vont ainsi s’éten-
dre dans tout le pays, plusieurs lignes
desservant les environs d’Alger. Ils sont
bientôt connus sous le nom de
corri-
colos
, un mot déformé probablement
dérivé de l’espagnol
carro
pour cha-
riot. Ces lignes se mettent en place
de façon plus ou moins anarchique
sans que les autorités ne les organi-
sent. Elles portent des noms poétiques
comme la
Gazelle
, le
Lézard
encore le
Berceau d’amour
. La pra-
tique est courante à l’époque à
l’image des services d’omnibus mis en
place à Paris, qui portent les noms de
Tricycles
, de
Batignollaises
ou encore
de
Constantines
pour répondre à la
mode algérienne. Davantage que des
omnibus de ville, ces
corricolos
sont
des diligences qui dans l’aire urbaine
assurent tant bien que mal une des-
serte de proximité.
À mesure que la ville d’Alger va s’éten-
dre vers les banlieues, le service de ces
voitures va apparaître largement insuf-
fisant. Il est bientôt nécessaire de déve-
lopper d’autres moyens plus efficaces
pour répondre à la demande de trans-
ports. C’est ainsi qu’on va commen-
cer à parler de tramways, d’abord à
vapeur puis électriques.
La ville d’Alger va ainsi connaître trois
compagnies qui vont chacune déve-
lopper leur propre réseau de façon
tout à fait autonome et dans un esprit
concurrentiel. La fusion souhaitable
de ces lignes n’interviendra qu’à la
toute fin des années 50 avec la créa-
tion d’une régie départementale à
l’heure où les tramways tirent leur
révérence.
Le premier réseau à voir le jour est
donc celui de la CFRA, la compagnie
des Chemins de fer sur route d’Algé-
rie à vocation suburbaine. Viennent
ensuite les Tramways algériens plus
connus sous leur abréviation de TA
qui visent à assurer la desserte locale
d’Alger. À côté de ces deux compa-
gnies, on trouve un challenger inat-
tendu, les TMS, les Tramways et
messageries du Sahel qui exploitent
une ligne suburbaine reliant Alger à
Ben Aknoun.
Les CFRA font
du tramway par hasard
Le premier tramway d’Alger va fina-
lement voir le jour à la toute fin du
XIX
siècle. La Compagnie des che-
mins de fer sur route d’Algérie va
progressivement ouvrir des lignes à
vocation suburbaine dans les environs
de la métropole. Pourtant, dans sa
traversée d’Alger, ce chemin de fer va
établir de fait une desserte de
proximité qui va bientôt en faire un
tramway urbain. Ses caractéristiques
techniques le rapprochent malgré tout
davantage du chemin de fer d’intérêt
local. C’est en 1894 qu’une première
ligne est mise en service de El Affroun
à Marengo. Elle est exploitée en
vapeur par des convois chaotiques qui
circulent sur une voie à l’écartement
inusité de 1,055m. On est encore loin
56-
Historail
Juillet 2015
Le tram des CFRA
à L’Oasis
des Palmiers,
devant l’entrée
du Jardin d’Essai.
Photorail-SNCF ©
Le premier réseau à voir le jour est celui de la
compagnie des Chemins de fer sur route d’Algérie.
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 340561
Juillet 2015
Historail
d’Alger et cette courte ligne de 20km
est davantage destinée à assurer la
liaison vers l’artère Alger – Oran du
PLM. En 1898, la CFRA ouvre une
autre ligne qui s’étire sur 37km reliant
Alger à Rovigo en passant par Mai-
son-Carrée. Ce chemin de fer connaît
peu de circulations voyageurs, entre
trois et 10 par jour, l’essentiel du tra-
fic concernant les marchandises.
Pourtant dans sa traversée d’Alger de
Maison-Carrée à Deux-Moulins, la
ligne va assurer une desserte urbaine
et rencontrer une fréquentation plus
importante. La CFRA va bientôt déci-
der de réorienter son exploitation en
concentrant son activité sur les voya-
geurs. Elle est ainsi électrifiée de
Maison-Carrée à Deux-Moulins et
transformée en tramway. Les autres
lignes du réseau restent tournées vers
le transport de marchandises toujours
exploité en vapeur. Les trafics sont
séparés en ville et un tunnel de 800m
est creusé qui permet à la ligne de
Castiglione affectée aux marchandises
de rejoindre le port sans emprunter
les boulevards du centre-ville réservés
aux tramways.
La CFRA va ainsi exploiter en paral-
lèle ces deux réseaux, l’un vapeur
chaotique axé sur les marchandises
où les voyageurs sont négligés, l’autre
performant et électrifié à vocation
urbaine. Ce partage se maintient
jusqu’en 1926,date à laquelle la
CFRA abandonne ses lignes vapeur.
Le réseau électrique est exploité sous
forme de régie intéressée, la propriété
du matériel restant au département.
Progressivement, le déclin du premier
va s’amorcer, concurrencé par toutes
sortes de transports sur route plus com-
pétitifs. Dans le même temps, le second
prend de l’ampleur pour desservir les
nouveaux quartiers qui apparaissent
avec le développement de la ville. À
partir de Champ-de-Manœuvre, une
antenne est ainsi ouverte vers Kouba
desservant au passage Mustapha-Infé-
rieur et Belcourt. Cette nouvelle ligne
connaît un grand succès confirmant
la vocation urbaine du tramway. La
CFRA va ainsi exploiter cinq lignes de
tramways électriques:
1. Place-du-Gouvernement – Maison-
Carrée
2. Nelson – Le Ruisseau
3. Le Ruisseau – Hussein-Dey
4. Champ-de-Manœuvre – Deux-
Moulins
5. Le-Ruisseau – Kouba
Des téléphériques et des ascenseurs
La difficile topographie de la ville d’Alger va conduire à la mise en place de transports
complémentaires. Deux ascenseurs vont ainsi être installés au port après la Première
Guerre mondiale pour rattraper la différence de niveau entre la ville et les quais.
Construits par Otis et placés dans des tours élégantes, les ascenseurs sont exploités
par la CFRA comme un mode de transport urbain. Ils vont assurer un trafic
conséquent avant de connaître un triste sort. L’un des deux est sacrifié durant
la guerre quand il apparaît que sa tour sert de point de repère aux avions
bombardant la ville. L’autre ascenseur qui assure la liaison avec le boulevard Carnot
va cesser son activité dans les années 80 faute d’entretien.
Un autre ascenseur est également ouvert en 1936 au niveau du Gouvernement
général. Exploité cette fois par les TA, il relie la rue Tancrède à la rue Berthezène.
Tout comme celui du boulevard Carnot, il va lui aussi faire les frais du temps qui passe
et cesser son exploitation. Dans les deux cas, les installations sont restées en place
et il se pourrait bien que les ascenseurs reprennent du service. Les autorités viennent
en effet de décider leur réhabilitation et des appels d’offres pourraient bientôt
intervenir pour une restauration complète.
C’est plus tardivement dans les années 50 qu’on décide d’établir un téléphérique
entre la rue de Lyon (48m) et la cité de Diar El Mahçoul (131m). Le téléphérique
du Marabout va dès sa mise en service en 1956 rencontrer un grand succès.
Exploité par les TA, il permet l’ascension en 70 secondes des 220m qui séparent
les deux quartiers de la ville. Toujours en service, il est désormais exploité par l’Etusa
en charge du réseau de surface. Dans les années 80, trois autres lignes
de téléphérique ont été ouvertes à Alger.
Deux trams
de la CFRA se
croisent boulevard
de France,
face au port.
Photorail-SNCF ©
Tirage disponible
cf.
p. 4
Réf. 340571
La contexture du réseau va rester
identique pour de nombreuses
années. Le matériel roulant d’origine
mis en service en 1898 va peu à peu
accuser son âge à mesure que le
réseau monte en puissance. Sa
modernisation va passer par l’intro-
duction d’autobus en 1935, notam-
ment des services directs Alger – Mai-
son-Carrée. Un prototype de rame
articulée motrice +remorque fait éga-
lement son apparition en 1937. Ce
matériel réversible permet de faciliter
les manœuvres sur la ligne du Ruis-
seau. Il est directement réalisé par la
CFRA à partir des anciennes motrices
et remorques de 1898 qui sont
reconstruites et assemblées pour for-
mer de nouvelles rames. Devant les
bons résultats obtenus, on décide de
généraliser ce matériel sous deux
types de compositions, d’abord M+R
puisM+R+M, deux motrices enca-
drant une remorque. Ces tramways
recarenés ont une allure moderne et
permettent à la CFRA de disposer d’un
matériel à la hauteur de l’exploitation.
En version à deux caisses, ces trams
peuvent transporter 120 voyageurs,
180 en trois caisses. En parallèle le
réseau est complété par de nouvelles
lignes de trolleybus et d’autobus.
Les années de guerre vont conduire la
CFRA à réorganiser son réseau pour
plus de rationalité. Plutôt que de met-
tre en place de nouveaux tramways,
l’autobus et le trolleybus étendent
leur toile, reprenant çà et là une
ligne ou une antenne. L’introduction
de trolleybus sur la section Place-
du-Gouvernement – Deux-Moulins
entraîne la disparition des derniers
anciens tramways de 1898. En 1950,
la ligne 1 Maison-Carrée – Place-du-
Gouvernement est à son tour totale-
ment convertie à l’autobus. En 1955,
les dernières rames de la CFRA
cèdent la place aux autobus et aux
trolleys qui vont désormais régner en
maîtres.
Un tramway
sur les hauteurs d’Alger
Face à la CFRA, d’autres lignes de
tramways vont voir le jour. La plus
étonnante est sans doute celle des
TMS,la compagnie des Tramways et
messageries du Sahel. La concession
départementale accordée en 1901
à la famille Aubry va permettre la
construction de cet improbable tram-
way. Les TMS ne comportent qu’une
ligneentre la place du Gouvernement
et Ben-Aknoun. Sa particularité sera
entre autres de s’attaquer à un profil
de 6% compliqué par une série de
courbes et contre-courbes en épingle.
Depuis le centre-ville en passant par
la rue de la Lyre et les lacets de
Rovigo, la ligne atteint l’altitude de
260m au km 8 à l’arrivée à Ben
Aknoun. Huit motrices et quatre
remorques sont affectées à l’exploita-
tion, le dépôt étant situé à Château-
neuf quelques kilomètres avant
le terminus.
La ligne rencontre rapidement le suc-
cès jusqu’à la mise en place par les TA
d’un service d’autobus vers El Biar qui
par un trajet plus long mais moins tor-
tueux vient concurrencer les TMS. La
compagnie dont la situation financière
58-
Historail
Juillet 2015
INTERNATIONAL
Alger, une capitale
haussmannienne
À l’origine simple chef-lieu d’un département
d’outre-mer, Alger est bien une capitale. Les
urbanistes de la ville nouvelle ne s’y trompent
pas et c’est une impressionnante ville
haussmannienne qu’ils vont édifier. De larges
avenues vont ainsi voir le jour, bordées
d’immeubles en pierre de taille qui n’ont rien
à envier à Paris. Parmi elles, l’une des plus
réputée est sans doute la rue Michelet (devenue
Didouche-Mourad), une longue artère rectiligne
qui constitue l’un des plus beaux axes d’Alger. Et
c’est tout naturellement que les tramways vont
venir s’y aligner, tranchant avec les rues étroites
qui grimpent vers les hauteurs de la ville.
De beaux
immeubles
haussmanniens
bordent les artères
d’Alger comme ici
rues Dumont-
d’Urville
et Henri-Martin.
Page de droite:
le plan schématique
des trams extrait
d’«Alger – Guide
1928».
On y retrouve
les lignes des trois
compagnies CFRA,
TA et TMS;
composition MRM
pour ce tram
reconstruit par les
CFRA boulevard
Anatole-France
(février1951).
Photorail-SNCF ©
se dégrade rapidement cesse son acti-
vité en 1937 et le département rétro-
cède la ligne à la CFRA. Le nouvel
exploitant s’empresse alors de suppri-
mer cet improbable tramway pour le
remplacer par un trolleybus plus
adapté aux courbes de Rovigo.
Face à la CFRA, les Tramways algé-
riens vont constituer un véritable
concurrent. Les TA entendent cette
fois mettre en place un réseau à voca-
tion purement urbaine sans désir de
s’étendre au-delà des limites de la ville.
Comme l’explique Jean Arrivetz dans
le n°210 de la revue
Chemins de fer
régionaux et urbains
, il s’agit pour l’es-
sentiel d’accompagner le développe-
ment d’Alger et de desservir les nou-
veaux quartiers qui apparaissent sur
les hauteurs. C’est la municipalité qui
accorde cette concession aux TA qui
constituent rapidement un réseau
moderne inspiré en partie de celui de
Paris. Fondée en 1898, la société est
une filiale de Thomson-Houston qui
développe alors ses activités dans l’ex-
ploitation. Le réseau des TA va s’arti-
culer sur une ligne parallèle au bord
de mer qui grimpe sur les hauteurs
de Mustapha avant de desservir les
deux terminus de Colonne-Voirol et
Boulevard-Bru. Cette longue ligne est
par la suite scindée en trois, exploitée
depuis Hopital-Dey jusqu’à Plateau-
Saunière et d’Opéra vers Colonne-
Voirol et Bru. Logiquement le matériel
roulant est fourni par Thomson. Les
deux lignes de la CFRA et des TA s’éti-
rent en parallèle face à la mer et l’idée
de les regrouper va bientôt germer.
Ce réseau assez basique va au fil du
temps s’avérer trop réduit à mesure
que la ville se développe. La topogra-
phie générale vient compliquer un
peu l’exploitation, la plupart des nou-
velles artères construites sur les hau-
teurs se révélant de faible largeur, vite
encombrées par un tramway.
Un métro pour Alger?
Une nouvelle convention passée en
1925 prévoit une extension du
réseau. Elle est bientôt jugée insuffi-
sante et 3 ans plus tard la municipa-
lité et le conseil général envisagent,
pour fluidifier le trafic, une mise en
souterrain partielle des tramways
le long du front de mer. Il s’agit de
reprendre les lignes des deux réseaux
TA et CFRA, qui se retrouveraient en
tronc commun sur un axe central
enterré. Cette vision globale d’un
transport en partie unifié est facilitée
par un écartement identique de
1,055m sur les deux réseaux. Il va
pourtant se heurter à des impératifs
financiers, et le coût faramineux du
projet estimé alors à 600millions
de francs va rapidement conduire à
son abandon. Néanmoins, l’idée d’un
réseau souterrain fait son chemin,
imposée par la géographie générale
de la cité. Bientôt, on va commencer
à parler de métro même si ce doux
rêve attendra en fait plus de 80 ans
pour devenir réalité.
60-
Historail
Juillet 2015
INTERNATIONAL
CFRA, un réseau vapeur bientôt sacrifié
En 1926, l’exploitation des lignes de la CFRA est scindée en deux, celle-ci gardant
uniquement les lignes urbaines électriques sous forme de régie intéressée. Les lignes
rurales à vapeur sont quant à elles rattachées aux CFA, les Chemins de fer algériens
de l’État qui vont se sentir peu concernés par ce réseau. Cette attribution va conduire
à la liquidation des liaisons vapeur entre 1933 et 1935. La suppression des services
voyageurs intervient dans un premier temps, bientôt suivie par les marchandises.
Dans le lot est également sacrifiée la ligne de l’Ouest qui traversait le centre-ville
d’Alger en souterrain sur 800m, avec de longues sections en site propre. Une sorte
de métro avant l’heure qui aurait mérité une mise à niveau pour une exploitation
à vocation urbaine.
F. Collardeau
Le nouveau dépôt
Yusuf des TA
avec, à gauche,
des trolleybus Vetra
et, à droite,
les véhicules
construits sur place
avec plate-forme
arrière. Les trams
sont remisés
en sous-sol.
culations en tunnel. Le freinage est
électrique rhéostatique couplé à un
système par air comprimé. Trois agents
prennent place dans chaque rame, un
conducteur (séparé par une vitre) et
deux receveurs dans chacune des
caisses.
Ce beau matériel qui marque le
renouveau du tramway français ne
circulera finalement jamais en tunnel.
Il sera utilisé dans les rues d’Alger dont
certaines par leur étroitessene per-
mettront pas d’exploiter au mieux ses
incroyables performances. Sur les hau-
teurs de la ville, on pourra même s’in-
terroger sur l’opportunité d’utiliser ces
rames pensées comme un métro.
Des trolleybus construits
sur place
L’introduction des Satramo va per-
mettre aux TA d’envoyer à la casse
tous ses anciens tramways, à l’excep-
tion d’une motrice utilisée comme
matériel de service. Cette modernisa-
tion sans précédent va s’accompagner
d’un développement dutrolleybus
qui apparaît au début des années 30
comme très performant. Son excep-
tionnelle adhérence en forte rampe,
comparée à celle du tramway, va
conduire à l’expérimenter pour la des-
serte de Notre-Dame d’Afrique, la
basilique installée sur les hauteurs
d’Alger. La nouvelle ligne est ouverte
en 1934, équipée de véhicules Vétra
C835. Cette expérimentation donnant
satisfaction, les TA décident de s’équi-
per massivement en trolleybus, dont
les performances notamment dans des
rues au profil de 13% donnent les
meilleurs résultats. Vétra, déjà acca-
paré par les commandes de Rouen ou
de Strasbourg, ne sera pas en mesure
de livrer Alger à la hauteur de ses
besoins. C’est donc sur place, à partir
de châssis d’autobus et équipés des
moteurs des anciens trams de Rouen,
(eux-mêmes rachetés pour certains à
Paris), que seront construits ces trol-
leybus algérois. On va donc imaginer
un modèle unique équipé notamment
d’une plate-forme arrière à l’image des
62-
Historail
Juillet 2015
INTERNATIONAL
La guerre ouverte des transports à Alger
Historiquement c’est l’Etusa, héritière de la RSTA, qui exploite les autobus,
les ascenseurs et les téléphériques de la ville. Dans une moindre mesure Transub est
également en charge de quelques lignes urbaines et suburbaines. L’entreprise est
en situation de monopole et met en place un service public avec des tarifs encadrés,
des dessertes et une amplitude horaire adaptés aux besoins des populations.
Cet équilibre va voler en éclats quand le marché du transport urbain est ouvert
à la concurrence par la loi en 1988. Plusieurs milliers d’opérateurs privés vont arriver
sur le marché avec des minibus qui se faufilent facilement dans la circulation. S’ils
exploitent des lignes définies par avance, ces nouveaux opérateurs vont pour certains
s’affranchir des règles et ne plus offrir les mêmes conditions d’exploitation
qu’un service public ordinaire. Les tarifs restent encadrés mais les itinéraires sont plus
aléatoires et l’absence de couloirs réservés (sauf 1km rue Didouche-Mourad) pénalise
le bus traditionnel prisonnier de la circulation. Le réseau lui-même est devenu
peu lisible par l’usager, de nombreux arrêts n’étant pas matérialisés, et le parcours
des lignes se modifie fréquemment en raison des embouteillages. Certains secteurs
ne sont plus desservis, d’autres au contraire souffrent d’une concurrence anarchique.
Aujourd’hui à Alger, la part du transport public est tombée à 19%, le reste, 81%,
revenant au privé. L’arrivée du métro avec l’EMA va faire intervenir des opérateurs
supplémentaires avec une grille tarifaire différente. Durant la période de 2000
à 2012, l’insuffisance de l’offre de transports, malgré la mise en service du métro
et du tramway, va faire exploser le nombre de véhicules particuliers qui passent
de 600000 à 1,7million.
Face à ces difficultés, les autorités ont décidé de remettre à plat la question
de la circulation à Alger, tous modes confondus. Une nouvelle réorganisation
générale des déplacements devrait permettre de redonner leur place aux organismes
publics EMA et Etusa.
Les Satramo,
conçues pour rouler
en souterrain,
se sont retrouvées
dans les rues
étroites d’Alger.
F. Collardeau
Alger choisit le monorail
Un métro dont on parle déjà depuis
très longtemps. Après les projets des
années 30, c’est la RSTA qui dès sa
création va rouvrir le dossier. Son nou-
veau directeur M. Caron aborde
sérieusement le sujet dans un entre-
tien à
L’Écho d’Alger
en novembre
1959 repris dans l’ouvrage de Marie
Gil et Bernard Pleutin,
Alger 1892-
1962, les transports urbains
On y découvre que la question du
métro semble quasiment tranchée,
seul le mode retenu restant encore à
définir. Plusieurs dossiers s’affrontent
bien que les dirigeants de la RSTA
semblent avoir déjà fait leur choix.
Le projet Langevin tout d’abord, pro-
pose un métro souterrain en Y au
départ de Bouzaréa et El Biar vers le
centre-ville avec un terminus à la
Grande Poste. Cemétro qui roulerait
sur pneus serait déployé sur deux
lignes pour un montant estimé de
30milliards de francs environ. Le choix
d’un métro sur pneus illustre la grande
modernité de ce projet en 1959,
sachant qu’il ne roule à Paris que
depuis novembre1956.
L’autre option envisagée, c’est cet
incroyable monorail aérien qui sem-
ble plus sérieusement encore retenir
l’attention de la RSTA. À l’image de
celui qui circule à Wuppertal depuis
1901, le monorail d’Alger propose
une traversée de la ville sans encom-
brer la voirie souvent réduite grâce à
une faible emprise au sol. Ce monorail
circulerait à l’air libre avec quelques
sections souterraines. Composé de
rames de deux à quatre voitures à
roulement sur pneus, son coût est
estimé à 22milliards francs pour la
seule première tranche.
Cette solution très novatrice semble
avoir les faveurs de M. Caron alors
que la société Safege développe à la
même époque son étonnant mono-
rail. Une piste d’essai est même
construiteà Châteauneuf-sur-Loire
pour démontrer la viabilité du projet.
Pour se faire une idée plus précise de
cet engin révolutionnaire, il faut se
INTERNATIONAL
DR/Photorail
M. Cassy
Engin futuriste, le monorail Safege a bien
failli devenir le métro d’Alger… Silencieux,
confortable et au prix de revient
intéressant, plusieurs villes étrangères
susceptibles de s’équiper ont délégué
des observateurs. L’accès des voyageurs
se fait par une passerelle identique à
celles des avions… (23février 1960).
En vignette: intérieur de la voiture
en marche. Grandes baies, éclairage
fluorescent, silence à l’intérieur
de la caisse, les voyageurs se relaxent.
Il faudra tout de même attendre la
décennie suivante pour que les entre-
prises de BTP algériennes se voient
confier la réalisation d’une première
ligne de six stations comprenant
3,5km de tunnel et un centre de
remisage. Ce redémarrage du chantier
du métro va malheureusement se
heurter au contexte politique de ces
années 90 où l’Algérie connaît un cli-
mat de quasi-guerre civile. Les travaux
sont finalement interrompus et vont
rester plusieurs années au point mort.
Passée cette période douloureuse, les
autorités décident de relancer le pro-
jet de métro désormais inscrit dans le
cadre d’une politique de grands tra-
vaux visant à doter l’Algérie d’infra-
structures nouvelles. En 2003, les
Algérois commencent à y croire quand
le groupement germano-algérien
Gamma s’engage dans la construc-
tion de 4km de lignes à réaliser dans
un délai de 40 mois. En 2006, l’En-
treprise du métro d’Alger en charge
du dossier accorde au groupement
SVC (Siemens Vinci Construction)
associé à CAF, le constructeur ferro-
viaire espagnol, la réalisation d’un sys-
tème complet de métro. En 2010,
RATP-Dev est retenue pour en assu-
rer l’exploitation pour 8 ans. Le métro
est désormais lancé et fin 2008, les
deux premières rames sont livrées à
Alger. Le projet comporte à terme trois
lignes étendues sur 40km.
Le 1
novembre 2011, jour de la fête
nationale, le métro d’Alger est enfin
ouvert au public. Cette première ligne
relie Tafourah-Grande-Poste au quar-
tier d’Haï-el-Badr sur 9,5km et huit
stations. Construit à grande profon-
deur (environ 20m), le métro est
dimensionné pour une capitale de
2,2millions d’habitants. Sur la ligne1,
plusieurs extensions sont en travaux
dont la mise en service devrait inter-
venir courant 2016. Dès l’été 2015,
66-
Historail
Juillet 2015
INTERNATIONAL
Le TFS, des faux airs des Satramo d’Alger?
À l’heure de la définition d’un nouveau matériel de tramway au début des années 80, il s’est écoulé plus de 40 ans depuis
que le dernier tram français est sorti d’usine. Alsthom, sollicité, va imaginer un matériel appelé à devenir la norme, le TFS,
Tramway français standard qui équipera la ville de Nantes. Redessiné pour les nouveaux réseaux de Grenoble et Rouen, la
nouvelle version du TFS comprend deux caisses entourant une articulation centrale. Étrangement, la même configuration
que les rames Satramo d’Alger même si les dimensions sont différentes. Après la liquidation de la Satramo, Vétra
constructeur de trolleybus reprend officiellement l’héritage de la société, avant d’être à son tour absorbé plus tard
par Alsthom. Pourtant plus de 40 ans se sont écoulés entre les deux matériels et aucun des ingénieurs du tram d’Alger
n’a pu travailler sur celui de Grenoble. On peut simplement se demander si les plans très en avance de la Satramo
ont été conservés et s’ils n’auraient pas par hasard inspiré les concepteurs du tramway de Grenoble… Une interrogation
qui restera malheureusement sans réponse.
Le chantier du métro, devant la célèbre Grande Poste d’Alger
en décembre1997.
Un indéniable air de famille entre la Satramo de 1937 (photo F. Collardeau,
1951) et le TFS de 1987 malgré les 50 ans qui les séparent (Ph.-E. Attal).
J. Darmagnac
70-
Historail
Juillet 2015
TRAFIC DE DENRÉES
La rame des
wagons Stef attend
son chargement.
Elle quittera la gare
d’Espère-Caillac
à 1h30 du matin.
Destination Paris,
les marchés
du Nord
et de Grande-
Bretagne.
Les « trains des fraises » de la vallée du Lot:
une fragile mais fructueuse épopée
Un fruit de grande qualité assuré d’un débouché rémunérateur
sur le carreau des Halles de Paris, des terres bien exposées et pas trop
éloignées d’une gare, voilà comment on peut se lancer avec succès dans
la culture de la fraise. Avec un succès d’autant plus assuré que la variété
retenue, par sa chair ferme, résiste bien aux chocs des wagons attelés
de gare en gare pour former un train complet. Telle est l’histoire
de la « Ricart », cette « fraise du Lot » renommée entre les deux guerres
et à laquelle la Compagnie d’Orléans apportera toute sa bienveillance…
Mais la crise et la concurrence des années 1930 feront surgir d’autres
variétés, aux atouts différents! Après guerre, d’autres opportunités vont
réduire au fil des ans le nombre de fraisiculteurs lotois, et un beau jour,
la SNCF refusera de prendre en charge des expéditions trop faibles
quoique concentrées dans une gare unique, sur la ligne de Paris…
Archives départementales du Lot
Les fraises, dont le transport est si délicat,
voyageront ainsi aux heures les plus fraîches
de la journée et pourront être livrées aux
Halles centrales en temps utile pour per-
mettre aux destinataires de classer avec soin
les paniers de fruits et de les présenter à la
vente à l’heure la plus favorable.
Le nouvel horaire donné ci-après pour les
principales gares d’expédition, aura, en
outre pour résultat de diminuer de plus de
6heures (départ de 9h du soir de Mon-
tauban par exemple au lieu de 3h) la durée
du transport des fraises expédiées sur l’Al-
lemagne et sur l’Angleterre puisque le train
spécial à marche rapide conduira en même
temps les fraises envoyées à Paris et celles
envoyées à l’étranger.
– Départ de Montauban: train spécial 9h
soir.
– Départ d’Espère: train 1128, 7h17 soir.
– Départ de Cajarc: train spécial, 7h53
soir.
– Départ de Calvignac: train spécial,
8h16 soir.
– Départ de Saint-Martin-Labouval: train
spécial, 8h30 soir.
– Départ de Conduché: train spécial 8h49
soir.
– Départ de Saint-Géry: train spécial,
9h13 soir.
Toutefois, lorsque le nombre de wagons
remis par les gares de la ligne de Capde-
nac à Cahors sera insuffisant pour justi-
fier la mise en marche d’un train spécial
sur cette ligne, l’acheminement aurait lieu
dans les conditions suivantes jusqu’à
Cahors:
– Départ de Cajarc: train 1026, 6h16 soir.
– Départ de Calvignac: train 1026, 6h27
soir.
– Départ de Saint-Martin-Labouval: train
1026, 6h37 soir.
– Départ de Conduché: train 1026, 6h53
soir.
– Départ de Saint-Géry: train 1026, 7h10
soir.
Il est vrai qu’à cette époque, sous
l’égide de l’ingénieur des ponts et
chaussées Richard Bloch, la Compa-
gnie d’Orléans confie en 1903 à un
Service agricole
la propagande pour
assister les producteurs et expéditeurs
dans la conquête de nouveaux mar-
chés
: outre le marché de référence
des Halles de Parisoù se joue la
course de vitesse aux primeurs, l’An-
gleterre, l’Allemagne, moins favori-
sées pour leurs productions que les
pays plus méridionaux, sont visées. Le
service sera confié à un jeune ingé-
nieur agronome (promotion 1897 de
l’École nationale d’agronomie), Ernest
Poher, auteur du premier manuel de
commerce des produits agricoles du
point de vue ferroviaire
L’entre-deux-guerres:
l’âge d’or de la « fraise
du Lot », la « Ricart »
En 1922, l’ancien directeur de l’Office
technique du ministère de l’Agricul-
ture, Armand Bouat, devenu conseil-
ler général du Lot, prodigue de bons
conseils aux agriculteurs lotois pour
commercialiser leur production
. Pour
souligner les atouts de la « Héricart»,
cette
« reine des fraises »
« très appré-
ciée à Paris »
où sa réputation assure
« les cours les plus élevés »
sur le car-
reau des Halles, il cite le sieur Decremps
de Cajarc, qui, à Paris, le 2juin 1921, a
vendu 63,5kg de fraises en 20 paniers,
de 8 à 9 fr. le kilo, une recette brute
de 521 fr.: soit, tous frais déduits, un
bénéfice de 412,85 fr.! Mais Bouat
réprimande toutefois quelque peu les
fraisiculteurs lotois pour leurs pra-
tiques
« Certains producteurs n’ap-
portent pas à la culture de la fraise tous
les soins nécessaires. Un bon paillage
surtout est indispensable, la fraise ter-
reuse se vend mal. Il faut aussi bien soi-
gner l’emballage (certains remplissent
trop les paniers, d’autres pas assez). Il
faut encore couvrir les paniers avec
du bon et beau papier bien propre,
blanc, rose ou rouge. Les autres cou-
leurs conviennent moins. »
Et d’insister
aussi:
« Un bon emballage, une bonne
présentation des fruits ont une grande
influence sur les prix. »
Selon les habitudes prises d’un
congrès annuel ciblé sur l’une des pro-
ductions agricoles dont son réseau
peut profiter, le PO tient un congrès
72-
Historail
Juillet 2015
TRAFIC DE DENRÉES
Coll. famille Parra-Polynice
Bordereau de réception de lots de fraises, envoyé par un mandataire
parisien au propriétaire expéditeur en 1956.
Juillet 2015
Historail
[ les « trains des fraises » de la vallée du Lot…]
des petits fruits de table à Blois en
1926, prenant en charge l’édition et la
diffusion des actes
. Seul un Lotois
de Parnac, Ernest Pons, s’est rendu à
ce congrès. Dans son exposé intro-
ductif, tour de France des régions pro-
ductrices de la fraise, Poher rappelle
l’importance du centre de Plougastel-
Daoulas dans le Finistère expédiant
notamment sur l’Angleterre, ou de la
Moselle autour de Woippy, mais n’ou-
blie pas de citer les deux centres lotois
plus modestes, l’un concentré à
10km au nord de Cahors, à Mercuès,
Caillac et Espère, l’autre étiré le long
de la ligne de Cahors à Capdenac
(Conduché, Saint-Cirq-Lapopie, Saint-
Géry, Saint-Martin-Labouval, Cajarc,
Calvignac, Toirac). Les récoltes y ont
progressé de 184 tonnes en 1912 à
299 en 1925, où
« seule la variété
Vicomtesse Héricart de Thury
cultivée »
, récoltée durant trois se –
maines environ, entre le 15mai et fin
juin,
« uniquement dirigée sur le mar-
ché de Paris où elle est très appré-
ciée
. »
Le professeur d’horticulture
Delplace intervient sur la fraise, com-
parant sur les principales variétés com-
merciales, dont la
Vicomtesse Héricart
de Thury,
« la Ricart, “universelle-
ment connue et appréciée”
Mais la concurrence est rude entre les
multiples régions productrices pour se
trouver au bon moment sur le carreau
des Halles
. En 1929, lors du premier
congrès national des fruits de France,
il est indiqué que, parmi les fruits de
table cultivés,
« la fraise occupe la pre-
mière place tant pour l’étendue que
pour le chiffre du commerce »
, la
France exportant 7000 tonnes de
fraises en moyenne, dont 2500 à
3000 sur l’Angleterre. Le départe-
ment du Lot, avec 330 tonnes, vient
au 6
rang, derrière la Moselle
(3020 tonnes), Plougastel-Doualas
dans le Finistère (2500), le Vaucluse
(1800), les vallées de la Bièvre et de
l’Yvette en Seine-et-Oise (700) et la
Drôme (450).
De Caillac sans gare
à la gare d’Espère-Caillac
Au lendemain de la Première Guerre
mondiale, Caillacdevient
« le centre
Dans sa revue mensuelle,
L’État, notre Réseau,
le marché
très circonscrit mais célèbre de la fraise de Plougastel
n’a pas échappé à l’attention des rédacteurs*. Abrité dans
la rade de Brest, ce petit port a su profiter de son climat
privilégié tempéré pour se lancer très tôt dans la culture
de la fraise, la
Blanche du Chili
à ses débuts, introduite
par un jésuite. Dès les années 1860-1880, s’ouvre le marché
anglais, mais il faut attendre le transport accéléré en
bateaux à vapeur à partir de 1896 pour que ce débouché
soit bien consacré, à la fois régulier et dominant. En 1914,
les expéditions vers l’Angleterre (950t) l’emportent ainsi
sur les expéditions intérieures par fer (420t). Ce n’est que
tardivement que le rail va offrir la porte vers de nouveaux
débouchés intérieurs, sensibles au cours des monnaies:
« Jusqu’en 1924, notre réseau avait toujours participé au transport des fraises.
De 1925 à 1929 les envois par nos lignes devinrent à peu près nuls. On doit en
attribuer la cause au fait que les prix de vente en Angleterre, calculés en livres
sterling et convertis en francs, étaient trois fois plus rémunérateurs que ceux
qu’il aurait été possible de pratiquer à Paris. Mais depuis 1930, au contraire,
les transports de fraises par fer ont repris, assez modestement d’abord, pour
se poursuivre les années suivantes à une cadence qui s’est amplifiée d’année
en année. Devant la défection de plus en plus marquée de l’acheteur anglais, les
producteurs de Plougastel ont dû, en effet, chercher de nouveaux débouchés sur les
marchés duHavre, de Rouen, Lille, Roubaix, Bordeaux, Strasbourg, etc., et surtout
Paris. Les expéditions par fer se font exclusivement à Landerneau sauf quelques
rares envois de détails remis à Brest.
Dès les premiers jours de mai, les voies de la gare de Landerneau commencent
à subir un envahissement de wagons blancs, Fu et Fus [wagons GV à primeurs
à deux essieux], destinés à recevoir quelques jours plus tard, les odorants
chargements de fraises.
Les expéditeurs se plaisent à reconnaître les efforts faits par notre réseau pour
leur donner le maximum de satisfaction, tant au point de vue de la fourniture
de matériel impeccable qu’au point de vue de l’acheminement rapide et régulier
de la marchandise. Ce témoignage de la satisfaction de nos expéditeurs de fraises
est pour nous un précieux encouragement. »
Ainsi, le Réseau de l’État, pouvait-il escompter,
sur ce marché délicat, jouer un rôle accru et profitable:
en 1933, il a expédié 1263 tonnes, alors que 791 gagnaient
l’Angleterre. Il est à noter qu’à Plougastel on retrouve alors
bien évoquées les variétés alors en vogue, avec leurs atouts
propres:
« On cultive surtout la
Royal Sovereign
, grosse
fraise bien colorée, flattant le goût et supportant
convenablement le transport; la
Madame Moutot
, qui est
une variété plus grosse mais moins savoureuse; la
Docteur
Morère
, moins colorée mais très savoureuse et recherchée
par les gourmets. »
* « Une campagne de fraises à Plougastel »,
L’État, notre Réseau,
octobre
Les fraises de Plougastel:
un marché à conquérir par le rail
En haut:
transport des fraises
à la gare de Dirinon
(entre Daoulas
et Landerneau,
à une dizaine
de kilomètres
de Plougastel).
Des Plougastels
en costume
traditionnel, porté
jusqu’à la fin
des années 1960,
remplissant
les wagons de
paniers de fraises
à destination
de Paris
(© Association Les
Amis du patrimoine,
Plougastel).
de production le plus important de la
vallée du Lot »
: grâce à son terroir
mais surtout en raison de la proximité
de la gare d’Espère, distante de 3km.
À 10km au nord de Cahors, sur la
ligne de Paris, elle permet donc des
envois directs vers la capitale. À partir
de 1925, tous les wagons de fraises
de la vallée du Lot étaient regroupés
pour former de véritables « trains de
fraises » partant de Cahors ou d’Es-
père. L’importance de leurs expédi-
tions depuis la gare d’Espère va inciter
les Caillacois à demander que soit
modifié son nom… Ainsi, le 5sep-
tembre 1925, le conseil municipal déli-
bère sur le sujet:
« La commune de Caillac dont l’ex-
portation de ses produits fraises, vins,
noix, etc., s’intensifie de plus en plus,
n’ayant pas de gare portant son nom
quoique voisine par deux (Espère et
Mercuès), il résulte de ceci un gros
inconvénient: beaucoup de négo-
ciants ignorant par quelle gare est
desservi Caillac, envoient leur maté-
riel soit à Cahors, ou bien à Douelle
qui, n’étant qu’un arrêt, ne reçoit pas
de marchandises; d’où il résulte de
graves inconvénients, perte de temps
et souvent d’argent. Le conseil déli-
bérant émet le vœu que la gare d’Es-
père qui est celle où la commune de
Caillac fait ses plus nombreuses expé-
ditions, soit dénommée Espère-
Caillac. Ladite commune de Caillac
s’engage à couvrir les frais qui lui
incomberont par suite de cette modi-
fication. »
Au printemps suivant, le 30mai 1926,
le conseil municipal d’Espère réagit,
après d’autres communes:
« Le maire lit au conseil municipal une
délibération du conseil municipal de
Caillac demandant que la gare d’Es-
père porte désormais le nom d’Es-
père-Caillac. Le conseil municipal
d’Espère soumet cette question à une
étude approfondie. Mais considérant:
1°) que les avantages invoqués par les
intéressés en faveur de cette dénomi-
nation sont nuls et inexistants; 2°) que
les deux localités, Espère et Caillac,
sont de cantons différents; 3°) que la
gare d’Espère est plus éloignée de la
commune de Caillac que la gare de
Mercuès; 4°) que toutes les munici-
palités des communes environnantes,
savoir: Calamane, Crayssac, Nuzéjouls,
Maxou et Mercuès, toutes desservies
par la même gare d’Espère et dont
elles sont encore plus rapprochées,
protestent contre cette appellation;
5°) qu’enfin, tous les habitants de la
commune d’Espère sauf un ont pro-
testé contre cette dénomination, le
conseil municipal de la commune
d’Espère décide de rejeter la demande
de la commune de Caillac et prie M. le
directeur du Paris-Orléans de ne pas
l’approuver. »
Finalement, la Compagnie d’Orléans
et l’administration trancheront en
faveur des fraisiculteurs caillacois,
obtenant «
leur gare d’Espère-Cail-
, les frais étant supportés par la
commune de Caillac!
Caillac et une vingtaine d’autres vil-
lages lotois connurent une période de
prospérité certaine durant l’entre-
deux-guerres, dotés de syndicats com-
munaux de producteurs pour faciliter
les expéditions. Datée de 1937, une
affiche de la Fédération des associa-
tions de fraisiculteurs du Lot rappelle
qu’elle doit aller recruter sa main-
d’œuvre féminine saisonnière jusque
dans le bassin minier de l’Aveyron!
En 1941, une lettre du président de
l’Union des syndicats fruitiers de la
vallée du Lot
témoigne de l’âge d’or
révolu de la fraisiculture
« En 1939,
27 syndicats locaux faisaient partie de
l’Union s’échelonnant depuis Cajarc
jusqu’à Puy-l’Évêque. (…) La totalité
de la production était contrôlée par
les syndicats. Toutes les expéditions
se faisaient par l’intermédiaire de
l’Union. Standardisation des embal-
lages, marque syndicale unique, expé-
dition en wagons isothermes glacés
74-
Historail
Juillet 2015
TRAFIC DE DENRÉES
Woippy, capitale mosellane de la fraise, puis futur triage!
Les premiers plants de fraisiers sont apparus en 1868, introduits par les frères Vion,
vite imités. Jusqu’en 1890, les fraises sont portées en paniers de 5 à 6kg
sur les marchés de Metz. Mais la renommée ouvrant des débouchés plus lointains,
les variétés
Elton
Marguerite
Ananas
cultivées jusqu’alors devront être abandonnées
au profit de variétés qui, tout en s’accommodant d’hivers rigoureux, pouvaient
supporter les expéditions à longue distance.
Entre les deux guerres, la fraisiculture est un palliatif à l’abandon des vignobles,
son aire s’élargit: Marange, Novéant, Ars, Jouy-aux-Arches, Corny, et les trois gares
de Woippy, Novéant et Moulins centralisent les expéditions de juin à juillet. Le réseau
AL en charge des expéditions a droit à un coup de chapeau du président du Syndicat
des producteurs de fraises de Woippy:
« Dès que la nécessité s’en fait sentir, le réseau
des chemins de fer d’Alsace-Lorraine met en marche un service de transport accéléré
par trains spéciaux de grande vitesse, assurant le meilleur acheminement possible
vers les centres de consommation. L’organisation des transports, comme celle des
producteurs et des expéditeurs, est telle que les récoltes quotidiennes, dont le tonnage
annuel a varié de 30000à 43000 quintaux métriques depuis 1924, ont toujours été
enlevées le jour même de la cueillette, soit par les usines de la région, soit par
les marchés français ou étrangers sur la plupart desquels la vente est effectuée 12 à
15heures après la récolte. Ce sont là de superbes résultats dus à la vigilante attention
du réseau d’Alsace-Lorraine, à l’activité des expéditeurs, transitaires et industriels. »
(H. de Longchamps, « Le fraisier en Moselle »,
L’Agriculture dans le département
de la Moselle en 1929,
Nancy, Office régional agricole de l’Est, pp. 88-91).
Logo utilisé
par l’USFVL
(Coll. L. Miquel).
76-
Historail
Juillet 2015
TRAFIC DE DENRÉES
La saison des fraises
Les fraisiculteurs recrutaient de nombreuses jeunes femmes pour
la récolte des fraises qui nécessitait une main-d’œuvre soigneuse
et endurante. Dès les années 1930, ils durent faire appel à
des fraiseuses de toute la région et notamment des filles
de mineurs du bassin de Decazeville. La commune de Caillac
pouvait accueillir jusqu’à 300 fraiseuses logées chez
l’habitant, ce qui explique la renommée des bals
de l’époque, devenue légendaire.
Pendant un mois, de mi-mai à mi-juin, la vallée du Lot vivait
à l’heure des fraises. Elles étaient cueillies du lever du jour
à 11h30 et en fin d’après-midi. Les fraises étaient directement
récoltées dans les paniers de ventes. À 11h30 commençait
« le pliage » dans un local frais: les fraises étaient rangées, chaque
panier était doté d’une étiquette et emballé de cellophane, puis les
paniers étaient placés dans des cadres
ou des cagettes avec le nom
du mandataire parisien. En début d’après-midi un camion chargeait
les cagettes pour les amener en gare d’Espère-Caillac où elles étaient
mises en wagon en soirée, pour être rendues à Paris
le lendemain sur les étals.
Panier de 3kg dit «flein» utilisé
pour toutes les expéditions jusqu’en
1946. Ensuite les fraises furent
placées dans de petits paniers
en bois de 1kg, 500gr ou 250gr
rangés dans une cagette
(voir bas de page).
Cueillette dans les champs de fraisiers aux environs de Calvignac, en 1958.
Étiquettes
de mandataires
parisiens.
(Toutes les photos:
Coll. L. Miquel)
Repoussoir de liens
métalliques servant à fermer
certaines cagettes.
Tampon de
motifs décoratifs
pour les emballages.
Baldès/Photorail
Juillet 2015
Historail
nostalgiquement cette période bénie
mais bien révolue qu’avait connue
par exemple Tour-de-Faure: dans les
années 1920, la gare expédiait
« quo-
tidiennement pendant une vingtaine
de jours 5 wagons de 5 tonnes de ce
fruit au parfum délicieux
Comparaison de quelques
variétés en vogue dans
l’entre-deux-guerres
On a rapproché les critères distinctifs
des variétés en vogue dans l’entre-
deux-guerres, la
Vicomtesse Héricart
de Thury
et celles qui la concurren-
ceront alors. Descriptions fournies par
Delplace au congrès du PO de 1926,
par le catalogue Vilmorin-Andrieux
de 1938 et enfin par les auteurs
d’une monographie de la fraise très
savante
, les docteurs P. Peyre et
R. Escallier. À noter que le catalogue
Vilmorin-Andrieux recommande à
sa clientèle d’outre-mer l’achat en
graines plutôt qu’en plants
« qui sup-
portent difficilement les très longs
voyages »
; Peyre et Escallier distin-
guent les fraises à petits fruits dites
« fraises des quatre saisons »
« fraises des bois »
, dont la texture
fragile impose la consommation sur
place, telle la
Reine des 4 Saisons.
Du commerce relèvent plutôt les
fraisiers à gros fruits, jusqu’à 60
grammes, et parmi eux les fraisiers
non remontants.
De 1945 à 1960,
un nouvel âge d’or pour
la gare d’Espère-Caillac
La reprise au sortir de la guerre s’ac-
complira plus facilement en aval de
Cahors, jusqu’à Prayssac, tout en
étant concurrencée par le « fraisard »,
grosse fraise produite autour de Mon-
tauban
. Sous l’impulsion de l’Union
des syndicats fruitiers de la vallée du
Lot (USFVL), les expéditions reprirent en
1945, non sans difficulté:
« La culture
de la fraise s’étant sensiblement
réduite, on ne pouvait plus l’expédier
des gares de la vallée. Il fallait la pro-
duction de plusieurs communes pour
faire un petit wagon. La SNCF refu-
sait de faire ce ramassage de détail
qui retardait par trop le train. Il fut
alors envisagé de faire une collecte
par route, en amont et en aval de
Cahors avec comme centre d’expédi-
tion la gare d’Espère-Caillac. Celle-ci
avait l’avantage d’être située assez
près des principaux lieux de produc-
tion, et sur la ligne directe Toulouse –
Paris, ce qui permettait un achemine-
ment rapide vers la capitale »
Très vite la prospérité fut de retour
grâce à l’USFVLen charge de la
conquête de nouveaux débouchés.
En 1949, un délégué découvrit que
des fraises du Lot étaient acquises aux
Halles de Parispour être revendues
plus du double en Angleterre: l’USFVL
entreprit d’expédier directement des
wagons de fraises sur Londres (45
tonnes en 1950), et c’est ainsi que la
gare d’Espère-Caillac allait être équi-
pée par le service régional des
douanes de Toulouse d’un
« bureau
auxiliaire saisonnier »
En 1953, la
fraise du Lot
retrouve sa
réputation:
« De la vallée du Lot nous
viennent le vin et les fruits, notam-
[ les « trains des fraises » de la vallée du Lot…]
Delplace (1926)
Catalogue Vilmorin-Andrieux (1938)
Peyre et Escallier (1940)
Marguerite
« très précoce; malheureusement peu
« fruits très gros, chair très juteuse,
« chair blanche rosée, juteuse mais
(Lebreton, 1858)
transportable dans de grands fleins;
fondante » (40 fr. les 100 pieds)
peu sucrée, hâtive»
fruit du commerce par excellence »
Royal Sovereign,
« chair peu savoureuse; fruit supportant bien « fruits gros, chair blanche, ferme,
« forme obovoïde, chair rosée de bonne
la Souveraine
le transport; concurrence sur le marché
très juteuse, parfumée »
qualité, hâtive »
(Laxton, 1891)
de Paris la fraise du Lot »
(44 fr. les 100 pieds)
Noble
« précoce, grand rendement, beau fruit »;
« fruit gros, chair juteuse, sucrée, excellente » « chair de qualité moyenne mais pâteuse;
(Laxton, 1891)
« quoique de qualité ordinaire, estimé pour
(40 fr. les 100 pieds)
sa fermeté et sa précocité et son grand
le commerce car de transport facile »
rendement la recommandent pour
l’exportation »
Docteur Morère
« fruit de première qualité, supportant
« fruit gros, rouge foncé, d’excellente qualité »« fraise velue, chair vineuse et de texture
(Berger, 1867)
parfaitement les transports »
(48 fr. les 100 pieds)
ferme, ce qui la recommande pour l’exportation »
Vicomtesse Héricart
« une des meilleures fraises au point de vue
« fruit moyen ou gros, rouge très foncé,
« rouge vif à tons cuivrés, de grosseur
de Thury
Ricart
de la qualité, de la précocité et de la facilité dechair très ferme, rouge, sucrée, très juteuse »moyenne; chair rouge cuivrée, fine,
(Jamin et Durand, transport. Elle manque un peu de grosseur, mais
très parfumée, juteuse et très sucrée »;
elle est universellement connue et appréciée. »
« facile à exporter grâce à sa texture »
Madame Moutot
« fruit très gros ou énorme »
« très productif, fruits énormes,
« volume et teinte rouge-tomate,
Fraise tomate
de bonne qualité » (48 fr. les 100 pieds)
côtes souvent très accentuées, chair juteuse,
(Moutot)
ton saumoné, parfum subtil »
Docs. Cie PO
Ci-dessus,
de gauche à droite:
l’«Héricart» et
deux concurrentes,
la «Noble» et la
«Docteur Morère»,
bien plus grosses!
Ci-contre: un pied
de fraisier Héricart
de Thury.
CIREF, Douville (Dordogne)
ment les pêches et les
fraises, lesquelles sont
connues sous le nom de
“fraises du Lot” en raison
de leur saveur particulière;
chaque année, elles sont
expédiées en quantités consi-
dérables vers Paris et l’Angle-
terre »
. La production des
fraisiculteurs, suivis par des vignerons
après les ravages de l’hiver 1956,
atteindra 800 tonnes en 1958. La gare
d’Espère-Caillac connaît une intense
activité saisonnière: 321 tonnes, soit
80 wagons, expédiés en 1949; dans
les années 1950, c’est 30 à 35 tonnes
de fraises chargées chaque soir dans
sept ou huit wagons
; l’USFVL doit
construire en 1957 un quai couvert et
un hangar pour permettre le déchar-
gement simultané de cinq camions!
En 1958, autour de
la gare d’Espère-Caillac
De cette fièvre autour de la gare d’Es-
père-Caillac, témoigne en juin1958
cet article d’un correspondant de
Vie du Rail
Sept wagons en moyenne avec des pointes
de 19 wagons, telle est l’importance du
chargement des fraises que, pendant la sai-
son, le Lot envoie chaque jour sur Paris, et
encore cette année les gelées ont abaissé
à 30 tonnes par jour une production qu’on
espérait de l’ordre de 50 tonnes quoti-
diennes. Depuis plusieurs années déjà le
Lot s’est spécialisé dans la culture de la
fraise. Cela avait commencé dans la région
de Cajarc, Saint-Cirq-la-Popie, Tour-de-
Faure et Calvignac. La fameuse « Héri-
cart de Thury » trouva dans le sol du
Quercy et sur ses terrasses si ensoleillées le
parfum délicieux qui lui valut de conquérir
le marché parisien. Apportée dans la basse
vallée (Caillac) par un instituteur venu de
Calvignac, sa culture s’intensifia et gagna
Parnac, Douelle, Luzech, Albas, Prayssac,
Puy-l’Évêque, Duravel et Soturac.
Mais la qualité de cette espèce, pour des
causes encore inconnues et qui font l’objet
de recherches approfondies à l’Institut de
recherches de Versailles, dégénéra. Aussi,
peu à peu, l’
Héricart de Thury
fut-elle
remplacée par de nouvelles espèces
(Royale Souveraine, Surprise des Halles,
MmeMoutot)
et la culture des fraises
s’étendit d’année en année.
Les producteurs se sont groupés en une
société l’
Union des syndicats fruitiers de la
vallée du Lot,
dont le président, M.Fraysse,
est également président de la Chambre
d’agriculture du Lot. L’USF groupe une
quarantaine de syndicats et rayonne sur
plus de 25 communes où l’on peut décomp-
ter cinq à six cents producteurs; elle pro-
cède à l’achat des emballages et à l’expé-
dition en commun. À cet effet, plusieurs
services de ramassage par véhicules rou-
tiers sillonnent la haute et la basse vallée
du Lot. Les ramasseurs visitent régulière-
ment les fraisiculteurs et concentrent les
produits de leurs collectes à la gare d’Es-
père-Caillac au départ de laquelle ils effec-
tuent l’expédition par wagons.
Les entreprises productrices de fruits sont
d’importance très diverse. À la production
des exploitations agricoles spécialisées qui
ont une superficie moyenne de l’ordre de
20 ares (60 ares au maximum), s’ajoute
celle des nombreuses cultures familiales
entreprises par les ouvriers, retraités, che-
minots, etc. Dans tous les cas, chaque
panier, soigneusement rempli sur le lieu
même de la cueillette, est accompagné du
label de production et recouvert de cello-
phane. Les paniers sont ensuite rangés et
calés dans des cadres de longueur et de lar-
78-
Historail
Juillet 2015
TRAFIC DE DENRÉES
L’organisation des trains de ramassage
autour de l’étoile ferroviaire de Cahors
La Compagnie d’Orléans n’a pas ménagé ses efforts auprès des fraisiculteurs: des trains
aux horaires adaptés, mais aussi des recommandations en matière de présentation et
d’emballage. Conservée au musée du Rail de Cajarc, en témoigne cette n
ote de service
n°3 pour la campagne des fraises et de cerises,
datée de mai1934 et signée de l’ins-
pecteur général du mouvement Bellier.
Note de service n°3 pour la campagne des fraises et des cerises,
mai1934
Les expéditions de la ligne de Capdenac à Cahors sont remises aux trains de 2653 jusqu’à concurrence de deux wagons
et continuent de Capdenac à Brive par le train express 72 (ou par le train facultatif 9602, s’il a lieu) et de Brive à Paris-
Austerlitz par le train 9102 ou par le train spécial 9634 (lorsqu’il a lieu).
La gare de Capdenac prévient celle de Brive du nombre de wagons fruits ajoutés aux trains 72 ou 9602.
Pendant les périodes où le tonnage à prendre sur cette section représente plus de deux wagons, le train spécial 9912
est mis en marche par la gare de Capdenac.
Au départ de Cahors, les wagons continuent par les trains spéciaux 9632 ou 9634, s’ils ont lieu; dans le cas contraire,
le train 9130 est retardé à Cahors jusqu’à l’arrivée du train 9912, pour recevoir les wagons conduits par ce dernier train.
Le régulateur de section de Brive prévient la gare de Cahors vers 17h, de la mise en marche du train spécial 9634.
La gare de Cahors prévient celle de Brive du nombre de wagons fruits ajoutés aux trains 9130, 9632 ou 9634.
La gare de Brive prévient la gare de Limoges du nombre de wagons fraises, cerises et fruits à destination de Paris
acheminés par les trains 9102 ou 9634. De son côté, la gare de Limoges avise Paris-Austerlitz du nombre de wagons
fraises et cerises que lui conduisent les trains 9102 ou 9634, en spécifiant le nombre de wagons destinés à l’exportation.
Ces derniers sont remis par priorité au train 9634 (lorsqu’il a lieu).
Les expéditions de fraises de la ligne de Monsempron-Libos à Cahors sont remises au train 1699, et en cas
d’insuffisance de ce dernier, au train spécial DLC, départ de Monsempron à 13h02, arrivée à Cahors à 18h18,
et versées par cette dernière gare dans les trains 9130, 9632 ou 9634 et continuent de Brive sur Paris-Austerlitz
par les trains 9102 ou 9634.
Observations
Pour donner, comme les années précédentes, satisfaction aux expéditeurs de la vallée du Lot, il y a lieu de mettre
en garage 6 wagons fruits à Montauban, Espère, Cahors, Cajarc, Calvignac, Parnac et Mercuès.
Étiquette fixée par expéditeurs sur chaque colis ou fardeau, de manière à ne pouvoir se détacher en cours de route
Les paniers fraises doivent être chargés dans les wagons avec le plus grand soin; les gares expéditrices doivent autant
que possible égaliser les chargements, c’est-à-dire éviter de laisser isolés les paniers placés en piles pouvant tomber
par suite de la trépidation.
Sur les étiquettes, la mention manuscrite Fraises doit être portée en gros caractères au-dessous du mot Primeurs.
Étiquelles USFVL
(Coll. M. Miquel).
Juillet 2015
Historail
geur fixes (57 x 33cm) mis au point par le
service des emballages de l’USF et agréés
et par la SNCF. Leur hauteur varie selon
qu’il contienne 10 paniers de 250g, neuf
de 500g, ou quatre de 1,5kg. L’emballage
pour panier de 500 grammes est réservé à
l’exportation (sur l’Angleterre notamment).
Notons qu’en fin de saison les fraises sont
expédiées sur les fabriques de confiture.
La gare d’Espère-Caillac, qui centralise
l’expédition de la fraise du Lot, est située à
594km de Paris et à 9km de Cahors, sur la
ligne Paris- Toulouse. Des derniers jours
d’avril à la dernière quinzaine de juin, elle
connaît une grosse activité, ce qui n’est pas
pour déplaire à son chef, M.Arteil, non plus
qu’à son adjoint, M.Casimir, intérimaire
de deuxième classe. Pour eux, les heures de
fermeture n’existent pas, comme c’est d’ail-
leurs bien souvent le cas dans les gares
assurant des pointes de trafic saisonnières.
Les camions chargés des cadres de fraises
commencent à arriver à la gare en début
d’après-midi; le chargement dans les
wagons réfrigérés de la Stef se poursuit
jusqu’à 21h. Le tarif appliqué est le tarif 3,
avec emballages estampillés non retourna-
bles. La gare d’Espère-Caillac est habilitée
pour les envois à l’étranger et comporte les
services nécessaires (bureau de douane,
contrôle). Le « train des fraises » quitte la
gare à 21h08, est ajouté à Cahors au train
4132 qui passe vers 0h10 et arrive à Paris-
Bercy-Villot vers 13h.
De là, les fraises iront charmer le palais
des gourmets, lesquels éprouveront peut-
être, à les savourer, le désir d’aller excur-
sionner au pittoresque pays de leur récolte
pour les cueillir sur place. Ils seraient alors
les bienvenus: lors de la cueillette des
fraises, la main-d’œuvre manque toujours
dans le Lot, et déjà l’on demande des
volontaires pour la prochaine campagne.
M. Baldes
Les dernières
récoltes
À partir de 1960, les
prix à la baisse, la
concurrence de cultures
plus rémunératrices telles
que le tabac ou la vigne avec la
relance du
vin de Cahors,
les départs
à la retraite, tous ces facteurs ont
contribué à réduire au fil des ans le
nombre de fraisiculteurs, jusqu’à l’im-
possibilité d’exporter les fraises en
1964, les tonnages étant devenus
trop faibles
. La production de fraises
s’effondre à 30t en 1969. Le dernier
carré des fraisiculteurs doit se recon-
vertir à la fraise des bois ou la fram-
boise…
Georges Ribeill, avec la participation
de Laurent Miquel, professeur
d’histoire, petit-fils de fraisiculteurs
[ les « trains des fraises » de la vallée du Lot…]
1.
Notice sur commerce des produits agricoles,
tomeI
er
,
Production
végétale,
Imprimerie nationale, 1906, p.207.
2. Inventée en 1849 par les horticulteurs Jamin et Durand, cette fraise
fut dédiée à l’épouse du vicomte Héricart de Thury (1776-1854), ingénieur
des mines, président de la Société d’horticulture de France depuis
sa fondation en 1827 jusqu’en 1852.
3. Selon la tradition orale, les fraiseuses cachaient les stolons volés
dans les larges cambals de leurs pantalons.
4. Yves Vaissière,
Histoire populaire de Cajarc,
tomeII,
1800 à 1925,
1993,
pp. 365-367.
5. Adrien Ruayres (
Notre Quercy,
1949, pp. 312-313) prétend que
la culture de la fraise fut introduite à Caillac
« par M. Delrieu, instituteur
qui venait de Calvignac »
; Gilbert Fournié (
Histoire de la culture
de la fraise dans la vallée du Lot,
1970) parle d’
« Octavie Grannot,
de Calvignac »
qui loua des terres au Mas de Laroque et y
« planta
elle-même les fraisiers »
.
6. « Le transport des fraises de la vallée de la Garonne et de la vallée du Lot
sur Paris »,
Bulletin de la Société agricole du Lot,
n°5, mai1912, pp. 131-132.
7. Voir Georges Ribeill, «Les services agricoles des grands réseaux:
de grands moyens pour quelle efficacité?»,
Revue d’histoire des chemins
de fer,
n°41,
Approvisionnement ferroviaire et pratiques alimentaires
des citadins,
2009/2, pp.41-61.
8. Ernest Poher,
Le Commerce des produits agricoles. Fruits, légumes,
fleurs,
Paris, Baillière et fils, 1912. Son fils présidera le Sénat.
9.
Agriculture commercialisée. Pour bien produire, il faut bien vendre,
1922.
10.
Ibid.,
p.254; pp. 155-157.
11.
Premier congrès commercial des petits fruits de table,
tenu à Blois
le 7novembre 1926, Mémoires et comptes rendus publiés par E. Poher
et H. Decault, Paris, 1928 (Publications agricoles du PO).
12. « La production des petits fruits de table en France », p.13,
ibid.
13. « La fraise. Les meilleures variétés commerciales », p.78. Son article
est illustré de 12 jolies gravures de fraises différentes: planches de la SNHF
mises en clichés par les soins du PO.
14. Dr P. Peyre et Dr R. Escallier,
Les Fraisiers de l’Ancien et du Nouveau
Monde,
Jouve, 1940, p.24.
15.
Premier congrès national des fruits de France,
25-30octobre 1929,
Compte rendu général,
Office général des fruits de France et des colonies.
16. D’après Maddy Boussac « Les fraises de Caillac. La Vicomtesse Héricart
de Thury, petite reine de la vallée pendant un demi-siècle »,
Quercy-
Recherche,
n
os
41-42, été 1981, pp. 80-91.
17. L’USFVL fut fondée par faciliter la commercialisation des productions
fruitières de la vallée (fraises et pêches); sa création ne fut effective
que le 1
er
mai 1941.
18. Retranscrite par Adrien Ruayres,
op. cit.
, p.386.
19.
« Merveilleusement adaptée au sol perméable des alluvions,
naturellement savoureuse, elle développe dans ces terrains plutôt secs
un arôme supérieurement délicat et y acquiert une longévité remarquable
puisqu’elle excède fréquemment 10 et 15 ans. »
20. L.Gay, « Le Lot agricole »,
Le Lot,
numéro spécial,
L’Orientation
économique et financière illustrée,
1934, p.31.
21.
Statistique agricole de la France. Monographie du Lot,
1937, pp. 80-81.
22. D’après Gilbert Fournié,
op. cit.
23. « Le transport des fruits »,
La production fruitière en France et dans
le monde. De la production à la consommation,
Éd. Georges Delbard,
1947, p.96. L’auteur rappelle qu’un wagon complet de 10t de bananes,
en « respirant », dégage par jour 29millions de kilogrammètres,
« soit
le travail d’un moteur de 4,5CV tournant 24heures sans arrêt. »
24. G. Bégué, A. Chavanié, D. Roques,
Au service du Quercy,
Lyon,
La Nouvelle Édition, 1943, pp. 118-119.
25.
Notre Quercy,
Montauban 1949, pp. 312-313.
26.
Les Fraisiers de l’Ancien et du Nouveau Monde,
Jouve, 1940.
27. En 1946, 800 quintaux ont été récoltés dans le Lot, 1300 dans
le Tarn-et-Garonne.
28. Gilbert Fournié,
op. cit.
29. D’après
Le Lot, terre des merveilles,
Chambre de commerce de Cahors
et Union touristique du Quercy, 1
er
trimestre 1953.
30. Gilbert Fournié,
op. cit.
31. « L’expédition des fraises du Lot »,
La Vie du Rail,
n°653, 29juin 1958,
spécial
La vallée du Lot,
pp. 18-20.
32. Gilbert Fournié,
op. cit.
Tampons
d’un fraisiculteur
(Coll. L. Miquel).
À
la fin de l’année dernière, un
adhérent d’HistoRail
a évoqué
la construction commencée depuis
10ans d’un très grand réseau dans le
sous-sol de son domicile évoquant les
trains de déportés depuis les camps
d’internement français jusqu’aux
camps de concentration et d’extermi-
nation en Allemagne, Autriche et
Pologne. Nous lui avons proposé d’en
exposer 15m dans la salle dite de la
« Traversothèque ». Le 4avril, l’inau-
guration s’est déroulée en présence
du président du conseil départemen-
tal de la Haute-Vienne, du maire de
Saint-Léonard-de-Noblat et de nom-
breuses personnalités dont plusieurs
représentants d’associations d’anciens
combattants et déportés de la com-
mune et du département. Il s’agit d’un
réseau de trains au 1/87 desservant
divers camps en France (dont Nexon,
Drancy, Compiègne), en Allemagne
(Ravensbrück) et en Pologne (Aus-
chwitz-Birkeneau). Il s’agit bien d’une
évocation avec des scènes miniatures
réalistes mais pas d’une représenta-
tion exacte de chaque camp, impossi-
ble à réaliser. Des usines allemandes
ayant profité du travail des déportés
sont représentées, par exemple IG-
Farbe, Siemens, Heinkel…
Le créateur de ce réseau commente
lui-même la visite et donne une mul-
titude de renseignements historiques
sur les déportations et l’extermination
de résistants, de juifs, Tsiganes, de
déportés politiques, de réfugiés répu-
blicains espagnols, de prisonniers de
guerre, d’homosexuels, etc., sur l’hor-
reur et le génocide engendrés par la
folie meurtrière nazie. Il faut donc pré-
voir au moins 1heure pour sa décou-
verte en plus de la visite d’HistoRail
Nous invitons nos lecteurs de la revue
Historail
à se reporter aux sites Inter-
net d’HistoRail
cités en note de bas
de page pour se faire une idée plus
précise de cette exposition grâce à
plusieurs photos et des renseigne-
ments complémentaires.
L’activité d’HistoRail
en 2015 ne se
résume pas à cette exceptionnelle
exposition car d’autres événements
ferroviaires sont à célébrer.
Cette année est aussi celle des 80 ans
de l’électrification de la ligne Vierzon-
Limoges. Une exposition sera présen-
tée cet été sous forme de panneaux
illustrés de photos et de textes.
Une autre évocation: le 110
anniver-
sairede l’ouverture de la ligne du Cir-
cum-Baïkal sur le Transsibérien. Des
80-
Historail
Juillet 2015
MUSÉE
1945-2015:
Trains pour l’enfer
Au musée HistoRail
, cette année 2015 est marquée par l’ouverture d’une
exposition exceptionnelle
« Trains pour l’enfer »
pour le 70
anniversaire de
la libération des camps de la mort et de la capitulation de l’Allemagne nazie.
Camp de
Compiègne. Départ
de résistants et
déportés politiques
vers les camps de
concentration nazis.
Photos HistoRail
,musée du Chemin de fer
82-
Historail
Juillet 2015
PRESSE
Conduit par un chauffeur,
un « train fou » disparaissait,
il y a un siècle et demi…
En notre époque où l’on voit un avion de ligne disparaître sans laisser
la moindre trace, un autre conduit délibérément au crash par un copilote
désespéré de ne pouvoir un jour prendre la place du commandant
de bord, on peut rechercher la trace d’histoires similaires à l’époque
où les trains étaient conduits par une équipe, un mécanicien
et un chauffeur. Couple dont l’un devait toujours pallier l’éventuelle
défaillance de l’autre*, les règlements de la Traction imposant souvent
au chauffeur de savoir arrêter la locomotive en marche…
Voici donc, retrouvée et fort étonnante, une telle histoire…
G. R.
* Aux termes de l’article 18 de la fameuse ordonnance du 15novembre 1846 sur la police des chemins de fer,
« chaque train de voyageurs devra être accompagné d’un mécanicien et d’un chauffeur par machine;
le chauffeur devra être capable d’arrêter la machine en cas de besoin. »
La gare de Saint-
Rambert-d’Albon
où l’on a vu le train
passer à plus
de 43km/h.
DR/Photorail
jours inventé la vapeur, n’entendaient
rien du tout et essayaient de courir
après le train en criant:
– Plaît-il?
Mais le chef d’une petite station,
voyant passer, comme un éclair, ce
train qu’il n’attendait qu’une demi-
heure plus tard, télégraphia immé-
diatement à la station voisine:
«Le train 4 est fou; il arrive sur vous.
Dégagez la voie et faites suivre la
dépêche.»
Partout on était prévenu; on déga-
geait; le train passait et l’on se disait:
quand il n’y aura plus ni eau ni char-
bon, il faudra bien qu’il s’arrête.
Mais on n’avait pas songé à la terre
sulfureuse et au château-lafitte. Froh-
lig, avec l’agilité d’un chat, sautait sur
les wagons et remplissait les seaux à
incendie de vin et de combustibles.
Paris donna l’ordre d’aiguiller sur la
Ceinture et La Chapelle aiguilla sur le
Nord. Le train suivait les télégrammes;
il quitta la France, passa en Belgique,
dans le Luxembourg, en Allemagne.
Il filait, filait avec une vitesse de 120
kilomètres à l’heure, quarante de plus
que la malle des Indes.
Le train 4 est perdu. On dit qu’il a
gagné la Russie et, de là, la Sibérie;
la machine, en roulant sur la glace,
creusait des rails naturels dans les-
quelles s’emboîtaient parfaitement
les roues des wagons.
Un seul homme peut en donner des
nouvelles, c’est Frohlig, qui porte
actuellement le numéro333 à la mai-
son d’aliénés de Stephensfeld (Bas-
Rhin).
Quant à l’article, il est signé du jour-
naliste François Maurin, rédacteur
au
Figaro
, pseudonyme d’Édouard
Siebecker, l’auteur d’une
Physiologie
des chemins de fer,
parue chez
Hetzel en 1867, dans lequel (p.111)
sera repris ce récit sous le titre
démystificateur de « La légende
du chauffeur »…
1. Capitale alors de la riche province
du même nom de l’Hindoustan anglais,
Lahore, entrepôt de commerce, exporte
de l’indigo et du soufre.
2. Dans l’évaluation des chauffeurs,
il était tenu compte de leurs rapports
avec les mécaniciens, leurs chefs.
84-
Historail
Juillet 2015
Ci-dessus: aux
dernières nouvelles,
le train fou aurait
été vu sur la ligne
reliant Delhi à Sind-
Punjab. Pour aller
faire sans doute
le plein de son
«combustible
extraordinaire»!
Ci-contre: l’asile
de Stephensfeld
où a été vu pour
la dernière fois
Frohlig.
Louis Figuier,
Les nouvelles conquêtes de la science. Les voies ferrées dans les deux mondes
, Marpon et Flammarion, p. 593
Juillet 2015
Historail
INTERVIEW
O
uvrir ce coffret c’est partir, clés en main,
à la découverte de l’univers d’Hergé:
les clés ce sont les 22 documents présentés
dans le coffret, des fac-similés de qualité
sélectionnés par Dominique Maricq, archi-
viste et auteur aux Studios Hergé. Les clés
ce sont aussi les pistes qu’il propose dans le
beau livre complétant le coffret, à utiliser
comme un guide vous conduisant à travers
l’espace et le temps d’une œuvre polysé-
mique devenue une icône des représenta-
tions du monde au
Ouvrir cette boîte mystérieuse comme est
en train de le faire Tintin sur la couverture,
c’est bien sûr ouvrir avec empressement un
beau cadeau. Mais la curiosité initiale ne
tarira pas. Le coffret tient ses promesses: le
lecteur se trouve immédiatement absorbé
par la puissance imaginaire du créateur
bruxellois.
On est très proche de la visite inattendue de
l’arrière-scène du théâtre des
7 Boules de
cristal
. Avec le climat particulier de mystère et
de fantaisie, propre à ce passage, quand nos
héros se perdent dans les décors tandis que
de l’autre côté du rideau, des personnages,
oubliés depuis longtemps, reprennent vie,
face au public dans la pénombre de la salle,
comme par magie: le général Alcazar, perdu
au temps de
L’Oreille cassée
, et la Castafiore,
évanouie dans le palais du roi de Syldavie.
Dès le début on comprend que Dominique
Maricq nous a installés dans une sorte de
train fantôme, un train de nuit qui révèle la
part onirique des aventures de Tintin et
Milou. Le
continuum
des rêves d’un grand
créateur qui ne savait pas qu’il l’était… Un
beau projet éditorial qui méritait que les lec-
teurs d’
Historail
en sachent plus. Voici ce qu’il
répond à nos questions.
Historail:
Les Trésors de Tintin
est un
ouvrage précis, soigné, visiblement élaboré,
à la fois très varié et strictement structuré.
Cette réalisation est un résultat, un point
d’arrivée. Quel a été votre chemin pour en
arriver là quand on connaît le volume et la
quantité des archives d’Hergé?
Dominique Maricq:
J’ai choisi la chronolo-
gie. Mon livre rend compte de la naissance
de la série jusqu’au dernier album en mon-
trant les progrès successifs d’un jeune dessi-
nateur autodidacte qui n’avait pas de plan
de carrière. Un passionné du dessin qui sans
formation initiale va être contraint, par le
développement de son œuvre elle-même,
d’apprendre, au jour le jour, au fur et à
mesure de sa production.
Il apprend très vite. On le voit progresser de
page en page et d’album en album, appli-
quant au fur et à mesure les multiples
«recettes» qu’il invente pour perfectionner
son expression graphique et ses scénarios. Il
a peu de prédécesseurs illustrateurs, on est
aux origines de ce qui deviendra la bande
dessinée franco-belge. Alors il découvre «sur
le tas», en essayant de résoudre, par lui-
même, faute de modèle, les problèmes les
uns après les autres, tous les trucs et les tours
de mains, tout ce qui passe à portée de son
regard pour essayer d’en tirer des outils… Et
des effets de volume, de vitesse et de mou-
Les éditions Casterman viennent
de publier
Les Trésors de Tintin
sous
forme d’un coffret invitant le lecteur
à une visite des coulisses des albums
d’Hergé. Un voyage initiatique dans
l’épaisseur du trait de «la ligne
claire». Avec pour horizon la suite
des métamorphoses de cette BD
célèbre mais encore peu connue
dans ses ressorts secrets, ceux
de l’émancipation d’une création
dont l’accomplissement dura plus
de cinquante ans.
Les Trésors de Tintin
vement sur le papier. Ce faisant il invente
une dynamique de l’immobile propre à la
bande dessinée.
H.:
D’emblée on est étonné par le contraste
entre la minutie de votre travail et le sujet que
vous traitez au début, celui d’un Tintin
quelque peu désordonné, presque «bâclé»
qui s’égare et s’éparpille, sans trop savoir où
il va, dans
Tintin au pays des
Soviets
D. M.:
Ce qui vous étonne est
l’écart entre l’Hergé de la matu-
rité auquel nous sommes habi-
tués, et celui qui n’est pas encore
Hergé, qui ne sait pas encore que
le petit reporter va devenir un
héros du XX
siècle et qui traite les
premières pages de son futur
album un peu comme si c’était une farce,
au sens de
«je ne vais pas me prendre au
sérieux»
. Il s’agit d’une commande, il doit
gagner sa vie… Il est loin de deviner ce que
sera la suite.
Et en même temps, on sent dès les premières
pages qu’il se prend au jeu. Parce qu’il aime
dessiner. Depuis tout petit, il a trouvé dans le
dessin un moyen d’expression… Et visible-
ment, il avait beaucoup à nous dire!
H.:
À considérer les première pages de votre
livre le véhicule principal de cette expression
c’est le chemin de fer? La première aventure,
Tintin au pays des Soviets
commence sur le
marchepied d’un train et se termine par une
grande fête devant la majestueuse gare du
Nord à Bruxelles pour le retour de Russie du
jeune reporter et de son petit chien…
D. M.:
Ce premier album est quasiment
porté par le rail qui est comme un fil conduc-
teur reliant la succession de gags et d’anec-
dotes qui constituent le récit. Et Hergé a de
la suite dans les idées, c’est aussi en train
que Tintin se rend au Congo, puis en Amé-
rique à Chicago! Plus tard dans
Les 7 Boules
de cristal
c’est encore à bord d’un train que
débute l’histoire, par une conversation qui
donne le ton de tout ce qui va suivre… De
plus il s’agit de sa première visite au capi-
taine Haddock devenu le propriétaire du châ-
teau de Moulinsart.
H.:
On peut mesurer dans votre livre l’im-
portance du rail dans l’inspiration d’Hergé:
j’ai noté une bonne dizaine d’occurrences
du thème ferroviaire portant pour l’essen-
tiel sur la première moitié de l’œuvre…
D. M.:
Oui, l’élan initial de Tintin, sa montée
en puissance est ferroviaire. La machine à
vapeur fascine Hergé et son public. Mais très
vite apparaissent d’autres moyens de trans-
port: Tintin quitte le Congo en avion, l’Amé-
rique en paquebot, qui sera aussi son point
de départ pour l’aventure suivante Les
Cigares
du Pharaon
et la conclusion de celle d’après,
Le Lotus bleu
. Notons quand même au pas-
sage que c’est encore en train que le jeune
reporter va entreprendre le début de son
ascension vertigineuse vers
Le Temple du soleil
H.:
Parmi les fac-similés qui sont en quelque
sorte «les pièces du dossier» des
Trésors de
Tintin
, il y a cette reproduction du premier
numéro du
Journal Tintin
, au lendemain de la
guerre, avec le début du
Temple du soleil
montrant Tintin arrivant à Moulinsart non
plus en train mais en autocar! Et, au dos, la
première page de la première
aventure de Blake et Mortimer,
le mythique
Le Secret de l’Espa-
D. M.:
En effet, il s’agit d’un
moment historique, la sortie de
l’édition belge de l’hebdomadaire
Tintin
, le 26septembre 1946.
Deux ans plus tard il y aura une
édition française. Le pendant de
ce fac-similé c’est le numéro11 du
Petit Ving-
tième
du jeudi 10janvier 1929 dans lequel
paraissaient les deux premières pages de
Tin-
tin au pays des Soviets
, qui figure aussi parmi
«les trésors» de mon livre. Ces fac-similés
86-
Historail
Juillet 2015
INTERVIEW
«Hergé a peu de prédécesseurs
illustrateurs, on est aux origines
de ce qui deviendra la bande
dessinée franco-belge.»
Juillet 2015
Historail
[ les Trésors de Tintin ]
sont importants pour moi. J’ai voulu offrir
aux lecteurs des reproductions très fidèles de
documents souvent inédits et difficilement
accessibles pour les mettre en situation d’ap-
précier le travail d’Hergé et son évolution.
H.:
Vous évoquez aussi une période peu
connue, celle où les albums contenaient des
hors-texte en couleurs. Des albums noir et
blanc avec des illustrations pleines pages en
couleurs?
D. M.:
J’ai voulu montrer aux lecteurs deux
exemples de ces hors-texte mis en couleurs
par Hergé lui-même qui venaient ponctuer
l’aventure, à raison de quatre ou cinq par
album. C’était une occasion d’apprécier le
travail de ce créateur exigeant, tant pour le
dessin que pour les nuances de couleurs et
l’éclairage de la scène. On n’insistera jamais
assez sur l’influence du cinéma dont Hergé
était depuis sa tendre enfance un passionné.
Dès 1934, les éditions Casterman éditent les
aventures de Tintin sous forme d’albums et
contribuent largement à leur diffusion tant
en Belgique qu’à l’étranger. Elles tentent de
convaincre le dessinateur de passer entière-
ment à la couleur. L’auteur exprime des réti-
cences. Il est d’abord dessinateur de presse,
il l’est encore, c’est comme ça qu’il s’est fait
connaître et qu’il a réussi. Et il craint que les
périodiques n’acceptent plus ses séries s’il
les crée en couleurs… De ces deux positions
contraires va naître un compromis, provisoire.
Le déroulement de l’histoire, en noir et blanc,
et les grandes illustrations distribuées au fil du
récit, en couleurs. Mais la superbe mise en
couleur intégrale de
L’Étoile mystérieuse
(1942) va remporter un grand succès. Hergé
n’a plus à s’inquiéter. Il est donc décidé de
programmer la mise en couleurs de l’en-
semble des aventures, à l’exception de
Tintin
au pays des Soviets
. La période moderne
d’Hergé peut alors commencer.
Les lecteurs parisiens pourront continuer
cette passionnante découverte de la créa-
tion d’Hergé par une visite du Musée en
herbe (21, rue Hérold, 75001 Paris), où se
tient jusqu’au 31 août une exposition intitu-
lée «Le musée imaginaire de Tintin».
Jacques Andreu
88-
Historail
Juillet 2015
BONNES FEUILLES
Les locomotives
à vapeur du
réseau de l’État
Par Bernard Collardey
D
ans la collection Le temps de la vapeur, les Éditions La Vie du Rail
ont publié ces dernières années un éventail d’ouvrages concer-
nant la carrière détaillée de plusieurs catégories de locomotives à
vapeur dont l’ensemble des séries unifiées, les Ten Wheel de l’Est et
du Nord, les Pacific régionales et du PLM, les Consolidation, les
Mikado du PLM et, dernier en date, les machines-tenders de toutes
catégories.
Dans ce nouveau livre, nous avons voulu rassembler les innombrables
séries de types divers ayant appartenu à la grande Compagnie de
l’État, qui a fusionné en 1909 avec celle de l’Ouest, de leurs débuts
à leur extinction sous le règne de la région Ouest de la SNCF. Parmi
les séries passées en revue, et formant l’armature des catégories,
plusieurs d’entre elles, de faible puissance où n’ayant pas donné
satisfaction, auront eu une vie tronquée et disparaîtront avant la
nationalisation.
Certaines comme les Mountain de l’État, aux avant-postes du trafic
grandes lignes, et d’autres comme les Mikado de l’État, ont été de
fières figures au service du trafic marchandises.
Outre le bataillon des 220, 221 et 230, déchu du trafic express par la
confrérie des Pacific, puis des omnibus par la poussée des autorails,
figurent dans l’enveloppe de notre exposé, qui permettra de voyager
dans le temps et dans l’espace hexagonal, un panel de machines
sans gloire, peu connues qui méritent elles aussi une ode: des types
130, 050, 040 et 030 de faible puissance à tender séparé. Toutefois
nous excluons les types primitifs à configuration d’essieux 120, 121,
111 et 021 qui ont marqué les premiers pas de l’aventure ferroviaire
en France.
Pour offrir un panorama intégral de cette Compagnie, nous reve-
nons de façon détaillée en seconde partie sur les catégories déjà
traitées, à savoir les Pacific, les Consolidation et la galaxie des
machines-tenders.
Nous avons choisi comme fil directeur les années de mise en service
des diverses séries, dont une part a activement été employée en ban-
lieue parisienne.
Notre propos s’intéresse à la géographie des lignes avant et après
la fusion Ouest-État de 1909, au positionnement des dépôts pro-
priétaires et aux lignes parcourues par deux séries emblématiques
(les Pacific 231-500 et les 141-001-250). De plus, en fin de texte,
figure un récapitulatif reprenant les effectifs des machines de ligne des
plus grands dépôts de l’État à l’automne 1935, soit peu de temps
avant sa dissolution.
Un ouvrage de 160 pages au format 210 x 297 mm.
En vente à la librairie de
La Vie du Rail
(gare Saint-Lazare,
13, rue d’Amsterdam, 75008 Paris) ou par correspondance, bon
de commande page4 (
La Vie du Rail
Cedex 1) ou sur www.boutiquedelaviedurail.com
Réf.: 110319. Prix: 40
Juillet 2015
Historail
En 1909, la 3816 État
(série 3801 à 3840 puis
230-801 à 840) assure
un rapide dans
la banlieue de Paris-
Montparnasse.
L’élégance de ses
formes vaut à ce type
de locomotive
le surnom
de « Panama », lié à
l’illustre chapeau très
en vogue à l’époque.
(H. Fohanno/Photorail-
SNCF©)
90-
Historail
Juillet 2015
BONNES FEUILLES
Ci-dessus: au départ de
Paris-Montparnasse, la 2952,
future 221-102, est en tête
d’un rapide de la ligne
de Bordeaux (H. Fohanno/
Photorail-SNCF©).
Ci-contre: en 1911, à
Batignolles, le personnel de
manœuvres est réuni autour
de la 30-609, un exemplaire
de la série 30-601 à 704
(ex-1011 à 1114 Ouest) et
futures 030 TA de la SNCF
(H. Fohanno/Photorail-
SNCF©).
Juillet 2015
Historail
[ les locomotives à vapeur du réseau de l’État]
Ci-dessus: La Prairie n°829,
classe IV g (série 828 à 832)
des Chemins de fer
du Grand-duché de Bade,
stationne à Laval en 1919.
Cette machine ne sera pas
reprise dans les effectifs
de l’État et sera transférée
à l’A.L. Seule la 831
deviendra la 131-901
(H. Fohanno/Photorail-
SNCF©).
Ci-contre: la 230-590DD
de Dieppe est au dépôt
d’Achères en 1938.
Elle a reçu une distribution
Dabeg à la HP et BP
et un carénage complet
incluant le tender 22422
(H. Fohanno/Photorail-
SNCF©).
P
eu de gens connaissent le véritable rôle qu’a joué le chemin de fer
dans la libération de la France, des semaines qui ont précédé le
débarquement de juin1944 en Normandie, jusqu’à la libération des
dernières villes occupées en 1945. Dès les premiers mois suivant la
capitulation, le chemin de fer français est placé sous le contrôle de
l’occupant et les cheminots vivent, ou plutôt survivent, dans des
conditions difficiles. La résistance va s’organiser, non seulement pour
compliquer la tâche des Allemands au quotidien, mais aussi pour
préparer une future bataille à livrer. Que ce soit dans les rangs ano-
nymes de ces combattants de l’ombre ou au sein du commande-
ment allié au Royaume-Uni et aux États-Unis, on sait que le chemin
de fer va devoir jouer un rôle capital.
Peu d’ouvrages ont abordé l’aspect ferroviaire de cette bataille
d’amont, qui va mobiliser des moyens logistiques et techniques
jusqu’alors jamais vus. Et dès les premiers jours qui suivront le
Débarquement, des matériels ferroviaires seront déchargés à même
les plages alors que le génie va s’activer pour transformer Cher-
bourg en port de débarquement, équipé de voies ferrées. Pendant
des mois, ce port normand va voir arriver par milliers des locomo-
tives, locotracteurs, wagons, voitures, pièces détachées et maté-
riels de voie. S’y ajoutent les contingents complets de soldats-che-
minots du MRS qui vont déployer ces moyens lourds sur le sol
français, suivant de près les troupes au combat qui avancent vers
l’Allemagne.
Entre 1944 et 1945 le che-
min de fer français va revi-
vre, se transformer, et être
un des acteurs de la réus-
site de la victoire alliée.
Cette renaissance et cet
engagement ne se feront
cependant pas sans heurt.
La cohabitation entre che-
minots français et soldats-
cheminots des forces alliées
va créer de nombreuses
frictions. Différences cultu-
relles entre des Français
connaissant leur réseau, prêts à s’engager dans la bataille, et des
militaires, certes généralement employés des compagnies de che-
min de fer dans le civil, mais aussi équipés d’un revolver et d’un
casque lourd, et venus d’un autre continent, avec leurs méthodes
et des pratiques étrangères, mais surtout une langue différente. L’his-
toire officielle a souvent occulté ces problèmes, préférant mettre en
avant une coopération sans ombrage. Et pourtant, même les rap-
ports du haut commandement allié reconnaîtront, après guerre, cette
méconnaissance de la langue française par les soldats-cheminots
alliés comme une des plus grosses faiblesses d’un plan logistique
pourtant extrêmement bien préparé.
Parmi les matériels débarqués par les Alliés, au même titre que les Jeep
et les Dodge restées après la Libération et réutilisées sur le sol fran-
çais, on retrouvera des locomotives
made in USA
, mais aussi des
wagons, alors que certains autres matériels repartiront sur le sol bri-
tannique ou américain après seulement quelques mois passés en
France. D’autres matériels encore, comme certains wagons, n’au-
ront qu’une carrière éphémère puisque construits rapidement et pré-
vus spécifiquement pour ne servir que quelques mois, en respectant
les contraintes d’approvisionnement de la guerre.
En préparant cet ouvrage, j’ai pu approfondir des thèmes qui jusqu’à
présent n’avaient été généralement que survolés. Grâce à une ico-
nographie riche, issue des fonds de l’US Army et des rapports mili-
taires détaillés et déclassifiés mais jamais traduits en français,
j’ai découvert des aspects
historiques passionnants,
méconnus. Je souhaite aux
lecteurs de prendre autant
de plaisir à parcourir ce
récit imagé d’une période
difficile que j’ai eu à cœur
de vouloir rendre hom-
mage à ceux qui ont
œuvré, à leur niveau et
dans leur spécialisation fer-
roviaire, à la victoire. (…).
Extrait de l’avant-propos
de Vincent Cuny
Les trains
de la victoire
Le rôle du chemin de fer dans la
libération de la France – 1944-1945
Par Vincent Cuny
92-
Historail
Juillet 2015
BONNES FEUILLES
En haut: un bull pour sortir du port à Oran le 25février 1943, une 140 USA TC sans
son tender vient d’être déchargée. Elle est tirée hors du port par un International
TD 18. Ce tracteur chenillé de 11t déplace sans problème les 71t de la machine
construite par Baldwin Locomotive Co. à Eddystone (Pennsylvanie).
Ci-dessus: 70 tonnes au crochet, un GI est aux commandes de la grue du Lapland
pour décharger cette 140 USA TC d’un Seatrain à Cherbourg en août1944.
Les alliés ont libéré la ville portuaire le 1
juillet 1944 après que les Allemands
ont détruit presque toutes les installations dans un effort désespéré de ralentir
l’avancée alliée en France. La reconstruction et la réparation, toutes deux rapides,
ont permis de rendre les installations opérationnelles à temps pour faciliter
l’approvisionnement des forces alliées.
Ci-contre: les Allemands aux portes de Paris – à l’issue de la «Blitzkrieg» (guerre
éclair), l’armée allemande s’installe en France. À l’entrée de Versailles, sur la
Grande Ceinture Ouest, en 1940, deux trains de la Wehrmacht attendent pour
repartir. Sur le premier wagon plat à guérite, on reconnaît un Panzer 38 (t) d’origine
tchécoslovaque, puis un Panzer II.
US National Archives
© Eisenbahnstiftung – RVM
© US National Archives
Un ouvrage de 160 pages au format 230 x 240 mm.
En vente à la librairie de
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N°16 •
La
Flèche-d’Argent
(1956-1980) et la
Flèche-Corse
(1964-1969) • Les
services combinés fer-air de la SNCF avec la Compagnie air transport (CAT)
N°17 •
La numérotation dans les transports parisiens • De Palo Alto à
Bobigny, à petits pas: la SNCF sur la voie de la repentance? • Dossier spécial
fermetures de lignes au trafic voyageurs et marchandises en France
N°20 •
Capitole:
la Flèche rouge de Toulouse • Le dépôt de Paris-Sud-
Ouest au temps du
Capitole
N°21 •
Cinéma, guerre et chemin de fer
N°22 •
Louis Armand: «L’orgueil de ma fatigue». Portfolio. À la belle
époque des trains de marchandises
N°23 •
1934, la fin de la Petite Ceinture • Jeu: Êtes-vous un expert
ferroviaire? • La Compagnie des Ardennes (2
partie)
N°24 •
Innovations des années 1970 • Les trois réseaux de tramway
de Montpellier • La rencontre entre Pétain et Goering en gare de Vergigny-
Saint-Florentin en 1941 • Les progrès de la traction fin XIX
-début XX
siècles.
• Quand Le Club des Cent juge les buffets de gare
N°25 •
La Chapelle • Le tramway de Paris • Traction (1889-1900) • Les stèles
après guerre à la SNCF
N°26 •
Gare de l’Est, un réseau mythique • Les 150 ansdu métro de Londres
• Histoire de
Notre Métier
N°27 •
Le Grand Paris version Pompidou (1
partie) • Vin et chemin de fer •
Un album de vignettes de la SNCF pour faire rêver les enfants de beaux
voyages en France
N°29 •
Un filet de secours pour les mécanos: crocodile, Rodolausse, KVB? •
Les facilités de circulation des cheminots • La question du travail dominical
dans les chemins de fer
N°30 •
Le massacre d’Ascq • Pour découvrir la nature, des voyages
instructifs en chemin de fer • Des transports pour l’Exposition universelle
de 1900 • Des coopératives pour les cheminots de l’Est et du PLM
N°31 •
De gares en trains, des mobilisés témoignent sur l’entrée en guerre •
La Première Guerre mondiale dans les transports parisiens • Le sacrifice des
trains belges • Guerre 1939-1945. Le triage de Juvisy: une cible de choix •
De Moissac à Cahors, la « ligne du chasselas »
N°32 •
Le signal, la machine & le mécano • Métro de Montréal • Musée des
Arts et Métiers
N°33 •
Réseaux français et allemands avant 1914: de la géographie militaire
à l’espionnage ferroviaire • Locos de légende: la Pacific • Des transports pour
l’Exposition de 1937
N°34 •
Le réseau H0 de l’AMFP-RATP • Du triage par gravité à l’attelage
automatique… • Les rames quadricourant suisses : l’interopérabilité des
sixties
• Tramways et métros d’Alger • Les «trains des fraises» du Lot