La montagne a accouché d’une souris. Très attendu depuis que le ministre des Transports avait demandé en début d’année aux Inspecteurs financiers (IGF-IGEDD) d’expertiser la situation financière des transports franciliens et de fournir des pistes pour sortir de l’impasse dans laquelle se trouve Ile-de-France Mobilités (IDFM), le rapport des hauts fonctionnaires a fuité dans la presse.
Et chez les élus de la région capitale, il fait l’unanimité contre lui. « Scandaleux, insultant », juge François Durovray, président LR du conseil départemental de l’Essonne et administrateur d’IDFM qui a pu le consulter. « Invraisemblable, irresponsable », pour Jacques Baudrier, adjoint communiste à la mairie de Paris, qui siège également au CA d’IDFM. Dans un communiqué publié le 19 juin, l’autorité organisatrice de la mobilité présidée par Valérie Pécresse fait part de sa « grande inquiétude à la lecture du rapport ».
Il faut dire que ses conclusions vont à contre-sens des attentes exprimées en janvier dernier par les élus lors des Assises du financement des transports franciliens. Elles avaient fait salle comble, les pistes de financement avaient fusé, faisant d’ailleurs dire à Marc Guillaume, le préfet de région, que « l’imagination fiscale était débridée ».
D’accord sur rien
L’administration rattachée à Bercy en a à peine tenu compte. Et en plus, ses calculs du déficit d’IDFM pour 2024 et les années suivantes ne sont pas du tout les mêmes que celles de Valérie Pécresse qui l’estime à 800 millions pour 2024 et à 2,7 milliards en 2030, lorsque le métro automatique Grand Paris Express, l’extension d’Eole à l’ouest et des lignes de métro seront réalisés. Les élus communistes l’estiment même à un milliard d’euros dès 2024 et à trois milliards au tournant de la décennie.
Très loin des calculs des inspecteurs financiers qui l’estiment à 500 millions pour 2024, 1,5 milliard en 2030. Et pour combler le déficit, les solutions avancées sont très éloignées des propositions des Assises (à lire ici), et pour le moins déconnectées de la situation sociale : ils préconisent d’augmenter à nouveau le tarif du Passe Navigo qui était passé de 75 euros à 84,10 euros à l’automne dernier. D’augmenter de 1% aussi les contributions des collectivités locales au budget d’IDFM, mais de ne pas toucher au taux du versement mobilité (VM), cette taxe payée par les entreprises de plus 11 salariés pour financer les transports publics. Selon les hauts fonctionnaires, la dynamique des recettes venues des entreprises via le versement mobilité sera suffisante. IDFM juge « ces précisions très optimistes – vraisemblablement trop ». « Même le ministre des Transports Clément Beaune, en aparté, juge le taux du VM trop bas », lâche François Durovray.
Seules pistes nouvelles envisagées dans le rapport : une taxe de séjour additionnelle, une autre sur les véhicules lourds de plus de 1,4 tonne (les SUV), une autre encore sur les voyageurs aériens (on connait d’avance la réaction des compagnies) : « Des bouts de ficelle », juge François Durovray. Et une baisse de 140 millions d’euros du montant des redevances que paiera IDFM à la Société du Grand Paris pour l’usage des voies du nouveau métro automatique. Et pourquoi pas, une subvention annuelle d’équilibre comme fin 2022 après un long bras de fer entre Valérie Pécresse et l’Etat. On est loin des solutions de financement pérennes recherchées.
« Hausses abracadabrantesques » du Passe Navigo
« C’est un rapport télécommandé, qui préfigure une décision politique dans la prochaine loi de Finances en septembre prochain, et qui sera très en dessous des besoins », commente Jacques Baudrier. La stratégie de l’Etat est de faire augmenter le prix du Passe Navigo, ce qui augure des émeutes sociales à l’automne », prédit l’élu communiste. « IDFM refuse absolument des scénarios reposant sur des hausses abracadabrantesques des tarifs proposés par la mission qui seraient socialement insupportables pour les habitants et écologiquement nuisibles à la Région, car ils entraîneraient un report sur l’usage de la voiture », lit-on dans le communiqué de l’autorité des transports franciliens.