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Oleksandr Pertsovskyi

Oleksandr Pertsovskyi, PDG de la branche voyageurs des Chemins de fer ukrainiens

Exclusif : le patron des chemins de fer ukrainiens fait le point après un an de guerre

25 avril 2023
- -
Par : Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt et Frédéric Demarquette

Il y a un peu plus d’un an, un soir vers minuit, nous avions réussi à parler via Skype à Oleksandr Pertsovskyi. Le PDG de la branche Voyageurs des chemins de fer ukrainiens nous avait alors raconté être parti de chez lui le premier jour de l’invasion pour ne plus y revenir. La voix fatiguée après des nuits sans sommeil, le jeune dirigeant de 36 ans nous avait impressionné par sa détermination. Un an après, Oleksandr a bien voulu nous raconter son travail d’aujourd’hui. « Nous ne sommes pas militaires mais nous nous considérons tous comme des soldats », affirme-t-il.

 

Ville, Rail & Transports : Dans quel état se trouvent les chemins de fer ukrainiens aujourd’hui ?

Oleksandr Pertsovskyi : Le réseau ferré que l’on peut utiliser est désormais plus étendu qu’il y a un an. Nos troupes ont repris le contrôle des villes qui étaient occupées, puis les cheminots ont travaillé pour remettre en état le réseau. Aujourd’hui, nous pouvons desservir toutes les grandes villes sous contrôle ukrainien, y compris Kherson qui a été occupée par les Russes et qui est revenue dans notre giron.

Nous sommes en train de réaliser de grands travaux pour réparer la ligne qui dessert Kramatorsk, dont la gare a été bombardée il y a un an, faisant 61 victimes innocentes. C’est notre façon de commémorer cette attaque, en rénovant cette ligne de Kramatorsk vers Kiev pour démontrer que cette ville fait bien partie de notre pays.

Il reste encore quelques villes où les liens ne sont pas encore rétablis, comme Bakhmout qui ne peut évidemment pas être reliée au réseau ferré.

Nous travaillons en collaboration avec l’armée pour savoir s’il est possible de faire passer des trains ou pas, selon les zones. Nous suivons évidemment l’évolution du front, notamment à côté de la centrale nucléaire de Zaporijia. Nous avons dû suspendre la ligne ferroviaire qui passe juste à côté. Nous évaluons les risques mais il n’y a jamais de risque zéro.

Depuis un an enfin, nous avons recréé des liens avec l’Europe, notamment grâce à une nouvelle connexion avec la Roumanie. Et avec la Pologne, entre Kiev et Varsovie, via une ligne que nous avons récemment testée pour qu’elle soit fonctionnelle en juin, tant pour les voyageurs que pour les marchandises.

VRT : Comment procédez-vous pour décider des réparations à lancer ?

O. P. :  Nous décidons de lancer des travaux en fonction de la fréquentation des lignes, passagers et marchandises. Nous le faisons quand il n’y a pas d’autres alternatives que le rail. C’est d’autant plus compliqué que l’Ukraine dispose d’un écartement des rails différents des autres pays européens et que beaucoup de pièces dont nous avons besoin sont fabriquées par les Russes.

VRT : Combien de passagers acheminez-vous encore ?

O. P. : Nous transportons des milliers de personnes grâce à nos services de jour. Et, chaque nuit près de 90 000 clients. L’Ukraine dispose en effet du plus grand réseau de trains de nuit d’Europe après les chemins de fer autrichiens (Les Nightjet des ÖBB).

VRT : Et côté marchandises ?

O. P. : Nous sommes pénalisés par les Russes qui font tout pour bloquer nos productions et nos exportations de céréales. La Pologne et la Hongrie bloquent l’importation de grains ukrainiens car ils veulent faire passer avant leurs propres productions (la Pologne a levé le blocage le 23 avril, ndlr). Le dispositif autour de la Mer Noire est saboté par les Russes, alors qu’auparavant il y avait beaucoup d’échanges avec ces pays.

VRT : Disposez-vous de suffisamment de matériel roulant ?

O. P. : Malgré la guerre, nous continuons à travailler avec notre constructeur local ukrainien. Nous avons signé il y a un mois un contrat prévoyant la livraison de 103 voitures couchettes. C’est important car nous avions besoin de ces voitures : notre matériel n’est plus tout jeune et une grande partie de nos trains a été convertie pour assurer du transport médical. C’est une bonne nouvelle car cela va nous permettre d’offrir une meilleure qualité de service à nos voyageurs. Nous allons aussi disposer d’une quinzaine de locomotives électriques rénovées. Notre budget est limité et nous ne ne pouvons pas acheter autant de matériels que nous le souhaiterions.

VRT : Comment faites-vous quand des coupures de courant se produisent ?

O. P. :  Il n’y en a plus beaucoup car les Russes semblent avoir compris que cela ne nous handicape pas. Ils cherchent désormais d’autres stratégies pour nous faire mal.

VRT : Le territoire ukrainien est miné. Comment assurez-vous la sécurité du réseau ferré?

O. P. : Les mines sont très difficiles à détecter. Les Russes les placent de manière sournoise pour que nous ne puissions pas les voir. Nous organisons des tournées le long des voies ferrées pour essayer de les repérer puis nous réparons les voies et toute l’infrastructure ferroviaire. Mais beaucoup d’endroits, mitoyens de nos installations, sont minés, c’est donc très dangereux pour les cheminots.

Avant de remettre en état une ligne, c’est notre premier travail : le déminage. Nous vérifions systématiquement qu’il a bien été effectué. Des études montrent que le déminage complet de l’Ukraine prendra des années. Comme les services de déminage sont envoyés sur place dès qu’un territoire est libéré, il y a moins d’effectifs pour travailler pour le chemin de fer. La priorité, c’est de déminer les champs pour pouvoir ré-exploiter les terres.

Il y a des protocoles pour minimiser les risques et continuer à réparer les lignes.  Le risque lié aux mines va donc perdurer longtemps pour les cheminots…

VRT  : Lors de notre entretien l’an dernier, vous nous aviez dit que 26 cheminots avaient perdu la vie dans ce conflit. Quel est le bilan humain aujourd’hui?

O. P. : 3000 agents ont été tués, en service ou au front. Plus de 10 000 cheminots sont en effet partis sur le front.

VRT : Quel est votre état d’esprit plus d’un an après le début de la guerre ?

O. P. : Depuis la fin avril 2022, notre stratégie est de normaliser la situation, ou du moins d’essayer d’avoir une vie aussi normale que possible. C’est fondamental.

C’est pourquoi nous rétablissons les lignes ferroviaires interrégionales et nous lançons de nouveaux services, notamment de la restauration à bord (thé, café, snack…). Nos trains offrent un service presque normal.

Nous devions montrer que la vie reprenait le dessus et que prendre le train n’est pas dangereux… malgré les risques.

Nous avons aussi créé des espaces pour les enfants dans les trains. Et nous avons travaillé avec l’Unicef pour organiser des aires de jeux près des gares. C’est un projet lancé avant la guerre que nous avons repris.

Nous aurons une salle de cinéma pour les enfants dans les trains. Nous leur distribuons aussi des livres et des jeux car beaucoup d’enfants vivent sous stress. J’estime que notre rôle est de faire en sorte que les moments passés dans les trains soient agréables et offrent une échappatoire.

VRT : Quel est, selon vous, l’état d’esprit des cheminots ?

O. P. :  Ils sont encore très nombreux à être coupés de leurs familles. Ils ont décidé de dédier leur vie à leur travail. Ils ne peuvent pas juste se contenter d’être statiques dans l’attente de la victoire.

VRT : Et vous-même quel est votre quotidien ?

O. P. : Je veux me montrer sur les sites opérationnels. Me montrer proche, poursuivre cette image de normalité.

Mais il y a des moments, comme lorsque je reçois la liste des décès, je n’arrive pas à m’y faire…

Je suis toujours sur le qui-vive, redoutant un appel d’urgence, comme une explosion par exemple, où il faut réagir immédiatement.

Notre métier consiste aussi à planifier et à regarder l’avenir pour rendre à nouveau, à plus long terme, tout le réseau accessible. Il nous faudra également anticiper le retour des blessés car il y en aura malheureusement énormément. Et créer les infrastructures qui permettront de réintégrer tous les cheminots après leur retour du front pour qu’ils retrouvent la normalité dans leur environnement de travail.

VRT : Comment envisagez-vous l’avenir ?

O. P. : Nous sommes positifs mais pas naïfs. Nous savons bien que l’ennemi ne va pas disparaître du jour au lendemain.

Nous sommes prêts à anticiper le pire même s’il y a une chute de régime côté russe ou un affaiblissement, car l’ennemi est très cruel et n’arrêtera pas dans son action de destruction des cibles civiles. Mais nous sommes confiants dans la victoire même si nous n’en connaissons pas le timing. Nous sommes prêts à continuer aussi longtemps qu’il le faudra. Nous ne sommes pas militaires mais nous nous considérons tous comme des soldats.

VRT : Envisagez-vous une carrière vouée au ferroviaire ou plutôt similaire à celle de votre patron, Oleksandr Kamyshin, ancien PDG des chemins de fer ukrainiens, et qui vient d’être nommé ministre des Industries stratégiques ?

O. P. : Quand on vit une situation de force majeure, on fait ce que le gouvernement demande. Légalement, il n’y a aucune obligation, mais moralement, il faut le faire. Aussi longtemps qu’il le faudra, je resterai à ce poste.

En temps de paix, tu peux choisir le travail qui te plaît, viser plus haut que ce que tu as, prendre une année sabbatique, occuper un poste porteur dans le monde des finances, de la data, de la mode… tout est possible. Mais aujourd’hui, j’ai un engagement moral.

VRT : Y a-t-il un autre message que vous souhaitez faire passer ?

O. P. : Je veux d’abord vous remercier de continuer à vous intéresser à nous. Car les Russes parient sur le fait qu’avec le temps les amis de l’Ukraine se lasseront. L’objectif, c’est que cet intérêt perdure car il faudra continuer à nous aider au-delà de la victoire.

 

Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt et Frédéric Demarquette



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