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L’hiver dernier, les premiers essais de l’X 2000, destinés à tester sa résistance au grand froid.

Il était une fois dans La Vie du Rail – 47) Le pendulaire : est-ce possible ?

28 décembre 2018
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Une nouvelle section animée par vous et pour vous, elle va nous permettre de revisiter l’histoire cheminote. Celle d’il y a 10, 20, 30, 40 ans…

Profitez de nos archives en nous signalant ce que vous souhaitez relire et redécouvrir. Retrouvez les nouveaux matériels, les grands travaux, les événements qui ont marqué la SNCF… Une plongée dans l’aventure du rail.

Faites-nous savoir vos envies dès à présent en nous écrivant au 29, rue de Clichy, 75009 Paris ou par mail à : margaux.maynard@laviedurail.com

 

47) Article publié il y a 28 ans. Le pendulaire : est-ce possible ?

Voici le train pendulaire propulsé sur le devant de la scène ferroviaire ! Si l’actualité nous arrive aujourd’hui de Suède, en France l’idée même d’un éventuel recours à la pendulation, adoptée par plusieurs de nos voisins, excite ces temps-ci nombre d’esprits. Certes, les spécialistes de la SNCF ont été chargés d’examiner la pertinence d’une telle solution, dans le cadre des études sur les rames TGV de la prochaine génération. Mais sans attendre leur verdict, et dans le tumulte des récentes manifestations hostiles au projet de ligne nouvelle « Méditerranée », d’aucuns ont voulu prôner le train pendulaire, l’érigeant en succédané de TGV capable d’emprunter à… petite « grande vitesse » les couloirs existants ! En marge de toute allégation polémique, « La Vie du Rail » a souhaité rouvrir le délicat dossier de la pendulation. Parce qu’on ne saurait comprendre les enjeux d’une solution technologique, a fortiori quand elle s’avère complexe, qu’en en démontant même très sommairement les grands mécanismes. Mais aussi parce qu’il nous est apparu fort instructif de reconsidérer sous un jour nouveau les différentes réalisations étrangères. À l’évidence, vouloir s’inspirer de ce qui se fait de mieux hors de nos frontières participe d’une louable démarche. Encore faut-il pleinement prendre en compte l’environnement de ces réalisations avant d’en envisager toute transposition ! Environnement technique, d’abord. En dépit d’une unification certaine, chaque réseau conserve son propre lot de normes spécifiques, héritage du passé, mais surtout conséquence de l’exceptionnelle durée de vie des investissements ferroviaires. Environnement économique ou géographique, ensuite. N’est-ce pas la densité d’urbanisation autour des sinueuses lignes du sud de leur pays qui a incité les Allemands à acheter la pendulation « made in Italy » ? Les Suédois ne développent-ils pas leur X 2000 tout simplement parce qu’ils n’ont pas construit de ligne nouvelle chez eux ? Nul ne saurait le nier, la pendulation, c’est en premier lieu, et dans toute l’acception du terme, une affaire de « terrain ».

À bord du X 2000

La Suède vient de mettre en service commercial la première d’une série de vingt rames à caisses inclinables. Notre reporter, Jean-Paul Masse, était du voyage.

Göteborg le 17 octobre 1990. 6h30. Des tramways à l’apparence antédiluvienne sillonnent la place de la gare encore déserte, tandis que les premiers voyageurs pour Stockholm, à 456 km de là, se dirigent vers l’élégant bâtiment voyageurs dont l’architecture fait largement appel au bois. L’endroit est provincial : huit voies à quai, en cul-de-sac, et quelques courtes rames vides, en stationnement, qui partiront plus tard dans la matinée vers Hälsingborg ou vers Oslo, en Norvège. Il n’y a pas foule, comme d’ailleurs dans toutes les autres gares suédoises, en cette saison. C’est normal. Le pays ne compte pas plus de 8,5 millions d’habitants sur un territoire équivalent aux trois quarts de celui de la France. Le soleil se lève. Le long du quai, la livrée étincelante inox, bleu et blanc du X 2000, le nouveau train pendulaire, rompt avec le rouge sombre et mat, l’ancienne couleur du matériel des SJ (chemins de fer de Suède), que portent encore de nombreuses voitures. Les SJ ont d’ailleurs profité de l’arrivée de leur train rapide pour adopter un logo neuf et se donner une nouvelle image d’entreprise

Le X 2000, qui s’appelait X 2 il y a encore peu de temps, est en service commercial régulier sur la relation Göteborg – Stockholm depuis le 4 septembre. Les lundis, mercredis et vendredis, il quitte Göteborg à 7h précises, à destination de la capitale, tandis que les mardis et jeudis, il part de Stockholm à 6h33 à destination de Göteborg. Les samedis, il quitte Stockholm à 9h30. C’est la relation la plus importante des chemins de fer suédois, avec déjà une vingtaine d’allers et retours quotidiens et plus de 1,2 million de voyageurs par an. Pour l’instant, une seule rame X 2000 est en service, mais la deuxième est attendue avant la fin de l’année pour commencer à circuler à compter du 1er janvier 1991. Puis six rames par an seront livrées aux SJ pendant trois ans, ce qui constituera un parc total de 20 trains pendulaires. Ce matin, sur le quai de Göteborg, les voyageurs sont accueillis par Anders Olsson, le chef de train – c’est ainsi que l’on désigne sa fonction. Il est tout à la fois contrôleur, maître d’hôtel et serveur. Steward en somme, comme ses quatre autres collègues qui assurent le service commercial à bord. Nouveau matériel oblige : le personnel a reçu une tenue de circonstance, avec badge et fixe-cravate marqués X 2000.

Le train est composé de six véhicules : cinq voitures dont une pilote, toutes pendulaires, et une motrice, de type BB, non pendulaire, équipée de moteurs asynchrones à courant triphasé, cette dernière totalisant 72 t et 3 260 kW ; elle est située ce matin en queue du train. Ce matériel, à l’étude depuis plus de 10 ans, a vu le jour grâce à l’étroite collaboration entre les SJ et ABB (AseaBrown Boveri), l’électricien helvético-suédois dont les ateliers sont implantés à Västeras. Les caisses du X 2000 sont également construites en Suède par Kalmar Verkstad AB (ateliers de Kalmar), le fournisseur habituel des SJ qui s’est équipé pour la circonstance de l’outillage nécessaire à la construction ferroviaire en acier inoxydable.

La décoration intérieure, largement dominée par le ton blanc cassé des parois en panneaux synthétiques, est très sobre. Dans chaque accoudoir, se trouvent trois prises pour casque stéréophonique de type baladeur ; l’une correspond à un programme de musique classique enregistrée, les deux autres à des chaînes de radio. La rame offre ainsi 292 places dont 51 en 1re classe plus 10 dans la voiture- bar.

7h00. Le X 2000 glisse lentement, serpentant à 40 km/h sur les voies de sortie de la gare. Toutes les places sont occupées. « C’est comme cela tous les jours, car beaucoup prennent ce train par curiosité », explique, en anglais, Anders Olsson en vérifiant les billets et les titres de réservation obligatoire. « Le X 2000 reçoit parfois des visiteurs de marque. Nous avons récemment reçu la visite de M. Gohlke, président de la DB », poursuit-il.

À vitesse réduite, les effets de la pendulation sont évidemment imperceptibles. Et la traversée de la banlieue de Göteborg n’offre pas de courbes suffisantes pour se faire une idée. Le contrôle des billets achevé, Anders prépare les plateaux des petits déjeuners servis, gratuitement, en 1re classe, de même que les casques d’écoute que distribue ensuite sa collègue Bodil Melander. En 2e classe, les voyageurs peuvent prendre, moyennant finance, leur petit déjeuner à la voiture-bar et louer le casque pour la somme de 20 couronnes (20 francs). Les hommes d’affaires peuvent disposer de téléphones portables utilisables à leur place ainsi que d’un télécopieur. Une voiture est munie d’un élévateur hydraulique destiné aux handicapés se déplaçant en fauteuil roulant. Un compartiment toilette, spacieux et spécialement étudié, est également mis à leur disposition.

Alors que les premiers rayons du soleil illuminent les tables, le train se faufile maintenant en silence, à 140 km/h entre lacs et forêts aux couleurs automnales. Il est absolument impossible de localiser les courbes. Et il y en a. On a simplement l’impression que le X 2000 est engagé sur une longue ligne droite. « L’échec de l’APT (1) britannique nous a servi de leçon », explique Berndt Andersson, directeur de la Division du matériel roulant des SJ, et lecteur assidu de La Vie du Rail : « Par ailleurs le système de freinage des Anglais était à notre avis beaucoup trop compliqué », poursuit-il. Les SJ ont effectivement préféré des freins à disques classiques, assistés de freins à sabots auxiliaires. Le tout sur des bogies à essieux radiants qui appartiennent à une famille que les chemins de fer suédois connaissent bien, puisqu’ils équipent déjà les automotrices modernes X 10 des banlieues de Stockholm, Göteborg et Malmö. Mais Berndt Andersson reconnaît volontiers que « c’est plus facile de faire de la pendulation aujourd’hui, grâce à l’informatique miniaturisée ; les équipements embarqués sont plus légers. Tout ce qui concerne la pendulation a pu être logé sous le plancher et chaque voiture a son propre système d’inclinaison de caisse, soit 6° 30’ maximum, avec son réservoir d’huile pour la commande hydraulique ». Cela dit, le X 2000 n’est pas exempt de vibrations, malgré la présence d’une suspension secondaire à air.

Avec une masse totale de 343 tonnes dont 72 pour la seule motrice, le train pendulaire suédois reste assez lourd, « mais ce serait possible de le faire plus léger », poursuit le responsable du matériel roulant pour qui le choix du pendulaire en Suède se justifie avant tout pour des raisons de marché : « L’agglomération de Stockholm compte 1,5 million d’habitants, celle de Göteborg, 500 000. C’est 10 fois moins que Paris et Lyon. » Et entre les deux, fort peu de villes, quelques bourgs, dont Hallsberg, gare de bifurcation vers Oslo, Karlstad et Orebro. En outre, les terrains traversés, ponctués de lacs immenses et d’affleurement de rochers granitiques rendraient prohibitif le coût de construction d’une ligne nouvelle, dont la progression des travaux serait nulle en hiver en raison de la température. Les SJ ont donc préféré accroître la vitesse des trains de 160 km/h à 200 km/h sur la ligne existante, encore équipée de rails de 50 kg/m. Seul véritable obstacle à la vitesse : les nombreuses courbes et contrecourbes de 1 200 m de rayon et moins, au dévers insuffisant.

À 8h10, le X 2000 marque un arrêt d’une minute à Skövde, à 146 km de Göteborg. C’est ici que commence la zone de sections parcourables à 200 km/h. C’est également ici que Pär Lifvergren, un autre steward qui a appris le français à Paris, nous invite dans la cabine de conduite de la voiture pilote. Aux commandes du train, Per Furukrona, du dépôt de Stockholm, et à ses côtés Mats Karlsson, de Göteborg- Sävenäs. Habituellement, les conducteurs sont seuls dans leur cabine. Ici, le deuxième conducteur accueille les visiteurs et répond à leurs questions. « Nous allons prendre une courbe de 1 250 m de rayon à 200 km/h », explique Mats. À l’inverse de ce qui se passe dans les voitures, ici l’angle supplémentaire que fait la caisse par rapport au dévers existant de la voie est parfaitement visible. Mais l’entrée en action du processus d’inclinaison demeure imperceptible au niveau des accélérations transversales. Trois kilomètres plus loin, nous ralentissons à 180 km/h pour prendre une courbe de 1 000 m de rayon. Les trains ordinaires la franchissent à 140 km/h. Un peu plus loin, c’est une courbe de 1 150 m que nous abordons à 190 km/h. Puis le X 2000 accélère à nouveau pour atteindre rapidement 205 km/h. Avec en bruit de fond, le « bip-bip » continuel du contrôle de vitesse (le train devrait en fait rouler à 200 km/h).

Mats Karlsson explique le principe de la pendulation : « Un accéléromètre placé sur le premier bogie envoie en permanence un signal à deux micro-processeurs placés sur chaque voiture. Ce sont eux qui commandent ensuite le dispositif hydraulique d’inclinaison des caisses, mais avec un temps de retard pour chaque voiture car il ne faut pas que tout le train s’incline en même temps. Lorsque le X 2000 roule avec la motrice en avant, c’est également l’accéléromètre du premier bogie qui transmet ses informations au reste de la rame. » Mais que représente le coût d’entretien de ce train et de son complexe système hydraulique de pendulation ? Le directeur de la Division du matériel estime que « l’entretien représente un surcoût de 5 % par rapport à un train classique. Mais, ajoute-t-il, c’est un pourcentage que nous avons déterminé par calculs, car bien sûr, nous n’avons pas d’expérience. »

Per Furukrona et Mats Karlsson conduisent le train pendulaire depuis le début de son service. Avec trois autres de leurs collègues, ils ont largement participé aux essais, non seulement du X 2000 mais aussi du prototype X 15, une vieille automotrice électrique régionale que les SJ et Asea avaient transformée voici plus de dix ans pour effectuer leurs premiers essais de pendulation. « À partir de janvier, c’est nous qui allons former les autres conducteurs. Bien que le poste de conduite soit très semblable à celui des locomotives RC6, il y a quand même quelques différences et une formation est nécessaire. » Tous les cheminots rencontrés dans le X 2000 avouent leur fierté de travailler sur ce train, mais Mats Karlsson ajoute : « Bien sûr, pour vous, 200 km/h, ce n’est rien, mais pour nous cela représente un grand pas en avant. Nous n’avons pas la possibilité financière de nous offrir une ligne nouvelle. Actuellement, nous couvrons les 456 km de Göteborg à Stockholm en 3 heures 35 contre 3 heures 55 avec un train normal. L’objectif suivant est de descendre à 2 heures 55 en augmentant la longueur des sections parcourables à 200 km/h. » Banverket, la société d’État chargée des voies en Suède, doit remplacer les rails de 50 kg/m par des rails de 60 kg/m sur les grands axes du pays. Ce qui permettra plus tard au X 2000 de rouler à 250 km/h et de ramener le temps de parcours à 2 heures 30. Détail important, quand on sait que l’aéroport de Stockholm est à 48 km du centre-ville et celui de Göteborg à 21 km. Pour atteindre ce deuxième objectif, Stig Larrson, le directeur général des SJ, est formel : « Il est désormais nécessaire d’investir massivement en matière d’infrastructure. Nous avons un programme de renouvellement des voies sur les grands axes, pour les 10 ans à venir. Des travaux qui sont estimés à 40 milliards de couronnes (40 milliards de francs). Nos voies n’ont pas été modernisées depuis 50 ans. Les derniers grands travaux datent de 1937 ! » De Skövde à Hallsberg (114 km), la ligne est parcourue à 200 km/h à l’exception d’un passage sur un pont – qu’il faudra bien remplacer – limité à 140 km/h. La traversée de Hallsberg est malheureusement limitée à 70 km/h et la section suivante, Hallsberg – Katrineholm (66 km), compte une succession de tronçons limités à 140, 160, 180 et 200 km/h. Mais des travaux de mise à niveau sont en cours et, très prochainement, cette section devrait être entièrement parcourue à 200 km/h. À 10h19, le X 2000 s’arrête à Stockholm-Sud, gare de banlieue la plus éloignée de la capitale, avant d’entrer en gare de Stockholm-Central à 10h35. Il a ainsi parcouru les 310 km de Skövde à Stockholm en 2 heures 24, soit à la moyenne de 129,16 km/h, contre 116 km/h pour les meilleurs trains classiques « City-Express » (intervilles). Pour ce qui concerne Göteborg – Stockholm, le X 2000 couvre les 456 km séparant les deux villes à la vitesse moyenne de 127,25 km/h, alors qu’un « City Express » relie les deux villes à 116 km/h de moyenne.

En 1992, il y aura 10 rames pendulaires sur la relation Stockholm – Göteborg et les premières commenceront à circuler sur Stockholm – Linköping, localité située à mi-parcours entre la capitale et Malmö. En 1994, la vitesse de 200 km/h devrait être praticable sur toute la ligne Stockholm – Malmö (600 km) et le temps de parcours passera de 6 heures 30 à 4 heures 10. À plus long terme, les chemins de fer suédois ont d’ores et déjà l’intention d’acquérir 41 rames X 2000 supplémentaires, afin de desservir également les lignes Stockholm – Gävle – Sundsvall (414 km) et Göteborg – Malmö (303 km).

Jean-Paul MASSE

(1) « Advanced Passenger Train », le train pendulaire de British Rail, qui a connu un échec cuisant au début de cette décennie.


Un système pendulaire pour la France ?

Peu utile sur nos lignes TGV

II existe deux limites, inhérentes à la géométrie du tracé, et qui restreignent la vitesse des trains dans les courbes la première, « objective », intéresse la sécurité (résistance transversale de la voie), tandis que la seconde, plus « subjective » puisque différente d’un réseau à l’autre, concerne le confort. « Or, dans le contexte français, la qualité de la voie et celle des véhicules sont telles que l’on peut faire voyager nos clients dans d’excellentes conditions de confort avec des insuffisances de dévers importantes », note François Lacôte, directeur du Matériel à la SNCF. La suspension pneumatique du TGV offre, par exemple, un exceptionnel jeu transversal de 80 mm tout en présentant une très grande raideur en roulis, caractéristique qui tend à s’opposer à l’inclinaison des caisses vers l’extérieur des courbes, et donc à l’amplification de l’accélération transversale perçue au niveau des voyageurs.

À rayon de courbure constant, cette accélération, et par voie de conséquence les efforts qui s’exercent sur la voie, croissent comme le carré de la vitesse, alors que le gain de temps obtenu en admettant une insuffisance de dévers supérieure demeure inversement proportionnel à cette vitesse : il résulte de cette simple constatation qu’une solution pendulaire est d’autant moins intéressante que les vitesses pratiquées avec le matériel classique sont déjà élevées ! Le réseau français compte justement de très nombreuses lignes où les trains peuvent actuellement rouler à 160 km/h. L’amélioration des temps de parcours y serait faible, et en tout état de cause, incomparablement plus faible que celle résultant de la construction d’une ligne à grande vitesse : « Sur cette question de la pendulation, il faut impérativement se garder des a priori, et d’ailleurs la SNCF n’en a absolument aucun, assure François Lacôte. La question doit d’abord être abordée en termes d’enjeux. Nous avons ainsi calculé le gain qu’apporterait un TGV pendulaire pour la relation Paris – Brest où, sur un temps de parcours de 4 heures 16 minutes, l’emprunt de la ligne nouvelle ne représente qu’une cinquantaine de minutes. Comme hypothèse de calcul, nous avions admis des insuffisances de dévers de 240 mm, au lieu des 180 mm pratiqués aujourd’hui sur ligne classique. Le gain obtenu était d’à peine 10 minutes… En revanche, le seul prolongement de la ligne nouvelle du Mans à Rennes fera gagner une demi-heure ! » De surcroît, la durée de vie d’une rame – pendulaire ou non – n’excède pas la trentaine d’années, alors qu’une ligne nouvelle est construite pour plus de 100 ans. Dire enfin que la pendulation supprime les dépenses d’infrastructure est un peu hâtif, car circuler avec des insuffisances de dévers élevées nécessite une voie d’une excellente qualité, et qu’il faudra tout spécialement surveiller…

Même si le concept de rame articulée caractéristique du TGV peut se prêter assez bien à la pendulation, en dépit d’une charge à l’essieu un peu forte, François Lacôte rappelle qu’il s’agit là d’une technique « difficile, et sans doute coûteuse ». Basculer un objet aussi lourd qu’une caisse de véhicule ferroviaire dans un temps extrêmement court requiert des puissances très importantes, que seul un asservissement hydraulique peut correctement mettre en oeuvre. Les Anglais, Italiens et Suédois se rejoignent d’ailleurs sur ce choix. Solution apparemment la plus efficace, le basculement de l’ensemble « caisse-suspension secondaire » se révèle être aussi la plus compliquée par les masses à déplacer…

« Sur les lignes à grande vitesse, l’insuffisance de dévers est faible, précise par ailleurs François Lacôte. Et si d’ailleurs nous l’augmentions, le gain de temps serait ridicule. Toutefois nous nous l’interdisons, car les limites de confort et de sécurité sont ici les mêmes, et nous tenons à conserver une marge vis-à-vis des phénomènes de dynamique. On accepte de circuler avec 180 mm d’insuffisance de dévers à 220 km/h, mais on n’acceptera jamais de le faire à 300 km/h à cause des niveaux d’efforts transversaux. À 300 km/h, avec 90 mm d’insuffisance, il reste un jeu résiduel important au niveau des suspensions. Avec 180 mm, ce jeu est épuisé, les caisses sont plaquées sur les bogies, et c’est alors avec toute la masse des remorques que ceux-ci viennent s’appuyer sur la voie. »

François Lacôte remarque que lorsqu’il avait été demandé à la SNCF d’examiner la pertinence d’une solution pendulaire pour les parcours terminaux du TGV d’avenir, le schéma directeur des lignes à grande vitesse n’était pas encore sorti : « Au stade où nous en sommes des études, cette pertinence me paraît en tout état de cause assez limitée, ajoute-t-il. Nous avons nous-mêmes été déçus par les enjeux, et il nous reste à évaluer les surcoûts. Je crois que la pendulation a des créneaux d’application très restreints… »

Ph. H.

Mal adapté à notre réseau classique

Sur le réseau français, la pendulation n’aurait pas d’intérêt pour les lignes à grande vitesse, augmenterait les efforts sur la voie et n’apporterait qu’une très faible diminution des temps de parcours sur les lignes classiques. C’est la conviction de Pierre Delfosse. Et l’ingénieur en chef des programmes TGV étaye son opinion, graphiques en main. Il a calculé, puis tracé les courbes représentatives de la vitesse en fonction de l’insuffisance de dévers pour dix rayons différents, de 500 à 8 000 m, en prenant des dévers de 160 et 180 mm. Les chiffres parlent d’eux-mêmes…

Considérons d’abord le cas des lignes sinueuses, comme Dôle – Vallorbe où les rayons de courbure descendent souvent à 600 m. Si l’on décrit, sur lesdits graphiques, la courbe représentative correspondant à un rayon de 500 m avec un dévers de 160 mm, on lit par exemple : 111 km/h pour 130 mm d’insuffisance et 118 km/h pour 170 mm. L’accroissement de vitesse que permet une augmentation d’insuffisance de dévers de 10 mm se limite donc à 1,9 km/h ! De plus, si les réseaux étrangers travaillent souvent avec des insuffisances de dévers voisines de 130 mm, la SNCF pratique déjà des valeurs plus élevées : 160 mm, voire exceptionnellement 180 mm avec des automotrices. Il en résulte que, contrairement à ces réseaux, l’accroissement de vitesse que permettrait chez nous le recours à un dispositif de compensation d’insuffisance de dévers (CID) n’excéderait pas, dans la meilleure des hypothèses, les 10 km/h., Et le gain de temps serait donc inexistant ; tout juste la CID pourrait-elle se révéler un facteur d’amélioration du confort, le voyageur percevant ainsi une insuffisance de dévers plus faible… Le deuxième cas de figure concerne les lignes dites « classiques ». Là, par définition, la vitesse est bornée à 220 km/h. Il ne saurait donc y avoir débat sur la CID que pour des courbes de rayon inférieur ou égal à 1 500 m : le problème n’existe aucunement dans une courbe de 2 000 m de rayon parcourue à 220 km/h, où l’insuffisance de dévers frise à peine les 130 mm ! Si l’on considère maintenant une courbe de 1 500 m de rayon, le graphique établi montre qu’on gagne 3,4 km/h chaque fois que l’on admet 10 mm d’insuffisance de dévers supplémentaire. En augmentant donc de 60 mm l’insuffisance de dévers autorisée, le gain de vitesse réalisé avoisinerait théoriquement la vingtaine de km/h. « Mais la question se pose-t-elle vraiment sur nos grandes radiales, seules lignes où de telles vitesses sont susceptibles d’être pratiquées ?, s’interroge Pierre Delfosse. Avec le schéma directeur des lignes à grande vitesse, les grands axes seront traités d’ici 20 ans en LGV (lignes à grande vitesse), interconnexion comprise. Alors pourquoi développer la CID pour accroître localement la vitesse de 15 à 20 km/h sur les sections de lignes classiques qui seraient encore susceptibles d’être concernées ? » D’aucuns pensent d’ailleurs que le développement de la CID est parfaitement antagoniste à celui du TGV…

Enfin, la CID présente un certain nombre d’inconvénients. Elle exige une voie d’excellente qualité. Et un matériel roulant fort onéreux : une rame pendulaire X 2 capable de transporter 275 voyageurs coûte environ 90 millions de francs, soit une fois et demie plus cher à la place offerte qu’une rame TGV A (485 voyageurs, 80 millions de francs). Autant de considérations qui font décidément dire à Pierre Delfosse que la CID, ce serait « de l’argent jeté par les fenêtres »… Ph. H.

Cet article est tiré du numéro 2669 de La Vie du Rail paru le 15 novembre 1990 dont voici la couverture :

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Pour lire l’article en entier et avoir encore plus d’infos sur le pendulaire, lisez le numéro 3707 de La Vie du Rail.



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