Patrimoine. La Fourche se refait une beauté Depuis plus de soixante ans, la bouche de métro La Fourche, qui est faite en béton, évoque un bunker urbain et est jugée par beaucoup comme la plus laide de Paris. En avril dernier, les travaux ont débuté pour lui redonner son lustre d’antan, celui de sa mise en service en 1911.
C’est peut-être la bouche de métro la plus moche de Paris. Défigurée au début des années 1960 à la suite d’un accident d’autobus, l’entrée de la station La Fourche dans le XVIIe arrondissement, aujourd’hui desservie par la ligne 13, ressemble à un bloc de béton. Après l’accident, plutôt que de restaurer l’entrée dans son état d’origine, les autorités de l’époque avaient opté pour une solution rapide et bétonnée. Dans les années 1960, le béton était considéré comme une modernité.
Détruite à 15 ou 20 %
Rappel des faits : en 1964, un bus rate le virage sur l’avenue de Clichy et s’encastre dans la bouche de métro. L’accident provoque la destruction de la grille d’origine qui entourait l’escalier « C’était parfaitement réparable, seulement 15 à 20 % de l’ouvrage étaient détruits. Mais on ne sait pas ce qui s’est passé. Soit ils n’avaient pas les moyens techniques, soit ils ne se sont pas embêtés et voulaient agir vite : tout a été bétonné.
C’était le style pompidolien, le béton était moderne à l’époque », raconte Philippe Limousin, président de l’association locale Déclic 17/18, qui a fait des recherches sur l’histoire de cette station. « Sa mise en service par le Chemin de fer électrique souterrain Nord- Sud date de 1911. Cette compagnie a construit et géré ce qui est devenu par la suite les lignes 12 et 13 actuelles. L’entreprise a fait faillite au début des années 1930 et a été absorbée par sa concurrente, la Compagnie du Chemin de fer métropolitain de Paris (CMP), une autre société privée. » Plus tard, en 1948, après la Seconde Guerre mondiale, le réseau parisien a été nationalisé et la RATP créée.
Détruite à la suite d’un accident de bus en 1964 et reconstruite en béton, l’entrée de la station est jugée
particulièrement inesthétique depuis plus de soixante ans. © RATP//Xavier Chibout
« Un bunker urbain »
Depuis plus de soixante ans, les Parisiens ont donc dû se résigner à l’aspect d’un « bunker urbain », une physionomie qui ne plaît guère à la mairie d’arrondissement et à certains riverains.
« Elle est assez inesthétique, c’est le moins qu’on puisse dire », commente le maire du XVIIe arrondissement, Geoffroy Boulard. Mais après des décennies de critiques et de protestations, la bouche de métro va enfin se refaire une beauté. Elle va être rénovée à l’identique, dans son style d’origine Art déco, typique du début du XXe siècle donnant accès au réseau souterrain
Plus de 4 000 pièces de céramique fabriquées
« A l’origine, il y avait de jolies grilles en fer forgé, une douzaine de piliers en grès et un style Art déco. C’était très beau », raconte Philippe Limousin. « On veut lui redonner son lustre d’antan, dans un souci patrimonial », reprend Geoffroy Boulard. « L’idée est de retrouver une entrée visible, accueillante et fonctionnelle, de recréer le style caractéristique du réseau Nord-Sud, de lui redonner sa physionomie d’origine. »
Le projet de rénovation à l’identique a été porté par Déclic 17/18 dans le cadre d’un budget participatif. Pour rénover fidèlement l’entrée de la station (le coût de 700 000 € est intégralement financé par la Ville de Paris), la RATP a retrouvé un certain nombre d’éléments historiques, notamment un porte-plan de type Gobert et un ancien totem issu de la station Saint- Jacques qui avait été conservé et où il est écrit “Métropolitain”, marque du métro de cette époque.
Et ce sont des artisans chevronnés qui ont été choisis pour les différentes parties de la restauration. Les céramiques qui habillent les murs d’échiffre (les murs d’accès) et les poteaux soutenant les ferronneries, proviennent de la Céramique Lochoise, située près de Tours. La société a effectué un travail de recherche pour recréer des carreaux semblables aux originaux.
L’aspect originel de la station La Fourche. Son nom fait référence au carrefour en “Y” de l’avenue de Saint-Ouen et de l’avenue de Clichy © Collection RATP/Ernest Le Deley
Des travaux réalisés sans fermer l’accès à la station
« Au total, il a fallu produire 1 351 pièces de faïence pour les socles et les poteaux et 2 884 pour les murs d’échiffre », indique la RATP. « Pour ceux-ci, les carreaux aux tons miel et la frise florale colorée sont fabriqués selon la technique traditionnelle du pochoir avant cuisson. » La fabrication des ferronneries, de la main courante, des garde-corps et du totem, ainsi que la restauration et l’adaptation du porte-plan Gobert ont été confiées à l’entreprise Capaldi, ferronnier installé à Rungis, dont les salariés sont des Compagnons du Devoir.
Pour recréer le totem “Métropolitain”, ceux-ci ont réalisé les pièces à la main, sur la base des plans à échelle 1 fournis par le bureau d’études de la RATP. Enfin, les travaux de maçonnerie sont effectués par l’entreprise Sogéa, implantée en Ilede- France. Elle s’est chargée de réaliser une maçonnerie adaptée pour recevoir l’habillage carrelé. Les travaux de rénovation ont débuté mi-avril. Selon la RATP, le chantier va durer jusqu’à la mi-novembre, « sans fermer l’accès à la station durant l’ensemble des travaux », alors que la station enregistre plus de 15 000 entrées et sorties de voyageurs par jour.
L’accessibilité ne pourra pas être améliorée, en raison de contraintes de place empêchant l’installation d’un ascenseur, mais les travaux vont donner « un coup de mieux à l’avenue de Clichy, qui est en assez mauvais état, au-delà de l’esthétique de la bouche de métro », souligne Philippe Limousin.