Tous les ans, Nassira El Moaddem accomplit le voyage entre la France et le Maroc pour passer en famille ses vacances d’été. Mais après des années à le faire en voiture, puis en avion, elle a décidé de se rendre au « bled » en train. Pour conter cette aventure ferroviaire, la journaliste publie un livre qui oscille entre récit de voyage, guide pratique et autobiographie.
Journaliste et autrice (Les filles de Romorantin. Editions de l’Iconoclaste, 2019), Nassira El Moaddem publie chez Gallimard un livre qui constitue une belle déclaration d’amour aux voyages ferroviaires et qui ravive tous ses souvenirs forgés à bord des trains et dans les gares.
Elle revient avec une certaine nostalgie sur les longs trajets de son enfance, serrée au milieu de sa famille dans la Peugeot 505 lourdement chargée de cadeaux pour la famille et les amis marocains. De petites intentions qui prennent une grande place dans l’habitacle, jusqu’au toit où les bagages sont soigneusement empaquetés pour éviter les mauvaises surprises. Comme des millions de Marocains vivant en France, elle effectuait ainsi tous les ans, lorsqu’elle était enfant, le voyage entre les deux pays pour les grandes vacances d’été.
Entre ce voyage en voiture associé à l’enfance et celui qu’elle a plus tard, à l’âge adulte, effectué en avion, la journaliste a cherché et trouvé une nouvelle voie… la voie ferrée !
La relation intime qu’elle a construite avec le train a débuté dès l’enfance quand l’auteure habitait la petite ville de Romorantin (Loir-et-Cher), desservie par le Blanc-Argent, une ligne à voie métrique qui lui permettait de se rendre notamment à Salbris avec ses copines pour s’extraire des commérages locaux. Des années plus tard, elle remonte à bord du petit train, mais, cette fois-ci en compagnie de la famille qu’elle a fondée : « Aujourd’hui, après avoir échappé à tous les projets de fermeture de la ligne, le Blanc-Argent roule encore, plus rutilant que jamais avec ses michelines dernier modèle. Je suis si heureuse de le faire découvrir à mes enfants et, avec lui, ces épaisses forêts de Sologne que l’on fend en ligne droite… Grâce à lui survit une part indélébile de mon enfance. » Pour la journaliste, le train est synonyme d’aventures et de voyages au long cours, comme lorsqu’elle était étudiante en Turquie. A l’époque, elle était montée en gare d’Ankara à bord du Trans Asia Express qui assure la liaison entre Istanbul et Téhéran en Iran. Une expérience particulièrement marquante. Partout, où elle a étudié ou travaillé, elle a tenté de prendre le train. Un moyen de transport devenu un véritable plaisir. Et, accessoirement, à l’heure où l’urgence climatique nous oblige à plus de sobriété, le train lui permet de voyager en limitant ses émissions de gaz à effet de serre : « Sur le trajet Paris-Casablanca en train et ferry, nous émettons 30 kilogrammes de CO2 à nous cinq. Avec l’avion, nous laissions derrière nous une empreinte carbone de 708 kg de CO2, 24 fois plus que le train ! »
En mai 2022, elle décide donc de choisir le train et de traverser la France, l’Espagne, puis une partie du Maroc. Afin de glaner quelques informations utiles, elle poste, sur les réseaux sociaux, de virtuelles bouteilles à la mer en demandant si les internautes, notamment dans la communauté marocaine, ont des infos sur ce périple ferroviaire. « Soudain, je découvre une histoire qui m’était complètement inconnue, d’autres manières de rentrer au bled, parallèle, un peu secret, sortant de l’ombre où le règne incontesté de la voiture les avait jetées. » Elle retranscrit dans le livre le témoignage de six personnes qui ont accompli ce périple, à des époques et entre des villes différentes. Ces récits la confortent dans son projet, qu’elle construit patiemment.
Le 30 juillet sonne l’heure du départ. La petite famille va bientôt monter à bord du TGV 9713 à destination de Barcelona- Sant, première étape de son voyage. A Barcelone, Nassira El Moaddem propose ses adresses et ses bons plans, ce qu’elle fera à chaque étape du périple jusqu’à sa destination finale. Puis, retour en gare pour monter à bord d’un AVE de la Renfe qui accomplit le voyage entre la capitale de la Catalogne et Cordoue, au coeur de l’Andalousie. Une cité avec un important héritage islamique, mais aussi juif et catholique Bref, un parfait trait d’union entre la culture européenne et nord-africaine. Puis, elle monte en garde de Cordoue « à bord d’un confortable Media Distancia » qui l’emmène jusqu’à Cadix. Elle donne ensuite toutes les informations utiles pour prendre le car de Cadix à Tarifa et monter à bord du ferry qui assure la traversée jusqu’à Tanger. En gare de Tanger – Ville, elle monte enfin à bord du dernier train de son parcours, qui la conduit jusqu’à Casablanca.
Après la description de son trajet, elle entreprend de regrouper dans un chapitre les informations pratiques essentielles pour organiser son propre voyage jusqu’au Maroc. Ainsi, vous pourrez vérifier si, comme l’écrit la journaliste, « le train, c’est un voyage initiatique, une invitation à la rêverie, même pour les plus courtes distances. Le train est inégalable… même pour rentrer au bled ! »
Et si on rentrait au Bled en train ? France – Maroc – France de Nassira El Moaddem. Éditions Gallimard Loisirs. (2025) Prix : 19,90 euros