Avec une part de marché divisée par deux en 25 ans, le fret ferroviaire vit une longue descente aux enfers due à une complexe conjugaison de facteurs. Le pacte ferroviaire du printemps 2018 prévoit un certain nombre de mesures de redressement, mais le mal est profond…
Le fret ferroviaire français va mal. Et pourtant, les plans de relance se suivent avec un changement de politique quasiment tous les cinq ans. Le dernier date du printemps 2018.
Quelle est la situation ? Les difficultés ne sont pas récentes. Le déclin démarre en 1973 avec le choc pétrolier : de 75 milliards de t.km en 1974, il passe à 64 en 1975. Il est de 55 milliards de t.km en 1998. Ses parts de marché chutent de 25 % dans les années 70 quand celles de la route augmentent de 30 %. Elles sont de 17 % en 1995. Durant les années 90, alors que la vitesse des trains de fret passe à 100 km/h, cinq des 27 triages sont fermés ainsi que 3 000 km de lignes dédiées au fret. Cependant, l’État fixe l’objectif ambitieux de multiplier par deux le transport de fret par le fer, soit 100 milliards de t.km d’ici 10 ans. Pour y parvenir, il autorise même la SNCF à passer commande d’environ 800 locomotives : 180 BB 27000, 60 BB 37000, 400 BB 75000 et 160 BB 60000. Au final, pour les locomotives diesels, il n’y aura que 200 BB 75000, 75100 et 75400. Sans oublier que l’Infrastructure prendra à son compte 20 BB 60000 et 34 BB 75000. Entre 2000 et 2005, alors que la production industrielle augmente de 9 %, le trafic chute de 30 %. À la veille de l’ouverture à la concurrence, le fer transporte 40 milliards de t.km. En 2005, l’État recapitalise Fret SNCF pour 1,4 milliard d’euros. Le plan de restructuration associé se traduit par la fin du wagon isolé et la réduction de moitié du personnel. Les concurrents arrivent en 2003 à l’international et surtout en 2006 au trafic intérieur. Ils révèlent un coût plus élevé de l’opérateur historique de 20 à 30 %. Ils amènent peu de nouveaux marchés. Mais surtout, ils prennent en fait des marchés existants à SNCF : le gâteau ne grossit pas, il est partagé. En 2008, c’est 15 % des tonnages du fret ferroviaire pour les opérateurs privés ; 25 % en 2012, 40 % en 2017.
D’ailleurs, la SNCF s’en doutait car, dès 2007, elle crée via sa filiale Ermewa une société baptisée Akiem de gestion de locomotives (acquisition, maintenance et location). Akiem reçoit donc une partie du parc surnuméraire de Fret SNCF comme des locomotives BB 27000, 37000, 36000, 75000 et locotracteurs Y 8000. Plus de 250 locomotives sont ainsi cédées. Et pour faire face à des trafics ponctuels ou nouveaux, Fret SNCF n’hésite pas à venir louer des engins chez Akiem. Idem pour les BB 75300 utilisées pour la traction de trains Intercités de nuit. Akiem loue aussi aux concurrents de SNCF comme Thello ou ECR.
Entre 2004 et 2010, le trafic chute de 40 % quand il augmente de 27 % en Allemagne. En 2007, SNCF lance un nouveau plan. En 2009, le Grenelle de l’Environnement tout comme les Assises du ferroviaire de 2011 misent sur développement du fret ferroviaire autour de quatre axes : l’autoroute ferroviaire, l’essor du combiné, la desserte des ports et les opérateurs fret de proximité (OFP). En 2012, le ferroviaire transporte 32 milliards de t.km, une valeur autour de laquelle il va se stabiliser. Il est vrai qu’entre 2008 et 2014 le transport des marchandises a chuté de 14,3 %, tous modes confondus. Le fer est le plus impacté avec une baisse de 20 %, 12 % seulement pour la route.
En 2016, avec 32,2 milliards de t.km, le fer représente 9,9 % des parts de marché ; 88 % pour la route avec environ 290 milliards de t.km et 2,1 % pour le fluvial (7,8 milliards de t.km). Fret SNCF représente 60 % des parts de marché du ferroviaire, soit 40 % aux entreprises privées dont VFLI, filiale de SNCF. Le chiffre d’affaires de Fret SNCF était de 903 millions d’euros en 2017 avec des pertes de 120 millions d’euros (314 millions en 2016). La dette cumulée atteint 4,3 milliards d’euros (repris dans les 7,9 milliards de SNCF Mobilités). Elle était de 1,8 milliard en 2008.