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  • (c) Fénino/Photorail-La Vie du Rail

    Un conducteur sur une 060-DB en juin 1957.

  • Georges Ribeill

  • © Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (PO)

    Garantie de l’emploi, maintien du salaire en cas d’accident et retraite sont les éléments clés du statut élaboré par les compagnies. Ici, les ateliers de Tours de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (1925).

Cheminots. Aux origines du statut

13 mars 2018
- -
Par : Propos recueillis par François Dumont

Depuis l’annonce de la réforme de la SNCF, un sujet fâche plus que d’autres : la remise en question du statut de cheminot. Georges Ribeill, historien du rail, revient sur l’origine de ce statut.

 

La Vie du Rail. Le gouvernement veut mettre fin à l’embauche des cheminots au statut. C’est un grand choc pour beaucoup de cheminots. Mais de quoi parle-t-on ?

Georges Ribeill. Le mot statut tel qu’on l’entend communément aujourd’hui recouvre tout un ensemble de particularités professionnelles et sociales, dont le statut proprement dit, le régime de retraite, les facilités de circulation.


 

LVDR. D’où vient ce statut, comme vous l’entendez, au sens large ?

G. R. Il est né en trois étapes. Il faut remonter pour le comprendre aux débuts du chemin de fer. Au XIXe siècle, en France, des compagnies privées se lancent dans le chemin de fer, en retard par rapport à l’Angleterre tant que n’était pas tranché le débat politique : faut-il confier les chemins de fer à l’État ou à des compagnies privées ? On a tranché pour des concessions à des compagnies privées tenues, en vertu du lourd cahier des charges qui consacre un service public, à « exécuter constamment, avec exactitude et célérité tous les transports qui leur seront confiés. » Tout commence ainsi vraiment lorsqu’est votée en 1842 la célèbre « étoile Legrand », six grandes artères rayonnant autour de Paris.

Les compagnies concessionnaires, tenues à faire du profit, réalisent très vite l’importance de leurs recrues comme facteur économique : alors qu’une locomotive c’est compliqué à concevoir, à construire, à conduire et à entretenir, on ne s’improvise pas mécanicien. Les nombreux métiers du rail n’existent pas sur le marché du travail, qu’aucune école d’ingénieurs ne forme. Les compagnies font donc appel à des mécaniciens anglais ou belges pour former leurs recrues. En dehors des ateliers du Matériel, l’apprentissage d’un grand nombre de métiers du rail, ceux de l’exploitation et de la traction notamment, se fait ainsi sur le tas : gardes-voies, gardes-signaux, mécaniciens, chauffeurs, agents des trains, plus tard aiguilleurs.

Les compagnies pourraient être tentées d’ajuster leurs effectifs aux trafics, comme un fabricant de savon ajuste sa fabrication à la demande. Mais, en 1847, la « bulle » spéculative de la railway-mania française crève, les trafics s’effondrent, c’est une grave crise subie par les compagnies. Mais pas question de licencier les personnels qu’elles ont formés, pour leur demander de revenir une fois les beaux jours revenus… Les agents acceptent la dureté des métiers du rail exposés aux intempéries et aux accidents, à condition d’avoir des garanties. Alors, très vite, les compagnies mettent en place le commissionnement. Après quelques mois d’essai, on donne à l’agent une « commission », comme pour les fonctionnaires. C’est un papier officiel dans lequel la compagnie précise la mission de l’agent, son affectation et son grade, avec garantie implicite de l’emploi. Les agents sont des quasi-fonctionnaires…


 

LVDR. Première étape donc, la commission, ou garantie de l’emploi. Quelle est la deuxième ?

G. R. Les compagnies tiennent comptent des risques physiques sérieux que l’on court dans ce métier. À l’agent malade, hospitalisé, voire infirme…, on assure un salaire complet d’abord, puis un demi-traitement…, car il est admis tacitement que son épouse ne travaille pas et que le ménage doit pouvoir survivre. Et, en cas de décès même, « soyez rassuré, votre veuve touchera une indemnité importante et conséquente », voire un emploi de bibliothécaire en gare !


 

LVDR. Reste la retraite…

G. R. C’est effectivement la troisième étape. Les caisses de retraite dont ne bénéficient jusqu’alors quasiment que les militaires et les fonctionnaires, apparaissent dans les chemins de fer dans les années 1850. Une compagnie considère qu’elle a tout intérêt à s’assurer de la fi – délité de l’agent à son service en lui offrant cet avantage appréciable en fin de carrière, comme suspendu au bout d’un mât de Cocagne. Chaque compagnie fixe ses barèmes, fonctions du métier et de l’âge selon un système de capitalisation où l’agent cotise, où la compagnie abonde. Bénéficier d’une pension à 55 ou 60 ans n’en fait pas un privilège extraordinaire, lorsque l’espérance de vie est alors de cet ordre de grandeur ! C’est à la Compagnie du Nord contrôlée par Rothschild, que l’âge de la retraite du mécanicien sera généreusement fixé à 50 ans, plus tardivement dans les autres compagnies.


 

LVDR. En définitive, que représente cette première forme de « statut » ?

G. R. Issues d’un calcul plus intéressé que philanthropique, ce sont un ensemble de conditions statutaires au sens sociologique, des « chaînes dorées » dans lesquelles sont enserrés les « prolétaires du rail » par contraste avec les autres salariés du privé. Sans État providence, sans syndicats, les compagnies ont élaboré ainsi un corporatisme introverti : des agents coupés du marché du travail, isolés dans des cités cheminotes, où les fils de cheminots seront des recrues privilégiées, tôt acculturées à la noblesse et aux servitudes du Rail. Coopératives ici, économats là, mutuelles, ouvroirs, orphéons parachèveront cette « société cheminote », monde idéalement clos sur lui-même. C’est ainsi que les compagnies répondent aux exigences d’un chemin de fer qui fonctionne jour et nuit, d’un service public que ne doivent pas interrompre les tempêtes physiques ou sociales, neige ou grève. Des dispositions semblables se retrouvaient dans les compagnies d’omnibus et du gaz, et plus tard de l’électricité ou du métro… On a ainsi fabriqué des corporations privilégiées, dont les agents ne sont pas des prolétaires comme les autres, dont les « privilèges » relatifs doivent noyer les revendications classiques : salaires, durée et horaires de travail décalés, repos compensateurs…


 

LVDR. Si les syndicats ne sont pas à l’origine du statut, à quel moment interviennent-ils ?

G. R. À partir des années 1890, s’ouvre une deuxième étape dans l’histoire. Ce qui fait problème, c’est le régime arbitraire de toutes ces « faveurs » : patronages, recommandations, clientélisme viennent heurter les exigences d’équité sociale auxquelles sont attachés tous les syndicats ; tout comme les sanctions, de la réforme à la révocation. Les inégalités sociales entre compagnies alimentent l’idée qu’il faut les réduire, en les harmonisant par le haut évidemment !

Durant ces années 1890-1914, les gouvernements « rad’ soc’ » de centre gauche, s’engageant aux côtés des syndicats cheminots, comptent sur leur soutien électoral en retour. Ainsi, le rachat en 1908 par l’État de la Compagnie de l’Ouest en déconfiture, le vote en 1909 d’un régime de retraites commun à toutes les compagnies, devenu rétroactif même en 1911, consolident des « acquis » dispersés.


 

LVDR. Quel rôle va jouer le Réseau de l’État ?

G. R. Avec le rachat de l’Ouest, le Réseau d’État change de dimension. À sa tête, un personnage capital impulse la troisième étape de notre histoire. C’est un Périgourdin, Albert Claveille, conducteur des Ponts et Chaussées promu à la force du poignet ingénieur des Ponts, sans être polytechnicien. En 1912, directeur des Chemins de fer de l’État, qui se doit d’être une « vitrine sociale », il rédige le premier statut des cheminots de l’État. Recrutement, notation et avancement, discipline, délégations du personnel, etc., c’est une avancée énorme ! Devenu en 1917 ministre des Travaux publics, reconnaissant après guerre aux cheminots de tous les réseaux le mérite d’avoir contribué à la victoire, il leur dira : « Vous avez mérité un statut. » Et, avec l’appui des syndicats réformistes, ce statut unique, décalque amélioré du statut de 1912, sera imposé en 1920 aux compagnies, hostiles. Un statut dont des articles garantissent la représentation syndicale élective, 16 ans avant que le Front populaire l’étende au secteur privé…


 

LVDR. Ce statut de 1920, c’est bien l’ancêtre de celui d’aujourd’hui ?

G. R. Oui. Le statut stricto sensu actuel est l’héritier de cette construction progressive, née des compagnies privées, avant d’être codifiée, rigidifiée et généralisée par l’État rad’soc’, peut-on dire. En 1938, ce statut sera remplacé par une convention collective, mais rétabli en 1950. Dans ces « entreprises à statut du personnel » que sont la RATP, EDF et la SNCF, les syndicats ne négocient pas librement les salaires, la masse salariale étant plafonnée par l’État. Ce modèle social fonctionne encore bien dans les années 50 à la SNCF, durant ces Trente Glorieuses où les lourds marchés captifs de fret subventionnent tous les autres… Idéalement, le cheminot est fils de cheminot, vit dans une cité de cheminots, lit La Vie du Rail, hebdomadaire corporatif, jardine cheminot, etc.


 

LVDR. Quelles évolutions ont fini par mettre à mal le statut ?

G. R. Déjà, depuis 1938, la SNCF doit réduire ses effectifs, faire de la « productivité ». Concentrer ses établissements en est l’une des manifestations les plus constantes ! Sur le plan des techniques d’exploitation, on mécanise, automatise, numérise, digitalise… Mais en quête de polyvalence, de flexibilité, le processus se heurtera dans les années 1980-1990 au corset institutionnel hérité. Sur la très longue durée, on peut dire que les « patrons » se sont pris les pieds dans le tapis, piégés par le carcan qu’ils ont construit et dont ils ont longtemps tiré profit. D’où le recours à de nouveaux modes de recrutement et de gestion du personnel, l’individualisation de la notation, l’intéressement, le management par projet ; pour contourner le statut, on aura recours à des agents contractuels ou à l’externalisation possible de divers métiers dans des filiales, telles VFLI pour le fret ou Effi a pour les voyageurs.


 

LVDR. Quel sens a aujourd’hui la défense du statut ?

G. R. Tous les métiers du rail ont évolué, et il faut se garder de vouloir satisfaire un cheminot standard ou « moyen ». Au lieu de tenir des discours généraux sur le statut, il faut enquêter, filière par filière, pour comprendre ce qui se passe vraiment en matière de conditions de travail. Pour défendre le statut, on invoque le travail de nuit des cheminots et les compensations qu’il mérite. Mais avec la quasi-disparition des trains de nuit, avec l’effondrement du fret, qui travaille encore de nuit ? Les gares sont fermées à 22h. Certes, la nuit il y a quelques trains de travaux. Et les agents de la voie qui, eux, travaillent plus souvent de nuit. Les PC ? Il faudrait enquêter, il y a eu un tel remue-ménage dans les métiers du rail… Dans la vie privée, c’est pareil. Un exemple. Les agents ne veulent plus vivre dans les logements en gare qui leur étaient destinés autrefois et les fixaient pour partie à pied d’oeuvre… Aujourd’hui, 52 % des cheminots sont propriétaires de leur logement. Le modèle ancien du cheminot logé en gare, dans le quartier cheminot ou dans la cité cheminote, dont la femme ne travaille pas, qui déménage au gré de ses galons, est révolu ! Et l’agent de la SNCF ne part plus en vacances en famille, en train. Il prend sa voiture, ou l’avion… Les contraintes et servitudes du Rail qui ont fait la noblesse de nombre de ses métiers, n’ont pas disparu, mais se sont plutôt déplacées…


 

Ce qu’ils en disent

« Le statut à la SNCF est particulièrement rigide. Or, le monde change, la SNCF doit changer aussi. » Édouard Philippe, Premier ministre

« Le statu quo n’est pas possible. » Élisabeth Borne, ministre des Transports

« Je ne serai pas le patron de la CGT Cheminots qui enterrera le statut. » Laurent Brun, secrétaire général de la Fédération CGT des cheminots

« Le statut n’est pas du tout un frein aux conditions économiques du ferroviaire. » Roger Dillenseger, secrétaire général de l’UNSA Ferroviaire



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