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51)Le premier pendulaire allemand (Cet article est paru il y a 20 ans.)
Au service d’été, l’ICT reliera Stuttgart à Zurich. Cet « ICE pendulaire », comme le désignent déjà les Allemands, allie performances et raffinements.
Le 15 avril dernier, Johannes Ludewig, président de la DBAG, présentait officiellement, en gare de Stuttgart, le nouvel ICT (Inter-City Triebwagen, automotrice pour services intercités), entouré des représentants des constructeurs Bombardier, Siemens et Fiat Ferroviaria. « Un matériel qui se distingue des générations antérieures d’ICE, en illustrant le nouveau rôle défini pour l’industrie », a souligné à cette occasion Herbert Steffen, tout récemment nommé à la tête du groupe Transport de Siemens. Une façon de rappeler que l’époque pas si lointaine durant laquelle la DB avait concocté son ICE 1 dans les moindres détails est aujourd’hui révolue… L’ICT est le premier train pendulaire allemand conçu pour les relations à grande distance.
Outre-Rhin, cette technologie avait été jusqu’ici réservée au seul matériel régional : automoteurs diesels VT 610 de 1992, utilisés avec succès sur la région de Nuremberg, puis VT 611 de 1997, tristement célèbres pour leur interminable mise au point…
D’emblée, l’ICT a été pensé pour pouvoir être décliné selon les modes de traction « électrique » (vitesse limite 230 km/h) et « diesel-électrique » vitesse limite 200 km/h). La DB a ainsi commandé 32 éléments automoteurs électriques à sept caisses (ICT 7 série 411), onze autres à cinq caisses (ICT 5 série 415, dont cinq éléments seront également aptes à circuler sur le réseau helvétique), et enfin vingt éléments automoteurs diesels à quatre caisses (ICT-VT série 605). La série 411, qui sera numériquement la mieux représentée, fait de surcroît l’objet d’une option supplémentaire de 40 unités. Tout ou partie de cette tranche optionnelle devrait être constituée d’éléments polycourant aptes, par exemple, au continu 3 kV pour la relation Berlin- Vienne via Prague. Autant dire que ce matériel affiche d’ores et déjà une vocation internationale…
Pour la construction des ICT électriques, le consortium, piloté par DWA (Deutsche Waggonbau AG), regroupe à la fois Siemens, sa filiale Düwag, Bombardier, ainsi que Fiat Ferroviaria pour les bogies et le système hydraulique d’inclinaison des caisses. Les mêmes industriels oeuvreront sur la version diesel-électrique, mais c’est alors Siemens qui assurera le pilotage du consortium…
Un gain de dix-sept minutes entre Stuttgart et Zurich
Premiers à être livrés, cinq ICT 5 adaptés à la circulation sur les lignes des CFF (Chemins de fer fédéraux suisses) sont déjà affectés au dépôt de Munich. Après une campagne d’essais entre Nuremberg et Leipzig, ils seront engagés au service d’été, dès le 30 mai prochain, sur Stuttgart-Zurich, réduisant le temps de trajet entre ces deux métropoles de 17 minutes. Les éléments suivants évolueront sur les relations Munich-Leipzig-Berlin, Sarrebruck- Mannheim-Francfort- Dresde/Berlin, voire Salzbourg- Karlsruhe et Düsseldorf-Erfurt. Quant aux premiers ICT diesels, ils seraient engagés à partir de la fin de l’année sur les itinéraires, partiellement sous caténaire, Nuremberg-Dresde et Munich-Lindau-Zurich.
Des gains d’environ 20 % sont escomptés sur les temps de parcours…
Le grand retour des trains à tranches multiples
Tout comme l’ICE 3, l’ICT se distingue fondamentalement des deux premières générations d’ICE par l’adoption du concept de « motorisation répartie », qui sous-entend également la répartition de l’ensemble des équipements de traction et auxiliaires.
Ce concept présente deux avantages majeurs : il augmente la longueur utile de la rame – et donc sa capacité en voyageurs d’environ 15 % –, et surtout il diminue la charge à l’essieu, ce qui évite un accroissement trop pénalisant des sollicitations en courbe lié à la circulation à vitesse plus élevée. Dépassant légèrement les 15 t, la charge à l’essieu de l’ICT nous semble toutefois un peu forte, surtout si on la compare à celle des Pendolini… Avec une inclinaison maximale des caisses de 8 °, L’ICT peut théoriquement circuler à 230 km/h en courbe de 1 600 m de rayon. La répartition de la motorisation s’effectue selon un principe modulaire, le module unitaire étant constitué d’une remorque pilote, d’une motrice intermédiaire avec l’électronique de puissance, et d’une motrice intermédiaire avec le transformateur (aisément reconnaissable puisque porteuse du pantographe !). Deux modules réunis dos à dos par l’entremise d’une remorque intermédiaire forment un ICT 7 série 411. Pour composer un ICT 5 série 415, il suffit d’ajouter à un module unitaire une motrice intermédiaire avec électronique de puissance ainsi qu’une remorque pilote. De même, on pourrait parfaitement envisager à l’avenir un ICT 8 (à huit caisses) en intercalant deux remorques intermédiaires entre deux modules unitaires, voire un ICT 6 (à six caisses) en réunissant simplement dos à dos deux modules unitaires : un vrai jeu de construction ! De plus, les ICT sont équipés à leurs deux extrémités d’un attelage automatique intégral Scharfenberg, qui permettra de constituer des unités multiples de deux ICT 7, voire trois ICT 5. Les Allemands préparent ainsi le grand retour des trains « à tranches multiples », une offre commerciale très alléchante pour les voyageurs, qui vont pouvoir disposer de nouvelles relations couvertes par voitures directes, sans rupture de charge, et sans les stationnements prolongés liés aux manoeuvres avec le matériel conventionnel…
Du cuir sur les sièges, du bois sur les parois
Tout l’équipement électrique de l’ICT, du transformateur à l’électronique de puissance, est monté sous plancher. Seul l’essieu intérieur des deux bogies de chaque motrice intermédiaire est moteur, tandis que les convertisseurs des auxiliaires prennent place sous les remorques pilotes. En dépit d’une section de caisse moins généreuse que celle des ICE – respect du gabarit à angle maximal d’inclinaison oblige –, le confort de l’ICT, dont le design est signé Neumeister, apparaît d’emblée particulièrement soigné. En 1re classe, le choix du cuir pour le revêtement des sièges ainsi que celui du bois pour l’habillage des parois confèrent à l’ensemble un extrême raffinement, qui n’était sans doute plus de mise dans les chemins de fer depuis la disparition des voitures Pullman. La présence d’une voiture-restaurant, offrant 24 places, renforce cette impression.
Des vitres qui foncent en cas de danger
Particularité de l’ICT comme de l’ICE 3, une cloison ainsi qu’une porte d’accès entièrement vitrées séparent la cabine de conduite de l’espace réservé aux voyageurs et permettent à ces derniers d’avoir l’impression de regarder pratiquement « par-dessus l’épaule du conducteur ». Cloison et porte sont toutes les deux réalisées en glace phototrope. Elles peuvent par conséquent devenir transparentes ou bien opaques selon la tension électrique qui leur est appliquée. Ainsi, les conducteurs, peut-il, quand il le désire, priver quasi instantanément les voyageurs de la vision frontale, cette disposition devant normalement être mise en oeuvre seulement « en cas de danger ».
Des aménagements au gré des modes
Notons enfin que les caisses d’ICT sont construites selon la technique dite du « chaudron vide », qui permet un retrait facile des aménagements intérieurs, pour leur en substituer, par exemple, de nouveaux, qui prennent en compte l’évolution des goûts… Astucieux, l’ICT ! Le prix de cette petite merveille, dans sa configuration électrique à sept caisses et 357 places assises, atteint tout de même les 25 millions de marks, soit environ 90 millions de francs…
Chère pendulation
Train pendulaire pour longues distances, l’ICT joue dans la même cour que le X 2000 suédois, les ETR italiens ou l’ICN suisse. Mis en service en 1990, le « pendulaire qui vient du froid » se distingue de ses congénères par sa motorisation concentrée : une motrice, qui ne pendule pas, est attelée à cinq remorques à caisse inclinable, dont une pourvue d’une cabine de réversibilité. Pour les trois autres trains européens, la motorisation répartie est bien sûr de règle. Côté vitesse, l’ICT se situe à mi-chemin entre l’X 2000, plafonné à 200 km/h, et les ETR, aptes à courir à 250 km/h. Quant à son prix, environ 90 millions de francs pour sept caisses, il avoisine celui d’une rame TGV Réseau (deux motrices encadrant huit remorques) qui, elle, peut circuler, en service commercial, à 320 km/h. Pour rester dans le domaine des pendulaires, un ETR 470 vaut à peu près 100 millions de francs. Même s’il faut se garder de toute comparaison hâtive, force est de constater que la pendulation, c’est loin d’être donné.
Cet article est tiré du numéro 2695 de La Vie du Rail paru le 5 mai 1999 dont voici la couverture :