Une petite demi-douzaine d’opérateurs ferroviaires a développé une activité significative sur le marché français suite à l’ouverture à la concurrence du fret. Ils s’arrogent aujourd’hui environ 40 % du marché, mais n’ont permis d’enrayer ni la chute du trafic global, ni l’érosion de la part modale.
C’est une petite lueur d’espoir… La dégringolade du fret ferroviaire en France aurait enfin cessé, estiment la plupart des opérateurs à la lumière des résultats des deux ou trois dernières années. En 2017, selon le dernier rapport de la Commission des comptes des transports de la Nation, le transport ferroviaire de marchandises en France a atteint un volume de 33,4 milliards de tonnes-kilomètres, en hausse de 2,7 % par rapport à l’année précédente. Cette croissance a été tirée par l’international (+6,2 %, transit compris) car le transport national, qui représente 62 % de l’activité, ne s’est quant à lui redressé que de +0,6 % par rapport à 2016.
Ces bonnes nouvelles sont toutefois à considérer avec prudence. D’abord parce que la hausse de 2017 intervient après une lourde chute en 2016, liée notamment à des mouvements sociaux et à une piètre récolte céréalière. C’est donc bel et bien de stabilité et non de reprise qu’il convient de parler pour l’instant. Marquée à nouveau par des grèves, 2018 devrait d’ailleurs s’inscrire en baisse D’autre part, si l’on observe la tendance des deux dernières décennies, les chiffres sont cruels. Les 33,4 milliards de tonnes-kilomètres de 2017 sont à mettre en face des 50 milliards du début des années 2000. L’ouverture du marché à la concurrence, effective en 2006, n’a pas permis d’enrayer la chute, et la part modale du ferroviaire en France se situe désormais autour de 10 %, voire un peu moins, quand elle s’élève à environ 18 % en Allemagne.
Pire encore : en dix ans, les opérateurs ferroviaires privés se sont certes taillé une vraie place puisqu’ils représentent aujourd’hui 40 % des trafics exprimés en tonnes-kilomètres (31 % hors filiales de la SNCF, indique la Commission des comptes des transports de la Nation), mais la rentabilité n’est peu ou pas au rendez-vous. ECR, filiale du groupe Deutsche Bahn a dû procéder en 2017 à une restructuration assortie d’un plan social. Et l’activité fret de Colas Rail, filiale du groupe Bouygues, est aujourd’hui à vendre.
Faut-il en déduire que cette ouverture est un échec, comme le fait sans hésitation la CGT Cheminots, en déplorant « l’attrition de l’appareil productif ». « Certainement pas, tonne André Thinières, délégué général de l’association Objectif OFP. La dégringolade a commencé bien avant l’ouverture à la concurrence. En 2007, on était déjà tombé à 36 milliards de tonnes-kilomètres. »