Âgé de 93 ans, Guy Verrier est l’un des derniers témoins privilégiés de la genèse du projet d’une ligne et d’un train dédiés à la grande vitesse, avant même de devenir l’un des projets confiés au service de la Recherche de la SNCF, le fameux projet « C03 ». C’est en tant qu’ingénieur d’études de l’infrastructure qu’il a participé à la concrétisation du projet, en étudiant notamment le tracé de la ligne à grande vitesse et les conditions techniques de sa réalisation, alors que la SNCF avait perdu ses compétences dans ces domaines depuis la reconstruction de son réseau après guerre. Il rappelle l’inspiration heureuse tirée des techniques autoroutières, jumelage des tracés et consistance des terrassements. Dans le système de la grande vitesse à la française, si LGV et TGV forment un ensemble technique étroitement intégré, il faut rappeler que la conception d’une LGV à la fois sûre et économique a été l’un des atouts essentiels pour obtenir l’accord des politiques.
1963, une embauche tardive à la SNCF
Je dois rappeler brièvement les débuts de ma carrière, jusqu’à ma nomination le 1er janvier 1968 à la direction des Installations fixes (DIF) de la SNCF. Passionné très jeune par les travaux publics, la lecture d’un Que sais-je ? (Les Grands Travaux de Pierre Devaux) et la visite du musée des Travaux publics ont beaucoup contribué à consacrer ma vocation. En 1945, l’adolescent de 16 ans que j’étais alors se voyait contraint de travailler, avec pour seul bagage, le brevet élémentaire. Au lieu d’entrer à la Caisse d’Épargne, comme prévu par mon entourage, je préférais être embauché comme auxiliaire au service des Ponts et Chaussées de Fontainebleau. Je savais que, grâce aux concours internes, cette administration offrait de belles possibilités de carrière, si on ne ménageait pas sa peine. En 1949, reçu adjoint technique et nommé au service de la Navigation de la Seine, je participais très activement à la construction de la piste de Brétigny jusqu’à fin 1952. En 1953, ingénieur des Travaux publics de l’État (« ingénieur TPE »), j’étais nommé au Service technique des phares et balises.
Avec le développement de l’automobile, des premières autoroutes et surtout des liaisons aériennes intérieures grâce à la création d’Air Inter, apparaissait dans les années 1960 une concurrence directe au trafic voyageur de la SNCF.
Forts des records de vitesse sur rail de 1955 et de la première exploitation commerciale à 200 km/h sur la ligne Paris-Toulouse entre Orléans-Les-Aubrais et Vierzon, les dirigeants de la SNCF ont bien perçu dès cette époque que le chemin de fer avait des atouts pour défendre ses positions sur ce marché des transports intercités, et que la durée des voyages serait déterminante pour l’avenir.
Et, petit à petit, le projet TGV (c.-à-d. une admirable légende ferroviaire des temps modernes) a commencé à prendre forme et à se transférer sur les rails.