Depuis son retour en 1994 dans la capitale alsacienne, le tramway est devenu l’élément moteur des déplacements urbains. En croissance continuelle, souvent par petites touches, le réseau compte désormais six lignes. Une nouvelle extension a vu le jour en avril dernier et deux autres sont à venir, dont l’une, une première pour un réseau français contemporain, va pénétrer avec plusieurs stations en terre allemande.
C’est par une cérémonie funèbre d’un goût douteux que les édiles strasbourgeois ont « enterré », le 1er mai 1960, un réseau de tramways apparu en 1878. Cette solution radicale réalisée « au nom du progrès » place l’agglomération dans une situation délicate pendant plusieurs décennies. Dès la fin des années 70, on envisage le retour d’un mode de transport lourd en site propre pour faire face à d’inextricables problèmes de circulation. Les études réalisées proposent un réseau articulé sur deux lignes en X avec traversée souterraine du centre-ville. Ce projet qui vise à maintenir les circulations en surface s’appuie sur un système de type tramways sans que le nom, toujours tabou, en soit prononcé. Le retour du tram en 1985 à Nantes et la réalisation à partir de 1987 d’un réseau traversant le centre historique de Grenoble plaident pour une solution identique à Strasbourg. Pour autant, la géographie de la cité, ses axes de circulation et son patrimoine classé conduisent toujours à envisager un réseau partiellement enterré en centre-ville. Face aux coûts d’un tel chantier, l’idée d’un métro se dégage progressivement. À la fin des années 80, un projet de VAL est étudié pour Strasbourg.
Dans la foulée de l’ouverture du réseau lillois, le métro automatique apparaît comme une solution pertinente préservant la circulation automobile et la topographie générale de la ville. On prévoit alors une ligne en Y reliant Illkirch et Hautepierre avec une antenne se détachant place Kléber vers le palais des congrès. Convaincue par le projet, la municipalité opte clairement pour le VAL contesté quant à lui par l’opposition. Les élections de 1989 changent la donne et la nouvelle équipe, qui a ouvertement pris parti pour le tram remporte, le scrutin. Parmi les arguments qui ont fait mouche, la possibilité de réaliser avec le budget du VAL un réseau plus long en tramway. De cette guerre métro/tram qui connaît alors en France d’autres épisodes à Bordeaux ou à Rouen, le réseau strasbourgeois conserve une traversée souterraine au niveau de la gare. 1 200 m de galerie sont creusés au tunnelier entre les stations Ancienne-Synagogue- Les Halles et Rotonde tandis qu’une imposante station Gare- Centrale s’étend sur trois niveaux souterrains. La première ligne de tramways reprend un tracé très proche du VAL entre Illkirch au sud et Hautepierre au nord. Elle est ouverte le 28 novembre 1994, limitée dans un premier temps à Baggersee, la municipalité d’Illkirch s’opposant à son prolongement sur son territoire.